Réalité numéro 51 du mercredi 14 mai 2003 |
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Alliance « La seule vraie politique est la politique du vrai » EDGAR FAURE
Républicaine
pour le Développement
Sommaire |
- Éditorial
- Brèves nationales
- Accord de Paix du 12 mai 2001 : état des lieux
- 12 mai : journée nationale de la Paix
Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED
Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD
Dépôt légal n° : 51
Tirage : 500 exemplaires
Tél. : 25.09.19
BP : 1488. Djibouti
Site : www.ard-djibouti.org
Email : realite_djibouti@yahoo.fr
Éditorial
L’HONNEUR DU CHEF DE L’ÉTAT
Le hasard du calendrier offre parfois d’étranges coïncidences et d’instructives informations sur les préoccupations de chacun. Ainsi, alors que la presse gouvernementale s’épanche à n’en plus finir sur le quatrième anniversaire du mandat présidentiel, nous commémorons pour notre part le second anniversaire de l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Deux événements qu’il est bien difficile de ne pas mettre en perspective pour mieux saisir l’importance que le Chef de l’État accorde à la Réconciliation nationale.
Comme tout citoyen djiboutien, nous aurions été heureux que l’impétrant, qui a fêté il y a trois jours ses quatre années d’exercice de la magistrature suprême, nous donne, autrement que par la sempiternelle rhétorique officielle, quelles ont été les actions qu’il a concrètement menées pour véritablement renforcer la Paix. Laquelle, chacun en conviendra aisément, ne peut se résumer à la seule signature sur le papier, encore moins au fait que les armes se soient tues. Surtout lorsque l’on sait que les Budgets 2002 et 2003 comportent une ligne de crédit de 350 millions affectés, paraît-il, à la « consolidation des Accords de Paix » et dont aucune réalisation pratique ne vient corroborer une affectation dans ce sens.
Il est donc pour le moins navrant de voir le Chef de l’État se gargariser à propos d’une Paix à la consolidation de laquelle nous attendons depuis deux ans qu’il contribue réellement, autrement que par le verbiage et l’artifice, quand il ne s’agit pas malheureusement de remise en cause. Car le problème est aussi clair que simple : si violation de l’Accord de Paix il y a, c’est au Président de la République, Chef du gouvernement, Chef suprême des Armées, Président du parti majoritaire à l’Assemblée Nationale avant le 10 janvier 2003 et accessoirement Président du Conseil Supérieur de la magistrature, qu’incombe principalement la responsabilité.
Pour inquiétant qu’il soit, ce flagrant décalage entre un discours présidentiel voulant s’approprier une Paix unanimement saluée, et une pratique qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’œuvre pas à la Réconciliation nationale, pose une question : est-ce vraiment respecter son mandat et son serment présidentiels que d’utiliser un Accord à des seules fins incantatoires, symboliques, c’est-à-dire sans application concrète ?
Dans sa plus brutale réalité, c’est toute la différence entre l’action politique, inscrite dans une durée et dans un projet, et la gesticulation politicienne, souvent faite d’hypocrisie (NIFAAQ) et de tricherie (KHAYAANA), qui se dévoile aujourd’hui dans ce Janus aux deux visages. Force est donc de reconnaître que le souci d’assurer par la fraude la réélection d’une Assemblée Nationale tout à lui dévouée passait par la violation d’une disposition essentielle dudit Accord de Paix : l’instauration dans la pratique d’un environnement institutionnel propice à une vie politique pacifiée. L’incarcération du Président du MRD, M. Daher Ahmed Farah, s’inscrit bien dans ce refus acharné de l’État de droit.
Force est également de regretter que la Réhabilitation des zones affectées par le conflit, du fait de l’amélioration des conditions de vie qu’elle aurait provoquée, se heurte à un ressort essentiel de cet Etat patrimonial et clientéliste : la politique de la misère. Logique despotique selon laquelle un citoyen nécessiteux est forcément un électeur obéissant.
En définitive, c’est tout le bien-fondé de l’Accord de Paix du 12 mai 2001 qui est ainsi posé : à quoi sert-il de faire la paix si une partie se refuse à l’appliquer, empêche toute amélioration des pratiques politiques et toute amorce d’un véritable développement économique ? Tout aussi gravement pour le pays, se pose une autre question : à quoi sert un Chef d’État qui ne respecte pas la parole donnée ?
Brèves nationales
Bilan présidentiel en supplément gratuit :
Le passif ne se vend plus !
