Réalité numéro 122 du mercredi 19 janvier 2005
|
||
Sommaire
|
Directeur de Publication : ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 122 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr |
Éditorial
QUI EST AGABA ?
C’EST LE RPP !
Plus que le pouvoir en place, dont la machine à frauder est rôdée depuis longtemps, la jeune opposition démocratique est aujourd’hui à un tournant historique. Au diapason des aspirations populaires, étouffées par la farce électorale du 10 janvier 2003, l’UAD doit désormais renouer avec la vigueur militante qui était celle de tous les partis politiques légaux avant l’Indépendance. Pour réussir dans cette entreprise véritablement de salut public, il ne s’agit pas de pompeusement rédiger un volumineux programme politique, ce qui est à la portée de n’importe quel scribouillard voulant sacrifier aux normes d’une démocratie qui n’existe pas à Djibouti. Non, dans un pays où la pauvreté s’installe dans une dramatique banalité, il s’agit de démontrer en quoi ce dont se nourrit le partisan RPP porte atteinte à l’intérêt général qui est la base minimale de toute coexistence pacifique à l’intérieur d’un même espace territorial. Et, parce que toute mobilisation supposant prise de conscience des enjeux, l’illustration par l’exemple concret vaut mieux que l’invocation de Hobbes ou la nostalgie de Rousseau.
Ainsi, le régime a réquisitionné tous ses moyens aériens pour convoyer depuis Djibouti-ville de centaines de figurants devant peupler les rues d’Obock mardi dernier à l’occasion d’une représentation gratuite du cirque présidentiel au prétexte d’un Conseil des ministres errant, à défaut d’être décentralisé ou même délocalisé. Tout le monde sait parfaitement que le carburant englouti par les multiples rotations de cet aéronef n’a pas été acheté avec l’argent du parti au pouvoir : c’est le contribuable djiboutien qui a payé, encore une fois, pour cette exhibition partisane que les médias d’État présenteront comme nationale.
Tout le monde sait parfaitement, par ailleurs, que plus aucun district de l’Intérieur ne bénéficie depuis longtemps de la moindre évacuation sanitaire par voie aérienne : il serait plutôt demandé aux nécessiteux d’acheter le gasoil pour l’ambulance, quand il ne s’agit pas d’un pneu. Et ne parlons même pas de la vedette-ambulance, achetée par l’OPS, réquisitionnée par l’Armée, mais en réalité destinée à servir dans le cadre du projet de Doraleh.
Donc, c’est bien là la preuve que ce régime ne perdure pas uniquement par la seule répression brutale : il ne peut se maintenir qu’en rendant certains de nos concitoyens, souvent les plus mendiants, complices de tous ses abus : détournements des deniers publics, usages privés de biens sociaux, corruption, faux témoignages, etc. C’est le Peuple volant le Peuple !
Là est le plus grave ressort de toute cette servitude volontaire, qui permet à l’oppression de continuer sa néfaste survie : le partisan RPP, chef du parti en tête, est un dangereux Agaba assuré d’une impunité d’État : on dit «Qushi» en somali et «Rien A Foutre» en français.
Inutile de croire que ces partisans complices de vol ignorent le crime qu’ils commettent ainsi contre l’Unité nationale par leur pitoyable soumission : ils se savent pertinemment au service d’un parti travaillant méthodiquement sur le registre de la plus rétrograde concurrence tribale.
Dans ces conditions, tout citoyen en paix avec sa conscience et soucieux de ne pas condamner ses enfant à l’exil, devra très bientôt choisir, avec toutes les implications à court terme : soit tolérer cette inévitable destruction de l’Unité nationale, soit reconnaître qu’un pays, et a fortiori une ville-Etat, ne peut se développer au détriment des autres membres, supposés inséparables et condamnés à vivre ensemble, contrairement aux illusions de tel projet comme celui de l’improbable port de Doraleh.
La question est donc simple en définitive : voulons-nous continuer à vivre séparément, comme le prétendait le régime d’apartheid d’Afrique de Sud avant Nelson Mandela, en une poussière polluante d’individus cloisonnés dans de mesquins intérêts claniques, comme l’exige ce régime ? Ou alors travailler ensemble à construire une Nation ne lésant aucune de ses composantes et respectueuse de sa diversité, comme le souhaite l’opposition démocratique regroupée au sein de l’UAD ?
Nul doute que nos concitoyens sauront faire le bon choix à l’heure de vérité, qui n’est pas celle des urnes : il en va de notre survie. A condition de faire barrage à tous les véritables Agaba : ceux du RPP. Eux qui trouvent normal que l’aide alimentaire soit systématiquement détournée, même au sommet de l’État, même celle destinée aux cantines scolaires. C’est à toute une immoralité banalisée qu’il nous faut mettre un terme : il n’y a pas à hésiter !
Visite présidentielle à Obock :
Échec et mat !
La tournée de campagne du candidat solitaire dans la ville d’Obock n’a pas été une promenade de santé. Les Obockois ont ostensiblement boudé le carnaval du RPP. Seuls les malheureux écoliers obligés de sécher leurs cours, quelques notables et fonctionnaires réquisitionnés ont été mobilisés pour applaudir au passage du candidat fatigué, venu inaugurer des logements en forme de cages à poules, construits sur financement européen et l’école yéménite où trône déjà son portrait géant. Quant au matériel de pêche fourni à la pêcherie d’Obock, les Obockois savent que ce pseudo cadeau présidentiel est en réalité le don d’un généreux commerçant djiboutois. Comme d’habitude, les seuls cadeaux entièrement financés par les deniers publics, que le régime condescend à distribuer à nos concitoyens d’Obock ou d’ailleurs, c’est le khat.
