Réalité numéro 116 du mercredi 8 décembre 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 116 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
ZINA WAA SIDEE ?
ZINA WAA SIDA
Prendre une décision politique implique parfois, pour tout responsable consciencieux, un choix moral et religieux déchirant. Aussi, ne pouvons-nous que saluer le volontarisme affiché du régime dans sa lutte contre le fléau du Sida : dans un pays dont la Constitution a érigé l’Islam en religion d’État, il fallait oser pour proposer le préservatif comme moyen de ralentir la propagation du VIH. Et le seul fait que les autorités religieuses n’aient pas lancé une fatwa pour vice d’inconstitutionnalité ou d’apostat contre cette publicité de la capote, et de l’incitation à la débauche sexuelle qui en justifie l’usage, montre bien la tolérance et la modernité de notre Islam : se voiler la face serait en effet criminel quand le chiffre des séropositifs atteint ces proportions catastrophiques.
Mais, au-delà du discours officiel et de ses bonnes intentions, force est de regretter que la pratique sur le terrain ne soit pas à la hauteur de la menace : la lutte contre le Sida mérite un peu plus qu’une simple mobilisation folklorique, même si le Premier ministre se donne une importance factice en prétendant que sa seule présence occasionnelle lors d’une journée ad hoc démontre l’importance réelle que son régime accorde à ce problème de santé publique.
La simple présentation par le journal gouvernemental « La Nation » de cette journée de sensibilisation trahirait plutôt une instrumentalisation aux fins de capter un financement extérieur qui fournit l’essentiel des fonds investis dans ce chapitre par le gouvernement : à part le salaire de ses agents, la partie djiboutienne ne prend pratiquement rien en charge. Ce n’est donc pas un hasard si les déclarations de responsables politiques ont intéressé notre confrère beaucoup plus que les considérations, peut-être trop terre à terre des praticiens vivant ce drame au quotidien.
Une déclaration mérite toutefois une mention spéciale dans ce florilège : celle de la Représentante du PNUD insistant sur la nécessité de mettre en place une politique de dépistage. Plus gravement, pour le citoyen responsabilisé, un triptyque mobilisateur clairement défini aurait dû correspondre à la trilogie abstinence-fidélité-préservatif.
Abstinence : elle regroupe la catégorie temporelle et générationnelle la plus importante parce que la plus exposée, à savoir le célibat. A ces jeunes concernés, même si c’est prêcher dans le désert, et pour peu qu’ils soient sensibles aux sermons du vendredi, l’on ne peut que rappeler le Verset 5 de la Sourate 23.
Fidélité : l’important taux de divorce observable dans notre société, imputable aux caractéristiques du marché matrimonial et à la précipitation dans le choix du conjoint ou de la conjointe ( quand choix il y a), tend à suggérer que l’infidélité constitue un facteur non négligeable de la propagation du Sida. A cet égard, l’excitation sexuelle post-khatique mériterait une attention particulière et une lutte plus sérieuse contre le racolage sur la voie publique ne serait pas complètement malvenue.
Préservatif : alors qu’il est facilement disponible dans les plus petites boutiques chez nos voisins, il faut ici se rendre dans un dispensaire (où l’on n’en trouve pas toujours) ou une pharmacie ( à un prix exorbitant) pour s’en procurer. Il y a donc comme une contradiction ( ou une hypocrisie) entre inciter à utiliser ce moyen de protection et ne pas en faciliter l’accès à travers, par exemple, la mise en place de distributeurs aussi discrets qu’accessibles pour les consommateurs potentiels.
Plus dramatiquement, au regard de sa vulnérabilité par sa constitution et par la culturelle, il est primordial de mettre, avec tous les acteurs impliqués dans ce secteur, la femme djiboutienne au centre de cette mobilisation contre le Sida. Et si, en ce domaine, l’UNFD fait véritablement œuvre utile en conscientisant dans les langues maternelles plutôt que dans des affiches en français, il serait irresponsable de ne pas la soutenir dans cette noble tâche.
Parce que, pour de nombreuses raisons, tout donnant lieu de penser que c’est l’homme qui constitue le principal vecteur de propagation du VIH, la protection du sexe pour une fois vraiment faible car dominé et prédisposé, mériterait plus de considération et d’investissement.
Mais, pour la protéger une fois femme d’untel, encore faut-il l’avoir préservée lors du mariage, moment crucial de la contamination, parce que le statut de vierge est plus valorisant que celui de puceau, selon les normes peu musulmanes de la domination masculine. C’est pourquoi nous invitons les autorités concernées à rendre obligatoire un test prénuptial de Sida. De façon marginale, cela contribuera à ralentir la progression de la pandémie en évitant une victime potentielle. D’une façon générale, une telle disposition énergique ne pourra que renforcer la prise de conscience des unes et des autres.
Brèves nationales
Il pleut sur Arhiba :
Mais ce sont des balles réelles !
Dans la matinée d’hier, les habitants d’Arhiba, après avoir vainement exigé que les eaux de pluie inondant leur quartier soient pompées, ont tenu à manifester leur colère en bloquant la circulation sur la route d’Arta. Plutôt que d’envoyer des motopompes, le régime a, dans un élan répressif, immédiatement dépêché sur les lieux les forces anti-émeute, qui ont aussitôt arrosé les paisibles manifestants massés aux abords de la route, de grenades lacrymogènes, également tirées à l’intérieur des habitations.
Les affrontements qui s’en sont suivis ont duré plus de deux heures. Vers midi, les forces de l’ordre auraient fait usage de balles réelles, officiellement tirées en l’air, mais toujours est-il que l’on dénombre au moins quatre blessés dans les rangs des manifestants. De même que le régime aurait ensuite procédé à de nombreuses arrestations.
Ce n’est pas la première fois que ce quartier déshérité subit les foudres d’un régime incapable de lutter contre la dangereuse insalubrité de ce ghetto. Combien faudra-t-il de morts et de blessés parmi une population déjà durement frappée par le chômage et la précarité pour que les autorités, dont la propagande sur la salubrité urbaine bat son plein depuis quelques semaines, prennent enfin leurs responsabilités en se rendant compte que la répression n’a jamais constitué un remède miracle ?
