Réalité numéro 49 du mercredi 30 avril 2003 |
|||
|
|||
Sommaire |
- Éditorial
- Brèves nationales
- Le mensonge permanent (4)
- La Jeunesse de Tadjourah nous écrit
- Nécrologie
- La face immuable du pouvoir
Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED
Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD
Dépôt légal n° : 49
Tirage : 500 exemplaires
Tél. : 25.09.19
BP : 1488. Djibouti
Site : www.ard-djibouti.org
Email : realite_djibouti@yahoo.fr
Éditorial
1ER MAI DJIBOUTIEN : LA DÉFAITE DU TRAVAIL
Dans notre éditorial de l’an dernier consacré à cette occasion, nous écrivions, à la faveur d’une timide ouverture syndicale de la part du régime, que cette flamme devait à présent devenir lumière. Force est malheureusement de constater que sous nos cieux, le monde du travail a peu à fêter et beaucoup à revendiquer.
Sans même évoquer les dysfonctionnements de l’Ecole, dont l’inadéquation avec le marché du travail a été largement démontrée par les professionnels eux-mêmes, les chances d’obtenir un emploi se réduisent de plus en plus. Ce n’est pas un hasard si aucune statistique officielle n’est disponible sur le chômage qui frappe près de 75% des jeunes : il y a des réalités qu’un gouvernement paresseux est obligé de cacher.
Pour les privilégiés qui arrivent à se faire une place, ils ne sont pas logés à la même enseigne selon qu’il s’agit du privé ou du public. Dans le premier cas, les travailleurs ont au moins une consolation : c’est que, toutes proportions gardées, ils y sont moins exploités. En effet, sauf problème de trésorerie parfois inhérent au risque de l’entreprise privée dans le contexte qui est le nôtre, l’employeur respecte le contrat de travail au sens où les salaires sont normalement versés à la fin de chaque mois et où l’avancement n’est pas gelé. Car, dans le second cas, c’est peu dire que l’employeur, l’Etat, viole allègrement ses obligations à l’égard de ses agents.
Il s’agit des retards de salaire qu’aucun état de guerre ne justifie plus. Une réaffectation rationnelle des dépenses publiques, fondée sur une priorité accordée à la relance par la consommation, donc par le renforcement du pouvoir d’achat des ménages, aurait normalement incité tout gouvernement responsable et soucieux du bien-être social à résorber cette dette intérieure qui obère durablement l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Pourtant l’impôt « patriotique » perdure sous une autre forme, ponctionnant sans raison sérieuse le faible revenu des ménages dans un pays tributaire de l’extérieur à 99%.
Il s’agit aussi, si les agents de l’Etat nourrissaient des velléités revendicatrices pour être restaurés dans leurs droits fondamentaux, de la situation dramatique dans laquelle se trouve le syndicalisme djiboutien. Quand on sait qu’il existe au ministère de l’Emploi et de la Solidarité Nationale une ligne budgétaire officiellement affectée à un « Service des Libertés Syndicales », la parodie prêterait à sourire si n’étaient en jeu la situation personnelle de tous les syndicalistes abusivement licenciés pour fait de grève (qui, rappelons-le, attendent encore leur réintégration et leur indemnisation) et la situation collective d’un syndicalisme libre, seul garant de la protection des travailleurs contre toutes les formes d’abus ou d’exploitation. Or, la plus intolérable exploitation, c’est celle dont sont victimes tous les agents de l’Etat, par les traitements non versés comme par le gel des avancements. Pourtant, la récente manne financière consécutive au regain du terrorisme international, pour peu qu’elle soit utilisée dans la transparence et affectée dans le sens des urgences, pourrait permettre au gouvernement de verser tous les salaires en souffrance et même de procéder, après onze années de sacrifices imposés, au déblocage des avancements dans la fonction publique.