Pour le reste, le rituel demeure inchangé : les murs d’Obock étaient couverts de graffitis hostiles au régime et dénonçant la démagogie, tandis que les notables convoqués, bousculés par les forces de sécurité fébriles, n’ont pas pu exprimer toutes leurs doléances.
*
Reprises des insultes officielles :
«Le Progrès» steward du Boeing présidentiel ?
Cela faisait longtemps que l’organe de presse du parti unique au pouvoir n’avait pas proféré des insultes aussi crues contre l’opposition. Les rares et éventuels lecteurs du « Progrès» ont peut-être raté son numéro, essentiellement consacré aux élections dans les annexes du parti au pouvoir,
Toujours est-il, qu’apparemment blessé par une de nos récentes publications, voici que « Le Progrès » renoue avec sa tradition d’invective. Se voulant pourtant d’une tolérance incurable, il s’estime obligé de dénoncer « les écrits de ces apprentis sorciers, DAF et les enfants Dini» qui seraient selon lui « symptomatiques de ces graves manquements à l’honneur et à la dignité de ceux que le peuple a choisi. » Notre crime ? Ce serait de diffuser « une information programme qui n’épargne, chaque semaine qui passe, ni l’État, ni les personnes qui en incarnent l’autorité, ni le Chef de l’État quand ce n’est pas la Première Dame du pays. »
Nous retournerons donc à cette plume ses propres arguments, selon lesquels il ne s’agit pas ici d’un « écrit polémique, la polémique étant un ressort du débat démocratique ». Que nous reproche-t-on vraiment ? D’avoir écrit qu’en se déplaçant inconsidérément à bord du Boeing présidentiel, la Première dame se rendait coupable d’usage privé d’un bien public ? Ce n’est pas la première fois que nous le dénonçons, sans oublier de rappeler qu’un tel abus trahit surtout un malaise au sommet de l’État : elle n’a aucunement détourné cet avion !
Mais certainement plus que cela, c’est le rappel des origines du conflit qui a agacé notre triste confrère : l’ancien chef de l’État a bel et bien été un brutal chef de guerre tribal et son neveu a bel et bien été son bras armé. Si nous osons rappeler cette vérité incontournable, c’est uniquement parce que nous estimons qu’aucune paix véritable ne peut se fonder sur l’occultation des origines de la guerre. En les niant, seul le régime cherche en l’ancien dictateur un bouc émissaire pour les problèmes actuels.
Que nous sommes les premiers à regretter : Gouled ne doit nullement être tenu pour responsable d’avoir violé l’accord de paix du 12 mai 2001. Tout comme, en tant que partie signataire, il est de notre responsabilité d’en prendre acte.
*
Le régime censure RFI :
La démocratie pastorale en pratique ?
La République de Djibouti, îlot francophone de la Corne de l’Afrique, terre de rencontres et d’échanges, pays dont le chef de l’État rappelait encore le caractère dans une récente interview accordée à « Jeune Afrique/L’Intelligent» en affirmant que pour ses concitoyens la francophonie était « une seconde nature », a-t-elle basculé dans une censure nationale et internationale de l’information ? La question mérite d’être posée, au regard du raidissement observé ces derniers temps. Les auditeurs djiboutiens de la radio mondiale française RFI ne peuvent plus capter sur FM cette chaîne radiophonique depuis le 12 janvier.
Ce n’est pas la première fois que les autorités djiboutiennes, particulièrement frileuses à propos d’une sombre affaire empoisonnant leurs relations avec Paris, se permettent de brouiller ou de suspendre les émissions en FM de cette radio, que le journal gouvernemental « La Nation » compare sans hésiter à celle des « Mille collines ».
La propagande sur la prétendue démocratie pastorale vient de rencontrer ses limites externes : en privant les auditeurs djiboutiens de la réception en FM de RFI, par la désactivation de son relais local pour lequel il perçoit pourtant de substantielles redevances, le pouvoir djiboutien ne plaide pas en faveur de son innocence dans l’affaire Borrel.
La frilosité du grand chef, constatée depuis bien longtemps, semble gagner tout un appareil d’État sommé de suivre et d’être complice. Après les basses attaques contre la presse d’opposition, la réduction au silence de RFI indique clairement que, loin de la sérénité proclamée, le régime RPP et son chef de file, le candidat solitaire sont plus instables que jamais.
Pour le salut de notre pays, et sans nous immiscer dans cette affaire de justice, oeuvrons ensemble à les pousser vers la porte de sortie : plus qu’une puissance étrangère, nous en serons certainement les principaux bénéficiaires.
*
Insalubrité publique :
L’UNFD désigne les coupables
A la pointe du combat contre l’insalubrité criante qui défigure notre Capitale, les dynamiques militantes de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes (UNFD) dirigée comme il se doit en tout despotisme subtropical par l’épouse du chef de l’État, se seraient retrouvées le 8 janvier dernier à l’occasion d’une journée de sensibilisation baptisée « action des femmes pour une ville propre ».
Selon notre confrère « La Nation » qui rapporte l’événement, les femmes djiboutiennes, militant au sein de cette organisation qui n’hésite pas entre la politique partisane et la promotion du genre, auraient été confrontée à une réalité qui est malheureusement la nôtre : « Djibouti est devenue un dépotoir à ciel ouvert et la situation perdure du fait d’un manque de civisme latent de la part de la femme djiboutienne, de la mère de famille qui est en fait celle qui est à l’origine de la poubelle et des ordures ménagères. »
Pauvre ménagère djiboutienne ainsi injustement épinglée : la scandaleuse saleté de notre Capitale serait donc due à sa coupable négligence ! C’est parce qu’elle aurait abandonné son balai et sa corbeille que notre ville serait devenue le dépotoir dont nous souffrons : et tout cela affirmé par l’UNFD, organisation-phare de l’émancipation féminine version RPP.
