[Editorial de #L‘#Aurore N°5] : Nous vous proposons, en avant première, l’éditorial de ce numéro 5. Bonne lecture.
En massacrant des concitoyens, le fuyard rattrapé sonne sa fin.
Le 21 décembre 201 5, à balles réelles, le régime d’Ismaël Omar Guelleh (IOG) a fait tirer policiers, gendarmes et militaires sur des civils sans défense, des Somalis Issas Yonis Moussa, venus célébrer leur ancêtre éponyme à Buldhuqo, à la périphérie de Balbala, banlieue de la capitale djiboutienne. Un grand nombre de membres de cette communauté et d’autres civils ont été tués. Le pouvoir a commis un massacre.
Ce, quelques jours après la commémoration d’un autre carnage, perpétré celui-là contres les Afars à Arhiba le 18 décembre 1991. Mais aussi après d’autres tueries contre d’autres composantes somalies telles que les Samaronnes. C’est le massacre de trop. Pour un mandat de trop, le 4eme d’IOG depuis 1 999, qu’il tente de s’arroger par la force et la fraude en avril 201 6.
L’USN a vigoureusement condamné ce massacre et présenté ses condoléances aux familles comme aux proches des victimes. Elle souhaite un prompt rétablissement aux blessés et demande une enquête internationale indépendante sur le drame.
En ce 21 décembre 201 5, le pouvoir s’en est aussi pris aux
dirigeants de l’opposition en réunion au domicile de l’un d’entre eux, Djama Amareh Meidal, fracturant le col du fémur au président de l’USN, Ahmed Youssouf Houmed, et blessant par balles l’ancien ministre Hamoud Abdi Souldan ainsi que le jeune député Saïd Houssein Robleh.
Lors de cet assaut policier sanglant, le secrétaire général de l’USN, Abdourahman Mohamed Guelleh dit Tx, a été arrêté par la police. Depuis le 24 décembre 201 5, il croupit à la prison centrale du pays, Gabode, avec une quarantaine d’autres détenus politiques dont l’ancien ministre Hamoud Abdi Souldan, pourtant grièvement blessé par balles.
Ce que vient de commettre le régime à Buldhuqo et contre l’opposition, nous évoque un phénomène que le pasteur
nomade connait : le comportement de l’hyène acculée. Ce carnivore à la peau tachetée ou rayée est, avec le chacal, le
fauve le plus répandu dans nos contrées où il n’a pas bonne réputation. Son nom n’est pas synonyme de courage, ni de
noblesse. L’hyène n’est pas le lion, prédateur à la crinière fournie et à la démarche majestueuse. Elle n’en a ni le cri
puissant qui secoue la savane, ni le regard qui glace sa proie, encore moins l’allure qui en impose. L’hyène n’est pas le roi des animaux. Dans la réalité comme dans la mythologie pastorale.
L’hyène, à la fois charognard et chasseur, tue, mais elle ne tue que les bêtes qui la fuient. Elle ne tue que par derrière.
Que la proie se retourne et lui plonge les yeux dans les yeux, et la voilà qui doute subitement de sa force : le face à
face la déstabilise.
A l’hyène, qui chasse seule ou en meute, il arrive d’être chassée à son tour. Par nos pasteurs nomades. Non pour sa
chair, la chair des carnivores n’entre pas dans l’ordinaire pastoral, ni pour sa peau, sauf dans de rares cas, mais pour
la mettre hors d’état de nuire.
De voir l’hyène fuyant devant celui dont elle attaque ou menace le troupeau, est édifiant. C’est un spectacle de fuite éperdue. N’ayant ni la rapidité du guépard, ni l’endurance du dromadaire, elle est assez vite rattrapée. Acculée, sentant sa fin, elle pousse des hurlements de détresse.
L’hyène est alors capable de coups mortels contre son ou ses poursuivants. Avec l’énergie du désespoir, elle peut tenter une dernière attaque, celle du quitte ou double.
Vous l’avez compris, par bien des aspects, un pouvoir qui se distingue par la prédation économique, la misère sociale et la répression politique, rappelle l’hyène. Comme elle, il manque de courage et de noblesse. Comme elle, il fonctionne à l’instinct. C’est un pouvoir primaire où la raison n’a guère droit de cité.
Telle l’hyène, ce régime ne sévit que parce que la proie le fuit. Il ne tient que par la crainte qu’il inspire. Que la peur populaire cesse, que le peuple se retourne et lui plante les yeux dans les yeux, et il est désarmé. Que le peuple s’avance vers lui, et il fuit. D’abord, par la répression classique : gaz lacrymogène, arrestations, détentions, maltraitances et autres actes de torture, persécutions professionnelles, administratives, etc. Puis, si cela ne suffit plus, il panique et manie les armes à feu. Il tire à balles
réelles. C’est là sa charge finale, celle qu’il tente avec l’énergie du désespoir. Désespoir, car il sait que si les balles réelles ne font pas reculer le peuple, c’en est fait de lui. Il est comme l’hyène qui, gueule ouverte, dans un ultime sursaut, se retourne contre le ou les pasteurs qui la poursuivent. Il mord à mort, espérant que le sang qu’il répand et les vies qu’il ôte, lui assurent quelque sursis.
Seulement, il oublie que, contre le vivant, les mêmes assauts ne produisent pas toujours les mêmes effets. Il oublie qu’aujourd’hui n’est pas hier, ne serait-ce que parce que les leçons du sang passé ont été intégrées par la conscience collective et que le peuple a changé en conséquence.
C’est dire si, en massacrant à Buldhuqo, carnage de trop, le régime crépusculaire de Guelleh a manqué son coup désespéré. Il a achevé de se condamner à la disparition.
Le sang de Buldhuqo sonne la fin d’une époque.
@Editorial de L’Aurore N°5