Réalité numéro 115 du mercredi 1 décembre 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 115 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
POLITIQUE DE LA MISÈRE :
FAIM DE NON-RECEVOIR À DORRA
A croire que le malheur attire le malheur : certaines régions de notre pays ne doivent leur intrusion sur le devant de l’actualité qu’en raison des drames qui s’y déroulent et dont des impératifs plus politiques que journalistiques incitent à parler. Tel semble être le cas de Dorra et il faut remercier, l’exception n’étant pas la règle, la plume du journal gouvernemental «La Nation» de couper l’appétit de ses lecteurs en s’alarmant lundi dernier de la chronique annoncée d’une famine de grande ampleur qui serait sur le point de s’abattre sur les habitants de ce coin perdu de notre territoire national. Et ce n’est pas là une dramatisation exagérée, même s’il est compréhensible qu’un candidat au suffrage universel se prétendant faiseur de miracles doive, à travers sa presse de propagande, montrer les maux pour mieux suggérer les remèdes et même s’il y a fort à parier qu’une prochaine distribution de denrées alimentaires tombera à point nommé pour donner des arguments à une campagne électorale que la majorité de nos concitoyens auraient préféré voir se dérouler dans des conditions un peu plus respectueuses pour eux.
Ceci ne surprend que ceux qui ont choisi de fermer les yeux : les habitants de la région de Dorra risquent d’être très prochainement victimes d’une catastrophe humanitaire. Le problème, c’est que celle-ci est inscrite dans la nature d’un régime politique qui aggrave les impondérables aléas climatiques en utilisant la famine comme arme de domination. D’autant plus dangereuse et efficace que le mode de vie de ces populations rurales les prédispose à la dépendance alimentaire à l’égard de ceux de la ville. Depuis les temps coloniaux, elles n’ont toujours dû leur introduction dans l’économie monétaire qu’aux transferts d’argent effectués par leurs rares proches salariés ailleurs. Le développement séparé (pour parler comme l’ancien régime raciste d’Afrique du Sud) au terme duquel l’implantation coloniale avait défini un Djibouti utile limité à la seule Capitale et plus que moins reconduit à l’Indépendance, a été aggravé par un conflit civil de dix ans : l’effet a accentué la cause.
S’il est bien entendu qu’il ne faille pas tout attendre de l’État, le premier devoir de ce dernier envers ses déshérités est de leur fournir les infrastructures publiques de base : ceux qui connaissent cette région savent que les agents indigènes de l’État s’y comptent sur les doigts d’une seule main et que des militaires se comportant comme en pays conquis y sont plus nombreux qu’infirmiers ou instituteurs, malgré l’indéniable besoin qu’implique une forte densité démographique. Ou, à tout le moins, de reconstruire celles qui ont été détruites par la guerre, comme l’y obligeait le volet « Réhabilitation » d’un Accord de paix dont c’est là la plus inacceptable violation, eu égard à l’extrême indigence de ces victimes. De ce point de vue, rappelons que l’axe routier Tadjourah-Bouya, passant par Dorra, générateur de nombreuses richesses pour les populations de ce district et de cette région, demeure encore fermée de façon inexplicable, privant ses riverains d’indéniables possibilités de réduire leur dépendance grâce au commerce avec l’Éthiopie. Preuve que le quai de Tadjourah ne rend pas encore tous les services que l’on est en droit d’attendre de lui : une part importante des importations éthiopiennes passant naguère par Assab aurait pu transiter par la Ville-Blanche, car telle était sa vocation première bien avant la création de la ville de Djibouti. Souligner enfin que les retombées économiques de la prétendue décentralisation tardent à se montrer serait enfoncer une porte ouverte ou tirer sur une ambulance : justement, la dernière fois que nous avions évoqué dans nos colonnes les difficultés de vivre à Dorra, c’était pour informer nos lecteurs de la mort d’un habitant du coin, qu’une ambulance réquisitionnée à des fins festives avait refusé d’évacuer. Sans que cela n’émeuve outre mesure les pouvoirs publics dont le désintérêt criminel ne choque pratiquement personne !
Le véritable problème est là : tant que ne sera pas mis fin à la politique de la misère, par laquelle ce régime affame volontairement ses concitoyens pour mieux prétendre apporter des remèdes à des maux dont il est le principal responsable, les médias publics continueront à alerter sur telle catastrophe humanitaire à venir, juste pour obliger les figurants nécessiteux à meubler le décor d’une distribution électoraliste de vivres alimentaires. Nul n’a oublié, à Dorra comme ailleurs, que la dernière distribution de l’aide alimentaire internationale, lors des législatives de janvier 2003, avait fait l’objet d’un atroce chantage à la soumission partisane. Quand elle n’est pas tout simplement détournée, comme tel riz et revendue ici ou ailleurs.