Enfin, il est malheureusement logique qu’à des conditions de travail bafouées fassent écho des droits réduits à la retraite. Les intentions du régime en matière de retraite n’augurent guère de lendemains sereins. On l’aura compris : si le régime s’autorise tous ces abus, c’est parce qu’il a préalablement étouffé toute expression syndicale indépendante. C’est aussi, accessoirement, parce que les multiples fraudes électorales lui permettent de contourner le verdict des urnes qui ne peut pas ne pas sanctionner une telle gestion irresponsable, oppressante.
Dans ces conditions, bien qu’il nous soit difficile de ne pas souhaiter « Bon 1er mai à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs du pays », il s’agit surtout de prendre conscience du long chemin à parcourir avant que cette journée soit fêtée dans l’environnement politique, économique, social et surtout syndical lui donnant sa véritable dimension.
Brèves nationales
Coupures d’eau :
le coupable identifié ?
On connaît la boutade de la BBC à propos du fatalisme des Djiboutiens : ils se contentent de dire « Ohh ! » quand il y a coupure d’électricité et « Ahh ! » quand le courant revient.
Pour démentir cette caricature, par pur civisme, nous nous sommes penchés sur les récentes autant qu’intempestives coupures d’eau qui ont frappé la Capitale : à qui la faute ? Est-ce un déficit de gestion du matériel ?
Un premier élement de réponse est fourni par… le Chef de l’Etat en personne. En effet, l’on se souvient qu’à l’occasion de l’inauguration de la fontaine publique du Day, le Président de la République avait tenu à féliciter le Directeur de l’ONED qui, selon lui, s’est tellement engagé dans la réalisation de ce projet, « n’a fait que cela depuis douze mois faisant des va et vient entre la Capitale et le Day ».
En toute logique, il en aurait donc négligé le reste de ses énormes charges dont, entre autres, le suivi de la situation hydraulique à Djibouti-ville.
Accessoirement, on aurait pu se demander, toute responsabilité étant par ailleurs partagée, au terme de quelle séance son Conseil d’administation lui a donné le feu vert pour s’investir personnellement et pour investir financièrement dans le projet d’adduction d’eau du Day.
Le régime vaccine
contre l’opposition
Selon des témoignages concordants, les sympathisants de l’UAD seraient actuellement victimes de nombreuses discriminations sur le marché du travail.
Ainsi, la dernière campagne de vaccination qui vient de s’achever dans les districts du Nord, a été pour la mouvance présidentielle l’occasion d’une vengeance aveugle contre les vaccinateurs temporaires auxquels le ministère de la Santé fait appel en de telles circonstances.
Habituellement recrutés en raison de leur expérience, une dizaine de ces jeunes militants de l’UAD ont été tout simplement rayés de la liste des recrutés, malgré la bonne volonté des responsables de la Santé, et remplacés par des militants RPP sans aucune expérience en matière de vaccination.
D’autre part, les membres du syndicat des transporteurs routiers du District de Tadjourah, déjà largement pénalisés par la fermeture de la frontière éthiopienne à Bouya depuis plusieurs mois, n’ont pas non plus été épargnés par cette discrimination. Ainsi, les services en charge de cette campagne de vaccination n’ont pas pu, sur insistance expresse d’en haut lieu, attribuer ce marché temporaire du transport du matériel et des vaccinateurs à trois véhicules pourtant en très bon état de fonctionnement. Leur tort : ils avaient été loués par le représentant de l’UAD lors de la campagne électorale.
Il s’agit des véhicules tout-terrain immatriculés 719D33, 915D40 et 698D41, auxquels le ministère de la Santé faisait pourtant appel auparavent dans le cadre de ses campagnes de vaccination, justement en raison de leur état de marche plus que satisfaisant.
