Réalité numéro 71 du mercredi 19 novembre 2003 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 71 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
FÊTE A CRÉDIT
Il y a une constante dans le mensonge gouvernemental relatif à la situation réelle dans notre pays. Les contrevérités sur la réalité politique, économique et sociale abondent dans les médias gouvernementaux qui font état d’une évolution positive dans la gestion des affaires publiques depuis la dernière fête du Ramadan jusqu’à aujourd’hui.
dans tous les domaines, l’échec de ce régime est pourtant patent.
Sur le plan politique: la limitation illégale des partis politiques à quatre a laissé la place à un multipartisme intégral qui a donné naissance à quatre partis d’opposition véritablement responsables face à une incohérente et boiteuse mouvance présidentielle. Les élections législatives du 10 janvier 2003 ont bien démontré le fossé qui sépare les tenants de l’immobilisme et les forces du progrès proposant une alternance responsable pour sauver notre pays de la régression et de la récession. Aujourd’hui, dix mois après le hold-up électoral, « l’assemblée nationale» reste uniquement composés de figurants cooptés dans le seul but de servir un seul homme tout en se servant : intérêt national, connais pas !
Sur le plan économique : ces figurants ont récemment voté sans considération pour l’intérêt national, la loi rectificative du Budget 2003. Par ailleurs, les dernières données du Ministère de l’Économie contredisent les discours officiels tendant à faire croire à une amélioration de la situation du pays. Pourtant, les derniers chiffres publiés montrent que rien qu’au mois de juin 2003, les réalisations du Budget de l’État accusaient un déficit cumulé supérieur à trois milliards de nos francs. En effet, les recettes de l’État n’ont pas pu combler des dépenses publiques toujours exponentielles du fait de l’importance démesurée accordée aux impératifs sécuritaires du régime.
Résultat : augmentation des ponctions fiscales au détriment des catégories sociales les plus défavorisées et répartition budgétaire au détriment des secteurs sociaux les plus prioritaires. Donc un endettement de l’État consécutif qui a des recours aux financements extérieurs, malgré la réévaluation à la hausse des multiples revenus financiers générés par les présences militaires extérieures dans un contexte de lutte contre le terrorisme. L’armée, la police et autres bras armés bénéficient de confortables enveloppes face à des ministères censés répondre aux besoins sociaux et sanitaires. Pourtant, les injections financières occasionnées par la présence des troupes étrangères sur notre sol semblent intervenir dans des domaines autres que ceux concernant nos conditions de vie.
Au chapitre social enfin : les fêtes passent et se ressemblent misérablement pour la majorité de la population qui a déjà d’énormes difficultés pour arrondir ses fins de mois. Si à la même époque l’an dernier, la France avait généreusement accepté de contribuer à éponger deux mois d’arriérés de salaire, le régime escompte encore cette année payer les arriérés restants grâce au matelas financier qu’il s’est constitué avec la complicité des locataires que sont les chercheurs de terroristes musulmans : France, États-unis, Allemagne, Espagne pour l’instant. Seulement, cette bouée de sauvetage occidentale est malheureusement lancée au profit d’un pouvoir structurellement en crise pour cause de malversations financières à grande échelle, lesquelles sont largement responsables de la pauvreté grandissante d’une importante frange de la population djiboutienne.
Dans ces conditions, les Djiboutiens seront peu enclins à croire aux discours révisionnistes et suffisants sur l’état de la Nation, dont ne manquera pas de les assommer le Chef de l’État habitué à de pareils exercices oratoires. L’Opposition regroupée au sein de l’UAD s’apprête quant à elle à fêter l’Aïd-el-fitr avec le Peuple à l’avenue Nasser. Ce sera une occasion supplémentaire de délivrer un message d’Espoir et de Vérité, mais aussi de procéder à une analyse sans complaisance du gâchis perpétré par ce régime insouciant et insatiable. Quoi qu’il en soit, l’UAD souhaite Bonne Fête à Toutes et à Tous.
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Brèves nationales
Salubrité publique :
Vers la fin des feux de brousse…en ville ?
L’armée américaine stationnée à Djibouti vient de faire don d’un incinérateur destiné à être mis en service à la décharge publique de Douda. Laquelle décharge est normalement alimentée, faut-il le rappeler, par tous les détritus dont les services de la Voirie débarrassent quotidiennement la Capitale, seul espace du territoire national où s’applique la taxe sur les ordures ménagères. Il faut à présent espérer que les multiples feux allumés en ville par les particuliers diminueront, pour finalement cesser.
Pour contribuer à la cessation de ces feux de brousse en ville, facteur de pollution et risque d’incendie, les services techniques du district de Djibouti doivent désormais redoubler d’efforts dans l’enlèvement des ordures ; tâches dont elles sont loin de s’acquitter convenablement pour le moment. La Voirie devrait déjà commencer à mieux entretenir l’important parc de matériel d’entretien généreusement offert par d’autres donateurs, apparemment plus soucieux que le régime de notre salubrité publique.
Si les ordures ne s’amoncèlent plus, les occasions de les brûler se feront rares et notre Capitale aura un visage plus humain. La salubrité publique est l’affaire de tous, mais les pouvoirs publics doivent préalablement donner l’exemple en s’acquittant efficacement des tâches qui leur incombent. Souhaitons donc que le don de cet incinérateur ne connaîtra pas le même ridicule destin que le don de chasse-neige dont l’URSS avait autrefois glorieusement gratifié un pays africain. Contrairement à ces chasse-neige qui n’ont jamais pu prouver leur efficacité faute de neige, prions pour que notre Voirie ne sabote pas le fonctionnement de cet inestimable incinérateur en ne l’approvisionnant pas en combustible : sans ordures ramassées, point d’incinérateur !