Un mois après avoir fêté son élection « sans ostentation », le Chef de l’État commémore depuis le week-end dernier son investiture, toujours sous « le signe de la sobriété » bien sûr. A cette occasion, les médias gouvernementaux n’ont pas lésiné sur les moyens afin de couvrir l’événement comme il se doit en rappelant les « réalisations », forcément grandioses de ces quatre années écoulées.
N’étant pas griots pour un sou, nous avions à notre manière analysé dans nos précédentes éditions ce maigre bilan présidentiel à la lumière de la réalité quotidienne plus morose que jamais. Si changement il y a eu, avions-nous écrit, c’est essentiellement en négatif. Sans revenir sur toutes les occasions ratées à cause de la mauvaise volonté de ce régime, arrêtons-nous tout de même sur la nouvelle image de rassembleur que cherche à se forger le « numéro un » djiboutien, après le hold-up électoral du 10 janvier 2003.
Comme le vent rassemble les nuages, puis les disperse, le « Président rassembleur » a fait le vide autour de lui après la violation de l’Accord de Paix du 12 mai 2001, qu’il s’était pourtant solennellement engagé devant Dieu et le Peuple djiboutien à sincèrement appliquer. Comment prétendre renforcer l’Unité nationale tout en sabotant la reconstruction de zones dévastées par le conflit, l’indemnisation des victimes et en refusant la réinsertion sociale aux démobilisés ? Comment favoriser le développement des régions en reconduisant des conseils régionaux cooptés, opaques et inefficaces au lieu de mettre en œuvre une réelle Décentralisation ?
Maintenant qu’il semble engagé dans une pré campagne de réélection présidentielle, porter des habits neufs de rassembleur lui apparaît peut-être plus judicieux. Seulement, nos concitoyens se posent quelques questions : comment peut-on rassembler après avoir si longtemps divisé au moyen du clonage politique et du bakchich ? S’acharner contre Daher Ahmed Farah, Président d’un parti d’opposition légalisé, ressemble-t-il à un rassembleur ?
Comment fait-on pour « corriger ce qui peut l’être» tout en restant seul maître à bord : tantôt timonier, tantôt tisonnier ?
La fuite en avant pratiquée jusque-là, loin de constituer une parade à la crise, la renforce immanquablement, tout en faisant perdre un temps précieux à notre Peuple.
L’opposition part
en guerre diplomatique
Sous ce titre, L.O.I (la Lettre de l’Océan Indien) a publié le 10 mai 2003 dans son numéro 1041 un article consacré à la politique intérieure djiboutienne que nous offrons ci-dessous à nos lecteurs :
« Le président de l’Alliance républicaine pour le développement (ARD, opposition), Ahmed Dini, qui séjourne actuellement à Paris, a pris quelques initiatives pour tenter d’isoler le régime djiboutien au plan diplomatique. Dini a mené la liste de l’Union pour l’alternance démocratique (UAD, opposition) aux élections législatives du 10 janvier 2003. Avec ses colistiers, il a estimé que ce scrutin avait été terni par des fraudes et avait déposé un recours en annulation de ces élections auprès du Conseil constitutionnel djiboutien assorti, selon lui, de «preuves formelles de violations des lois sur les élections ainsi que de fraudes flagrantes». Mais l’opposition a été déboutée et finalement aucun siège de député ne lui est revenu alors même qu’elle a remporté, selon les chiffres officiels contestés par elle, 45% des suffrages à Djibouti-ville et 38% sur l’ensemble du pays.
Le 28 avril, Ahmed Dini au nom de l’ARD a écrit au sénateur Jacques Legendre, secrétaire général de l’Assemblée parlementaire francophone et à Mme Monique Pauti, secrétaire générale de l’Association des cours constitutionnelles partageant l’usage du français (ACCPUF) pour dénoncer cette situation.
Dans sa lettre de quatre pages assortie d’un gros dossier présentant les recours de l’opposition djiboutienne devant la Cour constitutionnelle de son pays, il a repris la liste des griefs de l’opposition au sujet de ces élections (problèmes dans l’élaboration des listes électorales, dans la remises des cartes d’électeur à leurs titulaires, dans la rédaction des procès verbaux du scrutin etc.). En outre, deux ans après la signature de l’accord de reforme et de concorde civile, le 21 février 2001, Dini estime que « le régime refuse toujours obstinément de mettre cet accord en application » et juge que « la situation est bloquée au même point de départ qui avait occasionné la lutte armée ». Après avoir dressé ce sombre constat, Dini réclame dans sa lettre que la « section djiboutienne soit suspendue de l’Assemblée parlementaire de la francophonie dont elle est membre car cette présence lui apporte une légitimité indue ». Il souhaite également que l’ACCPUF « prenne en considération la réalité du Conseil constitutionnel de la République de Djibouti » qui selon lui contrevient à l’article 3 des statuts de l’ACCPUF « en s’opposant à l’avènement d’un État de droit ».