Décidément, la rigueur administrative ne semble pas une vertu appréciée par ce régime plus soucieux de réprimer sur le marché du travail : rappelons que l’ancien Commissaire de la République, Chef du District de Tadjourah, limogé de ce poste depuis peu, avait en son temps refusé de cautionner une telle pratique discriminatoire qui lui avait été suggérée un ponte local du RPP ayant ses entrées à la Primature. Laquelle reste accusée d’avoir instauré cette chasse aux sorcières à l’encontre de la Jeunesse UAD de Tadjourah. Et pour cause…
Immobilisme gouvernemental :
les « députés » inspirent, les ministres expirent
Sous respiration artificielle depuis leur déroute aux dernières législatives, les ministres et « députés » parlementent à l’Assemblée Nationale, dans l’indifférence générale.
Ces douloureuses séances de remue-ménage, pardon ! de remue-méninges, sont comme il se doit, largement retransmises à la télévision.
Après le pompeux séminaire sur l’action gouvernementale de l’an dernier, dont les recommandations sont restées lettre morte, nul ne doute que les actuelles « cogitations » constituent, elles aussi, une nouvelle version de la mystification chère au régime.
Ces parlottes, visiblement inspirées d’en haut lieu pour faire croire que cette législature mal élue existe, seraient un peu plus crédibles si certains thèmes ne restaient pas tabous.
Par exemple, la politique intérieure et les violations des règles démocratiques : quel député mal élu oserait interpeller le Ministre de l’Intérieur sur la violation de l’Accord de Paix du 12 mai 2001 ainsi que sur le sabotage de la loi de Décentralisation ?
Osera-t-on, dans ces faux débats médiatiques, questionner le Ministre de la Communication sur les aspects non appliqués de la loi relative à la liberté de communication, uniquement invoquée par le régime pour réprimer la liberté de la presse, d’opposition bien sûr ?
Quel député, féru d’économie, se permettra-t-il d’interpeller le Ministre des Finances chargé de la Privatisation, sur les conditions de concession au privé de la gestion de certains établissements publics et sur l’opacité qui entoure certaines privatisations réalisées ou prévues ?
Pourquoi le Ministre des Transports et de l’Equipement n’a-t-il pas été interrogé sur l’absence des engins des TP dans les districts du Nord, sur les activités et les recettes du Fonds d’Entretien Routier?
Enfin, quel développement est possible dans les conditions d’enclavement qui étouffent les régions de l’Intérieur ?
Tant que les vrais problèmes n’auront pas été abordés, à commencer par les conditions de légitimité du mandat électif en situation de fraudes massives, nous continuerons à dénoncer l’immobilisme et la régression dont est synonyme ce régime d’inertie et de gaspillage.
Salubrité publique :
de la fumée aux yeux
Mais où est donc passée la Voirie ? Malgré les réunions techniques et autres déclarations d’intention, la Capitale reste l’endroit le plus sale de notre pays.
Les détritus s’amoncellent dangereusement et les colonnes de fumée signalant leur incinération s’élèvent un peu partout. L’odeur âcre et nauséabonde de ces fumées fait désormais partie de l’environnement de notre ville.
Les ministères concernés ne font rien et continuent à discourir dans les salles feutrées et aseptisées sur l’embellissement de la Capitale. Avant d’embellir, il est plus urgent de nettoyer.
Alors que le paludisme fait des ravages dans la population, plutôt que de combattre efficacement ce fléau en distribuant par exemple des moustiquaires comme cela se fait dans beaucoup de pays, le régime préfère inaugurer la journée mondiale contre le paludisme par des banderolles et des réunions philosophiques.
Dixième jour de détention arbitraire pour DAF :
qui a peur du « Renouveau Djiboutien » ?
Une semaine après avoir jeté en prison le Président du MRD et directeur de publication du « Renouveau Djiboutien », le régime s’est permis une énième provocation en procédant à la confiscation illégale de son matériel de publication et d’impression. Le pouvoir aux abois semble à ce point fragilisé qu’il craint même les machines appartenant à notre ami DAF.