Le directeur de l’OPS limogé-restauré :
La valse de la mauvaise gouvernance
Pourquoi le directeur de l’OPS a-t-il été récemment suspendu ? Mystère, mais il n’empêche : la nouvelle a bien fait l’effet d’une bombe. Non parce que le directeur de l’Office des Prestations Sociales soit connu pour sa générosité à l’égard des travailleurs et des retraités défavorisés, pas plus que pour avoir instauré un climat de travail convivial au sein de son administration. Non, le ci-devant ancien directeur de l’OPS récemment suspendu de ses fonctions pour des raisons que le régime n’a pas daigné expliquer à ses concitoyens, puis tout aussi inexplicablement réintégré à son poste, est tristement célèbre au sein de sa communauté comme étant le chargé de mission pour les affaires pastorales du chef de l’État. Du Day à Hanlé, en passant par Mabla, il a sillonné tous les recoins de la brousse nationale pour se faire la voix de son maître agropastoral, le président de la République, docteur honoris causa.
Il s’agissait donc d’une disgrâce temporaire que rien de sérieux ne pouvait justifier dans ce régime de mauvaise gouvernance. Nul doute qu’en raison de l’opacité dans la gestion des deniers publics en général ou ceux de l’OPS, de l’EDD ou de l’ONED en particulier, un confortable matelas a certainement été mis en place pour amortir cette chute. En tout état de cause, les retraités spoliés dans leurs droits étaient les derniers à regretter cette brutale éviction du responsable de leurs malheurs, éviction que certaines mauvaises langues attribuent à de sombres règlements de compte agitant la périphérie du régime, comme seraient en train d’en faire les frais d’autres hauts fonctionnaires.
C’est donc la valse : après tel ministre démis puis restauré avec perte et fracas, c’est au tour des hauts fonctionnaires de tester la solidité de leur parachute. Comme si le candidat fragilisé voulait mesurer la docilité de ses troupes à l’approche de l’échéance électorale.
Une question se posait avec anxiété : qui aurait désormais fourni le carburant du groupe électrogène que cet ancien directeur avait si généreusement mis à la disposition d’une population vivant à 1300 mètres d’altitude, pour lui permettre de suivre à la télévision les prestations électoralistes de son protecteur candidat à sa propre succession ?
Mais il est peu probable que la chute temporaire de ce haut fonctionnaire ait fait beaucoup d’orphelins, comme le disait à un tout autre propos le griot du régime et ami des siens, généreusement installé dans le logement de fonction normalement occupé par tout directeur de l’OPS. Aux frais de qui ?
Lutte contre les moustiques :
Ça gaze dur !
Samedi dernier en fin d’après-midi, une épaisse couche de fumée s’élevait du côté du marché central; de loin cela ressemblait à un gigantesque incendie. Renseignement pris, c’était une opération de fumigation contre mouches et moustiques dans la Capitale, entreprise « de concert » par les différents services concernés. Tout en saluant pour notre part cet effort visible des pouvoirs publics, certains Djiboutiens affirment avoir été incommodés par cette pulvérisation massive et inattendue de produits toxiques dans ces secteurs très habités ou fréquentés. Force est de reconnaître avec eux que les moustiques ou autres insectes n’ont pas été les seuls surpris par ce déluge de fumée blanche à travers la ville. A l’avenir, il serait plus sage de prévenir les riverains des zones ciblées, sinon cela reviendrait à balancer les bébés avec l’eau de leur bain.
Ces fumées doivent viser en priorité les dépotoirs à ciel ouvert et les zones boisées. Dans une deuxième étape, elles pourront s’étendre aux secteurs fortement infestées. Relevons tout de même que cette lutte soudaine contre l’insalubrité serait plus efficace si les services techniques du district disposaient de bacs à ordures un peu partout, au lieu de ramasser de manière artisanale les détritus déversés sur la voie publique. Prévenir vaut mieux que guérir, n’est-ce pas ?
Insécurité publique :
Peur sur la ville ?
A l’instar des autres grandes villes africaines réputées pour leur dangerosité que sont Abidjan, Lagos, Durban ou Nairobi, notre petite Capitale risque-t-elle de perdre son statut de ville sûre à cause de la mauvaise gouvernance ? Ainsi, depuis que les pouvoirs publics peut-être préoccupés par autre chose, ont baissé les bras dans la lutte contre l’insécurité et la délinquance urbaine, les agressions se multiplient, parfois en plein jour. Même les résidents étrangers, également exposés à ce phénomène, s’en plaignent amèrement. Il ne se passe pas un jour sans que de dangereux délinquants, pour la plupart clandestins, ne s’en prennent impunément aux paisibles nationaux et expatriés. Les sportifs pratiquant le jogging le soir se plaignent régulièrement de la recrudescence de l’insécurité dans les rues de la Capitale.
On raconte qu’il y a quelques jours de cela, aux alentours de 19 heures en plein boulevard de la République, deux dames étrangères cadres du système des Nations Unies, auraient été agressées. Cette insécurité tend à devenir endémique dans toute la Capitale. Les policiers de faction interviennent rarement, préférant racketter et relâcher les délinquants contre le paiement d’une petite somme d’argent que les criminels gardent toujours sur eux, en prévision d’une interpellation intempestive. Corruption de bas étage assez courante lorsque la criminalité à col blanc est à ce point impunie. Si des policiers ripoux entretiennent l’insécurité par leur passivité ou complicité, qui veillera donc sur la sécurité de paisibles passants ?
Voirie publique :
La brouette avant la pelle ?
