Réalité numéro 87 du mercredi 10 mars 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 87 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
MADAME DE MONSIEUR RPP : ENTRE OBJET ET GADGET
La Journée internationale de la Femme, célébrée le 8 mars, donne toujours lieu à un unanimisme de circonstance : le constat universel de l’inégalité entre les sexes masque le plus souvent le rôle mystificateur de certains régimes politiques dans la perpétuation de cette injustice. Les citoyens Djiboutiens d’âge avancé, se souvenant de ce que les choses étaient il y a quelque temps, voient bien le changement : jamais la Femme djiboutienne n’a autant crevé l’écran que depuis ce millénaire. Effectivement, même si les chiffres officiels incitent à la modestie en la matière, le taux d’alphabétisation des filles a sensiblement augmenté, surtout en milieu urbain : l’accès à l’enseignement conduit tout naturellement à de meilleures chances sur le marché de l’emploi. Mais, c’est l’arbre qui cache la forêt : trop souvent, la mise en scène politique de la réussite féminine par ce régime, cantonne les citoyennes dans l’un de ces deux rôles : objet ou gadget.
Objet tout d’abord. Comme si l’avancée démocratique, censée être démontrée par la participation de la Femme à la gestion des affaires publiques (au moins dans ses aspects les plus théâtralisés), était compatible avec l’usurpation essentielle que constitue l’UNFD (ou à tout le moins sa direction par élection matrimoniale), les épouses s’affichent de plus en plus aux côtés de leurs dirigeants d’époux. Sont exhibées devrait-on dire. Mais, maritalement célèbres ou anonymes, elles sont juste là pour meubler le décor : leur présence, à coups de you-you, de danses et de mascara résistant mal au climat, constitue une sorte d’adoucisseur rituel aux élans guerriers de certaines manifestations politiques. Même si les esprits chagrins auront mesuré le fossé infranchissable qui sépare les heureuses spectatrices des malheureuses danseuses ou chanteuses, une posture fondamentale les unit toutefois : sans aucune prise sur le cours des événements qu’elles viennent tout juste égayer de leur silhouette, elles sont toutes instrumentalisées pour les besoins d’une pratique politique essentiellement masculine. Car, à ce niveau, il en va de la politique comme de la cuisine : parce réservée aux hommes, la grande ne peut faire oublier que l’écrasante majorité des tâches domestiques incombent aux femmes. Et ce n’est pas un hasard : à partir du moment où il s’agit d’une activité rémunérée, rentable et valorisante, cuisine comme politique deviennent affaire d’hommes. L’Objet a donc une fonction sociale bien précise : c’est un Gadget dont l’aspect ludique ou ornemental masque la ségrégation originelle qu’il prétend ou croit maladroitement nier.
Gadget : la femme politique selon ce régime est donc un gadget institutionnel dans l’air du temps international : puisque pas de développement sans elle ayant été décrété par les Nations Unies (comme si la participation de la Femme pouvait être envisagée abstraction faite d’une réelle participation de tous les citoyens à la vie publique, donc d’une Démocratie authentique), les régimes autoritaires sommés d’être présentables promeuvent, çà et là, quelques représentantes cooptées de la gent féminine. Par pudeur, il est inutile d’exemplifier outre mesure l’utilité tout juste symbolique d’un département ministériel chargé de la promotion féminine et, comme par hasard, dévolue à une femme. Pourquoi elle et pourquoi pas à un autre poste réellement important ? Tout comme il serait inélégant de trop insister sur l’inutilité d’une représentation parlementaire féminine dans ce contexte : on chercherait en vain à quoi servent vraiment leurs collègues mâles, même avec plusieurs législatures d’expérience, dans un hémicycle qui n’a jamais présenté la moindre proposition de loi depuis 1977. Tout juste un amendement quand il s’est agi de violer un accord de paix, mais le coup venait d’ailleurs.
Donc, mesdames, ne soyez pas trop offusquées par votre inutilité fonctionnelle dans ce régime RPP : c’est tout le dispositif institutionnel vous insérant qui est un colossal gadget : c’est la vie politique version RPP qui rend stériles ses serviteurs.
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Brèves nationales
Awr-Awsa… :
Le camp du désespoir ?
Le sinistre camp d’Awr-Awsa, où sont parqués depuis septembre dernier, des milliers de réfugiés et clandestins, n’en finit pas de faire parler de lui. Ainsi, ses malheureux pensionnaires voient au fil des semaines leur condition de vie se dégrader dangereusement. A tel point que le 19 février dernier, jour de l’inauguration du projet d’eau minérale d’Ali-Sabieh, des centaines d’entre eux ont cherché à manifester leur mécontentement au passage du convoi officiel, avant d’être brutalement dispersés par les forces de l’ordre. Il semblerait que le camp soit confronté à des pénuries alimentaires et à la soif. A la fin février, les organisations humanitaires internationales auraient décidé de mettre fin à l’approvisionnement du camp. C’est la raison pour laquelle la dernière livraison de vivres effectuée le 26 février aurait été assurée par l’Etat djiboutien. Pour sa part, la pénurie d’eau constatée ces derniers temps aurait pour origine le manque de carburant. Conséquence : ces pensionnaires, dont des centaines d’enfants vivant avec leurs parents, supportent difficilement cette situation.