Loin de la politique du mensonge, privilégiée par le régime, le président Dini poursuit son juste combat pour l’avènement d’un véritable État de Droit dans notre pays. N’en déplaise au pouvoir en place, pour nous, la seule vraie politique reste la politique du vrai.
La Paix vue par
le petit bout de la lorgnette
Dans un éditorial panégyriste consacré au quatrième anniversaire du mandat présidentiel, le journal gouvernemental « La Nation », peu suspect de sympathie envers nous, écrivait jeudi dernier : « Nous nous sommes interrogés sur l’image la plus forte, la plus significative, la plus symbolique de ces quatre dernières années. A notre humble avis, aucune image n’est plus forte que celle du bûcher de la Paix dans le Nord du pays. Ces bûchers ont marqué le désarmement du FRUD-armé, dernier mouvement rebelle. Cet événement qui a eu lieu précisément à Ripta et Waddi le 7 juin 2001 a constitué l’aboutissement sur le terrain de l’accord de paix signé le 12 mai 2001 au Palais du Peuple entre le gouvernement et le FRUD-armé. Ces accords, qui ont d’ailleurs parachevé ceux d’Aba’a (un moment présentés comme une hache de guerre définitivement enterrée, NDLR) ont définitivement restauré la paix sur l’ensemble du territoire djiboutien. »
Après cet événement, dont la réussite ne dépendait que du FRUD-armé qui l’a voulu, quelle avancée significative, forte ou symbolique le régime a-t-il accompli dans l’application de l’Accord de Paix historique du 12 mai 2001 ? Honte au mensonge officiel cachant la vérité au peuple et réduit à brandir une simple photo de famille prise au Palais du Peuple le 12 mai 2001 !
Les plus belles images, aussi émouvantes soient-elles, n’incarnent pas la paix, sans l’existence d’une volonté politique d’appliquer honnêtement et sincèrement le contenu de l’accord signé.
Conférence de presse du Chef de l’Etat :
de la fausse modestie à la vraie insuffisance
Dans un long entretien à bâtons rompus accordé à la presse présidentielle Son Excellence (pardon !) le Président de la République a, une fois de plus, déployé ses talents de grand communicateur. Dès la première question, il reconnaît avoir été rattrapé par le temps : « à vrai dire, je n’ai pas vu le temps passer (…) je ne peux pas dire que j’ai fait tout ce que j’avais à faire. C’est vous (les journalistes) et le peuple qui devez juger. »
Les journalistes de la presse gouvernementale, c’est bien connu, ont pour mission de glorifier le régime et ce n’est pas un hasard si aucun d’eux ne s’est hasardé à lui poser des questions relatives à l’application de l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Quant au Peuple, il a si sévèrement sanctionné l’action présidentielle aux législatives du 10 janvier 2003 qu’il en a été spolié de sa victoire.
Enfin, pour ce qui est de la presse d’opposition, ses critiques dérangent tellement que notre ami DAF en a perdu sa liberté pour avoir dénoncé le pouvoir de tous les abus. Si le Chef de l’État s’est subitement mué en démocrate, nous en prenons acte, en espérant que la presse d’opposition sera conviée à sa prochaine conférence urbi et orbi.
La plante verte ne volera plus
en première classe : Khat roues motrices ?
Selon des informations recueillies dans les milieux de la puissante association des brouteurs djiboutiens, le sujet le plus débattu dans les mabraz du pays serait, non pas l’anniversaire du mandat présidentiel, mais incontestablement le mode de transport désormais imposé à l’acheminement de la précieuse plante, qui passerait, pour ainsi dire, du carrosse à la charrette. En effet, dans quelques jours, l’avion quotidien ne sera plus qu’un bon souvenir et le khat empruntera la route Diré-Dawa-Djibouti. L’initiative de ce changement aurait ses origines dans les considérations de sécurité aéroportuaires soulevées par les Américains. Lesquels, ce faisant, contribuent à n’en pas douter à la démocratisation du marché du khat.
Les véhicules 4×4 seront donc particulièrement sollicités et la route encombrée, comme en 1991.