Poursuivant leur campagne de menaces au moyen de textes réglementaires, les pouvoirs publics annoncent cette semaine que des mesures punitives seront désormais prises à l’encontre des personnes reconnues coupables d’atteintes à la salubrité publique. Ainsi, au lieu de disposer partout dans la ville des bacs à ordures faisant cruellement défaut, les autorités plus promptes à verbaliser qu’à comprendre, prétendent sévir contre l’incivisme en brandissant des règles répressives se présentant sous la forme de contraventions risibles.
La démarche ainsi poursuivie rappelle tristement des sanctions destinées à frapper des fumeurs au prétexte que la salle de réunion est dépourvue de cendriers. Nous le disons et le répétons : que la voirie subitement inspirée commence par équiper la Capitale de bacs à ordures, avant de prétendre sévir contre les manquements directement cause de cette situation de démission.
Il est parfaitement ridicule de présenter dans les pages complaisantes de « La Nation » des messages complètement déconnectés de la réalité. Il serait plus judicieux de mettre fin à la prédation avant de brandir des contraventions abusives surtout destinées à renflouer les poches des petits charognards.
District d’Obock :
Prochaine visite présidentielle
Selon des informations recueillies par notre journal, le candidat solitaire à sa propre succession, autrement dit le grand chef, projetterait de visiter cette ville dans les prochains jours. Pour l’heure, nous ne savons toujours pas si le docteur honoris «creusa» se limitera à l’annonce de la réalisation future dans ce district de nouveaux forages destinés à combattre la soif, ou s’il n’emportera dans ses bagages que les traditionnels cadeaux présidentiels que sont le khat et les vivres généreusement fournis par l’aide alimentaire internationale.
A ce sujet, rappelons tout juste à l’illustre touriste que le principal dépôt de nourritures du PAM (Programme Alimentaire Mondial) dans cette ville est douloureusement vide et que l’entrepôt est dans un état de dégradation avancé.
Après AIR-FAD, compagnie aérienne des forces Armées Djiboutiennes s’acquittant du désenclavement aérien de ce district, quel nouveau cadeau électoraliste l’agronome volant annoncera-t-il lors de sa future escale dans ce district isolé ?
NÉCROLOGIE |
Nous avons appris avec tristesse le décès survenu à Djibouti le mardi 30 novembre 2004 de M. Bolock Abdou Mohamed. Le défunt, octogénaire, originaire d’Obock, fut un parlementaire connu et respecté. Il était en outre le père de l’ancien ministre Abdou Bolock et l’oncle paternel de notre compagnon Adan Mohamed Abdou. Il laisse une veuve et quatre enfants. l’ARD et la Rédaction de Réalité adressent leurs condoléances à toute la famille du défunt Bolock Abdou Mohamed. Qu’Allah l’accueille en Son Paradis Eternel. Amin. Inna Lihhah Wa Inna Ilayhi Raaji’unn. |
Le français en question
LÉGITIMITÉ D’UNE CRITIQUE
A l’heure où le régime prétend valoriser l’étude de nos langues nationales, voici un courrier pertinent allant plus loin : pourquoi ne pas les introduire dans le système scolaire, puisque de nombreuses études ont clairement démontré qu’elles facilitaient grandement l’assimilation des connaissances des jeunes écoliers.
Le constat du faible rendement de notre système éducatif montre la nécessité d’engager une réforme profonde en ce domaine. Un débat public s’avèrerait dès lors nécessaire et incontournable pour procéder à une évaluation sans complaisance et à nouvel examen. Si l’on devait résumer les grandes lignes de la nouvelle loi d’orientation qui a été adoptée dans la foulée des États généraux en 2000, deux idées sont à retenir :
1) Adapter notre système éducatif aux réalités socio-culturelles du pays ;
2) Garantir à nos enfants l’accès équitable à une Education de qualité.
Nous ne discuterons pas de la valeur de ces principes. Cependant, s’il est un point sur lequel il nous faudra insister, c’est bien celui de la politique linguistique ainsi poursuivie. En effet, outre qu’elle repose sur de nombreuses contradictions, elle semble suivre le même chemin que celui de la politique linguistique mise en place depuis l’indépendance, bien qu’elle n’ait pas répondu aux besoins de notre société.
Le ministère, en décidant de maintenir le français dans son statut de langue exclusive de scolarisation, a provoqué la déception de tous ceux qui espéraient l’introduction des langues nationales dans le cursus scolaire. Il était incompréhensible pour eux que les pouvoirs publics n’aient pas jugé utile de les enseigner pour parfaire la formation des jeunes citoyens djiboutiens. On le voit, pour l’État, cette question linguistique est secondaire, qui n’explique en rien la crise actuelle que traverse notre système éducatif.
Ne peut-on pas supposer, au contraire, que l’imposition du français comme langue exclusive de l’école puisse expliquer en grande partie la faillite de notre système éducatif ? Bien de maux que nous déplorons aujourd’hui, tels que le phénomène de déscolarisation ou le retard dans l’acquisition des connaissances ne s’éclairent que par ce décalage entre la langue de l’école et celle de la maison.
Personne ne semble trouver étrange, en tout cas, de demander à nos enfants d’acquérir les bases du savoir dans une langue qui n’est pas la leur. Ainsi, deux-tiers des élèves quittent l’école pratiquement analphabètes, sans disposer d’un outil linguistique adéquat pour appréhender la modernité urbaine. Nous n’avons rien dit de plus ici que n’ont déjà affirmé des personnes plus autorisées que nous. Lesquelles ont maintes fois souligné l’incohérence psychologique d’une telle démarche.
S’il est imprudent d’être catégorique dans la réponse, il reste cependant une question que l’on ne saurait écarter d’un revers de main, car on ne fait pas disparaître un problème en le cachant ou en le taisant. Est-il donc sage de demander de renoncer à la langue maternelle dès la première année de sa scolarisation ? Sachant pertinemment qu’ils ne sont pas tous capables de réussir un tel déchirement : certains réagissent par une inhibition intellectuelle générale, alors que d’autres sont sujets à une inhibition affective les conduisant précocement à détester l’école.