Il devait vraiment s’amuser, le directeur des services techniques du district, présent à ce conclave féminin d’auto flagellation, lui dont les services sont incapables, pour cause de prédation, de mettre à la disposition de ces femmes (de ménage) productrices d’ordures, des bacs et camions-bennes pouvant accueillir leurs forfaits.
Honte à ce régime misogyne de mauvaise gouvernance, préférant culpabiliser les citoyennes et les citoyens, au lieu d’assumer des responsabilités de salubrité publique pour lesquelles il collecte pourtant des taxes. Chacun le sait : l’insalubrité est avant tout causée par la démission des pouvoirs publics, n’en déplaise aux femmes savantes de l’UNFD, cinquième parti de la mouvance présidentielle.
*
Le nouveau Code de la famille rejeté :
Non aux cadis déracinés !
Parmi les sujets problématiques qui, à Tadjourah comme à Obock, attendaient le chef de l’État, figurait la réforme du Code de la famille. En vertu de cette nouveauté dont la prétention modernisante n’a d’égal que le décalage par rapport aux réalités nationales, des cadis nommés par le régime officieront désormais dans tous les recoins du pays pour célébrer les mariages ou pour constater les divorces.
C’est dans ce cadre que, s’autorisant d’un prétendu concours dont beaucoup de postulants n’ont même pas entendu parler (à part les ministères concernés), des cadis ont été nommés pour les districts d’Obock et de Tadjourah.
Le seul problème, c’est que ces heureux agents de l’État, absolument intégrés dans le milieu qui leur a ainsi été désigné, souffrent d’un blues bien compréhensible, quoique faisant le malheur des administrés. Car, et cela beaucoup plus dans certaines composantes de notre communauté nationale, le mariage est avant tout une affaire tribale : il ne viendrait pas à l’idée de tout le monde de demander à un cadi ne parlant pas la langue d’officier une cérémonie dont les implications dépassent la seule rencontre entre un homme et son élue.
De fait, en cas de litige, souvent à l’ordre du jour, les familles ayant contracté ce lien se tourneront inévitablement vers l’officiant : bonjour le surplus de difficultés s’il ne connaît rien aux procédures coutumières qui, souvent plus que le canon musulman, sont invoquées pour tout règlement. Et inutile de prétendre, comme l’a maladroitement tenté le chef de l’État, que des traducteurs appointés combleront cette lacune.
Son Excellence El Hadj honoris causa veut donc envoyer partout dans le Nord des cadis venus d’ailleurs : osera-t-il en faire autant pour le Sud ? Pour le moment, force est de déplorer que ce brassage au nom de l’Unité nationale ne soit pas une réalité en ce qui concerne les représentants de l’État dans les régions.
*
Sud-Ouest :
Yoboki condamné à la soif ?
En raison de la panne d’une motopompe que la mauvaise gouvernance semble incapable de réparer ou de remplacer, les habitants de Yoboki, gros village du district de Dikhil, sont condamnés à la soif. Ainsi, depuis plus de dix jours, l’eau courante a disparu de cette localité particulièrement courtisée en octobre 2003. En attendant que le docteur honoris causa en campagne trouve une solution miraculeuse au problème de la soif à Yoboki, les milliers d’habitants de cette bourgade en sont réduits à faire la queue devant les rares camions-citernes de passage, venant de Dikhil.
A l’heure où le sourcier national se vante d’avoir découvert de l’eau sur le haut du plateau du Day, après avoir déversé des centaines de millions de nos francs pour faire venir de l’eau de Garenlé à 17 kilomètres en contrebas, qu’attend-il également pour sauver les habitants assoiffés de Yoboki ?
*
Misère de l’Ecole publique :
Accès, équité, qualité ?
Le ministre de l’Éducation nationale et sa délégation se sont rendus à Dikhil le 16 janvier dernier pour constater que, comme partout ailleurs, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pourtant, la réalité des écoles rurales reste préoccupante. Ainsi, l’école de Dawdawya dans la région de Yoboki est un exemple frappant du mépris officiel en matière d’éducation dans les zones rurales.
Dans cette école de trois classes, comptant chacune une trentaine d’élèves, seuls deux instituteurs sont contraints à prendre en charge près d’une centaine d’élèves. Le ministre de l’Education considère-t-il que l’accès équitable de l’enseignement et sa qualité sont assurés dans ces conditions? Pourtant, la presse gouvernementale avait, avec zèle, expliqué que tels étaient les objectifs poursuivis par les forums décentralisés tenus dans les différents districts de l’Intérieur.
Pendant ce temps, le chef de l’État et son pote le ministre de l’Éducation nationale, se permettent d’inaugurer des écoles de six classes construites par une organisation de bienfaisance yéménite, osant même pompeusement les baptiser lycées. Où a-t-on vu des lycées composées de six salles ? Au fait, combien de classes existent au lycée privé Guelleh Batal ?
A croire qu’elle participe activement à la déperdition scolaire. Pour l’heure, tout le monde est heureusement conscient que cette politique est condamnée à l’échec.