Malheureusement, cette future épopée risque également de causer des accidents sur la voie Ali-Sabieh-Djibouti : en 1991 déjà, on dénombrait plusieurs accidents mortels sur la route Dikhil-Galafi. Cette année, avec les camions éthiopiens, il faudra être extrêmement prudent.
Accord de Paix du 12 mai 2001 : état des lieux
Afin de mieux montrer tout le décalage qui existe entre un discours gouvernemental prétendant que l’application de l’Accord de Paix du 12 mai 2001 suit son cours normal, et la réalité des multiples violations, voici un état des lieux au bout de deux ans. Alors que la presse gouvernementale fait l’impasse sur ce sujet, pourtant essentiel à la réconciliation nationale, chacun pourra apprécier à travers les lignes qui suivent, la mauvaise foi en action du régime.
DECENTRALISATION
Article 20 : Du cadre juridique.
Elles adoptent le projet de loi de décentralisation, annexé au présent Accord, comme loi organique fixant le cadre juridique de la décentralisation.
Article 21 : Des niveaux de décentralisation.
a. Les deux parties s’entendent sur les niveaux de la décentralisation qui sont de l’ordre de deux, à savoir: la Région et la Commune.
b. Les deux parties ont accepté de mettre d’abord en place les régions et ultérieurement les Communes. Les 5 régions sont: ALI SABIEH, ARTA, DIKHIL, OBOCK et TADJOURAH. La Capitale disposera d’un statut particulier.
Article 22 : Commission Nationale de la Décentralisation.
Une commission de mise en place de la Décentralisation composée de douze membres (12) dont 3 représentants de chaque partie signataire de l’Accord-cadre de Réforme et de Concorde Civile susmentionnée est créée.
C’est toute l’économie du texte annexé à l’Accord de Paix qui a été remise en cause par le gouvernement et son Assemblée Nationale. La version adoptée par cette dernière constitue l’antithèse d’une véritable démocratie locale puisque des dispositions essentielles telles que le respect des limites régionales, la transparence des élections locales ou encore la coopération décentralisée ont été purement et simplement supprimées par le « législateur ». Tout comme le gouvernement a estimé légal de ne pas mettre en place la Commission Nationale de Décentralisation prévue à l’article 23.
Persistant dans sa mauvaise foi, le régime, une fois toutes ces violations perpétrées, a unilatéralement initié un pseudo séminaire consacré à la décentralisation, au terme duquel le Premier ministre a décrété qu’elle devait se faire non pas dans le respect du calendrier fixé par l’Accord de Paix, mais en fonction des ressources du pays qui ne suffiraient pas.
Les hasards de la tombola politique qui préside à la sélection du personnel politique au sein du RPP peuvent peut-être expliquer qu’un dirigeant sans envergure ni expérience, pour ne pas parler de projet, puisse faire preuve d’une telle désinvolture.
Mais lorsque de telles inepties se retrouvent dans la bouche du Chef de l’État, c’est à désespérer de la réelle volonté du régime à ce chapitre.
En effet, dans l’interview accordée à l’occasion du quatrième anniversaire de son mandat, le Président de la République a avancé que sur recommandation d’un expert étranger, il fallait marquer une longue pose dans la mise en place de la Décentralisation !
Il est tout simplement pitoyable que le premier responsable du pays en arrive à fuir des responsabilités auxquelles il s’est solennellement engagé devant le Peuple le 12 mai 2001 en se cachant derrière la potion magique d’un « grand sorcier blanc ».
En agissant ainsi, le Chef de l’État donne les preuves supplémentaires qu’il participe lui-même activement à la violation de cet Accord de Paix dont, faut-il le rappeler, le point B de l’article 24 stipule clairement que « Les deux parties signataires du présent Accord conduiront de concert l’application stricte et honnête de la totalité de son contenu et de toutes autres mesures entreprises dans son cadre ou en rapport avec ses objectifs. »
REFORMES DEMOCRATIQUES
Article 10 : De la nationalité.
Les personnes dont l’appartenance à la communauté djiboutienne est vérifiable par tous les moyens peuvent prétendre à la citoyenneté djiboutienne. Pour ce faire, les deux parties s’engagent à mettre en place une commission ad hoc chargée d’accélérer la délivrance des cartes nationales d’identité à ces personnes.
Article 11 : Du conseil constitutionnel.
Considérant l’importance du Conseil Constitutionnel, régulateur de la vie politique et protecteur des libertés fondamentales, les deux parties conviennent de réexaminer sa composition et son statut.
