Réalité numéro 80 du mercredi 21 janvier 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 80 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
LA VIE N’EST PAS UN JEU
Un citoyen mal informé ne peut sérieusement prétendre exercer son libre-arbitre. C’est pourquoi, au risque de paraître faire la publicité des publications adverses, nous invitons nos compatriotes à lire tout ce qui se rapporte à l’actualité nationale. Derrière la propagande officielle, par définition maladroite et faite de pose de première pierre sur fonds de you-you et de bottes de khat, la réalité se dévoile d’une façon ou d’une autre. Chacun se rendra alors compte à quel point et de quelle façon si diamétralement opposée les écoliers des deux districts du Nord ont été sollicités la semaine dernière, comme le rapporte si copieusement le journal gouvernemental « La Nation ».
A Tadjourah, comme s’il s’agissait d’une fête religieuse ou d’une journée fériée (pour tous), chômée (pour les fonctionnaires réquisitionnés) et payés (pour les rares privilégiés ignorant les retards de salaire), le régime a décrété école fermée sur l’ensemble du district. Mais, au lieu de profiter de cette journée, tous les écoliers de Tadjourah et de sa proximité furent unanimement convoqués pour assister à l’extraordinaire pose, par un Premier ministre sans compétence institutionnelle, de la première pierre d’un futur complexe sportif entièrement financé par la Chine. Et applaudir devant ce qui est manifestement présenté comme un exploit politique : la grandiloquence n’a tué personne, surtout lorsque le monopole sur les médias publics autorise soliloque et monologue. Sans trop se demander si la charrue n’a pas été mise avant les bœufs : l’amélioration des conditions de scolarité (peu de salles ou de manuels scolaires, mais suppléants mal formés et en surnombre) n’était-elle pas prioritaire par rapport à ce stade omnisports ?
Il est vrai que ce n’est pas vers la Chine qu’il faut se tourner pour que les recommandations des États Généraux sur l’Éducation trouvent un début d’application : aucun miracle de l’extérieur ne viendra assurer l’amélioration de notre système éducatif. Comédie politique beaucoup plus inadmissible quand on sait de quoi ces figurants sont coupables : aucune cantine scolaire n’existe dans ce district, pas plus qu’ailleurs : décemment remplir les petits ventres de ces écoliers n’est manifestement pas une priorité de ce régime qui n’hésite pourtant pas à investir des centaines de millions de francs dans la distribution partisane du khat. Du sport donc pour des écoliers sans cantine scolaire : aucune honte n’arrête décidément ce régime sans pudeur. Les enfants de la nomenklatura sont certainement logés à meilleure enseigne.
A Obock par contre, c’est à l’initiative des instituteurs que des élèves ont parcouru, mercredi dernier, la piste côtière jusqu’à Khor-Angar. Histoire de modestement les initier à la protection de l’environnement : comme pour la forêt du Day ou ailleurs, l’Unesco serait certainement intéressée par la protection de la mangrove de Godoria. Tout comme nous saluons l’initiative citoyenne de ces instituteurs invitant leurs élèves à s’intéresser à la géographie humaine : qu’est donc aujourd’hui devenu le village de Khor-Angar qui vivait, avant le conflit, de l’important échange commercial entre l’Éthiopie et le Yémen ?
Toutefois, la morale de l’histoire est donnée par le journal « La Nation » , concluant la narration de cette journée de la façon suivante : « L’unique fausse note de l’événement fut qu’à leur descente des véhicules, les élèves ont retrouvé une ville d’Obock plongée dans les ténèbres de l’obscurité due aux délestages de courant qui, ces derniers mois, semblent installés dans les mœurs ». Dans la durée et la banalité, devrait-on dire, tout en ne manquant pas d’ironiser que pour ne pas faire de jaloux, le régime a promis que les écoliers d’Obock auront aussi leur complexe sportif, dont le même souriant Premier ministre espère poser la première pierre.
Ce que ce régime et ses figurants essaient vainement de cacher, c’est qu’il n’y a aucun sport en dehors du contexte général de l’Éducation : sa qualité est inséparable de celle de l’enseignement assuré à notre progéniture. De même qu’il n’y a aucune Éducation digne de ce nom quand les conditions d’existence des parents ne cessent de se détériorer et quand l’État répond si peu aux priorités essentielles que sont la Santé ou l’Emploi. Un demi mensonge reste un mensonge, aussi souriant soit-il : nos enfants joueront mieux s’il y a du sérieux.
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Brèves nationales
Sud-Ouest :
Promesses présidentielles en catimini ?
L’on se souvient que le Président américain Bush s’était rendu en cachette à Bagdad, et l’opinion internationale avait eu la regrettable impression que les États-unis n’avaient rien à proposer aux Irakiens eux-mêmes. Une version locale de cette visite en cachette vient de se produire chez nous : selon des sources concordantes, le Chef de l’État s’est dernièrement rendu en catimini à Hanlé, dans le district de Dikhil, précisément à Agna, luxuriante palmeraie très peuplée mais désolée. De bonnes sources indiquent que l’agronome volant en campagne prématurée n’a pas été à cet endroit uniquement pour y prêcher la culture du palmier-dattier. Il serait parti à la rencontre des populations oubliées de cette région du Sud-Ouest. Populations auxquelles il aurait fait les mirobolantes promesses dont il a le secret : construction de routes, d’écoles et de dispensaires. Il n’est jamais trop tard pour faire le bien, mais rappelons tout de même à l’illustre « numéro un » qu’il n’y a pas si longtemps, il considérait les ruraux défavorisés de cette contrée comme des étrangers.