Audiovisuel :
Djibnet a-t-elle inventé l’antenne jetable ?
De nombreux et modestes foyers djiboutiens ayant acquis l’antenne Djibnet pour 10.000 FD, suite à une publicité alléchante parue dans « La Nation», continuent à pester contre l’opérateur responsable de cette publicité mensongère et de ce recul devant son engagement à retransmettre un certain nombre de chaînes contre l’achat de cette antenne. Désormais en situation de monopole, le prestataire des services télévisuels, comptant déjà des milliers d’abonnés à son bouquet numérique, espère ainsi acquérir ce marché de clients dupés et privés de manière discourtoise de la réception des chaînes gratuites TV5 et CFI, en leur imposant de s’abonner, puisque l’antenne ne peut être restituée.
Certains clients particulièrement furieux de cette supercherie commerciale, menaceraient même de porter plainte pour abus de confiance, dol, publicité mensongère, etc., persuadés qu’ils sont que Djibnet les a abusivement privés de chaînes satellitaires pour les pousser à s’abonner à son bouquet numérique. Pour l’heure, l’opérateur ne semble pas prendre la mesure de cette contre-publicité pour l’image de sa boîte où le profit paraît roi et le client négligeable. Malgré la baisse de qualité de ses services, notamment avec les nombreux changements intempestifs de programme, les abonnés de son bouquet numérique à 7.000 FD/ mois craignent à leur tour d’être les prochaines victimes des sombres arrière-pensées commerciales de Djibnet.
Déjà, de nombreuses familles étrangères se seraient rabattues sur d’autres moyens de réception satellitaire, proposant une centaines de chaînes à des prix défiant toute concurrence. Après l’antenne jetable spoliant les foyers à revenu modeste, quel service payant et pas net faut-il craindre de ce monopole et de cette apparente impunité ? De toute évidence, le domaine économique semble aussi peu réglementé que la compétition électorale : à chacun ses fraudes !
Yoboki :
Réhabilitation-mensonge
La localité de Yoboki avait été particulièrement courtisée le mois dernier par le régime. Parmi les multiples promesses électoralistes figurait la reconstruction de seulement 150 logements sur un total beaucoup plus important, détruits lors du conflit en février 1992. L’euphorie des naïfs admirateurs du régime semble à présent retombée et pour cause : on ne parle plus officiellement que de 34 habitations à reconstruire. Des Yobokois mécontents et inquiets se demandent sur quels critères ce régime du mensonge et du favoritisme compte établir la liste des futurs bénéficiaires. Comme à Obock, cette liste risque d’être dressée de manière partisane et injuste.
La réhabilitation sabotée de Yoboki et des autres zones affectées par le conflit a pour origine la volonté présidentielle de transformer toutes les victimes civiles du conflit en mendiants virtuels quémandant ses faveurs personnels plutôt que de s’en remettre à une justice impersonnelle. Dans leur grande amertume, les Yobokois l’ont finalement compris, à l’instar des victimes civiles des autres districts. Seule une réelle réhabilitation, telle que contenue dans l’Accord de Paix du 12 mai 2001, peut garantir une juste indemnisation à tous, sans distinction d’appartenance politique.
Commerce transfrontalier via Galafi :
Inquiétudes des transporteurs djiboutiens
La route Dikhil-Galafi, dont la réhabilitation a été bruyamment inaugurée le mois dernier, faisait travailler des dizaines de transporteurs djiboutiens vivant de ce trafic commercial en cherchant les commerçants éthiopiens depuis Galafi, puis les convoyant à la frontière avec leurs marchandises. Depuis la semaine dernière, les commerçants éthiopiens habitués de ce couloir routier, seraient empêchés d’entrer sur notre territoire, les autorités leur refusant l’octroi des laissez-passer de 10 jours auxquels ils avaient auparavant droit, puisque leurs noms et photographies étaient gardés dans un registre. Certaines sources policières prétendent même que des clandestins auraient pénétré sur le territoire national au moyen de ces laissez-passer provisoires uniquement délivrés aux commerçants en situation régulière.
S’il n’est pas exclu que des ripoux aient permis aux clandestins de se faufiler parmi les commerçants éthiopiens, la mesure actuelle s’apparente fort à une entrave abusive au commerce transfrontalier, pénalisant du même coup des djiboutiens importateurs ou transporteurs. Quoi qu’il en soit, la raison invoquée de la lutte contre l’immigration clandestine ne semble pas crédible et il y a tout lieu de penser qu’il s’agirait selon toute probabilité d’une mesure de rétorsion qui ne dit pas son nom et qui serait relative, selon des informations que nous développerons en temps utile, à la lutte menée par les autorités douanières éthiopiennes contre la contrebande…. de riz Affaire à suivre
Djibouti-Somalie :
La politique de l’autruche
Nous avions publié en primeur la semaine dernière un résumé du rapport du Groupe des Nations Unies chargé d’évaluer le potentiel terroriste à partir de Mogadiscio, suite à l’attentat de Mombassa, ainsi que l’obligatoire respect par les pays voisins (Djibouti, Kenya, Éthiopie et Yémen) de l’embargo onusien sur les ventes d’armes à destination de Bosaso et Mogadiscio. Voila que cette semaine le journal gouvernemental La Nation, qui avait préféré taire l’implication de notre pays, annonce l’arrivée d’une délégation du comité chargé de contrôler le respect de l’embargo sur les ventes d’armes à destination de la Somalie. Ce n’est pas un hasard si cette commission visite en ce moment notre pays. Comme ce n’est pas un hasard que la presse gouvernementale ait préféré passer sous silence les recommandations contenues dans ce rapport d’experts.