Ce renoncement à la langue maternelle est celui qui, de plus, impose incontestablement le plus gros effort, qui participe à l’échec d’une scolarité normale. Il reste enfin le plus difficile à supporter et de surcroît le plus coûteux, car il laisse inutilisées de précieuses énergies. « C’est une chance, a dit Gérard Vigner, pour tout élève de retrouver à l’école des signes qui renvoient à un sens et non à une forêt de hiéroglyphes ».
Autre paradoxe, qui n’est pas le moindre : dans le même temps où le ministère prône un retour à la tradition, affirmant que « l’une des finalités de notre école est d’être le creuset de l’identité djiboutienne, intégrant les valeurs et cultures nationales », il exclut les langues locales du paysage éducatif. Se faisant, il admet du moins implicitement que le français (qui reste une langue étrangère malgré son statut privilégié) paraît tout à fait capable d’exprimer les valeurs culturelles de notre pays. Or, on ne peut séparer langue et culture, tous les linguistes sont d’accord sur ce point, la langue faisant partie intégrante de la culture dont elle véhicule les valeurs. R. Galisson reconnaît que « c’est en tant que pratique sociale et produit socio-historique que la langue est toute pénétrée de culture ».
C’est pourquoi nous affirmons qu’un vrai projet de réforme dans le sens d’une prise en compte de la réalité socio-culturelle, ne peut se réaliser sans une réelle promotion des langues nationales qui sont seules aptes à expliquer à exprimer notre identité. P. Dumont, exprime le même point de vue dans son « français, langue africaine » : « aucune méthode, fut-ce de FLE, ne parviendra jamais à combler le fossé qui sépare l’école de la vie, parce que le seul moyen de réconcilier l’élève africain avec son environnement social, ce n’est pas de lui faire apprendre une langue étrangère, mais bien de lui enseigner à lire et à écrire dans sa langue maternelle ». De plus, c’est bien la seule façon d’éviter que l’école ne condamne à l’échec les enfants des milieux défavorisés (ne constituent-ils pas la majeure partie de nos enfants ?).
Enfin, si l’on veut préserver notre culture, il nous faudra réhabiliter au plus vite le statut de nos langues et faciliter leur introduction dans le système éducatif. Victor Ségalène a écrit dans les « Immémoriaux » qu’ « une culture meurt lorsque l’on retire au langage qui avait pour fonction de la maintenir son éminente dignité de conservation des dieux ».
Si les différents ministres de l’Education ont souligné la nécessité de promouvoir les langues nationales, force est de constater que jusqu’à maintenant, elles ne font l’objet d’aucun enseignement à l’école. De plus, ils ne se sont pas posés et n’ont donc pas résolu les problèmes spécifiques de l’enseignement des langues nationales (formation initiale des maîtres, niveau d’introduction, fonctions assignées à ces langues, etc..). Enfin, si le ministère était convaincu de la nécessité de promouvoir les langues nationales, pourquoi n’a-t-il pas engagé une campagne nationale d’alphabétisation en langues nationales ?
On aura compris, à la lumière de ces faits, il est permis de douter de la réelle volonté du ministère de promouvoir les langues nationales. S’il y a une revendication, elle ne dépasse pas le niveau de la pétition de principe. C’est du reste une faute méthodologique que de résoudre l’épineuse question des langues nationales par des déclarations ou des professions de foi si enthousiastes et si sincères soient-elles.
Reste donc à nous interroger sur les raisons qui ont conduit nos responsables à maintenir le statut quo dans le domaine linguistique (maintenant que nous nous sommes débarrassés de la tutelle coloniale). Mais qu’est-ce donc qui fait du français la langue de l’État, la seule langue de l’institution scolaire ? Par quelle vertu mérite-t-il cette prérogative ?
Le discours de légitimation et sa critique
Pour beaucoup, le français participe à l’unité du pays. P. Dumont note sur un autre passage de son livre « le français, langue africaine » : « les autorités djiboutiennes mises en place depuis l’indépendance ont défini une politique dans laquelle le français est non seulement l’instrument de la cohésion nationale, mais aussi de la résistance d’un pays encore jeune, faible, affirmant son indépendance face au monde arabophone». Faut-il tout d’abord rappeler à P. Dumont que Djibouti fait partie de la Ligue Arabe (et ceci peu après l’accession de notre pays à la souveraineté nationale) et que donc il n’a jamais été question pour notre pays de « résister au monde arabophone ». P. Dumont affirme là, ce qui à ma connaissance, n’a encore été soutenu par personne, à tout le moins, pas par nos élites politiques qui ont peu après l’indépendance de notre pays, décidés de l’adhésion de Djibouti à la Ligue Arabe.
Si l’auteur n’avait pas abandonné la vois historique correcte au profit d’une déduction plus rassurante mais fausse, l’inexactitude de son assertion lui aurait sauté aux yeux. La manière dont P. Dumont explique le conservatisme linguistique révèle en tout cas une légèreté inhabituelle chez l’auteur, légèreté que l’on pourrait expliquer – soit dit en plaisantant – de cette façon : l’auteur a peut-être pris son désir pour la réalité. Il faut en somme considérer cela comme une spéculation personnelle de l’auteur. De plus, soutenir qu’une remise en cause du statut du français raviverait le conflit ethnique n’est rien d’autre qu’une argutie de mauvais aloi, qu’il nous faudra rejeter ; car on ne voit pas comment la langue du colonisateur pourrait raffermir l’unité du pays (d’ailleurs, n’est-ce pas le même argument que l’on invoquait pour retarder l’accession de notre pays à l’indépendance). Enfin, les partisans de cette idéologie ne peuvent pas concevoir que l’on peut forger une nation pluriethnique respectant la diversité culturelle.
Si déjà, nous avons rejeté le parti-pris avec lequel P. Dumont explique le conservatisme linguistique, pour les mêmes raisons, il nous faut rejeter l’argument économique avancé par l’auteur pour justifier du maintien du statu quo linguistique (P. Dumont affirme un peu plus loin sur le même livre que « si les africains ont gagné la bataille idéologique contre le français, par contre, aucun Etat africain n’a les moyens de sa politique linguistique»).
