Réalité numéro 97 du mercredi 19 mai 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 97 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
A BEAU MENTIR QUI VIENT DE LOIN :
QUAND UN PROCUREUR DIFFAME
Il n’y a rien à dire : le langage spontané des corps est souvent plus parlant que tous les discours de rationalisation a posteriori. Il suffisait, pour s’en rendre compte, de juste prêter attention à la façon dont se tenaient les différents acteurs de la conférence de presse, généreusement retransmise par la RTD, qui s’est déroulée à Paris dans le cadre des derniers développements de l’affaire Borrel. N’insistons pas sur la posture débonnaire des journalistes français au moins dubitatifs et intéressons-nous aux organisateurs, professionnels de la parole légale, ce qui ne veut dire ni juste ni légitime, dont l’aisance par rapport à cet exercice de séduction variait en fonction d’un certain nombre de données sociologiques, sinon ethnologiques. Ainsi, tandis qu’un des deux avocats français témoignait une aisance (et une suffisance) qu’autorise plus la distance géographique que la maîtrise technique du dossier, l’autre était vraiment dans ses petits souliers, visiblement mal à l’aise et n’ayant pratiquement pas évoqué ce qui était censé justifier sa présence, à savoir l’attentat du Café de Paris de septembre 1990, quoique l’on apprit au passage qu’il avait accusé certains magistrats djiboutiens de corruption.
Pour sa part, le magistrat djiboutien chargé de vendre la version de son commanditaire, tranchait par son extrême fébrilité. Nerveux à tel point qu’il en était maladivement sur la défensive, son aisance approximative avec le français parlé (n’ayant pas grandi dans un tel environnement culturel) ne jouant pas en sa faveur. Si son micro a quelque peu souffert de l’amplitude (au sens thermique) de sa voix, ses auditeurs djiboutiens n’ont pas eu à beaucoup tendre leurs oreilles pour se rendre compte que le Procureur était manifestement en train de mentir et de diffamer.
Nul n’insistera sur le fait qu’Alhoumékani et son compère Iftin soient aujourd’hui présentés comme d’anciens tortionnaires : aux ordres de qui torturaient-ils alors ? Nul ne prendra non plus ce magistrat au sérieux lorsqu’il prétend qu’Alhoumékani avait toujours été protégé par le Général Fathi : il faudrait se demander si ledit Fathi avait réellement ce pouvoir et de quelle protection se sentait-il assuré pour mettre en danger la vie du Président de la République et de son Chef de Cabinet en maintenant dans leur garde rapprochée un individu aussi peu sûr ?
Mais aucun concitoyen ne peut accepter que le Procureur djiboutien essaie de salir quelqu’un dont il n’arrive même pas à la cheville : il faut avoir très peu de respect à l’égard de l’identité djiboutienne (ou en avoir une idée venue d’ailleurs) pour oser prétendre que l’affaire Borrel est une pure invention de M. Dini. Selon le Procureur (qui s’en est d’ailleurs emmêlé les pédales en affirmant une fois que Djibouti est un pays pacifique et pacifié, et se rétractant une autre fois en insistant sur le fait que l’invention de cette affaire Borrel s’expliquait par le conflit civil que traversait alors Djibouti), M. Dini aurait beaucoup écrit, plaidant pour que M. Alhoumékani, détenteur de lourds secrets d’Etat relatifs à l’assassinat du juge français, obtienne le statut de réfugié politique.
Et ceci est une honteuse diffamation, dont seul est capable un magistrat pour lequel défendre un régime est plus important que de défendre la loi. En attendant que l’ARD dépose officiellement plainte contre lui (par principe, pour montrer toutes les limites d’une Justice dont le Procureur de la République viole aussi facilement une loi qu’il est censé appliquer), nous le mettons au défi non seulement de produire le moindre document signé de M. Dini en faveur de M. Alhoumékani (c’est en fait un autre responsable habilité à engager le FRUD qui en est l’auteur), mais surtout d’indiquer la moindre ligne dans ce document faisant allusion à la mort de M. Borrel. Pour le FRUD, il s’agissait juste d’aider un concitoyen s’estimant en danger à pouvoir s’installer en Europe. Crainte qui, connaissant la nature profondément répressive du régime djiboutien, ne pouvait être prise à la légère, avec ou sans affaire Borrel : même aujourd’hui et par ricochet, personne n’osera sérieusement prétendre que la famille d’Alhoumékani restée à Djibouti vit en toute quiétude.