En voici des extraits : « Les gouvernements des États de première ligne et des pays voisins devraient déclarer leurs stocks d’armes (antiaériennes) au Groupe, et confirmer qu’ils contrôlent pleinement ces stocks. En principe, il faudrait aussi que les achats de ce type d’armes soient signalés au Groupe. On devrait demander instamment aux États de première ligne et aux pays voisins d’instituer des bureaux pour l’assistance aux sanctions sur leur territoire, avec l’aide d’organisations régionales et sous-régionales. Ce bureau aiderait les autorités nationales compétentes à contrôler et à faire respecter l’embargo sur les armes sur leurs territoires. »
Ou encore : «Le Groupe est favorable à la recommandation visant l’établissement d’une liste où seraient inscrits les personnes ou groupes qui fabriquent, vendent et achètent, constituent des arsenaux, transfèrent, possèdent, transportent, assurent et financent illégalement l’acquisition d’armes illicites, le but étant de proposer des mesures à prendre éventuellement contre ces violations. Les États Membres devraient par la suite veiller à demander des comptes à leurs nationaux ou résidents reconnus coupables de violations de l’embargo et de délits connexes.»
Enfin, comment ne pas avoir à l’esprit le dénouement en queue de poisson d’une affaire de faux billets qui a récemment défrayé la chronique locale en lisant la recommandation suivante : « Les pays et les sociétés qui impriment des billets de banque devraient tous cesser d’imprimer des shillings somaliens tant qu’un gouvernement légitime n’aura pas chargé une autorité de ladite impression. Les entreprises d’imprimerie, gouvernementales ou privées, devraient signaler au Comité du Conseil de Sécurité toute demande ou tentative visant l’impression de billets somaliens. Les stocks existants de shillings somaliens ou de Somaliland devraient être détruits.»
Soins sans médicaments : Tadjourah sous embargo sanitaire
Le ministère de la Santé Publique vient de prendre une initiative qui, si elle se réalise, constituera un important pas qualitatif dans la couverture médicale des districts de l’Intérieur. Il s’agit de la prochaine ouverture programmée d’une pharmacie communautaire dans chaque chef-lieu de district. Malheureusement, le refus de la concurrence loyale, caractéristique des magouilles électorales de ce régime, aurait-il gravement contaminé le domaine de la Santé ? C’est en tout cas ce que laisse à penser une récente mesure qui a soulevé l’indignation générale au sein de la population de Tadjourah : la fermeture sans justification par les autorités administratives de la seule pharmacie du district.
« Tadjourah : un district désenclavé » titrait cyniquement le journal gouvernemental La Nation dans une récente édition. Dans cet article élogieux, il s’agissait surtout de récupérer le travail d’autrui : la remise en état des pistes de cette région par l’Armée française. Par contre, ce journal passe inexplicablement sous silence un événement qui fait pourtant la une à Tadjourah depuis une semaine et qui scandalise toute sa population. Apparemment, la presse gouvernementale n’a pas encore entendu parler de décentralisation ni d’initiative locale. A moins que son correspondant dans ce district n’ait pas jugé utile de transmettre l’information à sa rédaction djiboutoise.
Quoi qu’il en soit, par une décision injustifiée, la pharmacie de Tadjourah a été tout simplement obligée de fermer ses portes. C’est que les habitants de cette région l’aimaient bien, leur pharmacie, et pour cause : la seule pour 7.000 kilomètres carrés, à 180 km à la ronde, les patients n’avaient pas à se rendre à Djibouti ville pour pouvoir acheter les médicaments prescrits par les docteurs du coin. Mais pharmacie est un bien grand mot : il s’agit en fait d’un simple dépôt privé approvisionné par une grande pharmacie privée de la Capitale.
C’est qu’il y avait un marché prometteur, alimenté, pourrait-on dire, par l’incompétence gouvernementale : la Santé n’étant une priorité du régime que sur le papier, cela fait bien longtemps que les quelques dispensaires des districts de l’Intérieur ne fournissent plus aucun médicament à leurs malades. C’est donc devant le constat de cette dramatique carence que cette antenne privée a été ouverte il y a quatre ans, comme à Dikhil. Pour vendre des médicaments rigoureusement sélectionnés uniquement sur présentation d’une ordonnance médicale, la société pharmaceutique privée a fait confiance à une personne au moins aussi compétente que tous les autres vendeurs des pharmacies de la Capitale et remarquablement secondée par une employée ayant déjà fait ses preuves ailleurs dans une autre pharmacie.