Si déjà, (voir plus haut dans notre article) nous avons loué le courage avec lequel l’auteur a flétri le chauvinisme linguistique, nous refusons par contre de le suivre, lorsqu’au lieu de se borner à constater des faits, il émet des jugements de valeur qui, selon nous, n’ont rien à voir avec la psychologie mais à la morale. Il es malheureux et même quelque peu démoralisant de voir un linguiste de grand talent donner un appui scientifique et sa caution morale à cette entreprise (de « francisation » s’entend) ; car quelque effort que nous faisions, il ne sera jamais couronné de succès.
Pour d’autres, seule l’habitude (plus qu’un choix délibéré) explique le maintien du français dans son statut privilégié.
Sans entamer une discussion philosophique plus approfondie, notons que « l’habitude » étant un concept descriptif, il ne peut tenir lieu d’explication ; autrement dit, il ne peut expliquer le maintien du statu quo linguistique. Voici ce qu’a dit à ce sujet G. Vigner dans « le français, Langue Seconde : une discipline spécifique » in Diagonales n° 4 – déc. 1987 : le choix d’une langue d’enseignement, en Afrique, comme dans d’autres régions du monde ne doit rien au hasard et ne saurait dans tous les cas s’expliquer par le maintien d’une tradition si respectable soit-elle ?
Il nous faut donc chercher ailleurs les raisons profondes de cette élection. Nul mieux que F. Eboussi Boulaga n’a le mieux expliqué cette « étrange fascination » pour le français. Écoutons ce qu’il dit, à ce propos, dans son livre « La crise du Maître » chez Présence africaine. Du fait de la situation coloniale, nous assistons à « l’idéalisation d’une langue de rencontre, la sublimation ou la divinisation d’un vainqueur et de ses modes d’être, accompagnée de la négation de soi et de son corps propre, de sa culture ». Il note dans un autre passage de son livre que presque tous les dirigeants africains ont perpétué le système colonial « sans en changer ni la forme ni le contenu, en faisant comme si les institutions étaient le produit d’une déduction d’un principe universel et non celui d’une histoire sociale singulière ».
C’est pourquoi, il nous faudra dénoncer sans ambages tous ces alibis fallacieux au nom du réalisme. A y regarder de près, ce culte du français ressemble étrangement au dogme chrétien, à la notion du « credo quia absurdum », croire même si c’est absurde (cette notion ne traduit-elle d’ailleurs pas la plus amère auto-ironie ?) ; il est défendu de remettre en question le statut du français comme il est défendu de discuter des dogmes religieux.
Quant à nous, n’étant pas adeptes de la « philosophie du comme si » (et de ses tours de passe-passe), il nous est plus permis de tergiverser plus longtemps : faut-il le rappeler, 70 à 80% de la population ne parle pas français. Certes, vingt-sept ans d’indépendance et trop court pour juger des résultats de l’entreprise (de « francisation » s’entend). Pourtant, quelque effort que nous fournissons, il ne peut pas être couronné de succès même s’il est poursuivi avec le plus grand zèle (le français, bien qu’il ait conservé son statut privilégié, est d’emploi limité, confiné à l’école).
Malgré les arguments qui plaident en faveur des langues nationales, certains de nos compatriotes ne sont pas convaincus de l’utilité de les promouvoir. Chez les enseignants, cette idée suscite un degré de méfiance et d’incrédulité qui excède les limites de l’objectivité et trahit même une nette malveillance (ils n’hésitent pas à tourner en dérision ce qu’ils considèrent comme un combat d’arrière-garde).
Face à cette situation, pour espérer un changement, ce qui est nécessaire, c’est une conversion du cœur et de l’esprit de nos élites politiques et du grand public. Pour cela, il nous faudra agir, on le devine, au niveau des représentations liées au français, car, c’est uniquement de l’évolution des mentalités que nous pouvons attendre un véritable progrès.
Que l’on ne se méprenne pas sur mon propos : loin de moi l’idée de vouloir exclure le français du passage éducatif (personne ne nie qu’il est et restera un facteur de développement et de progrès pour notre pays). Il est néanmoins essentiel de repenser son statut et sa place (les enjeux sont énormes, surtout maintenant que l’on souhaite créer une école de base).
L’intérêt que nous portons, enfin, sur les langues nationales n’est pas seulement pédagogique (comme certains le penseraient qui n’envisagent l’étude de ces langues parce qu’elle préparerait à une meilleure maîtrise de la langue française), il est aussi culturel. L’étude et l’enseignement de langues nationales est la condition préalable de toute promotion d’une littéraire nationale (écrite en langues nationales). Dans un texte qui date de 1937 et dont le thème était « Le problème culturel en A.O.F » in Liberté, négritude et humanisme – Paris – Seuil, 1964) Senghor affirme « qu’il n’y a pas de civilisation sans une littérature qui en exprime les valeurs, et sans une littérature écrite pas de civilisation qui aille au delà de la simple curiosité ethnographique ». Or, demande Senghor, « comment concevoir une littérature indigène qui ne serait pas écrite dans une langue indigène ? ».
On ne peut que s’accorder entièrement sur ce point avec les vues d’un homme aussi averti de ces sujets que Senghor.
Ainsi, pour conclure, nous osons affirmer que toute option visant à réformer notre système éducatif ne peut faire l’économie des principes et remarques énoncés tout au long de cet article.
Abdallah G. Warsama, Instituteur à l’École d’Arhiba
Vol d’aigle présidentiel
HAATUF A-T-IL CAPTÉ LE CRI D’UN ÉPERVIER ?
Lors de sa réunion du 5 décembre, l’UAD a décidé d’exclure le Parti Djiboutien pour le Développement (PDD), estimant que les initiatives personnelles et intempestives du Président de cette formation politique membre de l’UAD étaient incompatibles avec le sérieux que le Peuple djiboutien, lassé des magouilles politiciennes et alimentaires, attend d’une opposition responsable se voulant incarner une véritable alternance démocratique. Retour sur cette décision historique.