Le renversement des rôles est tout simplement extraordinaire dans cette affaire : un procureur devant normalement instruire se transforme en avocat plaidant maladroitement pour l’innocence du Président de son Conseil Supérieur de la Magistrature ; un avocat étranger s’autorisant à instruire en déclarant que la Justice djiboutienne pourrait diligenter une nouvelle instruction. De quoi se mêle-t-il ? La fâcheuse impression qui se dégage de la complaisance française et de l’arrogance djiboutienne, c’est qu’il y a comme un renvoi d’ascenseur… pour l’échafaud ?
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Brèves nationales
Les Pitres (riz) du « Progrès » :
Qui sème le vent récolte… le Khamsin
Ayant adopté un honteux profil bas pendant toute la période où « Réalité » révélait le scandale du riz indien détourné par l’administration présidentielle, voilà que le malheureux pamphlet du Rpp gonfle ses poumons (mais non ses ventes) en raillant dans son dernier numéro la lettre ouverte à la Présidente de l’UNFD publiée dans notre numéro 95. Prenant son cas pour des généralités, ce confrère fatigué nous accuse d’avoir fabriqué ce document au nom d’une association fantôme, l’Union de la Jeunesse d’Arhiba en l’occurrence.
L’UJA n’est effectivement pas une association-maison vivant des prébendes, c’est un regroupement de jeunes désœuvrés révoltés par la pauvreté et la prédation vécues dans leur quartier. Nous les connaissons et avons soigneusement gardé leur manuscrit signé. Nous aurions pu recueillir leur témoignage et en faire un article sur le détournement de l’aide humanitaire octroyée à Arhiba.
Nous avons respecté leur choix en publiant leur lettre ouverte. Rappelons que dans cette lettre ouverte ces jeunes demandent à rencontrer la Présidente de l’UNFD afin de lui exposer de vive voix la dure réalité de leur quartier géré par des prédateurs proches du pouvoir. Si la première dame est disposée à les recevoir dans un de ses multiples bureaux feutrés, elle verra bien que ces mécontents regroupés sous le sigle UJA existent bel et bien. Le griot dénommé « Le Progrès » s’est donc ridiculisé en nous imputant un texte plutôt amical envers l’UNFD. Surtout que la Présidente de l’UNFD et son illustre époux savent mieux que quiconque que la rédaction de « Réalité » n’a jamais été tendre à leur égard.
Saluons tout de même au passage les prouesses intellectuelles de l’écrivaillon qui s’est fendu de l’article accusant « Réalité » de fabriquer des faux : Il aura réussi à noircir toute une page sans démentir une seule fois ce qui faisait l’objet de la Lettre Ouverte : l’aide humanitaire fourni aux sinistrés d’Arhiba a été détourné, comme tant d’autres.
A propos : où était ce génial rédacteur quand « Réalité » avait publié des documents prouvant le détournement du riz indien ? Il se cachait : eh bien qu’il s’abrite du Khamsin maintenant !
Forum sur les droits de l’Homme :
En l’absence des vrais défenseurs
On peut reconnaître une grande qualité au Ministre de la Justice chargé des Droits de l’Homme, celle de la persévérance. Alors que l’Union pour l’Alternance Démocratique lui avait notifié solennellement les raisons de son refus de participer au Forum sur les Droits de l’Homme.
Notre philosophe peut-être disciple de Zénon a quand même envoyé des cartons d’invitation sans même apporter un début de réponse aux griefs soulevés par l’UAD. Libre à lui dans la logique de ce régime d’esbroufe d’organiser une concertation médiatique avec les associations-maisons et autres acteurs complaisants.
Nous lui rappellerons pour notre part qu’après son arrivée à la tête du Ministère de la Justice, il y a de cela 3 ans, le Tribunal du Contentieux Administratif n’a toujours pas siégé une seule fois. Sans justice indépendante comment peut-on parler d’Etat de Droit, tout comme il est ridicule de parler d’État de Droit dans un pays où les citoyens sont démunis devant le pouvoir de tous les abus ?
Ali-Sabieh /Il-Jano :
Disponible en piscine mais pas en bouteille.
Trois mois après la pompeuse et folklorique inauguration de l’usine d’eau minérale d’Ali-Sabieh, les Djiboutiens s’étonnent toujours de l’absence de « la source du paradis » sur le marché. Aux dernières nouvelles, cette eau serait maintenant disponible dans une piscine géante construite près de l’usine. Les jeunes Assajog qui voient leurs robinets à sec plusieurs fois par semaine viennent donc se baigner dans cette piscine miraculeuse mais dont la qualité de l’eau rarement changée est plus que douteuse. Piètre performance de ce régime de mauvaise gouvernance synonyme à la fois de pénurie et de gâchis.