Au chapitre de la sécurité, rien ne s’arrange, surtout depuis le départ du petit détachement de l’AND. Agressions, viols et trafic en tout genre se multiplient. On raconte même qu’à la mi-février, trois femmes parties dans la brousse environnante pour chercher des fagots, auraient été sauvagement violées, sans que les auteurs de ces actes ignobles ne soient poursuivis et punis. Ces malheureuses victimes auraient été évacuées sur la Capitale pour y recevoir des soins médicaux. Enfin, l’administration de ce camp insolite étant chaotique, ce sont des centaines de clandestins pensionnaires du lieu qui auraient allègrement rejoint Djibouti-ville, munis de laissez-passer de complaisance vendus 3.000 FD pièce ; documents établis par des ripoux se nourrissant de la détresse humaine.
Après cela, le régime aura beau jeu de claironner que sa lutte contre l’immigration clandestine a été un succès.
Action gouvernementale et mendicité :
L’Etat-RPP partisan du moindre effort ?
On l’a vu dans une moindre mesure lors du dernier déplacement du Premier ministre à Tadjourah ou à l’occasion de la récente inauguration du projet d’eau minérale, ou encore lors du récent congrès de l’ex parti unique tenu le week-end dernier : la politique-spectacle prend une place de plus en plus prépondérante. Quand le Chef de l’Etat se déplace, ce sont tous les membres du gouvernement, tous les mal-élus de l’Assemblée Nationale, toute la haute administration publique, ainsi que les officiers supérieurs de l’Armée, de la Police et de la Gendarmerie, que le « numéro un » djiboutien entraîne dans son sillage.
Ainsi, dimanche dernier, à l’occasion de l’inauguration de nouveaux équipements de soins, dont une unité d’hospitalisation chirurgicale à Peltier entièrement financée par la coopération française, tout ce beau monde a tenu à honorer de sa présence un tel événement. Saluons au passage la générosité de la France, qui a bien voulu doter notre pays d’une infrastructure hautement performante et que n’a pas su réaliser sur fonds propres un régime proclamant pourtant que la Santé est une priorité gouvernementale. Passons sur l’omniprésence à cette cérémonie de la Première Dame et présidente de l’UNFD, flanquée de toute sa suite. Peut-être est-ce pour rappeler qu’elle avait, comme la coopération française, elle aussi fait don d’un important matériel dernier cri de mamographie (tout en exigeant devant témoins, que le meilleur soin soit assuré à ce matériel coûtant des dizaines de millions FD) que la RTD lui a généreusement consacré quelques zooms de réflexion.
Ce que nous ne comprenons pas, c’est que le pays soit obligé de s’arrêter de travailler à chaque fois que le Chef de l’Etat se déplace pour inaugurer une réalisation, aussi importante soit-elle, mais le plus souvent financée par la générosité extérieure. Malheureusement pour l’image de notre pays, mendicité rime avec publicité. Ainsi va le régime de mauvaise gouvernance du RPP en campagne prématurée.
Décentralisation/Régionales :
Secret de Polichinelle
Au détour d’un « récit commémorant les 25 ans d’existence du R.P.P », notre confrère « La Nation », nous apprend officiellement qu’après s’être le plus sérieusement auto-glorifié des actions entreprises par son parti en faveur de la « consolidation de la paix et de l’unité nationale » ( mieux vaut rire d’une telle provocation enfantine) mais aussi pour le développement socio-économique du pays, le Chef de l’Etat et du RPP a affirmé que l’un des défis à relever dans l’immédiat est à ses yeux, l’organisation des premières élections régionales au courant de cette année 2004, au regard des impératifs fixés par la politique de la décentralisation. Vous aurez comme nous relevé la courtoisie : que les partis de l’opposition apprennent par voie de presse, la tenue prochaine d’élections régionales reportées sine die, en dit long sur le déroulement, si elles ont lieu, de ces élections….
Rappelons seulement qu’aux termes de l’accord de paix du 12 mai 2001, elles devaient normalement avoir lieu en même temps que les Législatives 2003. Nous aurons bien entendu l’occasion de revenir en détail sur ce sujet d’une importance vitale pour notre pays. Contentons-nous pour l’heure de rappeler que le projet de Loi organique annexé à cet accord à été illégalement dénaturé et vidé de sa substance par la précédente Assemblée ,qui a ainsi apporté son inestimable contribution à la consolidation de la paix et de l’unité nationale…Tandis que ni le gouvernement ni les mal-élus n’ont à ce jour ni examiné ni adopté les modalités d’applications de la loi ainsi violée. Par quel miracle ces élections régionales auront-elles lieu dans les délais annoncés alors que les régions ne sont toujours pas mises en place ?
En attendant que l’U.A.D statue sur le sujet et clarifie sa position, il apparaît d’ores et déjà que le RPP et son chef s’apprêtent à mettre l’opposition devant le fait accompli en concoctant des régions et des élections à leur manière. Comme à l’accoutumée !!!.Tricheurs !
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Un Africain juge l’Afrique
L’ancien Premier ministre de Centrafrique, M. Jean-Paul Ngoupandé, a publié dans Le Monde du 18 mai 2002, le court texte dont voici des extraits, dans lequel il établit le diagnostic des maux dont souffre l’Afrique. Contrairement aux dirigeants insouciants (parce que mal élus quand ils ne sont pas illégitimes), nos compatriotes verront que ses analyses valent aussi (et peut-être même surtout) pour Djibouti, exemple frappant de l’infantilisation dans laquelle un parti qui se croit encore unique maintient ses concitoyens.
LE DISCRÉDIT QUI FRAPPE LES AFRICAINS n’a pas d’équivalent dans l’histoire contemporaine de l’humanité. Pendant les siècles de la traite négrière, nous étions assurément des victimes. Aujourd’hui, nous sommes nous-mêmes les principaux fossoyeurs de notre présent et de notre avenir. Au sortir de l’ère coloniale, nous disposions d’appareils d’Etat certes embryonnaires et répressifs, mais qui avaient le grand mérite de remplir efficacement les missions élémentaires qui leur étaient dévolues : sécurité, santé publique, éducation nationale, entretien des voies de communication.