Ce qu’ils sont effectivement, car ne bénéficiant pas pour la plupart d’entre eux, de pièces d’identité nationale. Même leurs plus hauts notables en sont dépourvus, bien qu’étant appointés par l’administration depuis des décennies. Si le Chef de l’État veut vraiment rendre service à ces populations, qu’il commence par leur faire délivrer des pièces d’identité nationale. Pour l’heure, les apartés présidentiels avec les habitants de cette région se limitent malheureusement au traditionnel bakchich, au khat et aux promesses sans lendemain. Après ses visites éclairs en catimini à Assamo, As-Eyla et Agna, le futur candidat donne l’impression qu’il attend plus de ses visites impromptues et « bakchisantes » sur le terrain plutôt que des premières pierres médiatisées et des insipides discours à la Nation. Une autre manière de faire de la politique peut-être ! mais aux résultats aléatoires.
As-Eyla :
L’UMP aux abois
Depuis la dernière tournée de l’ARD dans le Sud-Ouest, le RPP et ses satellites s’inquiètent de l’audience grandissante de notre parti dans cette région. En témoignent les visites en catimini du Chef de l’Etat et les tournées hebdomadaires des membres de sa mouvance. Ainsi, l’on rapporte que dans le secteur d’As-Eyla et Goba’ad, la progression de notre parti ne serait pas du goût du Ministre de la Défense, leader autoproclamé de cette zone et qui serait, semble-t-il, profondément irrité et déstabilisé par la remarquable percée politique des dirigeants de notre fédération d’As-Eyla. Pensant contrer notre parti et ses idées de changement, ce ministre aurait affecté pour ce faire un véhicule de la Gendarmerie à la lourde tâche de quadriller une région sur laquelle il n’a plus aucune prise. A bord de ce véhicule militaire officieraient un gendarme-chauffeur sans permis de conduire et un adjudant-chef détaché au ministère de la Défense. On le voit, ce régime aux abois et manquant de vrais militants, en est réduit à réquisitionner fonctionnaires et militaires pour ses difficiles missions de sensibilisation. Cela s’appelle la démocratie militarisée…
Première pierre à Tadjourah :
Dans ma ville natale…
Un an après sa déroute électorale dans la Ville-Blanche et huit mois après sa dernière visite ratée en ce lieu, le Premier ministre a donc retrouvé sa ville natale jeudi dernier, non sans émotion. En effet, venus à bord de plusieurs véhicules dépêchés de la Capitale et de Tadjourah, des centaines de fonctionnaires, d’écoliers et de ruraux, tous réquisitionnés pour l’occasion attendaient poliment sur place. Ainsi que nous l’avions écrit la semaine dernière, cette visite faite au nom d’une première pierre d’un futur stade financé par la Chine Populaire, se voulait surtout politique. Pour faire sérieux, le Premier ministre était accompagné de plusieurs ministres, et le programme initialement prévu fut largement bousculé, comme l’on s’en doute. Après la cérémonie de pose de la première pierre, le séjour du Premier ministre a pris un tour éminemment politique avec de forts relents de campagne présidentielle. Rappelons que le programme de cette visite était fixé comme suit :
– pose de la première pierre du futur complexe sportif ;
– mise en place d’un comité régional des assises du Sport.
– mise en place de la ligue d’athlétisme régionale à Tadjourah par le Président du comité national d’athlétisme.
Toutes ces nobles activités ont été mises de côté pour essayer d’atteindre le véritable objectif de cette visite, à savoir reprendre pied à Tadjourah la frondeuse, en y mettant, pour ce faire, les moyens matériels et humains. A ce chapitre politique, la moisson semble bien maigre au regard de la logistique déployée. Passons sur l’inévitable khat qui aurait à lui seul englouti un million de FD. Rien que pour la nourriture de centaines d’obligés convoyés de Djibouti-ville ou des zones rurales, ce sont quelque six points de restauration qui auraient été installés dans la Ville-Blanche, aux frais du contribuable. Tout cela démontre qu’à part les quelques danseurs et danseuses largement rétribués, la grande majorité de la population Tadjouroise a préféré rester chez elle. Après cela, personne n’empêchera le Premier ministre de remercier à l’infini la cohorte de mobilisés pour l’occasion, en s’exclamant : « je vous remercie de m’avoir chaleureusement accueilli dans ma ville natale ». Remercier c’est déjà beaucoup pour les réquisitionnés. Pour le reste qui vivra verra.
Randa-Day :
La piste oubliée ?