Voila donc qu’après avoir plutôt bien fonctionné quatre années durant et rendu d’inestimables services aux habitants de la région (le propriétaire-vendeur était tellement serviable qu’on pouvait le réveiller en pleine nuit pour acheter un médicament introuvable au dispensaire), ce dépôt est sommé de fermer. Mais, paradoxalement, aucune règle de procédure habituelle ne semble avoir été respectée dans cette affaire. En effet, le fournisseur, auquel devait également parvenir une notification d’interdiction aurait également dû être saisi. Si tout s’était passé dans la légalité, le grossiste-répartiteur aurait donc dû être avisé.
Plus gravement d’un point de vue politique, la population de Tadjourah dans son ensemble, avec toutes ses autorités traditionnelles en tête, ont adressé en début de semaine une vigoureuse pétition au Président de la République et à son Premier ministre. Ils y réclamaient que vive leur pharmacie dont ils dénonçaient la fermeture abusive, mettant en danger la vie de nombreux malades en situation d’urgence médicale. A l’heure où nous mettons sous presse, la Présidence n’a pas encore daigné leur répondre, certainement plus préoccupée à lutter contre la corruption avec l’efficacité que l’on sait .
Inutile de dire que ce refus d’accorder le moindre respect à une attente populaire tout à fait légitime, même si elle ne nous étonne absolument pas, a choqué plus d’un honnête citoyen dans la Ville-Blanche, qui n’est pas loin de se considérer comme victime de ses préférences partisanes : il est vrai que le vendeur de leur pharmacie est une éminente personnalité régionale de l’opposition.
Avec le refus d’initier la réhabilitation dans cette région dévastée par le conflit, la fermeture de l’unique pharmacie de Tadjourah n’est qu’une preuve supplémentaire de la terreur par laquelle ce régime impopulaire veut soumettre les citoyens à son diktat. Entre terreur et terrorisme, il n’y a pratiquement aucune différence, juste une infime nuance sémantique séparant le prédicat du substantif. Selon certains spécialistes de l’intimidation politique et de la fraude électorale, faire peur au Peuple serait le meilleur moyen de gouverner. A l’Histoire d’infliger un cinglant démenti.
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Lu dans Le Monde Diplomatique : Armes d’intoxication massives, mensonges d’État
Au lendemain de l’attaque qui a coûté à vie à des soldats italiens basés à Nassiriyah, on entendait un ministre italien tranquillement expliquer que « ceux qui ont commis cet attentat sont les mêmes que ceux du 11 septembre». Dans le même temps, Antenne 2 diffusait un reportage donnant la parole à des GI’s américains. Si certains d’entre eux sidéraient par leur irresponsabilité, mention spéciale doit toutefois être faite de l’un d’eux, reconnaissant que si une puissance étrangère envahissait son pays, il aurait le même comportement de résistance que celui dont les Irakiens font preuve actuellement contre les forces de la coalition. Tout le problème est ainsi posé : des soldats qui n’ont rien demandé à personne sont sur un terrain extrêmement hostile à faire les frais des erreurs politiques de leurs responsables en difficulté intérieure. C’est pour mieux souligner toute la manipulation des esprits entourant cette croisade dont la lutte antiterroriste n’est qu’un prétexte, que nous vous proposons ci-dessous un article paru dans Le Monde Diplomatique de juillet 2003.
ARMES D’INTOXICATION MASSIVE :
Mensonges d’Etat
par Ignacio RAMONET
« Je préférerais mourir plutôt que proférer une inexactitude. » GEORGE WASHINGTON.
C’est l’histoire du voleur qui crie : « Au voleur ! » Comment pensez-vous que M. George W. Bush intitula le célèbre rapport d’accusation contre M. Saddam Hussein qu’il présenta le 12 septembre 2002 devant le Conseil de sécurité de l’ONU ? « Une décennie de mensonges et de défis ». Et qu’y affirmait-il en égrenant des « preuves » ? Un chapelet de mensonges ! L’Irak, disait-il en substance, entretient des liens étroits avec le réseau terroriste Al-Qaida et menace la sécurité des Etats-Unis parce qu’il possède des « armes de destruction massive » (ADM) – une expression terrifiante forgée par ses conseillers en communication. Trois mois après la victoire des forces américaines (et de leurs supplétifs britanniques) en Mésopotamie, nous savons que ces affirmations, dont nous avions mis en doute le bien-fondé, étaient fausses.
Il est de plus en plus évident que l’administration américaine a manipulé les renseignements sur les ADM. L’équipe de 1.400 inspecteurs de l’Iraq Survey Group que dirige le général Dayton n’a toujours pas trouvé l’ombre du début d’une preuve. Et nous commençons à découvrir que, au moment même où M. Bush lançait de telles accusations, il avait déjà reçu des rapports de ses services d’intelligence démontrant que tout cela était faux. Selon Mme Jane Harman, représentante démocrate de Californie, nous serions en présence de « la plus grande manoeuvre d’intoxication de tous les temps». Pour la première fois de son histoire, l’Amérique s’interroge sur les vraies raisons d’une guerre, alors que le conflit est terminé…
Dans cette gigantesque manipulation, une officine secrète au sein du Pentagone, le Bureau des plans spéciaux (Office of Special Plans, OSP) a joué un rôle venimeux. Révélé par M. Seymour M. Hersh, dans un article publié par le New Yorker, le 6 mai 2003, l’OSP a été créé après le 11 septembre 2001 par M. Paul Wolfowitz, le numéro deux du département de la défense. Dirigé par un « faucon » convaincu, M. Abram Shulsky, ce Bureau a pour mission de trier les données recueillies par les différentes agences de renseignement (CIA, DIA, NSA), afin d’établir des synthèses et les remettre au gouvernement.