Brèves nationales
Le régime nous menace :
Ha ! Chiche !
Preuve de son profond désarroi, le candidat solitaire aurait-il décidé de menacer les démocrates par l’intermédiaire de son griot patenté, ne représentant que lui et surtout connu pour être son compagnon de broutage ? Ainsi, abordant un cadre important de notre Parti la semaine dernière dans les couloirs de la Cité ministérielle, l’homme de main présidentiel lui a tenu les propos suivants : « nous vous connaissons, vous n’êtes que quatre emmerdeurs. Mais, désormais que vous êtes orphelins, nous savons comment en finir avec vous : nous allons vous exterminer ! Et nous ne négocierons jamais avec vous car vous êtes des extrémistes ! » Sur ce, notre responsable lui a répondu, comme la tortue menacée : « Dieu fait-il partie du complot ? »
Il est navrant d’entendre de telles menaces de la part d’une parole autorisée du régime, grassement entretenue par l’État à ne rien faire. Qui est extrémiste : un pouvoir violant un accord de paix ou ceux qui demandent pacifiquement son application ? Comme en Côte d’Ivoire, qui est responsable de la dérive fascisante que dénonçait Chirac : le régime de Gbagbo ou les Forces Nouvelles ?
Si chacun se rend bien compte que ce dernier n’a pas fait pire que le Président djiboutien dans le reniement de sa parole, faudra-t-il reprendre les armes pour être pris au sérieux par ce régime fanfaron et alimentaire ? En tout cas, s’il arrive quoi que ce soit à l’un d’entre ceux ainsi menacés, chacun saura d’où vient l’agression et certaines bedaines ne pourront plus impunément enfler. Pour notre part, inutile de dire que cette haine ne nous intimide nullement.
Le seul à pouvoir être tenu pour responsable de telles dérives, c’est uniquement le grand chef : il est pitoyable qu’il soit si mal entouré et représenté.
Mégaprojets d’Ali-Sabieh :
Fantômes ou réalités ?
Les Djiboutiens l’ont bien compris : dès que « Réalité» tire à boulets rouges sur une esbroufe gouvernementale, le régime réplique par des bombes fumigènes sans convaincre. Ainsi, il y a plusieurs semaines de cela, notre journal s’était inquiété de l’absence de l’eau minérale Il Jano sur le marché et s’étonnait du silence des pouvoirs publics sur les problèmes techniques retardant la réalisation des méga projets d’Ali-Sabieh. Voilà que le journal gouvernemental « La Nation » annonce fièrement dans son numéro de mercredi dernier : « C’était il y a près de huit mois ou plus exactement le 19 février dernier que fut inaugurée par le Président de la République, M. Ismael Omar Guelleh, l’usine d’eau minérale d’Ali-Sabieh. ‘Il Jano’, c’est l’appellation du produit, est enfin disponible sur le marché local. Enfin, car certaines mauvaises langues qualifiaient cette unité de traitement et de mise en bouteilles d’eau minérale d’usine fantôme. Pari gagné donc, puisque après l’eau de Tadjourah, Il Jano fait son entrée dans le marché et garnit les étalages des magasins et autres points de vente de la Capitale. »
Pourquoi avoir attendu 8 mois et même plus pour mettre en service une unité de production qui n’avait pas hésité à exhiber dès le 19 février 2004, quelques centaines de cartons et généreusement distribué « la source de paradis » aux milliers de figurants convoqués à la cérémonie d’inauguration ?
En fait, il est de notoriété publique que la brumeuse société industrielle d’eau minérale d’Ali-Sabieh a connu de réels problèmes techniques et financiers. Si aujourd’hui ladite entreprise mixte se dit prête à satisfaire le marché local, tant mieux : nous verrons la suite.
Mais rappelons tout de même que le journal gouvernemental, saluant aujourd’hui l’exploit, affirmait au lendemain de l’inauguration de cette unité : « cette usine alimente désormais la ville d’Ali-Sabieh et produit 24.000 bouteilles d’eau minérale par jour». Il aura donc fallu plus de huit mois au régime prédateur pour livrer son eau miraculeuse. Et maintenant : si les affairistes du pouvoir nous en disaient plus sur les autres projets initiés dans ce district, à savoir la cimenterie et l’usine de marbre ?