Alors que le Premier ministre promet de bitumer la route du bord de mer de sa ville natale jusqu’au pied de Randa, la piste reliant ce village au Day reste impraticable, obligeant les usagers à un large détour de 80 kilomètres par la route de Garenlé. Il y a quelques mois de cela, les populations riveraines, lassées de l’indifférence des pouvoirs publics, avaient courageusement réhabilité en partie cette piste particulièrement dangereuse. Depuis lors, quelques véhicules empruntaient difficilement cette voie une ou deux fois par semaine. Mais aujourd’hui découragés par la dégradation constante de cette piste oubliée, les riverains lancent un appel pressant aux autorités, afin qu’elles prennent leurs responsabilités face à la menace de fermeture de cette voie de communication qui serait préjudiciable aux intérêts des population de cette partie de Goda. Rappelons pour la petite histoire que, lors de son séjour à Tadjourah, le Premier ministre avait gentiment écouté les multiples doléances des chefs coutumiers, en répondant une fois n’est pas coutume, à toutes leurs revendications Marhaba, en précisant toutefois : « Incha-Allah ». On n’est jamais trop prudent ! A l’heure où, après une longue absence, les engins des Travaux Publics sont miraculeusement de retour dans le Nord, le moment nous semble venu de sérieusement réhabiliter la piste Randa-Day, une des plus anciennes de notre pays.
Médias partisans :
Déficit de formation démocratique
C’est, semble-t-il, pour pallier aux carences en formation des journalistes des médias partisans, qu’un curieux séminaire devant combler leurs lacunes, a été récemment organisé à leur attention. A voir l’objectif affiché par le programme et les connaissances dispensées aux heureux bénéficiaires, la presse d’opposition, qui n’a pas eu la chance d’être conviée à ce séminaire de formation pour les points focaux, n’a plus qu’à regretter d’avoir été mise à l’écart de cette fulgurante transmission de connaissances en matière de communication. Afin de donner à nos lecteurs une idée de l’ampleur et de la profondeur de la formation que le régime a bien voulu dispenser à ses journalistes, voici in extenso le programme de cette journée historique à l’usage des médias partisans :
Séminaire de formation pour les points focaux
I°) Date et durée de la formation :
Date : jeudi 15 janvier 2004
Durée : une journée
II°) Déroulement de la formation
8h-8h30 : Arrivée et installation des points focaux
8h30-9h : pointage est distribution du programme
9h précise (sic) : Discours du Directeur de publication du journal
9h20 : Discours du Secrétaire National à la Communication
9h40 : Discours du Secrétaire Général
10h-10h30 : pause café
10h30-12h30 : Présentation sommaire du Journalisme et du rôle du journaliste
12h30-13h : Photo de famille
13h : fin de l’atelier
Quand une formation aussi importante ne dure que deux heures, on comprend que la photo de famille prenne trente minutes : c’est uniquement pour impressionner la galerie.
« Progrès » immuable :
Des courriers sans lecteurs
Les journalistes mal inspirés du pamphlet du RPP en avaient bien besoin : une formation accélérée d’une journée dûment organisée à leur attention devrait, espérons-le, combler leur pathétique carence en communication politique. En attendant ce miracle, ce journal financé sur deniers publics continuent à se singulariser par ses analyses oiseuses et ses attaques pernicieuses à l’encontre de la presse d’opposition qui vole largement au-dessus de lui. On raconte même qu’il y a quelques mois, le Chef de l’État, président en exercice du RPP et directeur de publication officieux mais en dernière instance de cet organe de presse, aurait rabroué en ces termes les plumitifs réquisitionnés : « avec tous les moyens que le Parti met à votre disposition, vous n’êtes pas foutus de contrer la presse d’opposition qui, avec peu de moyens, est plus régulière et plus efficace que vous ». c’est, nous semble-t-il, pour tenter de défendre l’indéfendable, que cette malheureuse publication occasionnelle fabrique périodiquement des pseudos courriers des lecteurs censés répondre aux arguments de l’opposition. Chacun pourra observer que les rares lecteurs de ce journal signent de leurs « initiales » L… Après LM signant des contrevérités historiques à l’encontre du Président Guedi, c’est dernièrement au tour d’un certain LMD de s’essayer à démonter les arguments de la presse d’opposition. Piètre tentative hors de sa portée.
Que dit ce sieur LMD ? Que l’opposition nie les réalisations de ce régime. Et de citer celles qui lui paraissent les plus pertinentes : le projet de Doraleh, l’eau du Day, le Port de Tadjourah, la route de Yoboki, l’eau d’Ali-Sabieh, les arriérés de salaire, la lutte contre les clandestins et enfin la service national adapté. Vastes réalisations qui méritent un petit commentaire.
Doraleh : les travaux lancés en juin 2003 sont arrêtés, faute de financement ; ce méga-projet n’employant que 30 ouvriers…
L’eau coule en effet au Day, mais la majeure partie du précieux liquide est orientée vers sa destination initiale : le jardin présidentiel. Des milliers de plants de khat et de café absorbent plus que les populations riveraines de cette eau venue de Garenlé.
A Ali-Sabieh, l’eau potable demeure un souci permanent. Le forage électoraliste sera-t-il en mesure de satisfaire la consommation locale et la prétendue commercialisation?
Le Port de Tadjourah, inauguré en grandes pompes par le Chef de l’État en 2000, n’a pas tenu ses promesses : il reste un misérable quai à boutres. A qui la faute ? En grande partie au régime qui refuse de réhabiliter les routes et pistes de la région, spécialement vers l’Éthiopie et qui n’a initié aucun projet de développement pouvant solliciter l’usage intensif des quais de Tadjourah.