Rappelons que l’acharnement contre notre confrère a déjà suscité de multiples protestations dans le monde et ternit encore plus l’image d’un régime très largement discrédité par les récentes fraudes électorales. L’UAD a publié dimanche 27 avril un communiqué le presse suivant à l’attention de l’opinion nationale et internationale :
« Le président du MRD (Mouvement pour le Renouveau Démocratique et le Développement) et directeur de publication du journal le « Renouveau démocratique » croupit toujours, depuis déjà une semaine, à la sinistre prison centrale de Gabode.
Malgré les permis de communiquer délivrés par le juge d’instruction, le Directeur de la prison n’autorise que la mère du détenu, dépassant ainsi ses prérogatives et bafouant les lois en vigueur en la matière.
En outre, très tôt ce matin, la maison de la mère de Daher Ahmed Farah (DAF) a été fouillée de fond en comble par la police criminelle qui a emporté deux ordinateurs et un scanner et cela sans mandat de perquisition.
L’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD) qui regroupe les quatre partis d’opposition s’émeut de la nature de la détention arbitraire du Président Daher Ahmed Farah, notamment le manque de visite, hormis sa mère et la confiscation de la radio et de tout objet d’écriture ;
réitère son exigence sur sa libération immédiate et inconditionnelle comme le stipulent les lois sur la presse, ainsi que la restitution du matériel informatique saisi illégalement ;
informe l’opinion nationale et internationale sur le non-respect des Droits de l’Homme à Djibouti. »
Affaire à suivre…
Réhabilitation :
le bluff continue
Un des volets de l’Accord de Paix du 12 mai 2001, censé réparer les conséquences du conflit, la réhabilitation des zones affectées, continue d’être saboté par le gouvernement.
La conférence des donateurs devant participer au financement du vaste programme de reconstruction, pourtant prévue par l’Accord de paix, n’est plus à l’ordre du jour.
Dans ces conditions, le projet de reconstruction de toutes les zones affectées par le conflit, financé à hauteur de deux millions d’euros par l’Union Européenne et dont l’exécution a été confiée au PNUD, reste largement insuffisant en nature et en volume.
Pourtant, le régime s’en gargarise en présentant cette aide extérieure comme « la continuité des efforts du gouvernement et de ses partenaires pour la reconstruction et la réhabilitation des zones touchées par le conflit ». De qui se moque-t-on ? 360 millions FD permettent-ils de reconstruire les habitations détruites et pillées dans les trois districts et sur trois ans ?
Loin d’en vouloir à nos partenaires extérieurs obligés de traiter avec le pouvoir établi, nous considérons cependant comme encourageant de voir l’exécution de ce projet confiée à une agence des Nations Unies expérimentée en la matière. Cela démontre que la confiance en ce régime de mauvaise gouvernance a des limites.
Cela nous rassure également sur l’utilisation efficiente du financement accordé par les bailleurs de fonds.
Toutefois, seule une véritable réhabilitation permettra la reconstruction totale des biens détruits et l’indemnisation de milliers de victimes civiles qui vivent dans le dénuement le plus complet.
Quand on sait que le pouvoir s’est permis de financer pour plus d’un demi-milliard de nos francs la construction d’une tribune présidentielle et d’une nouvelle route goudronnée lors du défilé du 25ème anniversaire de l’Indépendance, c’est le comble !
Le régime doit donc comprendre que toute prétendue réhabilitation engagée sans concertation avec l’autre partie signataire, c’est-à-dire nous, constituera une violation de l’Accord de Paix et restera de ce fait insuffisante et sans effet réel sur le développement régional.
Législatives du 10 janvier 2003 :
les mal-élus persistent dans la fuite
Sanctionné pour appartenance à la mouvance présidentielle, et durement désavoué pour cela lors des dernières législatives, le FRUD d’Aba’a, qui ne s’en est toujours pas remis, a récemment tiré, bien qu’à sa façon mais pouvait-il faire autrement, les enseignements de sa déroute électorale. Selon ce mouvement particulièrement soluble dans le RPP, le score revu, corrigé et considérablement augmenté de « 62% » des suffrages que s’attribue l’UMP, resterait insuffisant au regard de ses prétentions.