Interview présidentielle à «Jeune Afrique» :
Le citoyen président a-t-il revu sa copie ?
Dans la deuxième partie de l’interview fleuve accordée à « Jeune Afrique », le chef de l’Etat qui n’est pas à une volte-face près revient sur le cas Aden Robleh Awaleh.
Le journaliste n’a pas manqué de lui rappeler sa précédente bourde, en le questionnant ainsi: «lors de notre précédent entretien, vous avez évoqué le nom de l’ex-opposant Aden Robleh Awaleh parmi les commanditaires présumés de l’attentat de 1990 contre le « Café de Paris ». Or, Robleh travaille actuellement à vos côtés. N’est-ce pas gênant ?».
Apparemment sans gêne,le Premier Magistrat Djiboutien, répond en se rétractant: « je ne mets pas en cause spécifiquement Aden Robleh dans cette affaire, mais un groupe de djiboutiens basés à l’époque à Addis-Abeba.
Je ne suis pas Juge, je n’ai jamais jeté l’anathème sur personne. Pour le reste je suis quelqu’un d’ouvert : tous les hommes de bonne volonté sont les bienvenus à mes côtés, dont M. Robleh ».
Sidérant, n’est-ce pas ? Nous analyserons plus longuement cette surréaliste interview présidentielle dans notre prochaine édition.
Taxis Djiboutiens :
Volant à gauche, s’abstenir.
Depuis quelques années l’importation de véhicule bon marché en provenance des pays du Golfe est en nette progression.
Si certains particuliers nantis prennent bien soin de faire modifier sur place le volant normalement à gauche de leur véhicule privé, ils sont nombreux les Djiboutiens ayant importé des véhicules disposant des volants à gauche.
C’est ainsi que se sont retrouvés sur le marché djiboutien des dizaines de véhicule de marque japonaise avec un volant à gauche et servant comme taxi, légalement importés et immatriculés.
Les propriétaires de ces automobiles sont également munis des autorisations en bonne et due forme régulièrement délivrées par les autorités compétentes afin d’exercer le métier de taxi. Revirement des pouvoirs publics : depuis quelques mois une décision interdit l’importation de ce genre de véhicule pour des impératifs sécuritaires. Aussi plusieurs dizaines de taxis encore en circulation ont donc été dernièrement retirés de la circulation.
Confisqués à leurs propriétaires et entreposés dans la zone franche. Il est demandé paraît-il aux propriétaires de ces véhicules d’effectuer dans les meilleurs délais des travaux de modification (volant de gauche à droite). S’ils veulent continuer à exercer leur métier. Le comble pour ces chauffeurs c’est le prix de la modification de volant de leurs véhicules : 200.000 FD à payer à un garagiste devenu miraculeusement spécialiste pour ce genre de travaux. Proche du régime, ce dernier est assuré d’engranger au bas mot 30.000.000 FD sur le parc automobile à modifier. Les chauffeurs de taxi rappellent de leur côté que leur revenu mensuel n’excède pas 100.000 FD. Dans ces conditions, que faire?
Des dizaines de familles djiboutiennes vivant de ce métier de transport se retrouvent privés de revenus à cause des volte-face d’une administration permissive et pernicieuse ?
La balle est désormais dans le camp de l’homme providentiel en campagne pour sa réélection ; n’est-il après tout le premier bailleur de fonds national grâce aux fonds inépuisables engrangés par la Présidence?
Meles Zenawi à Djibouti :
Une visite sur fond de suspicions…
Le Premier Ministre Ethiopien Meles Zenawi effectue, depuis mardi, une courte visite à Djibouti, officiellement pour y inaugurer les nouveaux locaux de l’Ambassade Ethiopienne bâtie au Marabout. Cette visite annoncée de longue date mais sans cesse reportée sera l’occasion de jauger de l’Etat de nos relations avec ce grand voisin. En effet, les observateurs s’accordent à dire que les liens privilégiés que notre pays a entretenu jadis avec notre puissant voisin ne sont plus ce qu’ils étaient.
Les motifs de désaccord ne manquent pas : le dossier somalien figure en bonne place, suivi par le contentieux sur les conditions de l’utilisation du port de Djibouti par la partie Ethiopienne.
Enfin, dernière pomme de discorde et non des moindres, la présence supposée sur notre territoire des mouvements éthiopiens en rébellion ouverte contre le pouvoir central de ce pays. C’est ce qui expliquerait peut-être que les éthiopiens peu confiants dans la vigilance de nos forces de sécurité aient préféré dépêcher à l’avance des éléments de leurs propres services de sécurité.