Concernant la route Yoboki-Galafi, récemment réhabilitée, elle a la particularité de traverser une des régions les plus désolées de notre pays. Malgré son importance économique, les riverains ne profitent pas des retombées annoncées. A qui la faute ? Essentiellement à ce régime préférant les apparences aux réalités et qui, là non plus n’a proposé aucun projet générateur de revenus pour les populations de cette région, spécialement pour sa Jeunesse désœuvrée, sans perspective sinon l’exode vers Djibouti-ville.
Pour ce qui est des arriérés de salaire, ils n’ont été réduits que grâce à la générosité extérieure (États-unis et France), mais ils demeurent importants : au moins deux mois. Rien qu’avec les recettes du Port et de l’Aéroport, ces arriérés pourraient être épongés : où vont alors ces colossales recettes échappant au Budget National ?
Nous maintenons par ailleurs que la lutte contre l’immigration est pour le moment un cuisant échec. La preuve : la majorité des clandestins expulsés en septembre est déjà de retour.
Enfin, s’agissant du pseudo service national adapté, il demeure électoraliste et congénitalement inadapté : son exécution est réservée à l’Armée dont personne ne connaît la compétence en ce domaine. Le recrutement reste douloureusement sectaire, voire vulgairement tribale.
Des courriers sans lecteur restent ce qu’ils sont : des délires encrés. Le temps est donc venu pour les journalistes du « Progrès» d’entrer en séminaire…
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Les incohérences du Budget (2)
La République de Djibouti est, de tout temps et structurellement, dépendante d’une économie essentiellement basée sur le secteur tertiaire dont l’activité portuaire reste toujours le socle. Il y a encore une dizaine d’années, l’État honorait les salaires de ses employés, les retraites, la santé, etc. La situation actuelle n’est pas seulement due à la guerre, mais tire sa vraie source des multiples pratiques illicites de nos gouvernants, accentuées par la mauvaise gouvernance. Deuxième volet de nos remarques sur les incohérences de ce Budget 2004.
La dernière décennie a été marquée par l’apparition réelle, entre 1994/1995, d’une crise économique et financière qui nous amène aujourd’hui à la considérer comme voulue et entretenue depuis quatre ans par le pouvoir en place. Durant toutes ces années, les prélèvements fiscaux frappant les salariés et les commerçants ont augmenté exponentiellement grâce aux multiples inventions d’un régime qui nourrit d’autres ambitions que celui d’un réel développement du pays.
En effet, les promesses de paix de 1994 n’ont toujours pas été suivies d’effets, les ponctions fiscales continuant à saigner la masse laborieuse. Il en est de même des privatisations et autres cessions-concessions des établissements publics qui loin de relancer l’économie nationale n’atténuent toujours pas l’hémorragie économique et financière.
« On ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué »
Entretenant l’opacité sur la gestion privée des complexes portuaires et aéroportuaires, plutôt que de rendre publiques les retombées économiques et financières de ces concessions, sa nouvelle trouvaille, depuis trois ans, est d’asseoir toute relance économique sur la seule construction du port de Doraleh.
Selon le Cadre général de la présentation du Budget 2004, les investissements ont été tels que celui de Doraleh est là pour appuyer une croissance projetée de 4,5% du PIB par « l’émergence d’une nouvelle dynamique dans le secteur de services grâce aux anticipations suscitées par la construction du complexe portuaire de Doraleh…avec des retombées indirectes pour le secteur de services… » En attendant ces retombées directes et indirectes dont bénéficiera grandement le secteur tertiaire, la seule anticipation que ce projet ait suscité parmi les investisseurs locaux et étrangers est celle remarquée de l’Établissement Public d’Hydrocarbure (EPH) qui, pour d’obscures raisons, s’est transformé en Société Anonyme aux multiples activités industrielles et commerciales. Un Établissement bien connu pour avoir été une entreprise publique, à la fois, accumulatrice de richesses (prélèvements des taxes et surtaxes sur les produits pétroliers) et « vache à lait » du régime. Quelles que soient les justifications d’une croissance plus que soutenue du PIB en 2004, nous sommes tentés d’interpeller l’Argentier du régime sur l’exercice 2002 dont les comptes n’ont à ce jour pas été rendus définitifs. L’actuel Budget 2004 nous dit-on serait la suite logique de la réussite du budget 2002 lequel, avait été largement commenté, en son temps, à travers nos analyses, étalées sur plusieurs numéros de « Réalité ». Pour qui l’aurait oublié, le Droit de réponse en date du 20 mai 2002, du Ministère de l’Économie, dont les extraits que voici, prétendaient :
Nous taxant d’adeptes d’une théorie économique Keynésienne dépassée et loin de prendre ainsi en compte nos remarques fondées et objectives, le Ministère chargé de l’Économie du pays justifiait ses mesures budgétaires de l’époque: « pour atténuer le déficit ayant atteint un seuil critique, il lui fallait opérer un rapprochement entre les recettes effectives et les dépenses de l’État…». Il renchérissait son choix économique en soutenant que « l’augmentation du taux d’imposition évite des licenciements massifs et contribue conjointement à de faire des économies drastiques sur les dépenses de l’État, exceptés les secteurs sociaux (éducation, santé…) ».