Article 13 : Des libertés publiques.
a. Les deux parties s’engagent à respecter les conventions ratifiées par la République de Djibouti et à tout mettre en oeuvre afin qu’une véritable liberté syndicale s’instaure. Tous les corps professionnels sont libres de s’organiser et de défendre leurs intérêts dans le respect des lois et règlements.
b. Les deux parties s’engagent à réaliser effectivement la protection des droits fondamentaux tels que proclamés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et contenus dans le Préambule de la Constitution Djiboutienne du 15 Septembre 1992.
Article 14 : De la liberté de la presse.
Les parties s’engagent à oeuvrer pour assurer la liberté de la presse conformément à la loi organique no21/An/92/2ème L du 15/09/92 telle qu’amendée dans ses articles 4, 60 et 63, relative à la liberté de communication, qui concilie le droit à l’information avec le droit à la vie privée et à l’ordre public.
Article 15 : De l’égalité de tous les citoyens.
a. Les deux parties réaffirment leur attachement au principe de l’égalité de tous les citoyens, tel que défini par l’article 3 de la Constitution de Septembre 1992.
b. Les institutions civiles et militaires de la République refléteront équitablement, dans le respect des qualifications requises, par leur effectif encadrement et hiérarchie la pluralité de communautés composant le peuple Djiboutien.
Article 16 : Le contrôle des opérations électorales sur le plan national est assuré par une commission électorale nationale indépendante. Un décret déterminera son fonctionnement et sa composition.
Article 17 : Droit à l’Éducation.
a. Les deux parties souscrivent à la volonté, telle qu’affirmée au Titre V de l’Accord de paix de Décembre 1994, d’un soutien scolaire renforcé aux enfants des zones affectées par le conflit armé.
b. Elles reconnaissent la nécessité de poursuivre ces efforts en direction des zones affectées par la guerre en matière éducative, par la réouverture des écoles fermées.
Aucune avancée significative n’est malheureusement à signaler dans ce domaine, le régime gardant toujours ses mêmes caractéristiques autoritaires.
Ainsi, la Commission ad hoc sur la Nationalité prévue à l’article 10 et devant remédier au déni de citoyenneté en procédant à la délivrance des cartes d’identité à tout citoyen pouvant y prétendre, n’a pas encore été mise en place. Quoi qu’en dise le régime, la discrimination dans l’octroi des pièces d’identité et l’inscription sur les registres d’état civil persiste.
De même, l’article 11 qui prévoyait d’améliorer le fonctionnement du Conseil Constitutionnel n’a trouvé aucune application, certaines notabilités en mal de reconversion se bousculant au portillon pour reconduire les intolérables dysfonctionnements d’une institution qui s’est totalement discréditée lors des dernières législatives. Si la clé de voûte institutionnelle d’une démocratie est aussi déréglée, il est illusoire de parler d’État de droit.
Dans ce registre, la mise en place d’une CENI réellement indépendante, prévue à l’article 16, a également connu de telles violations, le régime se contentant d’instituer un ersatz. Lequel, logiquement pourrait-on dire, s’est particulièrement illustré le 10 janvier 2003 puisque certains de ses membres ont été pris en flagrant délit de fraude sans qu’aucune sanction n’ait été prise à leur encontre. Inutile d’enfoncer une porte ouverte : le ridicule de cette institution maison n’a échappé à personne.
Plus gravement, comment le Chef de l’État ose-t-il prétendre œuvrer pour l’Unité nationale alors que l’article 15 qui prévoyait dorénavant l’égalité entre les citoyens par la dépolitisation des chances d’accès aux richesses nationales et du recrutement dans la fonction publique tarde encore à se concrétiser ?
D’autant plus dramatiquement que l’illégalité et l’opacité dans lesquelles travaillent les sociétés de travail temporaire sont propices à tous les abus sectaires.
Au chapitre du droit à l’Éducation (article 17) notons qu’aucune amélioration n’a été constatée, surtout en milieu rural et en ce qui concerne le rattrapage scolaire en faveur des écoliers dont la scolarité a été perturbée par le conflit.
Enfin, l’article 14 relatif à la liberté de la presse a été tout simplement oublié par le régime qu n’a même pas soumis à l’Assemblée Nationale les différents amendements portés à la loi en question dans le cadre des négociations. Le pluralisme de l’information n’est décidément pas à l’ordre du jour.
PAIX CIVILE
ET SECURITE
Article 4 : De la Concorde civile.