Après cela, le régime djiboutien fanfaron osera toujours prétendre que nos relations restent excellentes avec notre partenaire historique.
L’avenir nous le dira…
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Coopération en eaux troubles
(suite et fin)
Nous continuerons cette semaine encore à interpeller le Gouvernement concernant l’usage qu’il a fait ou compte faire de la manne financière de 125 millions de US dollars (dont 25 millions de prêt) mobilisés en 2003 à la faveur de la lutte contre le terrorisme, toujours à la lumière du rapport d’activités du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération et du Budget de l’Etat pour l’exercice 2004.
Le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération a effectivement été très actif à en croire le nombre de visites effectuées à l’étranger par les Ministres et le Chef de l’État : Éthiopie à trois reprises, Inde, Iran (trois), Malaisie, Chine (2), Japon (3) et USA. Mais aussi par le nombre d’accords signés cette année là et dont l’exécution dépend pour l’essentiel de Djibouti. Si nous reproduisons ici intégralement le tableau l’aide bilatérale mobilisée, c’est uniquement aux seules fins de les confronter à l’épreuve des réalisations et du vécu des difficultés quotidiennes de nos concitoyens.
L’opacité délibérément entretenue et les chiffres contradictoires fournis par les lois adoptées par l’Assemblée Nationale (budget de l’État, lois rectificatives…) rendent illisibles les comptes-rendus du gouvernement comme ils ôtent toute crédibilité à ses incantations : nous pensons notamment aux fonds débloqués après les Accords de 1994 pour la réhabilitation de la ville d’Obock et qui se sont volatilisés. Dix ans plus tard, toute pudeur digérée, les mêmes dirigeants sollicitent les mêmes bailleurs de fonds pour la réhabilitation de la même ville…. Chat échaudé craignant l’eau froide, il semble que le PNUD ait tenu à cogérer ce programme. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur ce sujet , constatons pour l’heure que tant dans sa conception, sollicitation de l’aide, réalisation (ce devait l’être de concert parties) que par le montant affecté (nature et nombre d’habitations à reconstruire, infrastructures à réhabiliter…), ce programme constitue une violation des accords du 12 mai 2001.
Le scandale d’une Éducation Nationale à deux vitesses fera prochainement l’objet d’un article, nous nous contenterons cette semaine de relever que les dons mobilisés en 2003 à son intention ne figurent pas tous dans le budget 2004 de l’Éducation Nationale et exigeons de savoir l’état d’avancement des travaux d’aménagement du quartier P.K.12 pour lesquels l’A.F.D a débloqué 334 millions FD et surtout où en sont les « construction des écoles et lycées . 216 millions FD (A.F.D) » et « construction école et collège : 800 millions FD (Japon,JICA) » ??? Pour ce qui est de la coopération bilatérale pour l’année 2003, il ressort du tableau ci-dessous reproduit les quelques constatations suivantes : les troupes des États-unis ont payé 15 millions de US dollars comme bail, tandis que les FFDJ auraient payé 30 millions d’Euros pour leur stationnement sur notre territoire c’est-à-dire plus du double. Il est vrai que d’abord elles sont plus nombreuses que les troupes US, mais surtout notre arrière pays leur offre depuis toujours un espace d’entraînement et un champ de tir à nuls autres pareils.
D’autre part vous observerez comme nous que l’aide des États-unis est supérieure à l’aide française, non seulement en volume mais aussi en pourcentage autre que bail. Elle est enfin plus variée.
Est-ce à dire qu’en joignant le geste à l’intention, les États-unis accordent au moins autant sinon plus d’intérêt au développement socio-économique de notre pays qu’à leur présence militaire dans la région, que la France ? Les chiffres avancés par le MAEC pour l’année 2003 semblent le laisser croire. Un survol de la coopération française en 27 ans d’indépendance accrédite cette thèse. Cela ne nous étonne guère. En effet, partout où elle militairement implantée, la politique extérieure de la France n’est pas dictée par le Quai d’Orsay, Bercy ou depuis peu par la coopération mais bien par le Ministère de la Défense. Et ce, quelque que soit le gouvernement, à la notable exception de l’intermède COT…. Dans le cas de notre pays, le grand reporter M. HONORIN avait dès le lendemain de l’indépendance (1982) livré les dessous de cette présence dans un long reportage intitulé « Djibouti, la République en uniformes ». Jusque durant le conflit armé, l’essentiel des relations franco-djiboutiennes a essentiellement consisté en une coopération militaire qui a parfois relevé de la connivence et nous sommes, avec un inamovible officier français coopérant aujourd’hui au Ministère de la Défense…djiboutienne, les mieux placés pour le savoir.