Aujourd’hui les États sont liquéfiés dans la plupart de nos pays, les gardes prétoriennes et les milices politico ethniques ont supplanté l’armée, la police et la gendarmerie, qui ne sont plus que les ombres d’elles-mêmes. L’insécurité s’est généralisée, nos routes et les rues de nos villes sont devenues des coupe-gorge.
La tragédie du sida nous rappelle dramatiquement qu’avec des administrations efficaces et responsables nous aurions pu endiguer le fléau à ses débuts. Au lieu de cela, plus de 20 millions d’Africains, dont une majorité de jeunes et de cadres bien formés, ont déjà été arrachés à la vie, victimes des tergiversations de nos États et d’une ambiance sociale délétère et ludique où le sens de la responsabilité individuelle et collective s’est évaporé. Les crises politico-militaires et les violences de toutes sortes : l’appauvrissement des États pris en otage par des coteries prédatrices, la propension des dirigeants à se préoccuper essentiellement de leur sécurité et des moyens de conserver le pouvoir, tout cela a conduit au fait qu’un secteur aussi décisif pour le présent et l’avenir que l’éducation est naufragé un peu partout. L’insécurité et le désordre général, la criminalisation rampante d’États de plus en plus contrôlés par des systèmes mafieux, les lourdeurs administratives et l’absence de règles transparentes occasionnées par une corruption endémique font que les investisseurs privés ne se bousculent pas à nos portillons, loin de là. Même les donateurs publics nous considèrent désormais comme des puits sans fond et des cas d’acharnement thérapeutique.
Plus de quarante ans après la vague des indépendances de 1960, nous ne pouvons plus continuer d’imputer la responsabilité exclusive de nos malheurs au colonialisme, au néocolonialisme des grandes puissances, aux Blancs, aux hommes d’affaires étrangers, et je ne sais qui encore. Il faut que nous acceptions désormais d’assumer : nous sommes les principaux coupables.
Le basculement de nos pays dans la violence, le laxisme dans la gestion des affaires publiques, la prédation sur une vaste échelle, le refus de nous accepter entre ethnies et régions, tout cela a des causes principalement endogènes. L’admettre sera le début de la prise de conscience, et donc de la sagesse. On me dira que c’est dédouaner trop facilement la responsabilité de l’extérieur. Mais les accusations de ce type, nous n’avons fait que les proférer depuis quarante ans, surtout nous, les intellectuels. Le problème aujourd’hui, c’est que les accusés ne prêtent plus la moindre attention à nos réquisitoires qui ont, soit dit en passant, pris un bon coup de vieux, parce que le monde dont nous parlons n’est plus le leur.
Nos jérémiades, nos gesticulations ne touchent plus personne outre-Méditerranée et outre-Atlantique. Je crains en réalité que nous ne nous trompions de planète. Depuis la fin du conflit idéologique entre l’Est et l’Ouest, nous ne sommes plus un enjeu parce que nous ne pesons plus dans la nouvelle compétition, celle de la conquête de marchés porteurs.
Un et demi pour cent des échanges commerciaux dans le monde (dont 40% pour le pays de Mandela) : voilà ce que représente l’ Afrique subsaharienne sur le nouvel échiquier de notre planète. Autrement dit, nous ne sommes rien, et nous n’avons pas voix au chapitre. Cela se constate aisément, pour peu que nous prêtions attention aux préoccupations des grands décideurs, aux flux commerciaux et aux centres d’intérêt des médias.
Il y a donc pour nous, en ce début du troisième millénaire, une urgence absolue. nous préoccuper de ce que nous avons à faire nous-mêmes pour tourner le dos à la logique de l’autodestruction, tenter de nous réinsérer dans l’économie mondiale, et tout essayer pour en finir avec la marginalisation.
Le premier signe attendu de nous par les rares bonnes volontés qui s’expriment encore en faveur de l’Afrique est que nous commencions enfin à pointer du doigt la racine du mal africain. Nous-mêmes, autrement dit nos dirigeants, nos élites, et même nos populations dont la résignation parfois désarmante laisse le champ libre aux seigneurs de la guerre et offre une masse de manœuvre aux gouvernements tribalistes et prévaricateurs. Un début de visibilité de notre prise de conscience plaiderait en notre faveur et encouragerait ceux qui croient qu’il n’est pas raisonnable de gommer du jeu mondial plus de 700 millions d’Africains subsahariens. (.)
(.) Nous gagnerons en crédibilité à partir du moment où nous serons capables de nous regarder en face, pour reconnaître enfin que tout ce qui nous arrive est d’abord de notre faute. Nous serons plus crédibles pour dire à tous ceux qui considèrent l’Afrique comme un continent perdu qu’ils ont tort. Elle est certes en panne, mais décréter sa mise hors jeu définitive ne règle aucun problème. Entre la condescendance, qui signifie mépris et infantilisation, et l’abandon qui ne dit pas son nom et qui est une forme de politique de l’autruche, il y a place pour un regard responsable sur la crise africaine.
Un tel regard commence d’abord par s’éloigner des idées reçues, en particulier les généralisations hâtives et les conclusions radicales. L’Afrique est un continent. C’est le premier rappel élémentaire à formuler.