Depuis la disparition de son leader historique Ahmed Dini le 12 septembre 2004, l’opposition djiboutienne avait enregistré son premier acte de renaissance le 18 octobre 2004. Cette date marquait l’union retrouvée et resserrée des quatre partis d’opposition au sein de l’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD) dans la perspective du scrutin présidentiel de 2005, par une suspension concertée de la candidature prématurée de l’opposant Mohamed Daoud Chehem à cette élection. Malheureusement, ce dernier vient encore une fois de se dédire à l’occasion d’un entretien avec un journal somalilandais dans un luxueux hôtel de Hargueisa. Pourquoi diable avoir été si loin pour lancer sa campagne électorale : les électeurs djiboutiens sont-ils plus nombreux là-bas qu’ici ?
Pourquoi diable n’avoir pas choisi le cadre d’un luxueux hôtel à Djibouti : les médias djiboutiens, au nombre desquels la RTD, se seraient fait violence pour donner à cette candidature inespérée un écho proportionnel aux attentes du candidat solitaire cherchant désespérément un challenger candide ?
Toujours est-il que le Président du PDD a choisi l’occasion de sa visite à Hargueisa pour se présenter, au nom de son parti et de l’UAD, comme le candidat le mieux placé pour battre celui du régime en place. Qu’il s’exprime à titre personnel, c’est à la direction de son parti d’évaluer en toute indépendance la pertinence de ce positionnement. Qu’il le fasse dans le cadre de l’UAD, cela est inadmissible et appelait une décision à la mesure de cette violation. Car toute cette gesticulation rappelle malheureusement le vol d’un épervier aventurier au-dessus du Beit-el-Wali. Chacun le sait : le candidat solitaire poursuivant tel un aigle son vol plané à la recherche d’une proie facile serait sur le point de fondre sur cet imprudent épervier.
Telle parait être la morale d’une histoire rapportée cette semaine par le quotidien indépendant «Haatuf», paraissant à Hargueisa. Ainsi, dans son édition du 28 novembre 2004, notre confrère somalilandais consacre sa une à notre pays, en relatant généreusement les propos du Président du PDD, lequel aurait récemment séjourné dans la Capitale du Somaliland en compagnie de ses deux lieutenants pour, paraît-il, se reposer et rencontrer des membres de la communauté djiboutienne résidant là-bas.
Jusque là, rien à y redire : tout Djiboutien a le droit de profiter du climat bienfaisant de Hargueisa pour se reposer et visiter des compatriotes. Seul hic : au cours de son séjour, la Président du PDD s’est livré à des confidences publiques quant à ses intentions présidentielles en 2005 et ce en violation flagrante de la démarche unitaire de l’UAD. On se souvient que M. Mohamed Daoud Chehem avait, dès le 30 août 2004, adressé un communiqué à l’AFP annonçant sa candidature à l’élection présidentielle, avant de se rétracter par son communiqué publié le 18 octobre dernier.
Et voilà qu’aujourd’hui le probable challenger du candidat solitaire dit tout le contraire, en affichant ses velléités de candidature, au mépris de la ligne politique de l’UAD à laquelle il a jusqu’à présent prétendu entièrement souscrire. Aussi, convaincue que le linge sale se lave parfois mieux en public et fidèle en cela à sa politique de vérité, l’UAD a-t-elle décidé de publier le 5 décembre 2004 le communiqué suivant, afin que nul doute ne subsiste dans les esprits :
« L’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD),
– Fermement attachée au principe de collégialité régissant toute prise de décision en son sein ;
– Rappelant sa position maintes fois réitérées relatives aux conditions préalables à sa participation à toute consultation électorale ;
– Profondément navrée des violations répétées de ce principe de collégialité perpétrées, notamment en août et novembre 2004, par le Président du Parti Djiboutien pour le Développement, M. Mohamed Daoud Chehem, et cela malgré sa lettre d’autocritique du 18 octobre 2004 ;
DECIDE :
en sa réunion extraordinaire de ce dimanche 5 décembre 2004, de procéder à l’exclusion pure et simple de ses rangs du Parti Djiboutien pour le Développement. Cette décision prise à l’unanimité prend effet à compter de ce jour. »
Voilà pour la position officielle de l’UAD, signée par MM. Ismael Guedi Hared, Président de l’UDJ, Ahmed Youssouf Houmed, Président de l’ARD et Souleiman Farah Lodon, Vice-Président du MRD.
Par contre, en tant qu’ARD continuité historique et légitime du FRUD-armé signataire de l’Accord de paix du 12 mai 2001, il nous est impossible de ne pas réagir à certains propos tenus à l’occasion de cette interview par le Président du PDD. Certes, il est vrai qu’il a été emprisonné suite à une fumeuse tentative de coup d’État en 1991, en compagnie de son mentor politique de l’époque (et d’aujourd’hui ?), un ancien politicien des temps coloniaux aujourd’hui membre du comité central du parti au pouvoir.
Mais il est totalement faux et prétentieux de faire croire que, dès sa libération en 1993, il aurait rejoint les rangs de la guérilla : l’origine de celle-ci ne doit absolument rien aux velléités de ce soit-disant putsch manqué et de ses commanditaires putatifs.