A moins que sa longue présence à Djibouti aidant et l’expérience des années 1980 ayant échaudé plus d’un donateur, la France ne souhaite plus voir l’argent de son contribuable dilapidé dans des projets sans lendemain, se contentant en plus du paiement du bail, d’une coopération technique et du colmatage çà et là, de quelques brèches. Ce en quoi nous ne saurions la blâmer.
Toujours est-il que notre pays demeurera handicapé tant que perdurera l’opacité dans la gestion des deniers publics .Les Etats-Unis d’Amérique viennent de rendre publique la liste des pays qui bénéficieront en priorité du Compte du millénaire. Djibouti qui, au regard de sa position stratégique pouvait légitimement espérer en être, n’y figure pas. Les critères d’admissibilité ne sont pourtant pas draconiens ni insurmontables : une Justice indépendante, transparence électorale et budgétaire, économie libérale…
Une Assemblée monocolore depuis l’indépendance avalisant comme un seul homme lois et décrets présentés par le gouvernement sa seule contribution à la vie politique nationale fut un amendement violant l’accord de paix du 12 mai 2001.
Une Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire dont aucun compte-rendu ou suggestion n’est, à ce jour rendu public.
Impunité de la délinquance financière instituée : le plus officiellement du monde un journaliste du journal gouvernemental «La Nation » nous expliquait que la propension des directeurs à se servir des deniers publics a obligé notre Président à concéder en toute opacité au Capital privé étranger la gestion des Etablissements publics à caractère industriel et commercial…
La violation des Accords de paix, la persistance des causes qui ont conduit au conflit armé et tous les maux que nous venons de citer font que non seulement les financements extérieurs productifs vont inéluctablement se tarir mais constituent également les germes du renouvellement, inévitable dans ces conditions, du conflit civil…
Source: Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération
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Communiqué sur les Droits de l’Homme
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COMMENTAIRES DU 14 MAI 2004 SUR UN FORUM EN MATIERE DES DROITS DE L’HOMME
ORGANISE ( avec un optimum de secret)
PAR LE MINISTRE DE LA JUSTICE CHARGE DES DROITS DE L’HOMME
Ayant appris, avec un grand intérêt, dans la soirée du 14 mai 2004 sur les antennes de la Radio Télévision de Djibouti (RTD) que le Forum sur les Droits de l’Homme aura lieu dans les locaux de la Femme « Djiboutienne ( présidée par la première Dame djiboutienne) ;
Constatant que le Forum sur les Droits de l’Homme ne pourra pas comme prévu se tenir au Palais du Peuple ( terrain neutre) peut-être pour des raisons de climatisation, et ne pourra pas se tenir au Sheraton Hôtel, peut-être pour des raisons financières et ce malgré les demandes de financement au PNUD soutenues par le Président de la LDDH fin février 2004 ;
Ayant appris l’absence de la grande majorité des Organisations Internationales des Défenseurs des Droits de l’Homme pour des raisons qui sont à notre avis gardées dans le plus grand secret ;
Regrettant l’absence des hommes politiques de l’Opposition membres de l’UAD, absence probablement consécutive à l’entêtement du Premier Magistrat dans le maintien de la politique de refus du remboursement du montant des 32 500 000 qui représentent la caution déposée par l’UAD lors des élections législatives de l’année dernière ;
En tant que Défenseurs des Droits de l’Homme, il est de notre devoir de demander le report de ce Forum sur les Droits de l’Homme jusqu’à la prochaine rentrée judiciaire afin de permettre au Ministre de la Justice de remplir toutes les conditions pour un meilleur succès et une plus grande transparence en terrain neutre, avec la participation de tous les hommes politiques (toutes tendances confondues), des membres des Organisations Non-Gouvernementales, avec surtout des éléments palpables et tangibles en faveur de l’indépendance totale de la Justice en République de Djibouti, et la Déclaration solennelle de la fin de l’impunité, de la fin des Abus de Pouvoir par la mise en place de structures judiciaires totalement indépendantes.
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COMMUNIQUE DE PRESSE
Le ministère de justice organise aujourd’hui et demain un forum sur les droits de l’Homme. Ainsi les droits de l’Homme s’invitent dans le débat public. Après des années d’amnésie, c’est un fait nouveau. L’ADDHL avait appelé de ses v ceux, et elle s’en réjouit car cela permettra peut être de s’exprimer sur la situation des droits de l’Homme et des libertés.