Sont-ce des fantômes ou des réalités ? Leurs travaux étaient supposés durer vingt mois, aux dires du chef de l’État, alors qu’il se murmure que leurs financements n’auraient même pas été obtenus.
Enfin, s’agissant de l’eau de Tadjourah, dix ans après la paix d’Ab’a, sa production ne semble toujours pas à l’ordre du jour.
Interview présidentielle dans J.A.I :
Gouvernator ou Imperator ?
A l’occasion de la tenue du Xème sommet de la Francophonie à Ouagadougou, l’hebdomadaire « Jeune-Afrique/L’Intelligent » à mené une campagne de collecte de messages payants auprès des décideurs des pays concernés. Ainsi, la présidence djiboutienne, à l’affût de ce genre de démarchage et disposant de fonds colossaux pour soigner son image ternie, a-t-elle acquis pour plusieurs millions de nos francs quelques pages dithyrambiques dans les colonnes de cet hebdomadaire international. Aussi, le candidat solitaire peu disert chez lui s’y est-il fendu d’une interview en forme d’incantations.
Dans cet entretien aussi maladroit que mensonger, le « grand communicateur » se positionne en francophile accompli. D’ailleurs, pour mieux ponctuer ses propos délirants, il a tenu à illustrer cette page d’une photo le montrant échanger un « shake hand » avec le Président américain Bush. L’entretien réalisé par on ne sait quel journaliste est titré : « le Xème sommet doit affronter la fracture numérique ».
Qu’un promoteur de la fracture sociale et clanique chez lui puisse tenir de tels propos est proprement ahurissant. Car, dans un pays où tel district n’a même pas un seul kilomètre de route goudronnée, il est surréaliste de parler d’autoroute de l’information. D’autant plus que, par exemple, le seul ordinateur multimédia existant dans le district d’Obock, est celui offert en 2003 par l’Alliance Française.
Enfin, il est parfaitement risible que le responsable d’un régime issu des fraudes puisse vanter la démocratie parlementaire qu’il a instituée à travers la coalition des quatre partis squattant l’Assemblée nationale. En effet, le dynamisme de cette fantomatique institution où le «débat démocratique» serait permanent ne l’empêche pas d’engranger les dividendes du port sans aucun contrôle budgétaire.
Opération Hanlé verte :
La carte verte n’est pas pour demain ?
Le hasard fait bien les choses : il arrive parfois au journal gouvernemental « La Nation » de lâcher au détour de ses pages commandées, quelques vérités amères.
Ainsi, dans le numéro de mercredi dernier, la chute d’un article élogieux consacré au reverdissement du désert de Hanlé-Agna dans le district de Dikhil nous a laissé songeur. Après avoir illustré de photos prometteuses son reportage sur cette région désolée et brusquement mise en valeur par l’agronome volant, l’auteur conclut de manière péremptoire : « les habitants reviennent et la vie devient possible, mais plus agréable que nulle part ailleurs. Ils demandent d’être soutenus dans leur retour pour le creusement d’un puits ou pour le forage, pour la fourniture d’infrastructures sanitaires et scolaires, pour l’élaboration de papiers civils. Chose paradoxale, aucun d’entre eux ne dispose d’acte de naissance, encore moins de carte d’identité, bref ils font leur introduction à l’état civil par hasard. Et selon certaines rumeurs, le chemin risque d’être long ».
Si le prétendu sauveur de cette contrée et actuel candidat à sa propre succession n’a pas daigné fournir des cartes d’identité aux habitants de Hanlé, qu’il considérait jusqu’à présent comme des étrangers alors que certains des leurs ont connu la répression coloniale bien avant qu’il naisse à Diré-Dawa, c’est bien la preuve que ce déni du droit à la citoyenneté s’inscrit dans la politique de fracture clanique menée aux dépens de larges couches de la communauté nationale. Il reste donc aux ruraux délaissés, méprisés mais parfois « bakchichés » de notre pays, de ne pas perdre de vue cette réalité d’un régime injuste et divisionniste. Un proverbe nomade ne dit-il pas « si les chamelles nous privent de leur lait, nous savons de quoi les priver » ? Constat ou regret ?
Francophonie nationale :
La mendicité, une seconde nature ?