Plus loin, dans « La Paix a un coût, la Démocratie aussi », autre chapitre blanchissant cette théorie Rppiste « une somme de 370 millions FD est provisionnée pour la Consolidation de la paix et pour l’organisation d’élections ». Enfin, « il est encore prématuré en ce mois de mai 2002 de juger si telle ou telle autre dépense a été exécutée ou pas, tout budget étant annuel ».
« Lors de la clôture du budget 2002, le Ministère des Finances apportera des réponses à toutes les questions qui lui seront posées ». Soit : le seul point positif à retenir ci-dessus est celui portant sur les réponses à nos questions lors de la clôture du Budget 2002, officiellement retardées par on ne sait quoi.
En attendant ce bilan définitif pendant, comme un boulet suspendu à un condamné à perpétuité, il ne nous reste plus qu’à passer au Budget 2003, lequel serait présenté comme une suite logique de la réussite économique de 2002. Passons maintenant à l’analyse au Budget 2004 qui aurait tiré toute sa substance de ses résultats positifs des budgets antérieurs.
Constat Général :
A lire le Cadre Général de présentation du Budget 2004, on se croirait dans un autre pays que la République de Djibouti. Le développement du pays est maintenu avec une croissance soutenue du PIB qui approcherait dans l’année en cours les 5%, avec la création d’unités de production industrielles, avec le maintien depuis 1999 de la diminution de la pression fiscale en faveur de la classe laborieuse et des consommateurs, avec l’abaissement des taxes sur plusieurs produits, du pétrole lampant en passant par les tissus et les pièces détachées, etc. Le tout dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, lequel tiendrait la route à travers les financements des secteurs sociaux que sont la Santé et l’Éducation Nationale.
Le couronnement de cette réussite économique serait la présentation en avril 2004 d’un Document de Réduction Stratégique de la Pauvreté (DSRP) aux bailleurs de fonds, projet pour lequel l’Etat aurait déjà provisionné un capital de 200 millions FD. Or, les recettes augmentent encore grâce aux impositions sur les traitements et salaires et aux impôts sur les bénéfices des entreprises ; points que nous développerons plus tard. Dans ce numéro, nous nous cantonnerons seulement à l’analyse macroéconomique du Budget en augmentation encore pour cet exercice lequel passe de 42 milliards FD en 2003 à 43,2 milliards FD pour 2004.
L’embarras du Budget 2003
L’étude par poste budgétaire étant laissée pour plus tard, dans l’immédiat l’ensemble du projet du budget 2004 disserte sur un succès des investissements au dernier exercice, dont les argumentations développées ne nous convainquent guère. Il nous est dit que les réalisations des derniers 9 mois de l’année écoulée auraient déterminé les prévisions de 2004. Si tel est le cas, il ne peut échapper à personne que le déficit budgétaire prévisible en 2003, après rectificatif, serait de l’ordre 542 millions FD contre 3,7 milliards FD en 2002.
Or, les deux premiers trimestres de la période de référence 2003 avaient déjà dégagé des résultats négatifs respectivement de 2,2 milliards FD au 31 mars 2003 et de 1,2 milliards FD environ au 30 juin 2003. D’où vient l’exploit de l’Argentier officiel qui aurait réalisé dans son hypothèse, sur les six derniers mois de l’année écoulée, un excédent budgétaire de 2,816 milliards FD ? Un chiffre qui représente un excédent moyen mensuel de 703 millions FD contrairement au premier trimestre de l’année en question, où la même moyenne mensuel affichait un déficit de 560 millions FD.
Par conséquent, les justifications déterminantes du Budget 2004 ne tiennent pas, en ce sens qu’elles sont incohérentes même en l’absence des données définitives de 2002 et celles économiques des troisième et quatrième trimestres 2003. A noter, toutefois, que le Budget prévisionnel 2003 avait lors des dernières séances de l’Assemblée Nationale abouti à un dépassement de plus de 5,4 milliards FD risquant ainsi d’aggraver le déficit déjà important, comptablement réduit par la non réalisation de Dons et autres Emprunts projets d’un montant total de 4,6 milliards FD.
Investissements : Grâce aux Dons et financements extérieurs
Alors que les projets et autres promesses ne voient pas le jour, le régime semble mettre en avant des investissements qu’il n’est pas en mesure de réaliser.
En effet, en 2003 les dépenses d’investissements, sur financement intérieur, programmées pour un montant de 987 millions FD apparaissent subitement lors de la loi rectificative avec un nouveau chiffre de 1,66 milliards FD. Ce chiffre serait occasionné par deux dépenses relatives à deux nouvelles lignes budgétaires intitulées « Eau, Énergie, Industrie : Prises de participation dans des Entreprises publiques nationales » pour un montant de 500 millions FD et de 170 millions FD portant sur des « Charges récurrentes du projet d’investissement programme ». Comment se fait-il qu’un Etat puisse prendre des participations dans des Entreprises qui lui appartiennent ?