Cependant, nous constatons avec regret que les deux organisations de défense des droits de l’Homme à savoir l’ADDHL (Association pour la Défense des Droits de l’Homme et des libertés) et la LDH (ligue des Droits Humains), toutes affiliées par ailleurs à la FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme) et à l’UIDH (Union Inter-Africaine des Droits de l’Homme) ne soient pas conviées à ce forum, tout comme nous déplorons l’absence des organisations syndicales des travailleurs.
Avec l’absence des partis politiques d’opposition, l’objet de ce forum devient sans intérêt. C’est pourquoi nous le considérons comme nul et non avenu.
Pourtant, sans discuter, sans débattre si âprement que ce soit, on ne peut pas résoudre les problèmes, ni décrire objectivement la situation des Droits de l’Homme. On ne peut même pas les poser. Alors que l’enjeu mérite bien qu’on affronte dans le contexte politique qui est le nôtre, la réalité de la situation.
Le Ministre de la justice est là en cause à cause de son sectarisme et ceci est l’aveu de son malaise. Un malaise politique dont la clé est à la fois existentielle et institutionnelle. Le piège de la pensée unique et du conformisme politique est en train de se refermer sur le Ministre de la justice Ce moment était prévisible, presque programmé, et à coup sûr anticipé.
Violation des Droits de l’Homme : un cas pratique
A l’heure où le régime prétend favoriser la promotion des Droits de l’Homme, il nous a semblé utile de proposer à nos lecteurs l’histoire d’une famille djiboutienne victime de l’acharnement du pouvoir de tous les abus. Ce texte, rédigé par les intéressés, nous a été remis il y a quelques semaines, le moment nous a paru opportun de le publier.
Ministre ou Avocat ?
En Novembre 2000, Mr GONA ALI, âgé d’une quarantaine d’années atteint de paludisme est évacué d’as-eyla sur Dikhil . Au lieu de bénéficier des soins auxquels il a droit, Mr GONA s’avère être le frère d’un certain infirmier nommé Abdoulkader Ali, lequel a eu auparavant un différend avec le Médecin-chef du District de Dikhil ; il s’agit du Docteur Boutes. Refoulant sa conscience professionnelle, ce Médecin expatrié a tout fait pour empêcher l’accès aux soins de GONA tant à Dikhil qu’ailleurs. Ce dernier sera chassé du centre hospitalier de Dikhil alors qu’il se trouve en coma. Son frère Ibrahim Ali, militaire de carrière arrive tant bien que mal à le transporter en bus à Ali Sabieh où il le fait subir des examens. Revenu à Dikhil, Mr Ibrahim utilise tous les moyens pour faire évacuer sur Djibouti son frère GONA dont l’état sanitaire s’est dégradé d’une façon inquiétante. Sachant sa situation irréversible, Dr Boutes et ses infirmiers consentent à ce que Mr GONA soit évacué en compagnie d’une autre malade pour lequel l’on a demande une Ambulance. Quelques heures après son arrivée à Djibouti Mr GONA succombe à la Réanimation de l’Hôpital Peltier. Aussitôt son frère Ibrahim dépose sur une plainte contre Dr Boutes pour non assistance à une personne en danger et pour avoir délibérément conduit son frère GONA ALI à la mort en refusant les soins nécessaires à sa maladie et en bloquant son évacuation sur Djibouti. Cette plainte conduit Mr Ibrahim Ali ex caporal-chef de l’ AND à la radiation des effectifs de l’armée par décision Ministérielle n°179 de 30 Mai 2001. La plainte de Mr Ibrahim est bloquée avant même le début de l’instruction. Le père du défunt sera menacé de déportation par le sultan de gobaad sous l’impulsion du Ministre de la Défense. La partie civile a écrit à :
– Monsieur le Président de République de Djibouti 2 fois
– Monsieur le Premier Ministre 3 fois
– Monsieur le Ministre de la justice 4 fois
– Monsieur le Procureur de République 6 fois
– Monsieur le Médiateur de la République 2 fois
– Monsieur le Président de l’assemblée 2 fois
– Monsieur le chef de Mission Française à Djibouti 2 fois
Aucune de ces multiples correspondances n’a eu de réponse et encore moins d’échos et ce malgré la gravité que soulèvent ces lettres
En janvier 2003, le frère aîné de Mr Ibrahim, à savoir Houmad Ali est décédé brutalement laissant derrière lui une veuve et 4 enfants.