Pour le reste, cette regrettable initiative du Président du PDD, croyant pouvoir battre le candidat du régime sans même que soient acceptées les conditions préalables exigées par l’UAD pour toute participation à une consultation électorale transparente et démocratique, ressemble fort à une occulte manipulation visant trois objectifs :
1) discréditer la presse somalilandaise espérant trouver à tout prix une reconnaissance extérieure dans la victoire d’un candidat djiboutien à la présidentielle, sans rien connaître de notre réalité nationale ni de sa réelle représentativité sur l’échiquier politique djiboutien : si le Président Dini, au nom du FRUD, a reconnu le Somaliland dès 1992, l’ARD fidèle à cette position n’a jamais prétendu que sa position devait engager toute l’UAD ; les liens indissolubles qui nous lient au Peuple somalilandais imposent autrement plus de sérieux que cette entreprise électoraliste de charme ;
2) affaiblir l’UAD dont le sérieux est ainsi mis à mal, tendant à faire croire que sa solidité ne serait qu’apparente et que tout opposant, pour peu qu’il y trouve son intérêt personnel, serait prêt à trahir les espérances populaires en lui placées, incitant à une démoralisation qui ne peut servir qu’un régime à l’agonie et en quête de faire-valoir pour cautionner ses pratiques liberticides ;
3) marginaliser l’ARD, continuité historique du FRUD politico-militaire et coupable de dénoncer toutes les violations de l’Accord de paix du 12 mai 2001, en inventant un leader de substitution auréolé d’un passé de maquisard et seul à même d’incarner les aspirations à l’égalité pour laquelle une importante frange de la communauté djiboutienne a tant sacrifié de sa personne et de ses biens, conformément au précepte musulman appelant tout croyant à combattre l’injustice des hypocrites.
Gratuitement, et sans que cela n’apparaisse comme un renfort à cette campagne électorale illégitime, voici des extraits, dans le texte, des propos qui ont valu au Président du PDD son exclusion de l’UAD pour aventurisme politique.
EXTRAITS DES PROPOS D’UN CANDIDAT CANDIDE |
Musharaxa madaxweynenimada xisbiga PDD waxa uu ka hadlay arimaha doorashada madaxtimada ee dalka Djibouti ka dhacaysa sannadka foodda inagu soo haya, isaga oo saadaal ka bixiyey rajada uu xisbigiisu ka qabo inuu guulaysto iyo aragtida xisbigiisa ee ku wajahan inay doorashadu u dhici si cadaalad ah iyo inkale.
Sannadkii 1999-kii ayey markii u horaysay doorasho madaxtinimo oo ku dhisan hanaanka xisbiyada badan ka dhacday dalka Djibouti, waxaana ku guulaystay jagada madaxweynenimada Ismaaciil Cumar Geelle oo hadda talada dalkaa hayey muddo 6 sannadood ah, laakiin iminkana inkasta oo aanu si rasmi ah ugu dhawaaqin hadana waxa la filayaa inuu diyaar u yahay inuu mar kale tartamo si uu talada u sii hayo, iyadoo lagu wado inay doorashada madaxtinimada Djaboouti dhacdo inta u dhaxaysa Abril—May, 2005.
« Dadka reer Djabouti marka la eego dhibaatada maanta haysata isbedel bay diyaar u yihiin, anaguna xisbi ahaan taageero badan ayaanu ka haysanaa, markii aan is-sharaxaadda ku dhawaaqayna si weyn ayey dadka reer Djabouti u soo dhoweeyey musharaxnimadayda, waxaanuna doonaynaa inaanu wax ka bedelo maamul-xumada jirta oo aanu soo celino nidaamkii dawladnimo oo ee dalka Djabouti oo lumay, iyo inaanu wax ka qabano dhibaatooyinka haysta dadka reer Djabouti, mucaaradka ayaana aqlabiyadda dadka haysta »ayuu yidhi Mr. Shixim, isaga oo ka jawaabaya inta ay le’eg tahay taageerada uu haystaa.
Musharaxa xisbiga PDD ee mucaaradka Djabouti Maxamed Daa’uud Shixim, waxa uu dhashay sannadkii 1948-kii, wuxuuna ku dhashay degmada Tajura. Isla markaana sannadkii 1977-kii ayuu waxbarasho heer jaamacadeed ah ku soo qaatay dalka Faransiiska, isaga oo shahaado MA ah oo xisaabaadka ah ku soo qaatay jaamacad ku taal Baariis, ka dibna waxa uu masuuliyado ka soo qabtay wasaaradda maaliyadda Djibouti oo uu ka noqday madax sare.
Laakiin sannadkii 1991-kii ayey dawladda Djabouti jeelka dhigtay iyadoo lagu eedeeyey inuu ka qayb qaatay inqilaab ay dawladda Djabouti sheegtay inuu ku talaabsaday siyaasigii Canfarta ahaa ee la odhan jiray Cali Caarif, ka dibna sannadkii 1993-kii ayaa la sii daayey, xiligaa ka dibna waxa uu Mr. Shixim ku biiray jabhaddii mucaaradka ahayd ee la odhan jiray FRUD.
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L’essentiel et le plus grave est dit : selon le probable challenger du candidat solitaire à sa propre succession, les élections de 1999 auraient été régulièrement remportées par le grand chef et celle à venir se dérouleront de manière transparente. Et comme il aurait des chances de la remporter, il reconnaîtra alors le Somaliland. CQFD. C’est si simple de convaincre loin de chez soi !
Une session budgétaire sans Budget
Et en l’absence du grand Argentier !
Si, l’inexistence de toute alternative contraint l’Exécutif à se soumettre à « l’impératif » démocratique, en matière de perfectionnement ce qui s’est passé la semaine dernière à l’Assemblée nationale dément toute avancée graduelle (selon les vœux d’IOG in JAI. cf. Réalité 115) de la démocratie dans notre pays, y compris celle de prendre en considération le peu de rôle dévolu au Législatif par la Constitution de 1992. En effet, la seconde session annuelle dite « session budgétaire » a démontré par sa comédie l’incapacité de l’Assemblée nationale à assumer les responsabilités qui sont les siennes.
En raison des pressions extérieures exigeant une bonne gouvernance, les inquiétudes exprimées par le Président de l’Assemblée nationale, lui feraient craindre, que la non-transmission fin novembre du budget prévisionnel et des réalisations de l’année écoulée par le gouvernement, rende impossible tout débat sur le sujet et tout contrôle budgétaire du parlement. A cet instant même, le Ministre en charge des Finances est absent tout comme les supports budgétaires (Comptes 2004 et prévisions budgétaires 2005).