Globalement les investissements publics engagés lors du dernier exercice, et concernant les financements hors projets ou les contreparties nationales sur des projets de programme d’investissements, n’auraient été dans le budget rectificatif que de 1,857 milliards FD et non de 3,787 milliards FD comme écrit dans le Budget 2004. Par contre, les financements sur ressources extérieures dans les dépenses d’investissements étaient intervenus à hauteur de 2,948 milliards FD en 2003 et passeraient pour 2004 à plus de 5 milliards. Il est important de souligner que dans le Cadre Général de présentation du Budget en cours, le Ministère des Finances n’a pas jugé utile de préciser que ces investissements se feront sur des financements extérieurs.
Que ces prévisions d’investissements soient inscrites au Budget 2004 est une chose, mais il est tout de même surprenant que l’Assemblée Nationale qui l’a voté n’ait pas constaté que ceux de l’année dernière tablant pour sur de 7 milliards FD, n’auraient été réalisés qu’à hauteur de près de 3 milliards FD. Est-ce seulement pour gonfler le budget si ce n’est pour d’autres fins ?
L’incohérence dictant la démesure, les pratiques de ce régime demeurent nuisibles au pays, l’énorme fossé entre les promesses grandioses et la réalité aggrave la situation. C’est pour cela que nous engageons le pouvoir à réaliser effectivement les 7 milliards FD d’investissements projetés.
D’autre part, comme nous l’avons relevé dans plusieurs budgets, le régime pourra-t-il tenir son engagement et assurer ainsi les 1,7 milliards FD à sa charge dans ce domaine ?
A suivre…
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Chantage à la citoyenneté
Carte d’identité ou carte de parti ?
Sans nous en formaliser outre mesure, constatons d’abord que pour le ministre de l’intérieur, la « presse nationale » se résume à l’A.D.I, «La Nation » ou quelques autres lucioles paraissant le temps d’une propagande et que le gouvernement subventionne à grands frais, à vos frais pour cela. Ce n’est donc pas fortuit et ce ne sont pas des actes manqués et c’est trop banal dans notre pseudo démocratie pour que nous nous en offusquions ici.
Si nous le relevons, c’est uniquement pour mettre en relief le mépris dans lequel nous sommes tous tenus par nos décideurs et souligner par comparaison, le respect et la courtoisie dont font preuve tous nos partenaires économiques en adressant à l’ensemble de la presse nationale, dont nous, leurs communiqués de presse et leurs invitations à l’occasion d’éventuelles conférences, ce qui ne les empêche nullement de coopérer en bonne intelligence, même si c’est difficile avec les autorités officielles. Passons à l’essentiel !
Contrairement à ce qu’affirme le communiqué cité par notre intermittent confrère « Le Progrès » à la page 9 du n°101 dans son édition datée du 11/01/04, nous devons rappeler que ces nouvelles dispositions relatives à la délivrance de l’état- civil ne correspondent absolument pas à la volonté de l’actuel président de la République de voir se régulariser la situation de « certains Djiboutiennes et Djiboutiens qui pour une raison ou une autre n’en étaient pas titulaires ».
Par contre, elles contreviennent explicitement aux dispositions de l’Accord de Paix Définitive signé en mondiovision en mai 2001, entre le président Dini et le Ministre de l’intérieur de l’époque et qui stipulait en son article10 intitulé « de la Nationalité », que « les personnes dont l’appartenance à la communauté Djiboutienne est vérifiable par tous les moyens peuvent prétendre à la citoyenneté Djiboutienne. Pour ce faire, les deux parties s’engagent à mettre en place une commission ad hoc chargée d’accélérer la délivrance des cartes nationales d’identité à ces personnes ».Tout y est dit et reste, concernant ce volet à ce jour inappliqué !
Le communiqué poursuit que « l’administration a entrepris à plusieurs reprises des opérations de délivrance de cartes, mais celles-ci se sont avérées insuffisantes. Car elles étaient limitées dans le temps (et dans l’espace.. n.d.l.r) alors que les demandes sont de plus en plus fortes chaque année en raison de l’arrivée des jeunes à la majorité».
Est-ce uniquement dans cette optique que les administrations sont aujourd’hui mobilisées pour délivrer des cartes nationales d’identité et réviser les listes électorales ? Non, soutient le ministre qui reconnaît avoir « constaté que des personnes bien connues, telles que des notables bien instruits sur les listes électorales ne disposaient pas non plus de leurs cartes nationales d’identité ».
Réjouissons nous d’abord que le ministre de l’intérieur fasse sien ce constat déjà clairement établi par l’Accord-cadre de Réforme et de concorde civile de Février 2000 et qui justifie la raison d’être de l’art.10 de l’Accord de mai 2001.
Il est ensuite normal que le gouvernement soit soucieux d’inscrire sur les listes électorales les jeunes arrivés à la majorité et déjà ou pas encore détenteurs des cartes nationales d’identité .
Il est enfin et par contre totalement anormal que l’instruction des demandes de dossiers « au profit des djiboutiennes et des djiboutiens remplissant les conditions requises » soit laissée à la seule discrétion de l’administration R.P.P, laquelle aurait aujourd’hui subitement acquis « les moyens requis pour mener ces longues opérations », censées durer un trimestre !
« Dans cette optique, tous les bureaux chargés des établissements de l’état- civil et des cartes nationales d’identité sont ouverts au public dans les cinq districts du pays. ».
Renseignements pris, ces bureaux dans les districts de l’intérieur sont peut-être ouverts au public mais des sources variées et concordantes font état de multiples entraves faites aux citoyens y ayant droit pour l’admission de leurs dossiers laissée à la discrétionnaire instruction de l’administration compétente..