Les deux parties s’engagent à promouvoir l’instauration d’une culture de paix pour réaliser pleinement la fraternité et la réconciliation nationale afin que les tragédies passées ne se renouvellent pas.
Article 5 : Du désarmement et de la démobilisation.
a) Les échanges des prisonniers, l’arrêt des hostilités, le déminage et l’instauration de dialogue, étant des acquis tangibles, les deux parties conviennent, au plus tard, dans les 7 jours, après la signature du présent accord de procéder aux opérations de désarmement et démobilisation et ce en phases successives :
1) Regroupement des éléments FRUD-armé à : RIPTA et Waddi (Districts Nord)
2) Désarmement et démobilisation des combattants du FRUD-armé s’effectueront simultanément dans les points de regroupement convenus.
3) L’ensemble des opérations de désengagement, démobilisation et désarmement doit s’achever impérativement dans un délai de sept jours.
b) Les forces gouvernementales réintégreront leur position habituelle d’avant conflit dès lors que les opérations ci-dessus énumérées prendront fin. Elles doivent procéder au déminage avant leur repli de leurs anciens campements.
c) Les éléments du Frud Armé démobilisés bénéficient de l’intégration dans les corps de défense et de sécurité ou de l’insertion dans la vie sociale ou bien de l’indemnisation.
d) Pour la bonne gestion de ces opérations, une commission mixte sera mise en place. Elle sera chargée de l’identification complète de chacun des combattants suivant le formulaire ci-joint.
Elle sera chargée également du recensement physique des hommes et de leurs équipements de guerre (notamment armes individuelles et collectives) ainsi qu’à leur réception.
Au sein de cette commission mixte, une cellule chargée des opérations sanitaires et médicales sera mise en place.
Article 6 : De l’intégration, réintégration, indemnisation et réinsertion
a) Le passage des conflits à la paix durable implique le désarmement et la démobilisation.
b) Tout ancien fonctionnaire ou conventionné appartenant au Frud Armé sera réhabilité et réintégré dans son droit.
Pour le règlement de la situation des ex militaires, des ex gendarmes et des ex policiers figurant dans les mêmes cas; ils pourront selon leur statut respectif et leurs âges, prétendre à :
Mise à la retraite ;
Rachat des annuités manquantes ;
Pécule ;
Remboursement des cotisations.
Les conditions d’octroi de ces droits seront précisées ultérieurement par un décret.
c) Les deux parties conviennent de faire appel à la communauté internationale afin qu’elle apporte son assistance au processus de la démobilisation et de la réinsertion pour son financement dans le cadre de la prévention des conflits.
Article 7 : Des ayants droit.
Les ayants droit des victimes du Frud seront assistés. Une aide financière extérieure sera sollicitée pour appliquer ce programme dans le cadre du renforcement du processus de paix et de la prévention des conflits.
Les seuls points ayant trouvé une application concrète et rapide dans ce volet, ce sont le désarmement et la démobilisation des combattants du FRUD-armé dès juin 2001, conformément à l’alinéa b. de l’article 25 qui stipulait : « Les procédures de démobilisation prévues à l’article 6 du présent Accord débuteront dès la signature… et devront obligatoirement s’achever dans 15 jours. ».
Notre mouvement a donc respecté ces dispositions qui ne dépendaient que de lui et le bûcher de la paix n’a pu être réalisé uniquement parce qu’il en a décidé ainsi.
Par contre, si l’incorporation de 300 éléments du FRUD-armé au sein de l’Armée, la Police et la Gendarmerie a bien eu lieu, ils ont inexplicablement été classés « Mobilisés » alors qu’aucune situation de guerre ne le justifie. De plus, les grades qui devaient leur être attribués tardent toujours à arriver.
Quant à une autre disposition de cet article 5 prévoyant le retour des troupes gouvernementales à des positions d’avant le conflit, elle est quotidiennement violée à Adaylou. Ce qui crée un climat malsain que nous avons souvent évoqué dans nos colonnes.
L’article 6 prévoyait pour sa part la réintégration des fonctionnaires et conventionnés, de nouvelles intégrations dans la Fonction Publique et dans la Convention Collective, ainsi que l’indemnisation des anciens militaires, policiers et gendarmes.