A l’annonce de sa mort, le personnel du Ministère de la Défense met à la disposition de la famille du défunt Houmed une voiture de service pour leur faciliter les travaux de l’enterrement. C’est mal connaître le Ministre de la Défense qui envoie ses gardes de corps à la poursuite de la camionnette prêtée à la famille du défunt Houmed.
Aussitôt dit, aussitôt fait, les gendarmes arrêtent la voiture en question, déposent matériels et hommes en pleine chaussée et ramènent la voiture au Ministère. Il pas superflu de rappeler que le défunt a travaillé pendant plus de 15 ans au Ministère de la Défense en qualité de planton.
Mr Slyas, chef du service secrétariat établit une décision de fin de contrat du défunt pour le soumettre à la signature du Ministre à savoir :
– Capital décès de six mois
– 2 mois de congé non pris
– 3 mois de salaires no pris.
Cette décision est rejetée par le Ministre de la Défense sans la moindre explication.
II sera de même de son remplacement par lé membre de famille.
La fille du défunt Houmed postule à un emploi de femme de ménage auprès de la caisse Militaire de Retraite (C.M.R).
Dans un premier temps sa demande est accueillie favorablement. Aussitôt que le Ministre de la Défense apprend la nouvelle, elle se voit rejetée. L’on est en droit de se demander quel lien de parenté unissait et unit encore l’actuel Ministre Djiboutien de la défense avec Dr Boutes qui a déjà quitté le pays. La famille de GONA a porté plainte contre un Médecin expatrié Dr Boutes et depuis, subit tantôt en ville tantôt en brousse les foudres du Ministre de la défense. Le plus difficile pour cette famille est le silence des plus hautes autorités du pays et ce après qu’ils eurent été saisies.
L’actuel Ministre de la Défense qui assure aussi la défense du Dr Boutes par tous les moyens en menant la vie dure à la famille GONA en usant tous les moyens possibles pour empêcher l’instruction du dossier sera dorénavant considéré comme le second responsable de la mort de GONA ALI survenu en NOV 2000 à Djibouti après un horrible calvaire et le seul responsable du blocage du dossier de liquidation des droits de Mr HOUMED ALI décédé le 28 janvier 2003.
Cette famille si malmenée par un Ministre en exercice n’arrive pas à s’expliquer le silence pesant du premier magistrat du pays en l’occurrence le Président de la République dont l’attention a été attirée à maintes reprises sur cette situation par tous les moyens( correspondances directes, publication dans les journaux, R. T .D, etc.
LA FAMILLE DU DEFUNT
Droits de l’Homme : version Etat-voyou
« Et vous disiez, monsieur d’Ormesson/ Qu’il flottait sur Saïgon/ Un air de Liberté». Donc, un Forum (la majuscule n’est pas obséquieuse) a été organisé sous l’égide du ministère de la Justice, pour constater que les Droits de l’Homme sont une avancée incontestable à Djibouti, surtout depuis 1999, c’est peut-être l’effet messianique du millénaire naissant. Le régime les respecterait, les concrétiserait et les renforcerait. S’il nous faut démontrer que tout cela relève de la propagande mensongère, il y a donc lieu d’avancer des preuves tangibles et significatives. En voici donc au moins une parmi beaucoup d’autres, tirée de l’actualité la plus récente et beaucoup plus brutalement parlante que toutes les démonstrations théoriques.
Pour qui cherche à comprendre la dynamique interne d’un contexte national, les ressorts descriptifs ou explicatifs d’une configuration historique donnée, spécialement lorsqu’elle est issue d’un processus chaotique de (dé) colonisation, il y a grosso modo deux options, théoriques autant que politiques. La première posture s’appelle juridisme ou encore nominalisme et a très longtemps prévalu, par une sorte de paternalisme nostalgique au terme duquel l’objet étudié a été aussi sous-développé que la science qui l’étudiait, il s’agissait de mesurer, par exemple, le niveau de libertés publiques dont des citoyens pouvaient jouir sur la seule base des textes instituant lesdites libertés. Pour Djibouti, les avancées démocratiques seront jugées à l’aune des dispositions formelles de la Constitution ou des divers textes de loi garantissant telle ou telle liberté.