Sur cinquante-trois États, il s’en trouvera bien deux, trois ou quatre pour prendre le chemin du sérieux. Seule une observation attentive et non dogmatique permettra de les identifier. Dans cette hypothèse, l’intérêt de l’Afrique, de l’Europe et du monde commanderait qu’ils soient franchement appuyés, au lieu du saupoudrage qui n’a jamais induit un cycle de développement. Un appui franc et massif accordé à des pays manifestant clairement une volonté de s’en sortir par le sérieux et le travail acharné servirait de contre-exemple pour les mauvais gestionnaires.
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JEAN-PAUL NGOUPANDE (18 mai 2002) * Jean-Paul Ngoupande, ancien premier ministre centrafricain, est député d’opposition en exil.
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Andolé : un Martyr
Contre la prescription de la mémoire
Toute Histoire est riche, de gloire comme de tragédies. Les profanes qui cherchent à imposer un discours mensonger sur l’Histoire de notre pays en seront quittes à revoir leur copie (suivez notre regard…) Il est admis et prouvé que certaines résistances ont été à Djibouti, antérieures à d’autres ! D’autres ont été médiatisées à outrance et à dessein ! Certaines ont été occultées… Parce que, par définition, toute Histoire est un enjeu de mémoire et de pouvoir. Refuser de prendre nos morts en otage du présent, c’est restituer à chacun la place qui fut la sienne dans la longue et douloureuse lutte d’Indépendance. C’est ne pas tomber dans la facilité mesquine consistant à profiter du flou chronologique (flou surtout pour les jeunes générations) en accusant certains de crimes dont seul le colonialisme a été coupable. Il ne viendrait donc jamais à l’esprit d’un dirigeant sérieux de rendre tel inspecteur de la police coloniale responsable de la mort de quelque martyr que ce soit : ce serait lui accorder plus d’importance qu’il n’en avait dans le dispositif répressif, donc dans l’Histoire tout court ! A cet égard au moins, le tragique destin du patriote Abdourahman Djama Andoleh mérite un rappel historique dépassionné. C’est le minimum de justice qui puisse lui être ici rendu.
Il s’appelait Abdourahman Djama Hassan, plus connu sous le surnom hérité de son père Abdourahman Djama Andoleh. Arrêté à son domicile par la Gendarmerie Française deux jours après le soulèvement populaire consécutif au référendum du 19 mars 1967, il ne reviendra plus chez lui. Déclaré mort par le colonialisme dans la nuit du 27 au 28 mars, soit exactement une semaine après son arrestation, il laisse derrière lui un nom, le sien mort pour l’indépendance du pays, une veuve, elle aussi décédée et sept enfants. Mais surtout un vide sur les conditions exactes de sa mort. Car, depuis l’indépendance, aucune action n’a jamais été entreprise à quelque niveau que ce soit pour éclaircir ce mystère de la brutalité coloniale, ni pour écrire la riche et tragique histoire des martyrs de la libération nationale. |
Car le colonialisme a beaucoup écrit son histoire, à sa façon, surtout en ce qui concerne son arrivée et sa présence dans ses anciennes possessions. Si les archives d’outre-mer peuvent utilement être consultées pour qui tente de comprendre le point de vue officiel de l’Histoire, il appartient aujourd’hui aux jeunes générations, plus éduquées que celles de leurs parents, d’œuvrer pour que soient entamées les recherches indispensables pour mieux éclairer et saisir cette période aussi complexe que douloureuse de son peuple, en confrontant les données disponibles documents écrits et les témoignages oraux des protagonistes encore en vie. Seule cette démarche sans exclusive permettra de dégager une vérité historique acceptable puisque proche de la réalité. Chaque évènement devant ainsi être placé ou replacé dans son contexte historique et spatial.
C’est une telle démarche, refusant d’être mystifié par la propagande officielle de tous ceux ayant intérêt à la perpétuation des ténèbres de l’ignorance, qui nous avait permis de vous livrer dans notre journal, à la veille du 25ème anniversaire de notre Indépendance, un sommaire correctif sur l’histoire coloniale française et des luttes anti-colonialistes sur notre territoire. Texte d’ailleurs riche en informations inédites et qui a pu permettre à nos lectrices et lecteurs de saisir l’évolution des différentes périodes coloniales et les noms d’illustres héros et bien d’autres combattants anonymes qui avaient donné de leur vie pour un idéal : La Liberté.
Les lignes qui suivent tenteront donc de mieux faire connaître aux lecteurs un grand martyr national, mort pour sa patrie, assassiné sauvagement par les forces de répression coloniale dans la nuit du 27 au 28 mars 1967 et dont la mémoire doit, plus que jamais, rester présente : il est temps que le silence officiel soit enfin rompu et que les conditions de son assassinat soient élucidées, en déterminant toutes les responsabilités.
Le martyr Abdourahman Djama Andoleh n’avait que 45 ans la nuit « officielle » de sa mort. Mort jeune pour ses idéaux, il avait été de cette génération africaine, de ces hommes de notre contrée et fut un de nos premiers combattants pour la liberté à comprendre que la fin de la Seconde Guerre Mondiale était une occasion inespérée pour les peuples opprimés d’exprimer leurs aspirations et que la libération de leur pays n’était pas différente de celle de la France, laquelle a vu le sacrifice de nombreux fils de ce petit pays. En fait une prise de conscience du caractère universel de la Liberté.
Très tôt, il fourbit ses premières armes dans le militantisme syndical pour la défense des droits des travailleurs comme d’autres de ses compatriotes notamment Moussa Ahmed Idriss et Ahmed Dini Ahmed.