Se fondant sur des témoignages d’exilés proches du Congrès national irakien (organisation financée par le Pentagone) et de son président, le très contestable Ahmed Chalabi, l’OSP a énormément gonflé la menace des armes de destruction massive ainsi que les liens entre M. Saddam Hussein et Al-Qaida. Scandalisé par ces manipulations, et s’exprimant sous le nom de Veteran Intelligence Professionals for Sanity, un groupe anonyme d’anciens experts de la CIA et du département d’Etat a affirmé le 29 mai, dans un mémorandum adressé au président Bush, que dans le passé des renseignements avaient « déjà été faussés pour des raisons politiques, mais jamais de façon aussi systématique pour tromper nos représentants élus afin d’autoriser une guerre ».
M. Colin Powell a été lui-même manipulé. Et joue désormais son avenir politique. Il aurait résisté aux pressions de la Maison Blanche et du Pentagone pour diffuser les informations les plus contestables. Avant son fameux discours du 5 février 2003 devant le Conseil de sécurité, M. Powell a tenu à lire le brouillon préparé par M. Lewis Libby, directeur du cabinet du vice-président Richard Cheney. Il contenait des informations tellement douteuses que M. Powell aurait piqué une colère, jeté les feuilles en l’air et déclaré : « Je ne vais pas lire cela. C’est de la m….»
Finalement, le secrétaire d’Etat exigera que M. George Tenet, le directeur de la CIA, soit assis bien en vue derrière lui, le 5 février, et partage la responsabilité de ce qui fut dit. Dans un entretien au magazine Vanity Fair, publié le 30 mai, M. Wolfowitz a reconnu le mensonge d’État. Il a avoué que la décision de mettre en avant la menace des ADM pour justifier une guerre préventive contre l’Irak avait été adoptée « pour des raisons bureaucratiques ». « Nous nous sommes entendus sur un point, a-t-il précisé, les armes de destruction massive, parce que c’était le seul argument sur lequel tout le monde pouvait tomber d’accord. »
Le président des États-unis a donc menti. Cherchant désespérément un casus belli pour contourner l’ONU et rallier à son projet de conquête de l’Irak quelques complices (Royaume-Uni, Espagne), M. Bush n’a pas hésité à fabriquer l’un des plus grands mensonges d’État.
Il n’a pas été le seul. Devant la Chambre des communes à Londres, le 24 septembre 2002, son allié Anthony Blair, premier ministre britannique, affirmait : « L’Irak possède des armes chimiques et biologiques. (…) Ses missiles peuvent être déployés en 45 minutes. » De son côté, dans son intervention devant le Conseil de sécurité, M. Powell déclarait: « Saddam Hussein a entrepris des recherches sur des douzaines d’agents biologiques provoquant des maladies telles que la gangrène gazeuse, la peste, le typhus, le choléra, la variole et la fièvre hémorragique. » « Nous croyons que Saddam Hussein a, en fait, reconstitué des armes nucléaires», soutenait enfin le vice-président Cheney en mars 2003 à la veille de la guerre.
Au cours d’innombrables déclarations, le président Bush a martelé les mêmes accusations. Dans un discours radiodiffusé à la nation, le 8 février 2003, il allait jusqu’à apporter les faux détails suivants : « L’Irak a envoyé des experts en explosifs et en fabrication de faux papiers travailler avec Al-Qaida. Il a aussi dispensé à Al-Qaida un entraînement aux armes biologiques et chimiques. Un agent d’Al-Qaida a été envoyé en Irak à plusieurs reprises à la fin des années 1990 pour aider Bagdad à acquérir des poisons et des gaz. »
Reprises et amplifiées par les grands médias bellicistes transformés en organes de propagande, toutes ces dénonciations ont été répétées ad nauseam par les réseaux de télévision Fox News, CNN et MSNC, la chaîne de radio Clear Channel (1 225 stations aux États-unis) et même des journaux prestigieux comme le Washington Post ou le Wall Street Journal. A travers le monde, ces accusations mensongères ont constitué l’argument principal de tous les va-t-en-guerre. En France, par exemple, elles furent reprises sans vergogne par des personnalités comme Pierre Lelouche, Bernard Kouchner, Yves Roucaute, Pascal Bruckner, Guy Millière, André Glucksmann, Alain Finkielkraut, Pierre Rigoulot, etc.
Les accusations furent également répétées par tous les alliés de M. Bush. A commencer par le plus zélé d’entre eux, M. José Maria Aznar, président du gouvernement espagnol, qui, aux Cortés de Madrid, le 5 février 2003, certifiait : « Nous savons tous que Saddam Hussein possède des armes de destruction massive. (…) Nous savons tous également qu’il détient des armes chimiques. » Quelques jours auparavant, le 30 janvier, exécutant une commande formulée par M. Bush, M. Aznar avait rédigé une déclaration de soutien aux États-unis, la « Lettre des Huit », signée entre autres par MM. Blair, Silvio Berlusconi et Vaclav Havel. Ils y affirmaient que « le régime irakien et ses armes de destruction massive représentent une menace pour la sécurité mondiale ».