Ou encore d’établir un inventaire à la Prévert de toutes les conventions internationales ratifiées par notre pays. Comme il s’agira pour le régime, dans une posture d’incantation propitiatoire, de faire croire que les Droits de l’Homme existent à Djibouti à partir du moment où tout un forum est organisé sur ce thème, où la bonne gouvernance est une réalité incontournable dès lors que telle institution internationale investit des millions dans sa promotion, ou encore que la liberté syndicale est solidement établie puisque le Budget de l’Etat a prévu d’autres dizaines de millions de nos francs dans son renforcement. C’est souvent dans ce travers que tombent quelques chercheurs et certains journalistes à prétention internationale.
La seconde posture s’appelle, de façon barbare, objectivation. Cela revient à donner une réalité concrète, objective, à un concept théorique ou à un outil heuristique. En l’occurrence, quand il s’agit de parler de Démocratie ou des Droits de l’Homme à Djibouti, il conviendra de rechercher, dans l’existence quotidienne des corps et des choses, dans les structures sociales comme dans les structures cognitives, en quoi on peut dire qu’il y a ou qu’il n’y a pas Démocratie ou Droits de l’Homme ici. Bref, cela consiste à prouver dans les faits la véracité ou l’inexistence d’une idée, quand il ne s’agit pas d’un idéal. Mais, justement, foin de théorie : il nous faut démontrer, exemplifier, par la réalité concrète.
Officiellement invités par le gouvernement djiboutien au ban des nations pour sa répression en matière syndicale et soucieux de donner des gages de sa bonne volonté en quête d’adéquation entre sa pratique indigène et les stipulations des conventions internationales ratifiées à cor et à cri, deux experts du B.I.T (Bureau International du Travail) devaient participer jeudi dernier à une réunion, sous l’égide du ministère de l’Emploi, entre régime et syndicats nationaux. Invités par les deux experts à titre de dirigeants reconnus par le B.I.T et les instances internationales (et que le régime n’a pas hésité à exhiber à la télé le 1er mai dernier pour faire croire que la liberté syndicale était respectée), les vrais responsables démocratiquement élus de l’UDT (Union des Travailleurs Djiboutiens) sont arrivés sur les lieux en toute bonne foi.
Le représentant du ministère de l’Emploi (il conviendrait peut-être mieux de parler de ministère du chômage), ayant vraisemblablement reçu des ordres stricts, il a été signifié à ces responsables syndicaux qu’ils étaient indésirables, le régime n’ayant prévu que la participation des seuls clones. En toute simplicité despotique : pourquoi faire compliqué quand la bêtise permet de faire simple ? Outrés d’une telle impolitesse et désireux de voir cette réunion se tenir dans des conditions décentes et fructueuses pour toutes les parties concernées, les experts du B.I.T ont solennellement invité la partie gouvernementale à raison garder et à accepter la participation de la représentation syndicale non clonée. Rien n’y fit : ce fut un Niet plutôt musclé !
En effet, sur convocation du ministère chargé de la répression syndicale, six policiers en uniformes et en armes firent irruption dans la salle et en expulsèrent manu militari les indésirables mais légitimes représentants syndicaux. Ainsi donc, comme on dit dans certains milieux qui ont le temps de s’étonner, les deux experts du B.I.T ont pu assister à l’expulsion des vrais syndicalistes : la réalité de la liberté syndicale a été jugée à sa juste pertinence concrète. Furieux d’avoir été abusés par un régime aussi irresponsable, et ne voulant absolument pas cautionner par leur mansuétude un tel terrorisme contre les travailleurs djiboutiens, les experts du B.I.T ont aussitôt quitté Djibouti, promettant des lendemains ailleurs douloureux au régime RPP.
Donc, le régime a utilisé la force des armes pour contraindre au silence les représentants légitimes d’une centrale syndicale en présence de délégués d’une organisation internationale. Quand on l’entend prétendre que seule la fierté nationale l’a conduit à violemment réagir à l’affaire Borrel comme dans ses rapports avec le FMI, le citoyen djiboutien, surtout s’il est travailleur, ne comprend pas pourquoi les vrais représentants librement et démocratiquement élus sont à ce point et militairement humiliés devant des arbitres aussi neutres que ceux du B.I.T. Dans ces conditions, à quoi sert alors un forum sur les droits de l’Homme à Djibouti ?
De deux choses l’une : soit le Chef de l’Etat est foncièrement incompétent au point de ne pas pouvoir assurer un minimum de cohérence à l’action de son gouvernement, ce qui expliquerait la marge de manœuvre illégale de ses ministres ; soit il est l’instigateur de toutes ces illégalités officielles, ce qui expliquerait l’impunité de leurs auteurs.
Le plus souvent, la vérité se situe dans l’entre-deux : la mauvaise foi a besoin d’une certaine médiocrité.
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