Membre incontournable du Syndicat des Cheminots il fut l’un des premiers autochtones à sérieusement inquiéter le colonisateur et son administration locale, pour la simple raison qu’en plus de ses dons d’orateur, il maîtrisait parfaitement le français et l’arabe. Parallèlement à ses activités syndicalistes, il était membre du parti indépendantiste le Parti du Mouvement Populaire (PMP) dirigé par Moussa Ahmed Idriss. Toutes raisons qui donnaient aux autorités françaises l’occasion de porter une attention particulière à sa personne.
Syndicaliste infatigable, il fut ensuite désigné au poste de Secrétaire Général du puissant syndicat des Cheminots du Chemin de Fer Franco-Ethiopien. C’est donc à ce titre que les autres syndicats de base le choisirent tout naturellement comme leur représentant lors du Congrès International des Travailleurs de tous les pays, tenu le 1er mai 1960 en Chine Populaire. Il faut noter qu’à cette époque le seul moyen offert par le colonialisme pour la revendication des droits des indigènes passait par le syndicalisme. (Depuis 1999, on appelle cela à Djibouti « faire du social » avec le syndicalisme en moins).
Selon des témoignages M. Andoleh était très redouté par la France et lui-même courageux pour assumer haut et fort ses engagements tant politiques que syndicaux. Toutefois, à son désavantage, il évoluait dans un contexte international d’émancipation et de lutte anticolonialiste, amplifié par un rapport de force idéologique entre puissances mondiales, le tout bien évidemment au détriment des peuples opprimés placés, selon le mot de feu Julius Nyéréré, dans la position d’une sardine à laquelle un gourmet demanderait si elle préfèrerait être cuite au beurre ou à la margarine. La France de la fin des années 1950 et du début de 1960 était donc non seulement menacée mais perdait surtout du terrain dans ses colonies d’Asie et d’Afrique : Dien Bien Phu était passé par là.
Djibouti, alors dénommée Côte Française des Somalis – CFS, seule colonie française d’Afrique de l’Est, ne pouvant nullement échapper au raz- de-marée de la décolonisation, devenait de plus en plus vitale pour les intérêts de la France et même de tout l’Occident « capitaliste » : en dépit de la doctrine américaine du « droit des peuples à l’autodétermination », il était difficilement concevable de tolérer la moindre velléité indépendantiste dans cette région plus géostratégique que pourvoyeuse en matières premières utiles aux usines des nations industrialisées. En ce sens que l’unification aussitôt indépendantes des deux Somalie ( britannique et italienne) constituait une menace directe pour la France, par effet de contagion.
Laquelle France gaullienne ne pouvant donc admettre une remise en cause de sa présence en Mer Rouge et dans l’Océan Indien, le voyage de M. Andoleh entrepris en pays communistes ne pouvait que froisser une France pourchassée par ses bataillons de libérateurs, qu’elle continuait pourtant à encore coloniser.
Cette inquiétude des autorités françaises de Djibouti est remarquablement confirmée par une note interne de la Sûreté Générale au Commissaire Spécial du Port et de l’Aéroport, en date du 21 mai 1960. Ce document n°2253, concernant le dossier Andoleh, était ainsi écrit : « Je vous prie de prendre toutes dispositions pour que, à son arrivée en CFS, Abdourahman Djama, employé au CFE, soit soumis à un contrôle très stricte de ses bagages ». Ceux, encore vivant aujourd’hui, qui étaient à l’époque responsable de ces points d’entrée à la frontière confirment à la fois les signatures et les instructions contenues dans cette note.
Plus que ses bagages, c’est sa propre personne qui fit les frais de ce contrôle colonial : quelques jours après son arrestation, on le retrouve mort dans les environs du barrage, le corps criblé de 17 balles et les yeux crevés. Pour la version officielle, reprise par «Le Réveil de Djibouti », il aurait enfreint le couvre-feu : on se demande alors pourquoi s’être acharné sur un cadavre ? En fait, il est probable que ses yeux aient été crevé dans le cadre d’une torture plus générale. C’est ainsi que semble l’avoir compris le quotidien Le Monde qui parlait pour sa part de l’assassinat d’un leader indépendantiste.
Et c’est pour cela que toute la lumière devra tôt ou tard être faite sur ce meurtre. Mieux vaut tôt que tard.
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Djibouti vu de Washington (2)
Le rapport du Bureau Américain pour la Démocratie et les Droits de l’Homme (Deuxième partie)
Voici la seconde partie du rapport 2003 que le Bureau d’études, relevant du Département d’Etat américain, a dressé de la situation des droits de l’Homme à Djibouti. Nous réservons nos commentaires de ce document officiel pour la semaine prochaine, avec sa troisième et dernière partie.
Section 2 Respects des libertés civiles ; incluant :
a. Liberté de parole et de la presse
La Constitution autorise la liberté d’expression et de la presse ; toutefois, le Gouvernement a restreint ces droits dans la pratique. La loi interdit la diffusion de fausses nouvelles et encadre la publication des journaux. La Constitution interdit la calomnie. Le gouvernement est propriétaire du principal journal, La Nation, publié deux fois par semaine. De plus, chaque parti politique légal est autorisé à publier son propre journal. Il y a plusieurs bulletins d’opposition paraissant chaque semaine ou chaque mois et qui critiquant ouvertement le gouvernement.