Signe des temps, le génie national récemment converti à la francophilie après avoir laissé traiter la France de nazie à propos d’une ténébreuse affaire empoisonnant les relations entre Paris et Djibouti, change brusquement de cap. Ainsi, dans une interview spectacle, notre polyglotte national prétend: « la francophonie est pour mes concitoyens une seconde nature ».
Décidément, le ridicule ne tuera jamais ce régime à l’origine de la désertification du paysage culturel djiboutien. Dans un pays où il n’existe même pas de bibliothèque nationale, des archives nationales ni même de points de vente de journaux français, le francophile new look devrait lire sa presse nationale relatant copieusement chaque semaine la mendicité devenue une seconde nature de son régime.
Rien que la semaine dernière, le journal gouvernemental « La Nation » s’est cru obligé de rapporter généreusement une cérémonie de remise de 3000 livres aux écoles et collèges de notre pays par la France.
Après cela, le « Danube, pardon, l’oued Agna de la pensée » pourra toujours fustiger la coopération avec les pays du Nord, en la qualifiant d’effets d’annonces.
Pardon de l’Aïd-el-Fitr :
Un curieux oubli
Il est de tradition dans les pays musulmans, qu’à occasion de l’Aïd-el-Fitr clôturant le mois béni de Ramadan, des mesures de clémence et d’élargissement soient prises en faveur des prisonniers de droit commun. Les Djiboutiens n’ont pas manqué de relever, cette année, que son Excellence El Hadj très affligé à la suite du décès du leader palestinien, n’a pas daigné accorder sa grâce présidentielle aux prisonniers croupissant dans ses geôles.
Peut-être parce qu’ils sont moins méritants que le dénommé Adouani Hamouda Hassan, condamné à perpétuité en 1987 pour avoir perpétré l’atroce attentat de l’Historil et libéré au bout de treize ans de détention, et qui coulerait des jours heureux chez lui, certains prétendent parce qu’il en savait trop.
Quand le chef parle
« Jeune Afrique l’Intelligent » est et reste, on le sait, le support médiatique préféré du numéro un djiboutien qui véhicule à travers ce magazine sa propagande destinée à la consommation extérieure. Cependant, sa politique de duplicité ne peut passer éternellement inaperçue. Pour trancher avec ce qu’a écrit « La Nation » de lundi dernier, nous vous livrons l’intégralité de cette interview express.
Voyons donc l’ampleur de sa culture politique en faisant les observations suivantes.
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S’agissant tout d’abord du contexte environnemental, cette interview a été réalisée en raison de la tenue au Burkina-Faso du 10ème sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui compte quelque 51 États et rassemble 500 millions de locuteurs. Cette rencontre entre des États ayant en commun l’usage de la langue française devait dégager plusieurs solutions aux multiples crises (épidémies, instabilité politique, analphabétisme, guerres, génocides, corruption, absence d’État de droit…) qui affectent principalement continent africain et dont l’origine est surtout politique. C’est ainsi qu’ont été abordées les questions qui traitent de la situation politique intérieure et régionale, celle économique et sociale, et les perspectives d’avenir du pays.
Quant à la présentation publicitaire du texte : alors qu’il s’agissait de la tenue du sommet des pays francophones, le choix du cadre ornemental susceptible de donner une image de notre pays a porté, maladroitement, outre une vue aérienne du port, sur une photo du « numéro un » local avec son homologue américain (numéro un mondial) à la Maison-Blanche. Une photo censée justifier son activisme diplomatique et sa bouderie à l’endroit de la France pour cause de Borrel.
La seconde observation porte sur la politique intérieure et extérieure. Résumé dans deux réponses, le volet de politique intérieure traite principalement de la démocratie. La première question sur ce chapitre dissimulant une subtilité linguistique semble ne pas avoir été comprise par le numéro un djiboutien. Toutefois, considérant toujours la démocratie comme une intrusion forcée de l’étranger, celle-ci reste funeste car le président utilise le qualificatif « impératif » parce-qu’il n’y a pas d’autre alternative dit-il clairement. Il justifie sa logique démocratique par l’existence d’une représentation de quatre partis au sein de son assemblée nationale. Concernant la transparence, il se base sur les instruments issus de la constitution de 1992 qui n’a offert aucune transparence électorale ni transition démocratique en République de Djibouti. Au contraire, cette façade démocratique avait même été critiquée par la délégation de l’Union Européenne de passage ici. Une situation politique perverse qu’elle a jugé inadmissible et incompatible avec l’esprit de la démocratie. La loi sur les élections rendant impossible toute représentation de l’opposition à l’Assemblée Nationale, cette délégation s’étant entretenue avec les autorités, n’avait pas manqué de déplorer l’absence de représentants d’une opposition qui a, officiellement, obtenu 45% des suffrages exprimés, et souligné le risque que peut revêtir à Djibouti comme en Afrique le non-respect de la transparence électorale et des règles de jeu de la démocratie. Car, c’est pratiquement près de la moitié de la population qui n’est pas représentée au sein de cette chambre de mal-élus.