Ainsi, pendant plus de six mois, pour justifier une guerre préventive dont ni les Nations unies ni l’opinion mondiale ne voulaient, une véritable machine de propagande et d’intoxication pilotée par la secte doctrinaire qui entoure M. Bush a répandu des mensonges d’Etat avec une outrecuidance propre aux régimes les plus détestés du XXe siècle.
Ils s’inscrivent dans une longue tradition de mensonges d’Etat qui jalonne l’histoire des États-unis. L’un des plus cyniques concerne la destruction du cuirassé américain Maine dans la baie de La Havane en 1898, qui servit de prétexte à l’entrée en guerre des États-unis contre l’Espagne et à l’annexion de Cuba, Porto Rico, les Philippines et l’île de Guam.
Le soir du 15 février 1898, vers 21 h 40, le Maine fut en effet victime d’une violente explosion. Le navire sombra dans la rade de La Havane et 260 hommes périrent. Immédiatement, la presse populaire accusa les Espagnols d’avoir placé une mine sous la coque du navire et dénonça leur barbarie, leurs « camps de la mort » et même leur pratique de l’anthropophagie…
Deux patrons de presse allaient rivaliser dans la recherche du sensationnel : Joseph Pulitzer, du World, et surtout William Randolph Hearst, du New York Journal. Cette campagne reçut le soutien intéressé des hommes d’affaires américains qui avaient beaucoup investi à Cuba et rêvaient d’en évincer l’Espagne. Mais le public ne manifestait guère d’intérêt. Les journalistes non plus d’ailleurs. En janvier 1898, le dessinateur du New York Journal, Frederick Remington, écrivit de La Havane à son patron : « Il n’y a pas de guerre ici, je demande à être rappelé. » Hearst lui câbla en réponse : « Restez. Fournissez les dessins, je vous fournis la guerre. » Survint alors l’explosion du Maine. Hearst monta une violente campagne comme on le voit dans Citizen Kane, le film d’Orson Welles (1941).
Pendant plusieurs semaines, jour après jour, il consacra plusieurs pages de ses journaux à l’affaire du Maine et réclama vengeance en répétant inlassablement : « Remember the Maine! In Hell with Spain » (Souvenez-vous du Maine ! En enfer l’Espagne !). Tous les autres journaux suivirent. La diffusion du New York Journal passa d’abord de 30 000 exemplaires à 400 000, puis franchit régulièrement le million d’exemplaires ! L’opinion publique était chauffée à blanc. L’atmosphère devint hallucinante. Pressé de partout, le président William McKinley déclara la guerre à Madrid le 25 avril 1898. Treize ans plus tard, en 1911, une commission d’enquête sur la destruction du Maine devait conclure à une explosion accidentelle dans la salle des machines…
Manipulation des esprits. En 1960, en pleine guerre froide, la Central Intelligence Agency (CIA) diffusa auprès de quelques journalistes des « documents confidentiels » démontrant que les Soviétiques étaient en passe de remporter la course aux armements. Immédiatement, les grands médias commencèrent à faire pression sur les candidats à la présidence et à réclamer à cor et à cri une substantielle augmentation des crédits de la défense. Harcelé, John F. Kennedy promit de consacrer des milliards de dollars à la relance du programme de construction de missiles balistiques de croisière (the missile gap).
Ce que souhaitaient non seulement la CIA, mais tout le complexe militaro-industriel. Une fois élu et le programme voté, Kennedy devait découvrir que la supériorité militaire des Etats-Unis sur l’Union soviétique était écrasante… En 1964, deux destroyers déclarent avoir été attaqués dans le golfe du Tonkin par des torpilles nord-vietnamiennes. Aussitôt, la télévision, la presse en font une affaire nationale. Crient à l’humiliation. Réclament des représailles.
Le président Lyndon B. Johnson prend prétexte de ces attaques pour lancer des bombardements de représailles contre le Nord-Vietnam. Il réclame du Congrès une résolution qui va lui permettre, dans les faits, d’engager l’armée américaine. La guerre du Vietnam commençait ainsi, qui ne devait s’achever – par une défaite – qu’en 1975. On apprendra plus tard, de la bouche même des équipages des deux destroyers, que l’attaque dans le golfe du Tonkin était une pure invention…
Même scénario avec le président Ronald Reagan. En 1985, il décrète soudain l’« urgence nationale » en raison de la « menace nicaraguayenne » que représenteraient les sandinistes au pouvoir à Managua, pourtant élus démocratiquement en novembre 1984 et qui respectaient à la fois les libertés politiques et la liberté d’expression. « Le Nicaragua, affirme cependant M. Reagan, est à deux jours de voiture de Harlingen, Texas. Nous sommes en danger ! » Le secrétaire d’État George Schultz affirme devant le Congrès : « Le Nicaragua est un cancer qui s’insinue dans notre territoire, il applique les doctrines de Mein Kampf et menace de prendre le contrôle de tout l’hémisphère … » Ces mensonges vont justifier l’aide massive à la guérilla antisandiniste, la Contra, et déboucheront sur le scandale de l’Irangate.
On ne s’étendra pas sur les mensonges de la guerre du Golfe en 1991, largement analysés et demeurés dans les mémoires comme des paradigmes du bourrage de crâne moderne. Des informations constamment répétées – comme « L’Irak, quatrième armée du monde », « le pillage des couveuses de la maternité de Koweït », « la ligne défensive inexpugnable», « les frappes chirurgicales », « l’efficacité des Patriot », etc. – se révélèrent totalement fausses.