Les comptes de la Chambre des Comptes (5)
L’ANARCHIE DANS LES ETABLISSEMENTS PUBLICS
Il n’y a pas que l’administration centrale qui soit gangrenée par la mauvaise gouvernance. Dotés d’un conseil d’administration comme organe délibérant censé être indépendant de tout pouvoir politique ou économique, les établissements publics à caractère industriel et commercial (E.P.I.C) n’échappent pas à cette plaie, comme l’attestent les anomalies relevées dans les entreprises auditées par la Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire (CCDB)
Dans son rapport, la CCDB commence par constater que le gouvernement ne respecte pas les lois qu’il a lui-même édictées et relatives aux conditions de privatisation. A la loi n°130/AN/97 définissant quatre modalités de privatisation (cession d’actifs, cession de capital, transfert de l’exploitation et concession) a succédé la Loi-programme n°12/AN/98, plus restrictive et réduisant ces modalités à une seule : la cession d’une partie du capital après création d’une société anonyme de droit privé. Si cette modalité n’a pas du tout été respectée parce que le mode de privatisation privilégié du gouvernement reste la concession. Il est à souligner par ailleurs, les différentes cessions des entreprises publiques s’étaient faites dans une totale opacité en ce sens que certaines d’entre elles en bonne santé financière ont été bradées, comme par exemple la Pharmacie de l’indépendance.
Nous le savions déjà, la mauvaise gouvernance étant le mode de gestion des deniers publics, la Chambre des Comptes en dehors de l’énumération des défauts administratifs de ces établissements ne quantifie pas les conséquences économiques et sociales des dérapages de leur direction. Ce qui est grave puisque les modifications des textes antérieurs régissant les Conseils d’Administration qui ne sont plus présidés par les Ministres de tutelle, n’ont rien changé dans le fonctionnement anarchique de ces établissements. Quoiqu’il en soit, la désastreuse situation financière, en l’absence de tout contrôle en amont comme en aval, contribue à la perpétuation des gestions plus que douteuses des directeurs dont certains restent inamovibles.
Ne dit-on pas que «si la tête ne va pas, rien ne va».
La Chambre constate seulement l’état de déconfiture de ces entreprises dû principalement aux manquements des directions et des Conseils d’Administration. Or, il est curieux de la voir citer des paiements d’honoraires aux administrateurs sous forme de primes exceptionnelles. Elle écrit: «les membres de certains conseils d’administration perçoivent des honoraires sous forme de primes exceptionnelles contrevenant ainsi aux dispositions légales». Même si les magistrats ne nous disent rien du montant de ces primes exceptionnelles, elles doivent quelque peu grever le budget de ces établissements, quand nous savons que les conseils d’administration se réunissent au moins trois fois par an.
Les graves anomalies relevées par la Chambre n’ont pas de quoi surprendre puisque les Directions et les Conseils d’Administration, tous deux responsables de cette situation, demeurent inamovibles. Quelle responsabilité peut-on donc attendre des Comptables de ces sociétés d’État.
Certes, une entreprise étant un tout, les dérapages financiers accentués par la mauvaise gestion des responsables ne peuvent certainement pas garantir une rentabilité quelconque, ni une trésorerie positive.
La Chambre n’ayant toujours pas cité objectivement l’origine du mal, l’absence des pièces comptables et les passations de fausses écritures ne peuvent suffire. Il faut clairement désigner les fautifs et préconiser les décisions indispensables pour un redressement de la situation des établissements publics.
C’est la permanence de la mauvaise gestion depuis bientôt 30 ans qui assure ce que la Chambre des Comptes qualifie timidement de camouflage des dépassements des crédits qui se situeraient à environ 20% des prévisions. Or, tout un chacun sait qu’outre le train de vie des responsables de ces sociétés, l’État aussi s’en sert à l’occasion, y compris jusqu’à épuiser leurs ressources financières pour les guerres contre ces citoyens comme des voisins.
Ces contrôles de la Chambre manquent de sérieux. Les dépenses, remarque-t-elle, sont allégrement violées: fausses factures, faux bons de commande, absence de recouvrement des créances… Pourquoi les contrôleurs de la Chambre n’ont pas procédé à utiliser la méthode de contrôle à travers la réciprocité des comptes ? Ils auraient pu ainsi déterminer la part des malversations dans les dépenses de ces sociétés, mais aussi dégager la trésorerie supposée effective de celles-ci, dans une gestion saine. Point important qui sauverait peut-être certaines sociétés utilisatrices permanentes des multiples financements bancaires dont les frais pèsent et handicapent lourdement tout investissement et donc tout développement. A ce sujet, dans la déontologie bancaire (il y a en une), le financement accordée à des entreprises défaillantes constitue un délit, puisqu’il contribue à précipiter leur faillite.
Nous aurions souhaité un peu plus de sérieux et franchise en plus du dégagement de décisions susceptibles d’assainir l’état de délabrement économique, financier et social des établissements publics. Dès lors, les recommandations de la Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire se veulent comme un programme de moralisation de la vie publique auquel ne peuvent qu’adhérer les responsables, mais qui risque de rester lettre morte tant que fera défaut une volonté politique au sommet de l’État. Comme c’est le cas actuellement.
Courrier des lecteurs
OBOCK : ENCORE LE BLOCUS
En guise de contribution à la visite du chef de l’État à Obock, un jeune chômeur de ce district nous a fait parvenir ce courrier. Peut-être était-il persuadé que le cirque présidentiel en déplacement ne le laisserait par s’exprimer ? Merci de nous accorder votre confiance.
Ces derniers temps, AIR-FAD assure la desserte aérienne de Tadjourah et d’Obock, deux fois par jour. Dès son premier vol, un certain journal avait bel et bien précisé que c’était un signe de la campagne pour la présidentielle. Ce qui semble absolument vrai, tant cette région est oubliée par le gouvernement comme par l’ensemble des médias, y compris votre organe de presse, qui ne relate qu’occasionnellement sa détresse sans fin.
A l’heure où la femme et l’enfant sont des priorités partout dans le monde, des mères et leurs progénitures n’ont pas ici la considération que les ravisseurs du RPP accordent aux plantes vertes sur le terrain de décollage d’AIR-FAD. Une fois arrivé l’aigle provenant d’Éthiopie et transportant à son bord la ration quotidienne de khat, toutes les listes de passagers enregistrés sont annulées.