Plus gravement, le communiqué poursuit : «Comme à l’accoutumée, nous allons procéder à la révision annuelle des listes électorales dans l’ensemble des districts ». C’est bien ce qui nous inquiète !D’abord nous sommes surpris d’apprendre que cette révision est annuelle : car à un courrier officiel et signé par les présidents des partis membres de l’U.A.D, et exigeant que conformément à la loi une copie des listes électorales révisées soit fournie à l’opposition dans les délais impartis par la loi, le ministre de l’intérieur (est-ce bien lui ?) a opposé un suspicieux silence radio.
Nous avons appris plus tard, par la voie de la presse officielle et partisane que ces listes électorales n’auraient pas été imprimées à temps…pourquoi puisque ces révisions sont annuelles ?
D’autre part, au regard des lecture et application partielles et partiales qu’a fait le gouvernement des Accords de Paix signés en dix années pleines de guerre civile, ainsi que du peu de cas qu’il fait des lois qu’il édicte sans les appliquer, ces opérations sont à nos yeux d’ores et déjà sujettes à suspicion.
Que cache ce réflexe pavlovien à toujours instruire, procéder .. à huis-clos et mettre toujours ainsi le peuple et l’opposition devant le fait accompli sur des sujets les concernant au premier chef ?Plus loin le communiqué précise que « cette révision concerne quatre catégories de personnes :
1) les jeunes arrivés à la majorité sont priés de s’inscrire sur les listes électorales dans leurs districts respectifs.
2) les gens qui ont changé d’adresse doivent s’inscrire dans leur circonscription actuelle.
3) les personnes remplissant les conditions requises mais qui ne se sont jamais inscrites sur les listes électorales. Elles sont priées de faire preuve de civisme en s’inscrivant dès aujourd’hui sur les listes électorales.
4) les personnes ayant voté sur ordonnance lors des dernières législatives du 10 janvier 2003, elles sont invitées à régulariser leur situation auprès leurs circonscriptions respectives ou de leur arrondissements respectifs… ».
En premier lieu, nous souhaitons savoir quelle suite le gouvernement entend donner aux dossiers de tous ceux depuis toujours officiellement inscrits au registre de l’état- civil du district d’Obock dont les archives ont été détruites par les forces gouvernementales en 1992.
D’autre part, le ministre a parfaitement raison de demander de régulariser leur situation aux trop nombreux bénéficiaires des ordonnances lors des dernières élections législatives.
Même si leur situation était régularisée, nous persistons à penser que ce n’est pas suffisant pour la transparence, tant revendiquée par notre peuple et souhaitée par tous nos amis et partenaires économiques parce que socle de stabilité.
Nous en voulons pour preuve un document dont vous avez eu la primeur au lendemain des élections législatives, tiré de l’épais dossier de recours soumis à l’instruction du juge constitutionnel et qui démontrait qu’une même personne titulaire d’une carte d’électeur a voté, sans doute à son insu, une fois avec sa carte d’électeur et une autre fois sur une ordonnance dûment délivrée par un juge dans deux bureaux de vote différents.
Comme il fallait s’y attendre, la CENI, concoctée « comme à l’accoutumée » en catimini ne l’a pas relevé ! Comme cette curiosité n’a pas soulevé la suspicion du juge constitutionnel qui a trouvé tout le processus et déroulement des opérations de vote « normal et régulier».
Il est trop facile quand on est entouré d’une garde prétorienne de distribuer ou pas, les cartes d’un jeu. Parce qu’issu du Peuple et au plus près de ses préoccupations, nous sommes bien placés pour savoir qu’il est à bout de patience.
Nous écrivions dans un éditorial au lendemain des élections législatives du 10/01/03, qu’ « on ne peut pas indéfiniment gouverner au nom du peuple et sans lui ! ».
Au total, il n’échappera à aucun observateur averti que toutes ces propagandes et entourloupes gouvernementales préparent, si elles ont lieu, des élections truquées à l’avance. Chat échaudé craignant l’eau froide, selon le proverbe, et parce que toute patience et sagesse ont des limites, nous informons dès ce jour, autant l’ensemble de nos concitoyens que nos décideurs politiques, ainsi que les États et instances internationales ayant directement ou indirectement apporté leur caution à l’Accord de Paix du 12 mai 2001, que l’ARD exige d’être associée à l’établissement des listes d’état civil, conformément à l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Tout comme l’opposition, regroupée au sein de l’UAD, exige que lui soient fournies dans les délais réglementaires les listes électorales révisées.
A bon entendeur… SALAM !
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S.T.O version RPP
La Fonction Publique comme harem politique
La récente visite à Tadjourah de la Présidente (non pas de la République, mais de l’UNFD ) nous avait donné l’occasion de brièvement ironiser à propos de la cohorte de fonctionnaires, quinquagénaires ou « kadragénaires », que les dignitaires en déplacement réquisitionnent pour jouer le rôle peu enviable de figurants pathétiques d’un dérisoire spectacle politique. La démesure caricaturale, jeudi dernier dans cette même ville, de cette danse du ventre fonctionnarisée nous amène à revenir sur ces contorsions des corps et des âmes, censées remplir les écrans de télévision. Contorsions et entorses politico-administratives qui ne peuvent manquer de rappeler un dramatique précédent historique : le Service du Travail Obligatoire (S.T.O) par lequel l’Allemagne nazie réquisitionnait les ressortissants français pour faire tourner ses industries. Entre usine d’armement et usine à fabriquer des illusions politiques, la différence est mince : comme celle qui sépare totalitarisme et despotisme.