Depuis la victoire controversée de M. Bush à l’élection présidentielle de novembre 2000, la manipulation de l’opinion publique est devenue une préoccupation centrale de la nouvelle administration. Après les odieux attentats du 11 septembre 2001, cela s’est transformé en véritable obsession. M. Michael K. Deaver, ami de M. Rumsfeld et spécialiste de la psy-war, la « guerre psychologique », résume ainsi le nouvel objectif : « La stratégie militaire doit désormais être pensée en fonction de la couverture télévisuelle [car] si l’opinion publique est avec vous, rien ne peut vous résister ; sans elle, le pouvoir est impuissant. »
Dès le début de la guerre contre l’Afghanistan, en coordination avec le gouvernement britannique, des centres d’information sur la coalition furent donc créés à Islamabad, Londres et Washington. Authentiques officines de propagande, elles ont été imaginées par Karen Hugues, conseillère médias de M. Bush, et surtout par Alistair Campbell, le très puissant gourou de M. Blair pour tout ce qui concerne l’image politique. Un porte-parole de la Maison Blanche expliquait ainsi leur fonction : « Les chaînes en continu diffusent des informations 24 heures sur 24 ; eh bien, ces centres leur fourniront des informations 24 heures par jour, tous les jours…»
Le 20 février 2002, le New York Times dévoilait le plus pharamineux projet de manipulation des esprits. Pour conduire la « guerre de l’information », le Pentagone, obéissant à des consignes de M. Rumsfeld et du sous-secrétaire d’État à la défense, M. Douglas Feith, avait créé secrètement et placé sous la direction d’un général de l’armée de l’air, Simon Worden, un ténébreux Office de l’influence stratégique (OIS), avec pour mission de diffuser de fausses informations servant la cause des États-unis. L’OIS était autorisé à pratiquer la désinformation, en particulier à l’égard des médias étrangers.
Le quotidien new-yorkais précisait que l’OIS avait passé un contrat de 100 000 dollars par mois avec un cabinet de communication, Rendon Group, déjà employé en 1990 dans la préparation de la guerre du Golfe et qui avait mis au point la fausse déclaration de l’« infirmière » koweïtienne affirmant avoir vu les soldats irakiens piller la maternité de l’hôpital de Koweït et « arracher les nourrissons des couveuses et les tuer sans pitié en les jetant par terre ».Ce témoignage avait été décisif pour convaincre les membres du Congrès de voter en faveur de la guerre…
Officiellement dissous après les révélations de la presse, l’OIS est certainement demeuré actif. Comment expliquer sinon quelques-unes des plus grossières manipulations de la récente guerre d’Irak ? En particulier l’énorme mensonge concernant la spectaculaire libération de la soldate Jessica Lynch.
On se souvient que, début avril 2003, les grands médias américains diffusèrent avec un luxe impressionnant de détails son histoire. Jessica Lynch faisait partie des dix soldats américains capturés par les forces irakiennes. Tombée dans une embuscade le 23 mars, elle avait résisté jusqu’à la fin, tirant sur ses attaquants jusqu’à épuiser ses munitions. Elle fut finalement blessée par balle, poignardée, ficelée et conduite dans un hôpital en territoire ennemi, à Nassiriya. Là, elle fut battue et maltraitée par un officier irakien. Une semaine plus tard, des unités d’élite américaines parvenaient à la libérer au cours d’une opération surprise.
Malgré la résistance des gardes irakiens, les commandos parvinrent à pénétrer dans l’hôpital, à s’emparer de Jessica et à la ramener en hélicoptère au Koweït. Le soir même, le président Bush annonça à la nation, depuis la Maison Blanche, la libération de Jessica Lynch. Huit jours plus tard, le Pentagone remettait aux médias une bande vidéo tournée pendant l’exploit avec des scènes dignes des meilleurs films de guerre. Mais le conflit d’Irak s’acheva le 9 avril, et un certain nombre de journalistes – en particulier ceux du Los Angeles Times, du Toronto Star, d’El País et de la chaîne BBC World – se rendirent à Nassiriya pour vérifier la version du Pentagone sur la libération de Jessica. Ils allaient tomber de haut.