Sur le premier point, quelques cadres du FRUD-armé ont été non pas réintégrés mais recrutés, ce qui implique perte de l’ancienneté et du droit à la retraite. Aucun d’eux n’a par contre été affecté à un quelconque poste dans quelque administration que ce soit. La Primature a vainement et maladroitement tenté de transformer ce droit en faveur personnelle en cherchant à procéder à des nominations sélectives. Puis, la carotte n’ayant pas marché, le régime a eu recours au bâton : les salaires de certains de ces cadres, recrutés a compter de janvier 2002, ont été purement et simplement suspendus au bout de quatre mois.
Ce qui fait qu’ils sont aujourd’hui les seuls salariés djiboutiens à totaliser quatorze mois d’arriérés. Cette petite mesquinerie aurait été imaginé par la Présidence et la Primature : l’amélioration de l’existence individuelle n’a aucun poids quand des dispositions collectives de l’Accord de Paix sont à ce point violées.
De même, pratiquement aucun fonctionnaire ou conventionné ayant été abusivement licencié pour raisons politiques durant le conflit n’a été réintégré.
De même qu’aucune intégration dans la Fonction Publique ou la Convention Collective, dans le cadre du rééquilibrage, n’a été effectuée.
Quant à l’indemnisation des anciens militaires, policiers et gendarmes, aucun décret présidentiel n’a encore été pris dans ce sens bien que, selon nos informations, les services concernés de l’AND aient pour leur part préparé le dossier technique s’y rapportant.
Enfin, à ce chapitre de la paix civile, l’article 7 qui prévoyait une assistance aux ayants droit des victimes FRUD, n’a pas davantage trouvé un début d’application.
Réhabilitation des zones dévastées par le conflit et indemnisation des biens privés
Article 8 : Principes généraux.
a. Soucieuses de contribuer à accélérer le développement économique du pays ainsi que son intégration régionale, les deux parties s’engagent à tout mettre en oeuvre pour remédier aux effets néfastes du conflit sur l’environnement macro- économique.
b. Devant l’ampleur du chantier de la reconstruction nationale, les deux parties sont convenues d’accorder à ce chapitre une importance toute particulière et d’engager toutes les mesures appropriées visant à la réhabilitation des réfugiés et des déplacés, à l’indemnisation des particuliers dont les biens ont été détruits durant le conflit et à la reconstruction des infrastructures publiques.
c. Le programme de réhabilitation et de reconstruction déjà engagé depuis plusieurs années sera poursuivi jusqu’à son terme sur toute l’étendue du territoire touchée par le conflit armé – par la mise en état des infrastructures
– par la mise en état d’adduction d’eau,
– programme de construction et de réhabilitation de logement à Yoboki et à Obock devront se réaliser dans un délai raisonnable.
Parallèlement aux programmes en cours de réalisation, le réaménagement du Port d’Obock sera entrepris à l’instar de celui de Tadjourah.
Dans le même cadre, le projet d’adduction d’eau à Day déjà entamé sur l’initiative du gouvernement djiboutien, sera poursuivi.
Un soutien financier international sera sollicité à cet effet.
Article 9 : Des conséquences sur les civils.
a) Les deux parties s’engagent à oeuvrer pour que tous les civils victimes des conséquences de la guerre soient restaurés dans leurs biens et puissent retrouver leur cadre de vie.
b) Une indemnisation sera allouée aux victimes civiles dont les biens ont été détruits ou endommagés par la guerre.
c) Un soutien financier international sera sollicité à cet effet.
Dans le meilleur des cas, la réhabilitation des infrastructures publiques prévue à l’article 8 est laissée à la générosité des Forces Françaises stationnées à Djibouti, dont la presse gouvernementale se fait souvent l’écho, sans se demander les raisons d’un tel désintérêt de nos pouvoirs publics. Et pour cause : la Conférence des donateurs au cours de laquelle devaient être collectés les financements nécessaires, a été ajournée sine die au plus haut niveau djiboutien.
Certes, c’est délibérément que l’Accord n’avait établi aucun échéancier à cet effet : la réalisation des immenses chantiers de la reconstruction dépassant de loin nos maigres ressources nationales, elle nécessite le concours financier de la coopération bilatérale et multilatérale impliquée dans le développement de notre pays. Il aurait été imprudent de budgétiser des dons extérieurs qui sont, par définition, aléatoires. En revanche, nous ne nous lasserons pas de condamner l’unilatéralisme irresponsable du régime qui, en violation de l’article 24 et des attentes populaires, consiste à faire passer pour une application de l’Accord la construction sur deux ans d’un pâté de logements à Obock et à Yoboki, pour le montant dérisoire de deux millions d’euros.