Toutefois, ce « faible » score s’expliquerait comme l’on s’en doute par la « désaffection de nos populations pour la politique ». Tout cela a un air de déjà entendu.
A en croire ces politiciens apparemment rompus à la langue de bois du régime, les 52% d’abstentionnistes seraient des citoyens certainement partis à la pêche ce jour-là.
Comme les Français au premier tour de la présidentielle de 2002.
Cependant, reconnaît ce même parti qui n’est pas à une contradiction près, les véritables raisons ayant provoqué cette désaffection pour la politique restent : « la pauvreté, le chômage, l’usure du pouvoir,… ».
Pourquoi avoir alors fait alliance avec un pouvoir usé, générateur de chômage et de pauvreté ? Enfin, comment ces idéologues fatigués expliquent-ils que 62% de nos concitoyens ont préféré reconduire un tel gâchis ? En vérité, comme l’appêtit vient en mangeant, l’inspiration politique s’en va en nageant à contre-courant dans des eaux glauques.
Alors qu’ils n’osent même pas se rendre dans les circonscriptions qui les auraient « officiellement élus», voilà que les mal-élus profitent des médias généreusement mis leur disposition par le pouvoir qui les a décrêtés vainqueurs pour montrer qu’ils ont bien appris leur leçon.
Mais surtout pour faire acte d’allégeance dans la perspective de la prochaine présidentielle; ce qui n’étonne personne quoique, comme l’aurait dit un certain Lapalisse, faudrait pouvoir y arriver!
Qui vivra verra…
Le mensonge permanent (4)
3ème partie : le social est-il réellement une priorité ?
Depuis des années, la situation de crise économique est expliquée par le pouvoir tantôt par le fait de la guerre civile tantôt par une conjoncture économique internationale. Or, les différents budgets de l’Etat dénotent cette démarche explicative. Il ressort de sa lecture le manque d’adéquation entre les mesures économiques et leurs multiples retombées.
Le gouvernement semble dans une impassibilité totale face à cette longue conjoncture, les excuses d’une guerre n’étant plus recevables, celle-ci ayant pris fin dès le 7 février 2000, date la signature de l’Accord-cadre de réformes et de concorde civile.
La première étude économique du Budget de l’exercice 2003 par notre organe d’information, dans sa partie Recettes, démontrait le manque d’objectivité des décideurs de l’économie nationale. Les changeantes impositions fiscales dirigées vers les modérés salaires engendrant l’amplification simultanée de la pauvreté, la politique « de redressement économique» du régime conduirait inéluctablement à la faillite socio-économique du pays.
En effet, la croissance des recettes à travers les ponctions fiscales dirigistes du système en raison de l’augmentation continue des dépenses publiques non-maitrisées à ce jour, explique la montée d’année en année du Budget prévisionnel présenté par le Ministère de l’Economie et des Finances.
Ce constat mérite de considérer que les pouvoirs publics ont bel et bien conscience des conséquences d’une telle politique économique qui relève de l’arbitraire. Ils savent que la morosité économique n’est pas prioritairement exogène, mais endogène, effet de sa politique délibérée, appliquée sans que des actions préventives, encore moins curatives, soient prises à temps.
Il est dit que l’on ne peut pas empêcher les catastrophes naturelles, mais le fait de les avoir prévues permet de s’en prémunir et de se mettre à l’abri. En ce sens que depuis des années, aucune prévision économique fiable, pour le futur proche (sur deux, voire trois périodes budgétaires), avec une marge d’erreurs très limitée, semble n’avoir été dressée par le Ministère chargé de ce secteur public.
Une politique courageuse et volontariste, face à la conjoncture, suppose des prévisions impliquant, nécessairement, la définition d’une thérapie qui repose soit sur la guérison, une fois le mal arrivé, soit sur la prescription, a priori, d’un traitement capable d’anticiper l’arrivée du mal pour éventuellement le freiner à temps. Ainsi, la thérapie économique dispose de ses propres leviers, comme les multiples possibilités de la politique fiscale sur les importations, celle portant sur les investissements, celle sur une fiscalité appropriée aux différentes ressources de l’Etat ou encore celle, globalement, budgétaire.