Et les rares mères retenues par miracle avec leurs bébés ne doivent surtout pas déranger les piles de khat occupant une place de choix. Pour son confort, les listes de passagers sont souvent réduites à 16 personnes. Cela leur est égal que ces bébés meurent de faim ou de soif.
Je n’évoquerai pas la falsification de ces listes, tout comme je n’évoquerai pas la discourtoisie envers les passagers : les militaires ne font ni dans le commercial, ni dans l’humanitaire. En fait, ces liaisons servent principalement aux ravisseurs du RPP qui regagnent Obock avec leurs rations de la plante verte.
Plus gravement, il y a environ deux mois, une jeune femme enceinte de plusieurs mois et atteinte d’hémorragie interne, avait été hospitalisée au dispensaire d’Obock. Constatant qu’elle avait déjà perdu trop de sang et qu’il n’y avait plus rien à faire pour elle ici, les responsables médicaux ont pris la décision de procéder à son évacuation sanitaire par voie aérienne sur la Capitale.
Au moment où l’avion s’apprêtait à atterrir sur le terrain, de hauts responsables du district et de la Santé l’accompagnèrent pour insister sur le caractère urgent et vital de son évacuation, afin que le pilote accepte de la prendre à bord. Détestant l’imprévu, la seule réponse de ce pilote fut qu’une fois arrivé à Djibouti, il en référerait à ses supérieurs mais que, pour ce vol, il lui était impossible d’embarquer la malade, la liste étant close. Que sa vie était en danger ne constituait pas pour lui un cas de force majeur. Pourtant, qu’y a-t-il de plus important que de venir au secours de son prochain et même de sauver une vie ?
Un autre jour, l’avion arriva à Obock aux environs de 15 heures, avec à son bord les inévitables rations de plantes vertes. A la descente des passagers, on remarqua enfin qu’une femme enceinte (et sous perfusion) avait beaucoup de mal à respirer, à cause de la promiscuité et de l’encombrante cargaison de khat. Or, ce même jour, un hélicoptère avait été mis à la disposition d’une autre campagne se déroulant à Khor-Angar et transportant lui aussi du khat.
Mardi, le Président de la République débarquera à Obock, sans se rendre compte de l’état réel de ses concitoyens dans ce district. Concitoyens dont il attend pourtant un accueil chaleureux. En marge de cette visite, de courtoisie dira-t-on, il procèdera à l’inauguration d’une école islamique entièrement financée et construite par le Yémen ; qui sera plus tard transformée en un lycée, paraît-il : on aperçoit déjà la photo de notre chef d’État sur un mur de l’enceinte.
Ce que nous ne comprenons pas ici, c’est le pourquoi de toutes ces gesticulations de la part d’un Président de la République qui, grâce aux fraudes, n’a rien à craindre des urnes. D’autant plus que l’opposition qui le gênait a fait savoir qu’elle ne participerait pas à la prochaine élection présidentielle.
Pour l’heure, tout est fin prêt à Obock pour le recevoir : les écoliers doivent être dans la rue poussiéreuse à applaudir, eux auxquels est pourtant refusée l’aide alimentaire fournie par le Programme Alimentaire Mondial destinée aux cantines scolaires. Il entendra quelques notables ou autres personnages le remercier de tous ses efforts en direction d’Obock dans le cadre de la Réhabilitation.
Parlons-en, justement. Pour nous Obockois, la Réhabilitation est uniquement le fruit de l’accord de paix du 12 mai 2001 et son financement par la communauté internationale a été sabotée par le gouvernement djiboutien. Avant le 7 février 2000, la ville et la région d’Obock étaient considérées comme des zones de guerre : prétendre qu’un effort de réhabilitation aurait suivi la paix de 1994 est donc totalement fantaisiste. Nous en savons quelque chose, qui avons dû fuir nos maisons et abandonner nos biens pillés par les troupes gouvernementales, avec quelques civils assassinés au passage. Pour ce qui est de la Réhabilitation actuelle, observons déjà que toutes les maisons prévues ne sont pas construites.
Mais il y a pire : les quelques logements en construction n’ont qu’une seule chambre ! Sans évoquer le fait que, faute de ciment en quantité suffisante, certaines portes d’entrée sont déjà à terre.
Merci quand même, monsieur le Président pour cet effort, quoique beaucoup de citoyens aimeraient bien savoir où diable sont passés les millions et les millions prétendument injectés dans cette réhabilitation version RPP. Surtout, certaines Obockois désemparés s’interrogent, eux auxquels est refusée une maison en remplacement de la leur détruite, parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour financer la part de la construction laissée à la charge des « réhabilité ».
Sans oublier, enfin, que le taux de chômage avoisinant ici les 99%, il sera difficile à ces nouveaux locataires d’honorer les factures d’eau et d’électricité. Tout ceci pour dire qu’avec ce régime, notre avenir restera désespérément triste.
Pour conclure, justement, cela concerne l’actualité de cette semaine à Obock : des citoyens privés de leur identité nationale (presque 60% n’ont pas de pièces d’identité, le registre d’état civil ayant été détruit par les soldats au début de la guerre) n’auront pas eu l’honneur de participer à l’élection pour désigner le président d’annexe d’un certain parti. Comme quoi, le régime n’a besoin ni de militants ni de citoyens. On aurait dit tant mieux s’il ne s’agissait que de ne pas être militants de ce parti de malheur, qui n’est autre que le RPP.