Le 15 mars 2003, Daher Ahmed Farah a été arrêté et détenu une journée pour « atteinte au moral de l’armée » et d’autres charges émises contre lui par le chef d’état-major de l’armée, le Général Zakaria Cheik Ibrahim. Les charges s’appuyaient sur un article du 6 mars qui accusait le commandant de l’armée de détournements à des fins partisanes. Le Général Zakaria porta plainte une seconde fois contre Farah à propos d’un article du 17 avril accusant le Général de « manque de neutralité » et avançant que le Général demandait à ce que le personnel féminin de la troupe militaire Harbi le divertisse en tenue de sport. Farah a été emprisonné le 20 avril et relâché le 3 juin ; cependant, il a été à nouveau incarcéré le 5 juin, acquitté et libéré le 23 juin, mais reconnu coupable en appel le 9 juillet et réincarcéré. Il fut libéré le 5 août. Le gouvernement a imposé une interdiction de parution de six mois au Renouveau à partir de l’emprisonnement de Farah, du 20 avril au 20 octobre 2003.
L’importation et la vente des journaux du Somaliland, Jamhuuriya et le Républicain sont effectives à la fin de l’année.
Le gouvernement possède également la station de radio et de télévision. Les médias publics ne sont généralement pas critiques envers les leaders et la politique du régime. La RadioTélévision de Djibouti (RTD), station officielle du gouvernement, émet 24 heures par jour dans quatre langues à la radio. La BBC (British Broadcasting Corporation) et RFI (Radio France International) émettent également à partir du territoire. Durant l’année, l’International Broadcasting Board (Bureau de Diffusion Internationale) a débuté à la fois la diffusion de Voice Of America (La Voix de l’Amérique) et de Radio Sawa en FM et en MW.
A la fin de l’année, le gouvernement n’avait toujours pas mis en place la Commission Nationale chargée de surveiller le respect du pluralisme de l’information et seule habilitée à accorder des autorisations pour la création de journaux, de radios et de télévisions libres, comme cela est prévu par la Loi de 1992 relative à la liberté de communication. Le seul server Internet du pays appartient au gouvernement. Contrairement à l’année 2002, le gouvernement n’a pas empêché l’accès à des sites d’opposition ou de défense des droits de l’homme. D’une manière générale, le gouvernement n’oppose aucune restriction à la liberté d’enseignement. Globalement, les enseignants peuvent librement s’exprimer et conduire leurs recherches sans entrave, à condition qu’ils ne violent pas les lois relatives à la sédition.
b. Liberté de Rassemblement et d’Association pacifiques
La Constitution garantit la liberté de rassemblement ; toutefois, le gouvernement limite ce droit dans la pratique. Le ministère de l’Intérieur exige une autorisation préalable pour tout rassemblement pacifique et contrôle les activités des partis politiques d’opposition. Contrairement à ces dernières années, le gouvernement a autorisé en plusieurs circonstances les partis d’opposition à tenir des rassemblements pacifiques. En février et mars, l’opposition a organisé plusieurs manifestations à la suite des législatives ; ces manifestations sont restées pacifiques, malgré une présence policière massive. Certains leaders d’opposition ont pratiqué avec efficacité l’autocensure et se sont abstenus d’en appeler sans cesse aux manifestations populaires, pour éviter toute radicalisation du régime.
Le 24 mars, deux élèves ont été sérieusement blessés lorsque la police locale a tiré contre des pacifistes. Le 16 août, la police a usé de la force et des gaz pour disperser une manifestation contre la politique d’immigration. La police a battu plusieurs manifestants et il a été reporté que 50 personnes environ ont été reconduites à la frontière éthiopienne.
Aucune action n’a été engagée à l’encontre des forces de sécurité qui ont fait un usage excessif de la force pour disperser une manifestation en 2002.
La Constitution garantit la liberté d’association lorsque certaines exigences légales sont remplies ; toutefois, le gouvernement restreint ce droit dans la pratique. Il est demandé aux partis politiques d’être reconnus par le gouvernement ; en septembre 2002, le gouvernement a mis fin à la limitation des partis légalement autorisés. Le gouvernement continue de harceler et d’intimider les opposants. Les associations apolitiques doivent également être enregistrées au ministère de l’Intérieur. Des responsables Baha’i ont déclaré avoir été interdits de légalisation.
c. Liberté religieuse
La Constitution, tout en déclarant l’Islam religion d’Etat, autorise la liberté religieuse et le gouvernement respecte généralement ce droit en pratique ; toutefois, le prosélytisme est interdit. Bien que l’Islam soit religion d’Etat, le gouvernement n’impose aucune sanction à l’encontre de ceux qui choisissent d’ignorer l’enseignement de l’Islam ou de pratiquer d’autres religions. Plus de 99% de la population est sunnite. Le gouvernement exige que les groupes religieux soient enregistrés au ministère de l’Intérieur. Les leaders Baha’i ont déclaré que la légalisation leur avait été refusée. Il n’y a aucune interdiction légale contre le prosélytisme ; toutefois, il est découragé.
d. Liberté de circulation intérieure, voyage à l’extérieur, immigration et rapatriement
La Constitution garantit ces droits ; toutefois, le gouvernement les restreint parfois dans la pratique. Par exemple, un juge peut ordonner la saisie du passeport de certaines personnes sous surveillance judiciaire ou en attente d’un procès. Durant l’année écoulée, il n’a pas été fait état de personnes interdites de quitter le pays. Dans les districts de Tadjourah et d’Obock, les mines terrestres ont restreint dans les années 1990 la liberté de circulation. Le gouvernement continue ses efforts de déminage. Contrairement à l’année dernière, il n’a pas été fait état d’épouse interdite de voyager sans l’autorisation d’un parent mâle.