Ces actions aussi variées étant absentes, puisque la crise perdure et frappe davantage les maigres revenus, le Budget 2003 commenté ci-dessous, rend le gouvernement responsable de l’inexistence de remèdes, tant curatifs que préventifs, pour asseoir une politique d’assainissement des Finances de l’Etat, acte préalable au fondement d’une politique de développement économique. Le régime ne peut donc espérer un quelconque retournement de la situation de crise que vit le pays ces dix dernières années.
La persistance de l’impôt patriotique, sous une forme différente des anciennes pressions fiscales sur les traitements et les salaires, en plus des trouvailles annuelles autoritaires, particulièrement accentuées sur les travailleuses et travailleurs, prouvent l’inaccessible relèvement d’une demande globale qui est dépendante du revenu ; lequel dicte le volume de la consommation et de l’épargne, piliers d’une croissance économique réellement libérale.
Les dépenses inconsidérées de l’Etat, dont les rétombées négatives sont palpables, justifient à elles seules l’irréalisme du dirigisme budgétaire engraissant seulement une couche de la communauté nationale, au détriment de son économie et de sa population soumises plus que jamais à la mendicité internationale, si rien de fiable et d’honnête n’est entrepris incessament.
En effet, si les pouvoirs publics augmentent leurs dépenses, il est imparable que seules trois solutions s’offrent à lui :
– celle d’augmenter ses dépenses sans toucher aux impôts,
– celle de modifier les recettes sans toucher le montant des dépenses,
– enfin, celle de changer simultanément les dépenses et les recettes.
Or, Djibouti semble opter pour la troisième possibilité, dont les conséquences de sa politique de dépenses publiques tirent leur origine sur un semblant d’équilibre budgétaire.
Face à la croissance accrue des dépenses, une imposition plus importante des contribuables se voit budgétisée, frappant principalement les moins rémunérés.
Cette politique a également des effets pervers sur l’économie puisque la Dette Publique lui est aussi subordonnée. Toute dépense non-couverte par une recette fiscale du même ordre donne lieu à un emprunt, ce qui implique remboursement de la part du contribuable.
De plus, les dépenses publiques n’étant par définition pas génératrices d’un accroissement du Revenu Global de la nation, les augmentations des charges de l’Etat, en personnel comme en matériel, ne se justifient nullement en ce sens qu’elles ne touchent que les Ministères autres que ceus réputés sociaux, la preuve étant donnée par la part alloués aux différents postes budgétaires principalement consommateurs de dotations (intérieures ou extérieures).
« Réalité » livrera sur la base des données de l’Etat la situation réelle des secteurs sociaux dans tous les budgets passés et présents en comparaison aux secteurs « sécurisants » d’un régime sous haute protection.
En plus, en plus de manière par laquelle chaque poste est financé : Budget intérieur, Dons, Emprunts et autres recettes inexpliquées au peuple. Sinon, comment imaginer les secteurs Défense et Intérieur totalisent 23% d’un Budget de plus de 41 Milliards de nos francs alors que la Santé et l’Education n’en bénéficient que de moins de 20%.
Alors, où se situe le souci du régime, en lutte contre la pauvreté ? Sûrement pas en faveur des travailleuses et travailleurs saignés au profit de ses propres protecteurs et de leurs arsenals répressifs.
Source : ministère des Finances. Djibouti. 2003
La Jeunesse de Tadjourah nous écrit
La Jeunesse de Tadjourah rejette la politique du ventre
Nous avons reçu un courrier de la Jeunesse de Tadjourah, retraçant la detresse économique et sociale dans laquelle se débat sa région. Nous le publions intégralement en la remerciant pour sa contribution à l’information régionale et en l’assurant des constants efforts de l’ARD afin que, par un changement de régime et de méthode de gouvernement, les citoyens délaissés soient restaurés dans leurs droits.