En ce qui nous concerne, pour les pièces d’identité, le prétexte au refus opposé par l’administration était autrefois que les cartes des parents étaient introuvables. A présent, même si les pièces d’un seul parent sont en principe suffisantes, l’accès à la citoyenneté pose encore problème : une fois arrivés à Djibouti, il paraît que les dossiers disparaissent. C’est trop grave pour en rire.
Je profite de cette occasion pour féliciter la jeunesse de Tadjourah pour sa remarquable et constante mobilisation ; tout comme je tiens à féliciter toute la Jeunesse djiboutienne, où qu’elle se trouve : restons mobilisés et revendiquons nos droits.
M.A.M Obock
Djibouti-Somaliland : du mépris au « respect »
Les observateurs relèvent que, depuis peu, l’arrogance de la diplomatie djiboutienne s’est quelque peu atténuée. Toutefois, les rencontres soutenues avec la République du Somaliland et la timide participation de notre pays à la consolidation de la paix inter-somalienne scellée au Kenya illustrent l’ambiguïté de notre diplomatie.
L’actuelle trajectoire de la politique régionale djiboutienne ne correspond plus à sa position initiale. Certes, le gouvernement formé au Kenya y est pour quelque chose comme les élections législatives en Somaliland prévues pour mars prochain et la présidentielle à Djibouti un mois plus tard. Cependant, le pouvoir a passé sous silence, dans sa presse écrite, cette visite officielle de l’importante délégation ministérielle du Somaliland.
Pour notre part, nous nous sommes intéressés à l’événement. Car, quoi qu’il en soit, il est clair que la visite à Djibouti des ministres somalilandais fait suite au voyage officiel effectué chez nous par l’actuel Président de ce pays, au lendemain de son investiture, rencontre qui avait permis la reprise des relations entre les deux voisins. Sous la conduite de leur ministre de l’Intérieur, cette délégation était composée de cinq ministres dont celui de la Communication, de l’Économie, de l’Air et du Transport aérien, celui en charge des relations avec le Parlement et enfin du Maire de la Capitale somalilandaise, Hargeisa, devant s’entretenir avec son homologue djiboutien pour dégager les domaines d’intérêt réciproque.
Interrogée par la presse de son pays, le ministre somalilandais de la Communication avait précisé que sa délégation allait visiter Djibouti sur invitation du gouvernement de ce pays avec, pour objectif, le renforcement des relations d’amitié et de coopération entre les deux pays. Précisant que suite à la création antérieure d’une commission interministérielle, cette nouvelle rencontre devait permettre la mise en place des commissions techniques des deux pays.
Les discussions porteraient, avait-il souligné, sur la coopération entre les deux États dans les domaines de l’Économie, du Commerce, de la paix, de la lutte contre le terrorisme et enfin de la finalisation de certains points restés en suspens qu’il n’a pas voulu citer.
Néanmoins, le Ministre voulait calmer le gouvernement djiboutien, irrité des propos de son homologue chargé de l’Élevage sur l’exportation via le port de Djibouti du bétail sur pied, il s’est refusé à confirmer si cette visite dans notre pays appuyait la candidature du Président djiboutien en avril 2005. Mais il a surtout éludé la question portant sur le refus de reconnaître le Somaliland par l’État hôte, en soulignant que la République autoproclamé sans reconnaissance internationale était obligée de travailler avec son voisin immédiat, même sans sa reconnaissance.
Or, si la presse nationale écrite (par contre, toujours audio à l’adresse de certains quartiers de la Capitale quand il s’agit de manœuvres électoralistes) n’a pas jugé utile de commenter les résultats de cette rencontre, celle du Somaliland, quant à elle, présente à Djibouti, prétend que cette visite a révélé les points tenus secrets de cette réunion interministérielle. Ainsi, le gouvernement djiboutien aurait demandé, et ce n’est pas la première fois, le transfert de la frontière et du village de Loyada, côté somaliland, de près de 20 km, à l’intérieur de ce pays. Il est dit par ailleurs que, depuis deux ans, Djibouti se plaint de la contrebande venant de ce pays, en particulier celle du carburant et des cigarettes, activité que combattent officiellement les forces de police des deux pays.
La presse somalilandaise se demande également si l’explosion perpétrée l’année dernière contre les deux stations d’essence du village frontalier de Loyada, dont les auteurs demeurent toujours introuvables, ne serait une raison trop facile invoquée par l’État djiboutien dans sa lutte contre l’activité de contrebande. Cette même presse signale enfin que les petits commerçants somalilandais se plaignent de la confiscation de certains produits par les forces de police, alors qu’ils seraient ensuite revendus ailleurs.
A cette réunion, à laquelle avaient participé entre autres, côté djiboutien, le ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération, de l’Intérieur et de la Décentralisation et celui en charge de la Communication, aurait été discutée la question de l’exportation du cheptel somalilandais via Djibouti.
Quoi qu’il en soit, cette visite a suscité une levée de boucliers tant parmi la population somalilandaise que du côté de l’opposition de ce pays qui voient d’un mauvais œil le caractère secret de ces relations tenues secrètes.
En effet, ils disent craindre que cette insistance de la partie djiboutienne pour le transfert de la frontière soit dictée par des visées obscures. D’ailleurs, lors de son intervention télévisée le ministre djiboutien des Affaires Étrangères n’avait pas hésité à affirmer qu’entre les deux pays, la notion de frontière n’avait aucun sens. Une attitude démagogique que nous dénonçons avec vigueur.
Nous sommes tentés de rappeler que cette invitation lancée au Somaliland en pleine campagne pour la réélection du candidat solitaire reste, avant tout, une opération électoraliste destinée à s’assurer du concours des Djiboutiens installés dans ce pays en faveur du renouvellement de son mandat. Le Somaliland n’a pas la mémoire courte, ses dirigeants et sa population savent bien que le FUOD et sa composante le FRUD, avaient dès 1992 reconnu son choix à l’autodétermination.