Selon leur enquête auprès des médecins irakiens qui avaient soigné la jeune fille – et confirmée par les docteurs américains l’ayant auscultée après sa délivrance -, les blessures de Jessica (une jambe et un bras fracturés, une cheville déboîtée) n’étaient pas dues à des tirs d’armes à feu, mais simplement provoquées par l’accident du camion dans lequel elle voyageait…
Elle n’avait pas non plus été maltraitée. Au contraire, les médecins avaient tout fait pour bien la soigner: « Elle avait perdu beaucoup de sang, a raconté le docteur Saad Abdul Razak, et nous avons dû lui faire une transfusion. Heureusement des membres de ma famille ont le même groupe sanguin qu’elle : O positif. Et nous avons pu obtenir du sang en quantité suffisante. Son pouls battait à 140 quand elle est arrivée ici. Je pense que nous lui avons sauvé la vie»
En assumant des risques insensés, ces médecins tentèrent de prendre contact avec l’armée américaine pour lui restituer Jessica. Deux jours avant l’intervention des commandos spéciaux, ils avaient même conduit en ambulance leur patiente à proximité des lignes américaines. Mais les Américains ouvrirent le feu sur eux et faillirent tuer leur propre héroïne…
L’arrivée avant le lever du jour, le 2 avril, des commandos spéciaux équipés d’une impressionnante panoplie d’armes sophistiquées surprit le personnel de l’hôpital. Depuis deux jours, les médecins avaient informé les forces américaines que l’armée irakienne s’était retirée et que Jessica les attendait…
Le docteur Anmar Ouday a raconté la scène à John Kampfner de la BBC : « C’était comme dans un film de Hollywood. Il n’y avait aucun soldat irakien, mais les forces spéciales américaines faisaient usage de leurs armes. Ils tiraient à blanc et on entendait des explosions. Ils criaient : « Go ! Go! Go ! » L’attaque contre l’hôpital, c’était une sorte de show, ou un film d’action avec Sylvester Stallone . »
Les scènes furent enregistrées avec une caméra à vision nocturne par un ancien assistant de Ridley Scott dans le film La Chute du faucon noir (2001). Selon Robert Scheer, du Los Angeles Times, ces images furent ensuite envoyées, pour montage, au commandement central de l’armée américaine, au Qatar, et une fois supervisées par le Pentagone, diffusées dans le monde entier. L’histoire de la libération de Jessica Lynch restera dans les annales de la propagande de guerre. Aux États-unis, elle sera peut-être considérée comme le moment le plus héroïque de ce conflit. Même s’il est prouvé qu’il s’agit d’une invention aussi fausse que les « armes de destruction massive » détenues par M. Saddam Hussein ou que les liens entre l’ancien régime irakien et Al-Qaida.
Ivres de pouvoir, M. Bush et son entourage ont trompé les citoyens américains et l’opinion publique mondiale. Leurs mensonges constituent, selon le professeur Paul Krugman, « le pire scandale de l’histoire politique des États-unis, pire que le Watergate, pire que l’Irangate».
Le Monde Diplomatique. Juillet 2003
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La fête loin du Peuple
Manie sécuritaire et crainte du Peuple
Le mois béni du Ramadan tire à sa fin, conclu par l’Aïd-el-fitr marquant la rupture du jeûne. Il est célébré dans tout le monde musulman par toutes les couches sociales de différentes manières. Alors que l’UAD invite le Peuple à fêter avec elle cette sainte journée, il est remarquable que le régime mal élu s’enferme à l’occasion dans une garden-party à huis clos, entre privilégiés.
On se souvient qu’avant l’Indépendance, les partis politiques de l’époque célébraient les deux Aïds en mobilisant leurs partisans devant leurs sièges centraux. Dans une atmosphère bon enfant, ils sensibilisaient leurs militants en les maintenant mobilisés pour l’action politique pacifique. Ainsi, l’administration coloniale comme les partis politiques jaugeaient les rapports de force politique et leur popularité.
Plus près de nous, jusqu’en 1992, le premier Chef de l’État et le gouvernement au grand complet se déplaçaient comme un seul homme pour tenir un meeting populaire devant le siège central du parti unique. Après quoi, le Chef de l’État organisait une réception en son palais à l’attention du corps diplomatique et de quelques cadres présélectionnés. Sous le précédent mandat présidentiel, le Peuple était au moins associé à la fête et les apparences étaient ainsi sauvés. . Autre temps, autre méthode, autres mœurs ! L’on assiste depuis cinq ans à un rituel qui en dit long sur le mépris du régime à l’endroit du peuple devenu quantité négligeable.
Inutile de s’étaler sur les incalculables sorties de l’actuel Chef de l’État qui, à défaut de déplacer les foules, mobilise un incroyable cortège de véhicules blindés et de gardes du corps plutôt nerveux que vigilants, même pendant les séances de prière collective. Tout cela est risible et pathétique. Mais ce qui attire notre attention, et il est loisible à tout un chacun de l’observer, l’actuel Chef de l’État a une façon bien particulière et privée de fêter ces importants événements annuels. Fuyant le contact populaire auquel s’astreignait son prédécesseur, il préfère discourir dans les jardins de la Présidence devant un parterre d’invités triés sur le volet.
S’il est normal qu’un minimum de service d’ordre et de sécurité soit assurés autour de la personne et du lieu de visite de notre illustre personnage, les riverains de la grande place face à l’Hôpital Peltier où a lieu la prière de l’Aïd sont nombreux à se plaindre des tracasseries de la Garde présidentielle, allant jusqu’à la fouille au corps imposée à tous les croyants venus s’acquitter de leur devoir religieux. A défaut de déplacer les foules pour les informer de la marche du pays, il cède à la facilité en s’imposant dans les foyers par médias interposés, proférant de flagrantes contrevérités lors d’insipides causeries.
Enfin, aucun citoyen ne peut s’empêcher de dénoncer cette paranoïa sécuritaire qui conduit par exemple à la privatisation de l’espace public puisque la route de l’Escale est fermée à la circulation automobile, obligeant les usagers à un détour par le Port et la route de Venise, alors que l’impétrant n’y réside pas. Tout cela nous démontre s’il en était besoin que ce régime et ses représentants sont totalement coupés d’un Peuple exaspéré, qui ne les a pas choisis.
Quant à l’UAD, comme à son habitude depuis sa naissance, elle célèbrera l’Aïd avec son Peuple qu’elle entend retrouver, malgré toutes les fraudes instituées, pour faire le point avec lui de la situation réelle et peu enviable de notre pays, sous le joug de ce régime irresponsable.
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