Répondant à la question sur l’énorme déséquilibre économique et sanitaire entre la capitale et les régions, le Président se retranche derrière ses origines (sous le colon) sans expliquer le pourquoi de sa permanence après 27 ans d’indépendance. Bien entendu, depuis ces temps la capitale a enregistré un boom économique à tel point que le régime aurait oublié de définir les atouts et les dispositions économiques susceptibles d’offrir une chance de développement à chacune de nos régions de l’intérieur. Se disant attendre l’effet de levier économique à travers la décentralisation, il est important de rappeler aux lecteurs que la décentralisation régionale était posée par les textes issus de l’indépendance et que celle qu’il évoque ici relève de son allergie à tout ce qui peut impulser une quelconque dynamique de développement de nos districts. Ce qui implique la persistance d’une flagrante injustice demeurant à l’encontre de nos populations rurales.
Pareillement, la diplomatie djiboutienne relève, elle aussi, de cette même duplicité servant de cadre à toute action politique. Une réalité qui se vérifie par la teneur des propos du médiateur national affirmant que les accords de paix intersomaliens de Mbagathi au Kenya seraient la continuité de ceux d’Arta. Ce qui n’est pas vrai du tout ; la paix d’Arta avait échoué pour deux raisons simples : premièrement parce que le Président de la République avait refusé toute participation des chefs de guerre à sa conférence ; ensuite du fait de l’importante divergence sur ce dossier somalien opposant les États de la sous-région (Igad et Arabes). Aussi, dans ce contexte politique incertain, le Somaliland ne pouvait rester ignoré par ses voisins, en premier Djibouti, gênée par l’évolution pacifique de cette République auto-proclamée. Une situation compromettante pour la réussite du plan de paix djiboutien, qui n’a pas voulu diplomatiquement soutenir pendant plus d’une décennie le vœu du voisin somalilandais, ce dernier comptant plus sur nous en raison de l’interdépendance culturelle et économique par rapport à son autre grand voisin, l’Éthiopie. Ce qui dément donc la neutralité djiboutienne et la non-ingérence dans les affaires des États voisins lesquels n’accordent d’ailleurs aucun crédit à notre diplomatie, faite de tergiversations. Discrédit qui la frappe également dans le dossier soudanais.
La situation économique et sociale constitue notre troisième observation. La persistance de la crise économique est aujourd’hui ressentie par tous les citoyens et plus particulièrement par les faibles revenus. Au lieu de donner d’expliquer l’état réel de sa politique économique et sociale, responsable de l’accentuation de la paupérisation du peuple djiboutien, le Président va à contre-courant de la réalité du pays. Ceci en raison de l’absence totale de tout projet politique fiable, il disserte sur sa croyance en une réussite économique et sociale du pays, ce qui ne relève même pas de la méthode Coué. De l’ensemble du questionnaire et des réponses, il ressort une contradiction fondamentale.
Celle qui réside tout d’abord dans la présentation de Djibouti comme étant un pays fier (de par son régime) d’avoir trouvé enfin le chemin du développement socio-économique (réponses 1, 2, 3, 4) et les souhaits d’aides attendues des pays du nord exprimés fortement dans les réponses 11 et 12.
Au bout de six ans de pouvoir, il est clair que les perspectives de développement emportent plus sur les réalisations palpables. En effet, abstraction faite de l’opacité entretenue sur les revenus générés par le port et l’aéroport, dits en pleine expansion, outre les aides et les prêts qui oscillent à plus de 70 milliards de nos francs, le budget de l’État pour l’année en cours avait tablé sur 43 milliards FD.
Or, il est sûr que si les salaires sont versés plus ou moins par rapport aux années antérieures, le reste des recettes demeure inexpliqué. La paupérisation croissante de la population étant visible à l’œil nu eu égard à l’état de la santé, de l’éducation, de l’énergie, de l’eau, … Les aides directes de l’ordre de 200 millions de dollars soit 35,6 milliards FD (réponse 5) octroyées par les pays arabes pour des projets de développement, ne semblent pas avoir soulagé le peuple djiboutien, au même titre que les redevances des armées étrangères présentes sur notre territoire. La situation économique et sociale est telle que les multiples prélèvements consolidés dans un seul impôt obèrent tout redressement économique et toute amélioration des conditions de vie de la population.