L’ARD, continuité historique du FRUD et du FUOD, reste toujours fidèle à cette position de principe.
Enfin, il est clair qu’à travers cette manœuvre de rapprochement avec le Somaliland, le régime cherche à réitérer le forfait anti-démocratique d’avril 1999, tout en continuant de saboter la Réconciliation somalienne initiée au Kenya.
Graner contre Graner
Le caporal américain Charles Graner, considéré comme le principal responsable des sévices infligés à des détenus irakiens dans la prison d’Abou Ghraïb, a été condamné samedi dernier à dix ans de prison et à la radiation de l’armée par la cour martiale de Fort Hodd, au Texas. Agé de 36 ans, il a donc été reconnu coupable par les dix officiers composant le jury de ce tribunal militaire, tous d’anciens combattants en Irak et en Afghanistan. Cet ancien gardien de prison dans le civil a été présenté par l’accusation comme l’instigateur des sévices infligés aux prisonniers d’Abou Ghraïb, tandis que, pour la défense, le caporal Graner n’aurait fait qu’obéir aux ordres de ses supérieurs.
Accusé de mauvais traitements envers des détenus, incapacité à les protéger contre des abus, actes de cruauté, agressions et actes d’indécence, le caporal Graner avait notamment contraint des prisonniers irakiens d’Abou Ghraïb à composer nus une pyramide humaine, à se masturber devant leurs geôliers ou encore à mimer des scènes de fellations.
Ce scandale avait éclaté au printemps dernier, avec la publication de photos de prisonniers irakiens humiliés par des soldats américains. Aucun membre du jury ne pouvait décemment déclarer recevable l’argumentation selon laquelle toute la chaîne de commandement était complice, car il est impensable qu’une telle décision ait été prise au plus haut niveau.
Pour sa défense, le soldat Charles Graner a reconnu avoir agi de manière condamnable, en affirmant : «Je n’ai rien aimé de ce que j’ai fait là-bas. Beaucoup de choses étaient mauvaises, beaucoup étaient criminelles.» Tout en précisant aussitôt : «Ma hiérarchie m’a ordonné de continuer les sévices.» Il s’est même permis de donner les noms de plusieurs de ses supérieurs auprès desquels il a affirmé avoir protesté contre les mauvais traitements infligés aux prisonniers.
L’accusation a maintenu que Graner était connu pour être un sadique notoire et qu’il n’avait aucunement reçu des ordres pour se comporter de la sorte. Dans sa plaidoirie, l’avocat de Graner avait pourtant martelé que son client avait agi sur ordre des responsables du renseignement militaire.
Après le verdict, la mère de Charles Graner, pleine d’amertume, a nommément accusé le président Bush et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld d’être les vrais instigateurs des tortures contre les prisonniers irakiens.
Toujours est-il qu’il est à présent établi que le pitoyable soldat Graner et sa compagne, la première classe Lynndie England, dont les photos avec les prisonniers irakiens nus ont fait le tout du monde, sont des monstres à visage humain qu’une Amérique bien-pensante ne pouvait tolérer. Le scandale de ces humiliations a déjà conduit à la condamnation de quatre autres soldats américains.
Pour leur part, les organisations des droits de l’homme avaient eu parfaitement raison d’alerter l’opinion publique internationale sur le sort des prisonniers détenus à Guantanamo, dans des conditions qui contreviennent à la Convention de Genève relative aux prisonniers de guerre et, d’une manière générale, cette condamnation de Graner intervient dans un contexte de recul des droits de l’homme à la faveur de la lutte antiterroriste. L’arsenal juridique adopté aux États-Unis et en Europe fait régulièrement l’objet de plaintes déposées par Human Right Watch. Les États-Unis n’hésitent d’ailleurs pas à sous-traiter dans les pays alliés, notamment dans le monde arabe, des polices locales peu scrupuleuses dans leur recours à la torture pour extorquer des aveux à de simples suspects.
Cette condamnation n’en reste pas moins exemplaire, surtout pour un pays comme Djibouti, où de gradés et de moins gradés s’étant rendus coupables de crimes de guerre, jouissent encore de la plus totale impunité, certains ayant même été décorés et promus.
COMMUNIQUÉ DE L’UAD |
Meeting populaireà l’avenue Nasser
L’Union pour l’Alternance Démocratique souhaite une bonne et heureuse fête de l’Aïd-El-Adha à toute la communauté djiboutienne ainsi qu’aux musulmans du monde entier.
L’UAD invite toutes ses militantes et tous ses militants à assister massivement à son grand meeting populaire qui se tiendra le jeudi 20 janvier à partir de 8 heures 30 devant le siège de l’UDJ à l’Avenue Nasser.
Le soldat, le ministre et le député
FRAGMENTS D’UN DIALOGUE CENSURÉ
En réaction aux derniers développements d’une ténébreuse affaire, qui empoisonne ses relations avec la France, le régime a repris sa diplomatie de l’insulte. Fini la rigolade, apprend-on dans les colonnes de « La Nation » : Paris coupable d’avoir laissé sa Justice manquer de respect à l’égard des dirigeants djiboutiens, doit désormais savoir que «the game is over» ! Comme il est vilain de manquer de respect vis-à-vis de qui que ce soit, il est de notre devoir de relater les conditions honteuses dans lesquelles s’est déroulé le Conseil des ministres décentralisé à Tadjourah mardi 11 janvier. Le cirque en déplacement militarisé s’y est tellement moqué du monde qu’ici, l’on peut estimer que la machine à frauder a fait tilt.