Les « malgré nous » : ainsi étaient appelés tous ceux qui, en application de la loi du 16 février 1943 portant institution du service du travail obligatoire, avaient docilement accepté de servir de main-d’œuvre gratuite pour les industries allemandes. Privilège du vainqueur et collaboration du vaincu se conjuguaient : ils étaient des millions à s’être abaissés à cette servilité, plutôt que de courageusement refuser de courber l’échine.
Immanquablement, les nombreux fonctionnaires qui, plus par obligation que par conviction, ont fait le déplacement pour applaudir les banalités démagogiques du Premier ministre à Tadjourah, font penser à ces « malgré nous » que le régime de Vichy avait mis à la disposition du 3ème Reich. Sauf qu’ici, c’est le système RPP qui impose aux fonctionnaires un travail parfaitement illégal mais devenu obligatoire depuis quelques années : se mettre corps et âme à l’entière disposition du parti au pouvoir.
Les Djiboutiens ont une belle formule pour dire que les choses étaient mieux avant : Salamoullah. Et, effectivement, Salamoullah à l’ancien Chef de l’État, à l’ancienne Première Dame ou encore à l’ancien Premier ministre : eux au moins n’obligeaient pas les fonctionnaires à cette dégradante danse du ventre les transformant en simples figurants itinérants, suivant les cortèges officiels de brousse en village. En toute logique et avec un certain sens de l’Etat, ils voyageaient accompagnés du strict minimum. C’est que, bien qu’ayant été d’intraitables ennemis politiques, force nous est de reconnaître que Gouled n’était pas un farfelu prétentieux et que Barkat jouissait d’une certaine reconnaissance parmi les membres de la communauté qu’il était censé représenter.
Avec l’arrivée au pouvoir de l’actuel Président de la République, c’est comme si une dangereuse précarité touchait un travail pourtant garanti par le Statut de la fonction Publique. Les foules devenant clairsemées parce démagogie ne payant plus, le régime en mal de légitimité tente de mystifier les citoyens-téléspectateurs par le spectacle de faux badauds : les fonctionnaires réquisitionnés par les dignitaires en déplacement. C’est pratiquement devenu une activité mondaine que tout fonctionnaire ambitieux et docile (condition sine qua non) doit intégrer dans son plan de carrière.
Ainsi, les téléspectateurs qui ont eu le temps de suivre le reportage généreusement consacré à la dernière virée du Premier ministre à Tadjourah, ont certainement reconnu quelques unes de ces glorieuses têtes administratives roulant B ou C, ayant déserté leurs bureaux dans la Capitale. Du directeur venu propager une culture du larbinisme et de la soumission, au directeur inamovible déversant ses flots d’admiration inconditionnellement intéressée, il y en avait pour tous les goûts et tous les dégoûts !
Une telle instrumentalisation d’une Fonction Publique normalement au service de l’intérêt général en dit long sur les dérives despotiques et clientélistes de l’actuel régime politique djiboutien: manifestement, le sens de l’État est une denrée extrêmement rare chez quiconque trouve normal que des agents de l’État servent, le plus souvent à leur corps défendant, des intérêts partisans sans intérêt. Lorsque l’on sait que le régime, copiant ce qui se passe en France, songe sérieusement à préparer une loi en vertu de laquelle la promotion des fonctionnaires se ferait selon le mérite, il y a vraiment de quoi s’inquiéter quant au rendement d’une administration soumise à un tel arbitraire.
Par ailleurs, quand on sait que ce sont principalement des considérations de copinage partisan qui président à l’attribution opaque des marchés publics, l’observateur est en droit de penser que le fonctionnement de l’État djiboutien rappelle curieusement et furieusement celui des réseaux mafieux : les chances d’enrichissement (de promotion sociale) dépendent du degré de proximité avec le centre du pouvoir. Proche duquel il convient de se placer et d’être vu : à l’occasion d’une visite à Tadjourah, par exemple.
Le débat s’était un temps instauré de savoir si ces « malgré nous » français avaient vraiment le choix, puisque l’article 5 de la loi du 16 février 1943 ne prévoyait qu’une amende de 200 à 1000 francs et d’un emprisonnement de 3 mois à 5 ans toute personne refusant le travail obligatoire. De fait, ils furent nombreux, ceux que l’on appelait « les réfractaires », préférant prendre le maquis et participer à la Résistance intérieure. L’administration djiboutienne aurait certainement besoin de ses réfractaires : l’avènement d’un véritable État de droit se conquiert au quotidien et passe aussi par le refus de servilement se prêter aux intimidations de dirigeants sans légitimité ni dessein ni destin : l’Administration n’est pas un harem qu’un sultan forcément polygame déplace au gré de ses caprices. C’est tout simplement dramatique pour l’image que ce régime du spectacle donne de notre pays.
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