COMPTE RENDU du café politique consacré à Djibouti samedi 27 octobre 2018 au restaurant Horloge du sud à Bruxelles
Le café politique est une tradition à Bruxelles. Tous les derniers samedi du mois, le journaliste Olivier Dossou et son équipe organisent une conférence débat de 3 heures autour d’un nouveau pays africain. Après deux reports de date, le samedi 27 octobre 2018 était le tour de Djibouti.
La salle de réception du restaurant Horloge du Sud a accueilli une quinzaine de participants à l’appel du modérateur du Café Politique Olivier Dossou. Les invités du jour ont été Hassan Abdillahi, représentant du Mouvement des jeunes de l’opposition (MJO-Europe), et Maki Houmed-Gaba, représentant de l’Alliance républicaine pour le développement (ARD) en Europe.
En introduction, Olivier Dossou a présenté les débatteurs et cité les grands absents dont le représentant de l’ambassade de Djibouti qui s’est décommandé du débat.
Trois thèmes étaient débattus :
– Quels regards portez-vous sur la gouvernance politique et institutionnelle à Djibouti ?
– Comment appréciez-vous la situation économique et sociale des Djiboutiens ? Quid de l’emploi des jeunes ? Quid des questions liées aux bases militaires installées dans le pays ?
– Quelles sont les perspectives de la démocratie à Djibouti à court et moyen terme ?
En premier thème, la gouvernance politique et institutionnelle fait l’objet d’une vive dénonciation. La gouvernance politique a été décrite par les débatteurs dans ses caractéristiques les plus connues : népotisme, absence totale de processus démocratique, impossible alternance au pouvoir sous le joug de la dictature, viol systématique des accords signés avec l’opposition, délégalisation de formations politiques et de syndicats, notamment
De nombreux prisonniers sont détenus sans jugement.
Cinq dirigeants du parti MoDel (Mouvement pour la démocratie et la liberté) ont été arrêtés pour avoir voulu créer une école pour les militants du parti.
Plusieurs jeunes des partis MRD (Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement) et RADDE (Rassemblement pour l’action, la démocratie et le développement et l’écologie) mais aussi de la société civile ont également été arrêtés pour publication sur les réseaux sociaux.
Le meurtre du magistrat Bernard Borrel en 1995 a fait l’objet d’un débat succinct, démontrant l’absence d’Etat de droit judiciaire depuis 23 ans déjà.
En deuxième thème, la situation économique et sociale des Djiboutiens a été décrite par les conférenciers dans ses principales lignes.
Djibouti est un pays endetté à 80% de son PIB en particulier par les investisseurs chinois pour ses infrastructures portuaires et ferroviaire. Pour un PNB supérieur à 3 Mds $ et pour une population de 900.000 habitants, le chômage touche pourtant 60 % de la population active et la pauvreté relative atteint plus de la moitié de la population.
Les jeunes sont particulièrement exposés à l’inactivité jusqu’à 80 % et vivent de menus trafics et du commerce du khat, plante euphorisante assimilée à une drogue dure importée d’Ethiopie tous les jours.
De surcroît, les 5 bases militaires étrangères financent à hauteur de 40 % le PIB, mais la population ne profite nullement de cette entrée d’argent.
En troisième thème, les perspectives de la démocratie à Djibouti à court et moyen terme sont passées en revue.
La répression continue sur les citoyens djiboutiens ne peut durer éternellement. Les Djiboutiens ont déjà montré par le passé récent leur capacité à exprimer un ras le bol. L’opposition nationale bien que délégalisée dans sa grande majorité travaille toujours à reconstruire une unité d’action.
Un rassemblement de représentants de formations politiques et de personnalités djboutiennes a permis d’adopter une première déclaration commune le 15 septembre 2018 à Paris.
Deux fois dans l’histoire récente, en février 2011 puis à partir de janvier 2013, les coalitions de l’opposition UAD (Union pour l’alternance démocratique) puis USN (Union pour le salut national) avaient réussi la mobilisation citoyenne dans les rues de Djibouti.
Le bouleversement politique en cours dans la Corne de l’Afrique à l’initiative du nouveau premier ministre éthiopien ouvre aussi de nouvelles perspectives de démocratisation et de paix pour la région et potentiellement pour Djibouti.
Moustapha IBRAHIM AHMED, organisateur des événements du MJO-EUROPE et Fathi MIGUIL MAHABEH, jeune activiste, ont honoré la conférence de leur présence et témoigné de la situation particulière du désœuvrement et de la répression qui touchent les jeunes.
La conférence a pris fin à 17 heures à l’issue d’une séance d’échanges avec la salle. Le thème Djibouti a passionné les participants du café politique au vu des enjeux géopolitiques qui pèsent sur le pays et ses habitants. Un nouveau café politique est dès lors envisagé courant 2019 à Bruxelles.
Fait à Paris, le 31 octobre 2018
Maki Houmed-Gaba
Représentant de l’ARD en Europe