A l’heure où les fonctionnaires originaires de Tadjourah arrivent par petits groupes dans l’espoir de nous retourner et de nous tromper avec les plus plats arguments, nous leur répondons que la réalité crève les yeux sur le terrain. Ainsi, le centre hospitalier de la Ville-Blanche se dégrade sous nos yeux, sans que les pouvoirs publics s’en inquiètent. Dès que l’on approche l’entrée du pavillon où est situé le bureau du médecin-chef, on suffoque à cause de la puanteur dégagée par les déjections des pigeons. Les asthmatiques ne peuvent tenir quelques minutes devant le bureau du médecin-chef. Il faut parfois patienter plusieurs heures pour obtenir une ordonnance destinée à la pharmacie locale.
Les jeunes de Tadjourah sont chômeurs à plus de 90% et ressentent difficilement l’indifférence autant que l’insouciance des autorités locales et gouvernementales. Les malades hospitalisés sont oubliés dans leur souffrance. Cette négligeance est en partie causée par les rivalités opposant le médecin à certains infirmiers doyens, ayant participé au hold-up électoral du 10 janvier 2003. leurs querelles incesssantes nuisent au bon fonctionnement du dispensaire. Aussi, nous pensons que les cadres originaires de Tadjourah seraient mieux inspirés de trouver, avec les autorités politiques qu’ils soutiennent, des solutions aux maux dont souffre notre district. Fuyant la réalité, ils préfèrent tenter de nous soudoyer afin de nous vendre au régime en grande partie responsable de nos malheurs. Dans ces conditions, qu’ils ne doutent pas de notre détermination à lutter aux côtés de l’opposition. Notre appartenance à ce mouvement n’est pas une aventure, c’est une ferme conviction. Nous ne sommes pas prêts à céder aux pressions alimentaires d’un pouvoir qui a confisqué notre victoire électorale.
Nous ne sommes pas près d’oublier le hold-up du 10 janvier 2003 car nous l’avons vécu sur le terrain ce jour-là.
Nous en avons assez des figurants, nous voulons de vrais parlementaires soucieux avant tout des intérêts de leurs électeurs et non inféodés au pouvoir autocratique d’un seul homme.
La décentralisation telle que négociée et signée avec le FRUD-armé reste notre grand espoir. Elle seule permettra un véritable développement de notre région dont les potentialités restent immenses.
Nécrologie
Nous avons appris avec tristesse le décès de Madame Maryami Ahmed Issé, survenu à Tadjourah le samedi 26 avril 2003. la défunte, âgée de 80 ans, était la mère de notre compagnon Kabbo Idriss.
Elle laisse de nombreux enfants et petits-enfants.
L’ARD et la Rédaction de Réalité adressent leurs sincères condoléances à toute sa famille.
Qu’Allah l’accueille en Son Paradis Eternel
INNA LILLAH WA INNA ILAYHI RAAJI’UUN.
La face immuable du pouvoir
Il faudrait tout un numéro spécial pour énumérer les multiples entraves aux libertés publiques chez nous. Nous ne le ferons pas : on ne tire pas sur un corbillard. Les lignes qui suivent peuvent se lire autant comme une sommation que comme une invitation à pacifier les conflits d’intérêt par le strict respect des règles en vigueur communément acceptées. Il en va de notre avenir commun.
S’estimant diffamé non par quelques lignes mais par les accusations d’un livre (sulfureux il est vrai, « La face cachée du Monde ») le directeur de la rédaction d’un des plus sérieux quotidiens européens, Edwy Plenel porte plainte et réclame un euro symbolique de dommages et intérêts et la publication du jugement aux frais de l’éditeur dans la presse nationale française.
Les quelques lignes incriminées chez nous ont hier été présentées par les médias officiels comme « l’affaire du mois ». C’est aujourd’hui devenu une affaire d’Etat. Et demain ? Notre confrère sera-t-il déféré pour haute trahison devant la Cour de Sûreté de l’Etat ?