« La démocratie pastorale en pratique » : c’est sous ce titre fleurant bon la nostalgie élitiste d’une peuplade subtropicale se croyant Élue, que le journal gouvernemental « La Nation » a relaté à sa manière les échanges qui se seraient établis entre le chef de l’État et les habitants de la région de Tadjourah. Le malheur, ce n’est pas que la presse gouvernementale dénature à ce point les faits : seul le cloisonnement des différentes composantes de notre communauté nationale l’autorise à désinformer ses lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. En effet, s’étant heurtée au devoir de vérité qu’impose une posture citoyenne, la machine électorale du candidat en campagne a en fait, tout simplement, censuré les propos de tous ceux qui, en toute bonne foi, s’étaient déplacés pour formuler les inévitables doléances d’une région abandonnée.
Car c’est de cela qu’il était question lorsque les émissaires du chef de l’État ont sillonné ce district : l’illustre visiteur désirait entendre ses concitoyens pour qu’ils lui fassent part de leurs attentes. Cette démocratie directe, à défaut d’être pastorale, devait en premier lieu se concrétiser par la présence des notabilités après la séance du Conseil des ministres. Hélas ! l’accès à la salle de réunion a été refusé sans ménagement à certains des plus importants notables de Tadjourah. Quant aux autres, qui ont pu approcher, il ne leur a pas été possible d’exprimer une quelconque doléance : tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Beaucoup d’entre eux, réquisitionnés du fin fond de la brousse, juraient mais un peu tard qu’on ne les y reprendrait plus : non seulement censurés, mais même les mandibules ont fait le voyage pour rien, puisque le khat offert par le visiteur avait été confisqué par la soldatesque !
Puis, ce fut au tour d’un « député » de la région d’être brutalement éconduit par un soldat de faction : par respect pour nos lecteurs, nous ne reproduirons pas les propos (classés X) de cette gâchette nerveuse. Occupant à l’Assemblée nationale un siège qui aurait normalement dû revenir à un candidat UAD, il nous est difficile de nous sentir offusqués par l’humiliation ainsi infligée à ce timide qui aurait certainement inspiré Brel.
Depuis l’Antiquité, l’instauration de la démocratie s’est accompagnée d’un processus de neutralisation des guerriers, selon le principe latin en vertu duquel les armes cèdent le pas aux toges. Tout comme chez nous, un Sultan ne doit jamais porter sur lui des attributs guerriers : il gouverne uniquement par la Parole.
Ce qui n’est évidemment pas le cas de ce régime, comme le rappelait un graffiti condamnant les « mal-élus » sur un mur de Tadjourah. Quand un militaire se permet de publiquement insulter celui qui ose se prétendre élu du Peuple, c’est de notre point de vue un peu plus grave qu’une convocation à comparaître adressée par la lointaine Justice française à un fonctionnaire djiboutien, quel que soit son rang. C’est aussi le moment où le vernis démocratique laisse transparaître le despotisme local dans toute sa sauvagerie : il est ainsi rappelé au mal-élu qu’il n’est qu’une simple fabrication et qu’il ne devrait pas trop se prendre au sérieux. Comme le sujet de Pharaon, il appartient à son créateur, lequel accorde plus d’importance au soldat qui le protège qu’au pantin qui le légitime.
Mais il n’est pas nécessaire d’être armé pour ainsi bafouer la bienséance démocratique. Il se raconte dans les couloirs de l’Assemblée nationale qu’un député trop consciencieux avait été récemment insulté par un ministre lui déniant tout droit d’expression, en raison de l’origine tribale de l’un et de l’autre. Le député et le ministre se reconnaîtront.
Le dictateur qui le précédait avait une autre façon d’agir. En tournée dans ce même district, il avait un jour des années 80 refusé la parole à un illustre notable souhaitant s’exprimer. Si le visiteur n’était pas venu pour l’écouter, lui ne s’était pas déplacé non plus uniquement pour boire ses paroles : ce notable quitta donc dignement une réunion dans laquelle il ne se considérait pas à sa place, parce que rabaissé au rôle d’un pitoyable figurant convoqué pour applaudir. Le successeur préfère pour sa part feindre écouter ceux que lui et ses obligés ont préalablement sélectionnés parce qu’ils n’avaient aucun intérêt à lui dire la vérité.
Vérité que, n’en déplaise à certains mâles, une femme pourtant peu suspecte d’opposition, a osé dire en face au chef de l’État : son gouvernement n’offre aucune perspective de développement pour la région de Tadjourah. Ainsi a-t-elle regretté que le village de Sagallou, en tant que zone affectée par le conflit, n’ait bénéficié d’aucun programme de réhabilitation. L’interrompant sans courtoisie, le Premier ministre lui aurait alors répondu que son gouvernement allait corriger cette injustice «même en détournant, s’il le faut, les crédits affectés à la reconstruction des maisons d’Obock».
Dégoûtée mais pas convaincue, elle lui aurait tout simplement répondu : « Ne m’interrompez pas, c’est au chef de l’État que je m’adresse».
Pas convaincue : le régime aurait commencé à reconstruire toutes les infrastructures détruites durant le conflit, au lieu de se gargariser de deux réalisations (un local pour stocker du poisson et une école) entièrement financées par la générosité extérieure.
Ce mardi-là à Tadjourah, la machine du parti unique a vraiment fait tilt : il est impossible de durablement berner une population de plus en plus consciente des réalités. A quand la prochaine étape, celle de l’heure de vérité ?
En toute logique, ce régime d’usurpation et de fraude tentera vainement de réprimer toute aspiration à la vie qui ose s’exprimer ailleurs que sur le terrain miné d’une consultation électorale.
Mais de cela, tout le monde est conscient : l’émancipation et le développement sont à ce prix.
* * *