La loi prévoit d’accorder l’asile aux réfugiés et aux personnes correspondant à la définition de la Convention des Nations-Unies de 1951 relative au Statut des Réfugiés ou à son Protocole de 1967. Dans la pratique, le gouvernement accorde la protection contre le refoulement de personnes sous la protection du HCR. Le gouvernement coopère avec le HCR ; toutefois, le gouvernement n’accorde pas comme il le devrait le statut de réfugié ou l’asile. Le pays a accueilli une population estimée à environ 50.000 réfugiés et étrangers clandestins à la fin de l’année. Quoique le gouvernement ne reconnaisse plus officiellement les réfugiés sous la protection du HCR, il coopère avec le HCR en fournissant assistance à 21.000 Somaliens et Ethiopiens enregistrés dans les deux camps de Hol-Hol et Ali-Addé.
Le 26 juillet, le gouvernement a annoncé que tous les étrangers en situation irrégulière – essentiellement d’Ethiopie, de Somalie et du Yémen- avaient jusqu’au 31 août pour quitter le pays. La date-butoir a ensuite été repoussée au 15 septembre. En réponse à cet ordre d’expulsion, des milliers de clandestins étrangers ont quitté le pays avant la date limite. Des rapports indiquent qu’il y a eu de nombreux cas de décès dus à cette politique d’expulsion. Certains individus sont morts d’insolation après que les forces de sécurité les aient déposés à la frontière. D’autres décès sont rapportés à la gare ferroviaire et dans le centre de transit d’Aouaraoussa, un ancien camp de réfugiés, du fait de la surpopulation et du manque de moyens. Les autorités ont annoncé que plus de 80.000 étrangers en situation irrégulière ont quitté le pays à la suite de cette décision d’expulsion ; toutefois, la LDDH a rapporté que plus de 110.000 avaient en fait quitté le pays.
De nombreux étrangers exprimant leur crainte de persécution en cas de retour dans leur pays d’origine furent rassemblés dans le stade de la Capitale puis transférés au centre de transit d’Aouraoussa. L’office gouvernemental d’assistance aux réfugiés et victimes de désastre (ONARS) était chargé de la gestion de ce centre de transit, en collaboration avec le HCR et les autres organisations internationales. La Commission Nationale d’éligibilité a été reconstituée afin de reconsidérer les cas d’asile. Le HCR a réétudié chaque demande d’asile, interrogeant les demandeurs, puis transmis les dossiers à la Commission afin qu’elle statue. Le 8 novembre, la Commission a commencé cet examen des demandes d’asile dans le centre de transit.
Les demandeurs auxquels l’asile sera accordé seront expédiés dans un camp de réfugiés ; ceux dont la demande sera refusée se verront renvoyés dans leur pays d’origine. En tout, il y avait environ 8.000 personnes demandant l’asile ; 4.000 d’entre elles étaient supposées être des Somalis du Sud ayant auparavant bénéficié du statut de réfugié et 4.000 autres auxquelles ce statut n’avait pas encore été attribué à la fin de l’année. Durant l’année écoulée, le HCR a rapatrié 249 réfugiés du Somaliland arrivés dans le pays au moment de la guerre civile. Certains rapports non confirmés ont fait état de retour forcé dans leur pays, spécialement l’Éthiopie, de personnes craignant une persécution. Contrairement à l’année dernière, aucun rapport n’a indiqué que les forces de sécurité aient utilisé, sous peine de déportation, des étrangers en situation irrégulière comme main-d’œuvre forcée dans des projets publics ou pour leur propre besoin.
Section 3. Respect des droits politiques : droit des citoyens à changer de gouvernement
Le gouvernement accorde aux citoyens le droit de changer de régime ; toutefois, le gouvernement limite ce droit dans la pratique.
Le candidat RPP Ismael Omar Guelleh, successeur désigné de l’ancien Président Hassan Gouled Aptidon, a gagné l’élection présidentielle de 1999 avec 74% des voix. Pour la première fois depuis le début d’élections multipartites en 1992, aucun groupe n’a boycotté le scrutin. Bien que Moussa Ahmed Idriss et l’ODU aient contesté les résultats, dénonçant des « irrégularités » et affirmant que des « étrangers » ont voté dans différents quartiers de la Capitale, les observateurs nationaux et internationaux ont considéré que cette élection a été d’une manière générale juste et transparente, parlant juste de quelques irrégularités mineures.
En janvier 2003, a pays a connu ses premières élections multipartites. Ces élections législatives mettaient aux prises l’Union pour la Majorité Présidentielle (UMP) coalition pro-gouvernementale et celle de l’opposition, l’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD). L’UMP était dominée par le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP), parti au pouvoir depuis l’Indépendance, et comprenait également le Parti National Démocratique(PND), le Font pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie (FRUD) et le Parti Populaire Social-Démocrate (PPSD). L’UAD était composée de l’Alliance Républicaine pour le Développement (ARD), du MRD, de l’Union Djiboutienne pour le Développement et la Justice(UDJ) et du Parti Djiboutien pour le Développement (PDD). Avec précaution, le RPP continuait de contrôler le système politique. Les chiffres officiels ont enregistré la victoire de la majorité UMP dans tous les cinq districts. L’UMP a raflé tous les 65 sièges à pourvoir, bien que l’UAD ait obtenu 37% des voix.
Des observateurs de l’Union Africaine, de la Ligue Arabe et de l’Agence Intergouvernementale des Pays Francophones ont noté les conditions pacifiques de déroulement de ce scrutin, mais ont également reconnu des irrégularités dans le processus électoral. L’opposition a dénoncé des fraudes massives surtout au niveau des listes électorales qui n’ont pas été rendues publiques et a accusé le gouvernement d’avoir bourré les urnes, mobilisé des unités militaires pour procéder à des votes multiples et pour intimider les sympathisants de l’opposition, enfin manipulé le décompte des voix dans certains districts. Le 20 février, le Conseil Constitutionnel a rejeté la demande de l’UAD en annulation des élections.
