Source : JolPress, le 07/09/2015
Ismaël Omar Guelleh, président du Djibouti depuis 1999, l’avait promis : en 2016, il quittera le pouvoir. Chef de l’Etat hégémonique, il a conduit une modification constitutionnelle en 2010 afin d’abolir la limite de deux mandats présidentiels consécutifs. Alors que les partis d’opposition lui reprochent d’avoir truqué les dernières élections législatives, le président sortant pourrait finalement briguer cinq années supplémentaires au pouvoir, quitte à susciter la révolte d’un peuple dont le niveau de pauvreté ne se réduit pas en dépit des promesses et des avantages géopolitiques du pays.
Président tout puissant depuis 16 ans
La gronde au sein de la population djiboutienne est grandissante. Les taux de pauvreté et de chômage sont très élevés et le président en exercice ne parvient pas à les limiter. Un échec difficile à expliquer alors le pays bénéficie d’une stabilité rare dans cette région du monde et d’atouts non négligeables. Rappelons que 70 % de la population a moins de 30 ans.
Ismaël Omar Guelleh (IOG) est un chef d’Etat de plus en plus contesté. Président depuis 1999, il n’a eu de cesse de consolider son pouvoir, réduisant l’opposition politique et les médias au silence et orchestrant un changement constitutionnel afin de pouvoir conserver son poste de manière illimitée. Et alors qu’il prévoit de se présenter une nouvelle fois à la présidence du pays l’année prochaine, pas grand-chose ne semble pouvoir l’arrêter.
Les résultats officiels des élections législatives de 2013 sont en effet pour le moins douteux. D’après les partis d’opposition, aujourd’hui tous regroupés sous un seul étendard : l’Union pour le salut national (USN), le parti au pouvoir n’aurait recueilli que 20 % des suffrages alors que la quasi-totalité des sièges lui a été accordée. Il aura fallu plusieurs mois de négociations pour que l’USN consente finalement à n’obtenir que 10 sièges – au lieu des 52 initialement réclamés – en échange de concessions de la part d’IOG et dans le souci de prévenir une insurrection populaire aux conséquences imprévisibles.
La coalition des partis d’opposition à bout de patience
Parmi ces promesses, encore non satisfaites à ce jour, figure celle de l’instauration d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI), à la manière de ce qui a été décidé au Burundi ou au Burkina Faso. Prêt à « féliciter » Ismaël Omar Guelleh en cas de réélection dans le cadre d’un scrutin équitable, Abdourahman Mohamed Guelleh, secrétaire général de l’USN, l’a encore répété pour le micro de RFI en avril dernier : « il faut que les élections se déroulent d’une manière transparente, honnête et libre« .
En août, toujours pour Radio France International, Ahmed Youssouf, président de la coalition d’opposition à IOG, se montrait déjà moins conciliant. « Les points essentiels sont largement énumérés« , rappelait-il, désabusé. « Le changement des institutions, la décentralisation, les statuts des partis politiques, la garantie des aller-venues et la liberté de s’exprimer dans les médias nationaux […], chose dont nous sommes tous privés. Il faut faire renaître la confiance entre nous et les pouvoirs […], pour aboutir à des élections démocratiques, transparentes et libres« .
Un potentiel économique vendu à la Chine ?
Si tel ne devait pas être le cas, l’opposition se dit incapable d’assurer la stabilité du pays. Les Djiboutiens étant d’autant plus à bout de patience, selon l’USN, qu’ils voient se succéder des accords économiques et militaires avec de nouvelles puissances étrangères, au premier rang desquelles la Chine, et qu’ils n’en perçoivent pas les avantages.
Stratégiquement situé dans la corne de l’Afrique, à la porte du Golfe d’Aden et à quelques kilomètres du Yémen, le pays constitue une base idéale pour les actions anti-terroriste et anti-piraterie. Sur le plan économique et industriel, le pays dispose d’importantes ressources, y compris en matière d’énergies renouvelables, et a signé d’importants accords avec Pékin, notamment pour la construction d’infrastructures de transport aérien et ferroviaire.
La volonté d’Ismaël Omar Guelleh est claire : faire de Djibouti un des hubs commerciaux d’Afrique orientale. Quitte à s’allier avec un pays connu pour appliquer une stratégie d’impérialisme économique sur le continent africain. Une perspective qui inquiète la population, soucieuse de ne pas être tenue à l’écart des opportunités de développement.
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