Nous apprenons que le 27 avril dernier au matin, tout le rudimentaire matériel d’impression de notre confrère « Le Renouveau Djiboutien » a été saisi. Sur ordre de quel juge et en vertu de quelle loi ? Munis d’un permis de communiquer dûment délivré par le juge, MM. Mohamed Daoud, Président du PDD et Souleiman Farah, 2ème vice-Président du MRD, se rendent à la prison de Gabode pour prendre des nouvelles de DAF. Ils sont vertement éconduits par le policier de garde qui, pour mettre fin à la légitime insistance des susnommés, affirme avoir reçu des ordres (qui, comme chaque militaire le sait, ne se discutent pas !). Qui est cet ordonnateur dont les ordres sont plus exécutés qu’un permis de communiquer délivré par un juge ?
Les logorrhées d’un avocat de la place cherchant aujourd’hui à justifer un état de non-droit dont il a lui-même été victime, ne convainquent personne. Peu nous importe ici car, après tout, tout plaignant a droit à une défense ! Ces agissements sont en totale contradiction avec les lois en vigueur. Si encore il ne s’agissait que d’une exception. Tel n’est pas le cas, car ces sautes d’humeur sont récurrentes, illégales et compulsives, sans doute parce que banalement impunies.
On se souvient tous que sous le règne de l’ancien Président de la République, en toutes illégalité et impunité, un chef (soyons polis) ambitieux, aujourd’hui très et auto promu, avait ordonné la saisie de l’outil de travail d’un opposant déterminé du FUOD, aujourd’hui codirecteur de publication de « Réalité ».
Inentamée, la détermination de ce dernier est encore intacte : au moins autant que le pain (qu’Allah octroie généreusement à toutes Ses Créatures) la Lutte légitime nourrit aussi son homme, au moins en terme de dignité sauvegardée. Les décideurs publics seraient donc plus inspirés de vaquer de manière responsable à leurs occupations, plutôt que de perdre leur temps et dilapider notre argent à des intimidations forcément vouées à l’échec.
Ce qui nous préoccupe pour l’heure, c’est l’avenir de la liberté d’opinion, son exercice, ses limites légales. Car, la disproportion de la réaction du Pouvoir démontre le naturel illégalement répressif du régime que nous avons toujours dénoncé et qui est incompatible avec l’Etat de droit, présenté par nos décideurs politiques comme étant un souci gouvernemental.
L’être humain étant ce qu’il est (faillible), il peut arriver à n’importe qui d’abuser d’une Liberté conquise ou octroyée. C’est pourquoi toutes les véritables démocraties à travers le monde prévoient et sanctionnent, au civil, tout abus de quelque bord qu’il provienne.
Décourager par une très forte amende propagation de fausses nouvelles ou diffamation, c’est du déjà vu. Obliger le condamné à publier le jugement définitif dans chaque édition pendant un certain temps, c’est du déjà entendu. Ce que nous n’avons ni vu ni entendu dans une démocratie digne de ce nom, c’est l’emprisonnement, la condamnation au pénal, par le tribunal des flagrants délits, sans instruction publique, d’un homme et de son journal.
Quels que soient les griefs, avérés ou supposés, reprochés à notre confrère, nous ne resterons pas indifférents à ce qui, de toute évidence, constitue un injuste procès intenté à l’exercice des libertés publiques, d’expression et d’opinion.
Où va-t-on si chaque chef (restons toujours polis) s’estimant diffamé, abusant d’un pouvoir normalement limité par le droit et par définition limité par le temps, emprisonne, saisit, condamne, exproprie ?
Prenant à témoin l’opinion nationale et internationale, nous lançons un avertissement au gouvernement et à nos soi-disant serviteurs sur les réels dangers que font courir à la stabilité de notre pays ces comportements répressifs irresponsables.
* * *