Lettre ouverte au président des États-Unis d’Amérique, Son Excellence Monsieur Barack Obama, Par le président de l’USN, Monsieur Ahmed Youssouf Houmed
En dépit de sa faible population de moins d’un million d’habitants, pour une superficie de 23 000 km2, Djibouti est l’un des pays les plus pauvres, les moins démocratiques et les plus corrompus au monde. Et pour cause parce qu’il est privé de liberté et de bonne gouvernance. Plus grave, depuis le 22 février 2013, ce petit pays de la Corne d’Afrique traverse une crise politique lourde de risques.
Un pays très pauvre malgré ses atouts
Malgré sa stratégique position géographique qui lui procure une rente annuelle de près de 200 millions de dollars américains (loyers des bases militaires), malgré ses recettes budgétaires recouvrées de 350 millions de dollars (chiffres officiels de 2011), ce qui dégage un excédent sur salaires d’agents de l’État de 200 millions de dollars, malgré les ressources des sociétés d’État et autres établissements publics, malgré sa vocation de plateforme portuaire régionale (l’essentiel du trafic commercial éthiopien y transite), malgré ses atouts en finance (monnaie forte rattachée au dollar et système bancaire international), en télécommunications, en énergies renouvelables, etc., malgré sa population jeune à plus de 70%, Djibouti est un pays où la pauvreté frappe autour de 80% des habitants. Au plan du développement humain, Djibouti est 164ème (sur 187) pour 2012.
En contraste, le chef de l’État, sa famille et son entourage vivent dans l’opulence. ‘’Djibouti est un pays pauvre pour ses citoyens, beaucoup moins pour ses dirigeants’’, concluait déjà le 9 août 2006 un rapport conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Observatoire mondial contre la torture (OMCT).
Un pays où l’économie est entre les mains du chef de l’État et de sa famille
Tout comme le pouvoir politique, l’économie est entre les mains du chef de l’État, de sa famille et de son entourage. Il est quasiment impossible de faire des affaires à Djibouti si l’on n’est pas lié à la famille présidentielle. Au Doing Business, Djibouti est classé 160ème sur 189 pour 2014. Le pays est 182ème pour la protection des investisseurs, 180ème pour l’obtention des prêts et 163ème pour l’exécution des contrats.
Un pays en grave crise post-électorale
Comme indiqué dans notre lettre au président Obama du 10 mars 2014, Djibouti est en crise post-électorale depuis le hold-up qui a privé l’opposition de sa victoire aux législatives du 22 février 2013. Face à l’intransigeance du régime, incapable de publier les résultats du scrutin par bureau de vote, qui bloque depuis le 14 septembre 2013 le dialogue politique Opposition-Gouvernement ouvert un mois plus tôt et qui refuse de répondre au projet d’accord politique transmis au chef de l’État le 6 février 2014 par l’USN, les opposants continuent de protester dans la rue. La diaspora aussi. A cette mobilisation populaire, le pouvoir répond invariablement par la répression : arrestations illégales, détentions arbitraires, condamnations abusives, actes de torture, privations d’emplois et d’autres activités économiques, déchéances de nationalité et expulsions du pays, etc. La prison centrale du pays accueille à tour de bras les membres de l’USN. Ils sont huit en ce moment après avoir frôlé la quarantaine en mars 2014. A ce nombre, il faut ajouter une cinquantaine de travailleurs et de chômeurs dont 34 femmes brutalement interpellés ce matin 1er mai 2014 par la police alors qu’ils participaient à la Fête internationale du travail devant la Bourse du travail de la capitale, fête ainsi interdite.
Une situation étroitement liée à l’absence de liberté et de bonne gouvernance
La mauvaise gouvernance (incompétence, corruption, impunité, services de base défaillants, chômage, etc.) et l’absence de démocratie (qui ne permet pas au peuple de demander des comptes à ses dirigeants et de les changer par le vote libre et démocratique), expliquent pour l’essentiel cette situation préoccupante à tous égards. A Djibouti, ni les médias, ni les associations, ni les syndicats, ni la création culturelle et artistique, ni les élections ne sont libres. Il existe une seule radio, une seule télévision et un seul journal qui sont tous trois contrôlés par le régime. Comme pointé plus haut, l’opposition est fort réprimée. Les droits de l’Homme et les libertés fondamentales y sont couramment violés.
Djibouti occupe la 169ème place (sur 180 pays) au classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF). Le rapport annuel du Département d’État américain sur les droits de l’Homme à Djibouti montre aussi cette triste réalité.
Au total, Djibouti est un pays en péril pour cause de dictature
C’est dire si Djibouti, dont le président-dictateur Ismaël Omar Guelleh est accueilli le 5 mai 2014 prochain à la Maison Blanche par le président Barack Obama, est en péril du fait de cette dictature. Seules des institutions démocratiques peuvent sauver Djibouti du chaos. Plus que jamais, Djibouti a besoin non pas d’un homme fort mais d’institutions démocratiques fortes, pour reprendre la formule désormais célèbre du président Obama (Cf discours d’Accra du 11 juillet 2009).
Le président Obama entendra-t-il, avant qu’il ne soit trop tard, le SOS du peuple de Djibouti qui abrite d’importants intérêts stratégiques américains ?
Le président de l’USN
Ahmed Youssouf Houmed