C’est donc pour justifier ce manquement de l’Exécutif que le Président de l’assemblée nationale tente de trouver à travers son discours une « solution échappatoire », une « issue de sortie honorable », tout en constatant l’existence d’un profond dysfonctionnement du Législatif auquel il propose les corrections suivantes : « la mise en place d’une commission ad-hoc chargée de réformer le règlement intérieur de l’assemblée nationale et d’une expertise internationale pour trouver les voies et les moyens d’améliorer le fonctionnement du parlement ».
Relevant de la connivence cet alibi est grave de conséquences pour le pays. La prochaine refonte du règlement intérieur de l’assemblée nationale n’empêchant pas dans l’immédiat le respect de la légalité de la part du gouvernement et donc de donner les justificatifs de sa gestion passée et à venir, les propositions du Président de la « Chambre » cacheraient plutôt l’inaptitude, voire l’incapacité des mal-élus à jouer pleinement le peu de rôle que leur confère la Constitution. Cette « douloureuse » condition d’existence contribuant certainement à l’accentuation de l’inexistence politique de ces hommes et femmes destinés, en principe, à représenter le peuple et à le défendre contre tous les abus du pouvoir Exécutif, les propos du Président de la Chambre (d’enregistrement) confirme la démocratie version Beit-El-Wali.
C’est donc, en l’absence de tous les documents de base pour les discussions budgétaires, lesquels devaient être déposés, normalement en octobre au bureau de l’assemblée, pour permettre l’étude, le contrôle de la véracité des recettes, et à l’occasion les propositions d’amendements sur les dépenses jugées inopportunes que s’est ouverte cette seconde session. Il est à souligner au passage que, depuis l’indépendance, aucun amendement n’a été enregistré, sauf celui anticonstitutionnel qui avait dénaturé le projet de loi sur la décentralisation adopté dans le cadre des accords de paix définitive de mai 2001 entre le gouvernement et le FRUD-armé.
Si bien que la soumission réelle à l’Exécutif explique dans cette affaire la remarquable docilité du Législatif satisfait d’écouter l’exposé du Premier ministre sur les grandes lignes économiques du budget 2005, non ficelé encore par le ministère de tutelle. A en croire «La Nation», les données économiques lues par le premier des ministres ont été hautement approuvées par l’Assemblée. Quoi qu’il en soit, ce dernier tout en n’évoquant nullement dans son discours l’absence des comptes définitifs des exercices 2002 et 2003, n’a pourtant pas manqué d’exalter les performances économiques de 2004. Un budget que nous avions largement commenté, en son temps, et qui présentait tous les caractères d’une catastrophe économique et sociale pour la population, surtout des faibles revenus, victimes ciblées des multiples pressions fiscales, directes et indirectes. Pour ainsi dire, malgré les augmentations substantielles des impôts sur le revenu salarial, le gouvernement n’arrive pas à dégager un budget 2004 tablé à hauteur de 43 milliards FD. D’ailleurs, les données économiques officielles du second semestre de l’année en cours avaient confirmé nos prévisions.
C’est cette déception réelle que traduit le discours du Premier ministre, prétendant au passage que malgré la flambée des prix du pétrole et les incidences négatives générées par la faiblesse du dollar face à l’Euro, le régime a réussi son pari. Une mystification démentie par la prudence visible sur les prévisions budgétaires pour 2005 lesquelles sont identiques à 2004 et qui explique l’échec des ambitions affichées pour l’année en cours.
Concernant le prix du pétrole, les ménages, derniers consommateurs, en savent davantage. Cependant, les propos du Président de la République dans « Jeune-Afrique l’Intelligent » vantant à la fois la réussite économique et demandant parallèlement des aides conséquentes aux pays du Nord trahissait la réalité vécue par son peuple. Il justifiait sa faillite financière par l’injection des recettes de l’Etat dans la stabilisation des prix du pétrole du marché intérieur. Or, si le pétrole est cher à Djibouti, c’est tout simplement en raison des lourdes taxes et surtaxes multipliant par trois le prix du litre à la pompe, versées à la SIDH (ex EPH), une entreprise au service du régime et à l’objectif non défini.
Parmi les performances chères au Premier ministre sur l’exercice 2004 viennent en tête du palmarès, le trafic portuaire et aéroportuaire. Une argumentation de plus destinée à justifier outrageusement le bradage pur et simple des seuls sites créateurs de richesses, au risque de remettre en cause l’indépendance réelle de notre Nation. En effet, le port, à lui seul concédé pour vingt ans à Dubaï n’a toujours pas, depuis l’année 2000, rendu public ses chiffres (bonnes ou mauvaises).
Une situation qui devait inquiéter les auditeurs de l’assemblée nationale qui n’ont même pas été consultés ni en amont lors de la mise en concession, ni en aval pour l’actuelle décision du gouvernement de confier la gestion des recettes à Dubaï International Port.
« Décision sage et prometteuse » commentée par le Ministre de l’Economie, lequel n’a pas exigé depuis quatre ans bientôt les versements des dividendes tirées du port dans les caisses de l’Etat. Si la prudence doit être de rigueur quand les moyens manquent (pour des raisons relevant de la folie des grandeurs), le Premier ministre ne dit rien sur l’état actuel de la dette nationale, mais parle d’une épargne budgétaire substantielle pour des investissements dans la Capitale et à Ali-Sabieh.
Nous l’excuserons de sa confusion entre un autofinancement et un crédit sur la projection d’un investissement de 1 milliard FD, mais anticipons sur les financements extérieurs de 18 milliards de nos francs, en pariant sur les faibles retombées économiques et en matière d’emplois pour cause d’évaporation, en ce sens qu’elles serviront certainement à contribuer à alimenter les caisses de la campagne présidentielle.
Concernant le bilan de ce mandat, il se résume à : corruption, affairisme, paupérisation, famine, chômage, expropriations de biens publics, etc. Qui dit pire ?
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