Pour sa part, l’article 9, se fondant sur un volumineux travail de recensement annexé à l’Accord, prévoyait une indemnisation aux civils dont les biens ont été détruits durant le conflit. Alors que le régime distribue des cadeaux à ses griots patentés, il est pour le moins regrettable et contraire à la Réconciliation nationale comme au développement économique, que les civils dont l’outil de travail a été détruit (pirogues, boutres ou véhicules 4×4) ne soient pas indemnisés.
12 mai : journée nationale de la Paix
L’espoir soulevé par l’Accord de Paix définitive du 12 mai 2001 reste intact, comme en témoigne le succès du meeting de l’UAD consacré à cette commémoration lundi dernier. Ce rassemblement unitaire a également été l’occasion d’exiger solennellement la libération du Président Daher Ahmed Farah, injustement incarcéré depuis plus de trois semaines.
C’est sous un soleil de plomb malgré l’heure tardive (17 heures) et l’accablante humidité du mois de mai que se sont rassemblés plusieurs milliers de militants et sympathisants de l’UAD devant le siège de l’UDJ, à l’avenue Nasser. Autant que la commémoration de cette journée historique, ce que les observateurs ont remarqué, c’est bien la solidité de la dynamique unitaire de l’opposition nationale.
Des banderoles exigeant la libération immédiate de DAF et l’application totale de l’Accord de Paix du 12 mai 2001 étaient largement déployées aux abords du lieu du meeting. Dans la matinée déjà, plusieurs milliers d’exemplaires de l’Accord de paix et du communiqué de l’UAD étaient distribués dans la Capitale et dans les quatre districts de l’Intérieur.
Une façon d’associer le Peuple tout entier à l’importance de l’événement.
Plusieurs orateurs de l’UAD se sont succédé au micro pour dénoncer l’attitude irresponsable du régime qui sabote la Réconciliation nationale et le Développement en persistant dans son refus d’appliquer sincèrement et intégralement le contenu de cet Accord.
Les dirigeants de l’UAD ont tous estimé qu’il n’y avait rien à attendre d’un pouvoir ne respectant ni ses engagements, ni les droits de l’Homme, ni même le verdict des urnes. Tous ont convenu que désormais le 12 mai sera fêté comme journée nationale de la paix.
M. Ismaël Guedi, Président de l’UDJ, a quant à lui résumé le sentiment général des dirigeants de l’UAD et même du Peuple djiboutien face à cet inqualifiable attentat contre la Paix et la Réconciliation nationale que représente la violation de l’Accord de Paix du 12 mai 2001. En effet, il a à juste titre estimé que « La Paix est notre seule industrie et constitue le véritable gage de notre développement harmonieux. le FRUD-armé a consenti des efforts louables pour parvenir à cette paix. Si cette paix reste une réalité deux ans après sa signature, le mérite en revient surtout à la sagesse de l’opposition, et non aux gesticulations démagogiques d’un régime insouciant. Refuser de traiter les causes et conséquences d’un conflit civil qui a duré dix ans, est totalement irresponsable et n’augure rien de bon pour l’avenir.»
Après une décennie de conflit civil, il est bien normal que le retour de « notre bien commun le plus précieux » dixit le Chef de l’État, soit commémoré comme il se doit. Où a-t-on vu un Président de la République fêtant plus que de raison son élection et son investiture qu’une paix sans laquelle tout développement reste impossible ?
Conscient de ses dérives et mensonges concernant les violations de la paix signée le 12 mai 2001, le régime en est honteusement réduit cette année à publier dans sa presse la photo souvenir ressortie de ses placards pour ne pas être en reste. L’hypocrisie s’arrête là et la réalité reprend aussitôt le dessus. Le silence des armes et une photo de famille ne sauraient à eux seuls signifier la paix.
Nos concitoyens n’ont pas manqué de relever qu’aucune question relative à l’application de l’Accord de Paix n’a été soulevée dans les discours officiels depuis un an. C’est la preuve que le sabotage est organisé en haut lieu.
C’est si vrai que dans un entretien fleuve récemment accordé aux médias officiels, « le numéro un djiboutien » continue de faire l’impasse sur ce sujet sensible, préférant ouvrir des chantiers « plus importants ».
Quel chantier est plus important que la consolidation de la paix ? Par quelle baguette magique résoudra-t-il les grands problèmes de l’heure tout en laissant fermé le grand chantier passionnant de la paix ?
Fuir l’Accord de Paix démontre tout simplement l’absence de grand dessein au plus haut niveau de l’État. Le mensonge permet de passer, mais pas de repasser, dit un proverbe local.
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