Réponse de Laurent Fabius à la question écrite du député Noël Mamère à l’Assemblée nationale
Question publiée au JO le : 12/03/2013 page : 2694
Réponse publiée au JO le : 09/04/2013 page : 3778
Texte de la question
M. Noël Mamère attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la suite des élections législatives qui se sont déroulées le 22 février 2013 à Djibouti dans un silence médiatique impressionnant. Ce petit pays de 23 000 km² occupe pourtant une position extrêmement stratégique, accueillant sur son sol des bases militaires française, étasunienne, japonaise, allemande et italienne, destinées à surveiller le trafic pétrolier de la Mer rouge et la région du sahel, actuellement sous tension. Depuis son indépendance en 1977, Djibouti vit sous le régime autoritaire d’une même famille : l’actuel président Ismaïl Omar Guelleh a succédé en 1999 à son oncle Hassan Gouled Aptidon, sous la bénédiction de son ancienne puissance coloniale, la France. Quelques jours seulement après ces élections législatives, marquées par de très nombreuses irrégularités qui entachent leur crédibilité, des arrestations massives de membres de l’opposition ont eu lieu, malgré les dénégations du pouvoir en place. Aujourd’hui, les manifestations continuent dans l’indifférence de la communauté internationale, et sous la pression d’un pouvoir qui ne cesse d’intimider l’opposition rassemblée sous le nom d’Union pour le salut national (USN). Il souhaite savoir si la France entend continuer à faire bénéficier ce régime non démocratique des dizaines de millions d’euros que rapportent annuellement la concession de sa base militaire et lui demande s’il a prévu de se coordonner avec les gouvernements allemand et italien, voire étasunien et japonais, pour établir des exigences démocratiques en matière de coopération militaire avec Djibouti. Il lui demande également si le Gouvernement français compte sortir du silence pour s’engager à soutenir la population djiboutienne dans son combat pour la démocratie.
Texte de la réponse
Pour la première fois depuis 2003 à Djibouti, une élection nationale s’est déroulée avec la participation effective de l’opposition. Ces élections législatives, qui marquent une étape importante dans la vie démocratique du pays, ont cependant été émaillées d’incidents regrettables. L’opposition réfute les résultats provisoires annoncés par le ministère de l’Intérieur et l’union pour le Salut national. Elle a appelé à la contestation depuis le 25 février dernier. Les quatre missions d’observation internationale (union africaine, ligue des Etats arabes, organisation de la coopération islamique, autorité intergouvernementale pour le développement) ont estimé que le scrutin avait offert au peuple djiboutien l’opportunité d’exprimer librement son opinion et que les résultats provisoires avaient été obtenus dans la plus grande transparence. Ces observateurs ont certes recommandé la mise en place d’une commission électorale nationale et indépendante permanente, la révision régulière des listes électorales, la possibilité d’organiser un scrutin spécial pour les forces de l’ordre avant la date du scrutin ainsi que l’implication de la société civile et d’observateurs nationaux aux processus électoraux. La France prend acte de ces conclusions. Dans un communiqué en date du 28 février 2013, la France a relevé la contestation par l’opposition des résultats provisoires et appelé en conséquence à la plus grande transparence, notamment par la publication des résultats provisoires détaillés par bureau de vote. Elle a renouvelé son attachement au respect du droit de manifester pacifiquement, qui doit être à la fois garanti et encadré, afin d’éviter tout dérapage. La France est attentive à ce que l’opposition ait un droit d’expression garanti, et à ce qu’elle ne fasse l’objet d’aucune menace ou intimidation de la part du gouvernement, ayant toujours estimé qu’il était préférable qu’elle participe à ces élections pour mieux se faire connaître auprès des Djiboutiens et contribuer de manière positive à la vie démocratique. La France poursuivra auprès des autorités djiboutiennes comme auprès de l’opposition le travail d’accompagnement vers la démocratie. Préoccupée par les informations faisant état d’arrestations de membres de l’opposition et par les débordements survenus lors de manifestations, la France s’est notamment enquise auprès des autorités de la situation de responsables de l’opposition ainsi que de militants des droits de l’Homme. La France reste vigilante, comme partout ailleurs, au respect des droits fondamentaux, en particulier à la liberté d’expression.