Il y avait 7 femmes pour les 65 sièges. Sept sièges de députés ont été réservé aux femmes par décret présidentiel lors des élections de janvier 2003. les premières femmes du pays à devenir membres de l’Assemblée Nationale le furent avec la législature UMP en février. Hawa Ahmed Youssouf fut nommée Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, en charge de la Promotion de la Femme et des Affaires Familiales et Sociales. Khadija Abeba, Présidente de la Cour Suprême, est la femme la plus haut placée et, en vertu de la Constitution, pourrait assurer l’intérim du Président de la République en cas de vacance du pouvoir.
Sur ces 65 députés de cette législature, il y a 9 membres de clans minoritaires non Somali-Issa (Issaks, Gadaboursi, Darood, Fourlaba) et Arabes. 3 membres sur 20 de la Commission Permanente sont issus de minorités. Le sous clan du Président, les Issa-Mamassan, détiennent un pouvoir disproportionné dans les affaires de l’État. Les Afar occupent des postes ministériels subalternes ; toutefois, ils ne sont pas non plus correctement représentés aux niveaux inférieurs. La représentation des clans Somali autres que celui des Issa et des citoyens d’origine yéménite est officieusement limitée à un poste ministériel. Il y a également une limitation officieuse du nombre de députés pour chaque groupe.
A suivre.
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L’USAID nouvelle version
Certains esprits avides de changement démocratique se poseront peut-être une question essentielle: par quelle magie du dédoublement d’État les Américains peuvent-ils à la fois émettre un jugement aussi dépréciatif sur le système politique djiboutien et reconduire une coopération interétatique allant crescendo depuis la lutte antiterroriste. Mais, en vérité, il n’y a aucune contradiction entre la dénonciation officielle des penchants dictatoriaux et la sauvegarde des intérêts stratégiques d’une Nation américaine traumatisée par les attentats terroristes. Pour preuve, voici les nouvelles orientations de la coopération américaine que l’USAID (organe de l’aide internationale) devra mettre en œuvre.
L’USAID PROPOSE UNE NOUVELLE STRATÉGIE D’AIDE A L’ÉTRANGER
(Elle viserait à répondre aux besoins variés des pays.)
L’administrateur de l’Agence des États-unis pour le développement international (USAID) , M. Andrew Natsios, a déclaré, le 25 février, lors d’une intervention devant le comité consultatif de l’USAID sur l’aide étrangère directe, que cet organisme proposait une nouvelle façon de distribuer l’aide étrangère afin de mieux répondre aux besoins variés des pays ayant un niveau de revenus inégal.
La nouvelle stratégie comprendrait cinq volets et chercherait, en premier lieu, à aider les pays à instituer les changements fondamentaux qui leur permettraient d’avancer aux plans économique et social sans avoir à dépendre de l’aide étrangère. Il s’agit là de non seulement réduire la pauvreté, mais de promouvoir également l’égalité des sexes et la protection de l’environnement .
La nouvelle direction sous-tendant la distribution de l’aide étrangère a déjà porté ses fruits alors que les pays réalisent que le fait de bien gouverner, d’investir dans leur population, et de mettre en oeuvre une réforme économique peut leur faire bénéficier d’une aide financière plus importante dans le cadre du Compte du millénaire.
La nouvelle stratégie comprend des mesures visant à renforcer les pays fragiles, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas en mesure de fournir des services fondamentaux à leur population ou qui ne veulent pas le faire et ceux qui sont encore faibles mais qui enregistrent des progrès aux plans de la stabilité et de la gouvernance.
L’USAID, a expliqué M. Natsios, collaborerait avec le Congrès et d’autres organes du gouvernement de façon à trouver des ressources indépendantes de celles qui sont consacrées au développement pour promouvoir la stabilité, la relance économique et la réforme du gouvernement dans les Etats déstructurés ou à la dérive.
Un troisième élément de la stratégie consisterait à fournir une aide humanitaire aux pays qui en ont un besoin urgent « sans pénaliser ceux dont l’engagement du gouvernement est insuffisant ». Il s’agirait de mettre l’accent sur la prévention des catastrophes, de faire fond sur les capacités locales de répondre à une catastrophe et de protéger les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.
Le quatrième élément de cette stratégie consisterait à aider les pays en s’appuyant sur des considérations liées aux priorités en matière de politique étrangère.
Mettre l’accent sur des questions revêtant une importance mondiale, telles que le VIH/sida et la traite des êtres humains, constituerait le cinquième volet de la stratégie.
Faisant remarquer que l’aide étrangère n’était plus le fait d’une seule opération, M. Natsios a précisé que l’USAID était désormais représentée aux plus hauts échelons de la prise de décisions au sein du gouvernement des États-unis et qu’elle avait élaboré un plan stratégique de concert avec le département d’État afin d’harmoniser les objectifs en matière de politique étrangère et de développement.
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(Diffusé par le Bureau des programmes d’information internationale du département d’État. Site Internet; http;//usinfo.state.gov/francais/)
COMMENTAIRES
Sans trop empiéter sur les remarques à propos du rapport du Département d’Etat relative à la situation des droits de l’homme à Djibouti en 2003, que nous réservons pour la semaine prochaine, nous ne pouvons qu’exprimer notre satisfaction. Celle également de tous les Djiboutiens aspirant à des réformes démocratiques fondamentales : le soutien accordé aux Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme n’assurera aucune impunité aux régimes dictatoriaux. Encore moins un chèque en blanc pour financer la mauvaise gouvernance.
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