Aucune politique favorable à la création d’entreprises comme la définition d’un cadre juridique incitatif à l’investissement étranger n’étant initiée, le Président ne semble pas avoir réalisé que depuis son inauguration de la zone franche outre lesdits investisseurs du Golfe, concessionnaire des lieux, l’ensemble du complexe à l’avenir prometteur reste vide. Si cadre juridique il y a, c’est seulement celui responsable de l’appauvrissement de nos travailleurs avec les lois antisociales de Da’ach et les pratiques déjà expérimentées mais seulement consolidées par le nouveau code du travail. De là à dire que Djibouti est en phase de réduire la pauvreté, de créer des emplois, il faut peut-être plus que cela… Les perspectives d’avenir d’un peuple ayant entamé d’ores et déjà le chemin du développement nous semblent irréelles. D’autant plus que le promoteur du projet de Doraleh comme celui de la zone franche avait annoncé la couleur d’une future transformation de l’état économique du pays qui servirait d’Eldorado aux futurs travailleurs étrangers n’exigeant ni salaire décent, ni couverture sociale, ni logement salubre.
Si Dubaî a prospéré avec cette main-d’œuvre à bon marché, c’est que ce pays a des ressources énergétiques convoitées. Qu’offrent le Président et le Copilote ?
LA QUINTESSENCE DU VIDE
Voici les réponses inspirées du chef de l’Etat aux questions du journaliste peu inspiré de « Jeune-Afrique/L’Intelligent ».
« LE Xème SOMMET DOIT AFFRONTER LA FRACTURE NUMERIQUE »
Ismaël Omar Guelleh
Solidarité francophone, coopération avec le Nord, ambitions économiques, conflits régionaux…
Le chef de l’État djiboutien se livre à un vaste tour d’horizon.
Quelle est votre principale fierté, cinq ans après votre élection à la tête du pays ?
Notre fierté est d’avoir contribué à placer notre pays sur le chemin du développement socio-économique.
Pouvez-vous évaluer la dimension et le rayonnement francophones de Djibouti, au milieu d’un océan d’anglophones ?
Pour mes compatriotes, la Francophonie est une seconde nature. Ce n’est pas uniquement une question de langue même si le français est une de nos deux langues officielles, avec l’arabe. La dimension est plus large, culturelle : les Djiboutiens ont le sentiment que, dans la famille francophone, la diversité culturelle est non seulement respectée mais entretenue. Enfin notre condition d’ « îlot francophone entouré d’un océan anglophone » contribue à créer des liens solides avec le reste de la famille francophone en Afrique, en Europe ou ailleurs.
Cela fait deux ans que votre pays a démarré la construction du nouveau port de Doralé, doté d’une ambitieuse zone franche. Quels en sont les premiers bilans et perspectives ?
Il est très tôt pour faire le bilan d’un chantier qui n’en est qu’à ses débuts. Notre pays a une vocation d’échange, de services. Car nous sommes au carrefour de l’Afrique, de la péninsule Arabique et de l’Asie. Le port de Doralé et la zone franche vont dans le sens de l’intégration de notre pays dans le commerce régional, voire international. Cela aura bien sûr des retombées en matière d’emplois, de réduction de la pauvreté, mais également d’infrastructures.
Au-delà des activités de commerce et de transit, Djibouti peut-il réussir son pari de devenir le Singapour financier de l’Afrique?
Avec le méga projet de Doralé, le port et la zone franche, nous changeons de dimension économique; nous entrons à coup sûr dans une nouvelle ère de développement… Allons-nous devenir le Dubaï, ou le Singapour d’Afrique? Une chose est sûre: nous sommes préparés, nous avons mis tous les atouts de notre côté pour attirer les investisseurs. Nous avons élaboré un cadre juridique très favorable à la création et à l’installation des entreprises. Notre monnaie à parité fixe avec le dollar, ainsi que les possibilités de transfert financier en temps réel – mais également notre appartenance à de grands ensembles régionaux comme le Comesa (Marché commun des États de l’Afrique orientale et australe) – sont susceptibles de faciliter les tractations commerciales.
Quelles sont les retombées pour Djibouti de l’explosion des prix du pétrole? Les riches frères arabes manifestent–ils leur solidarité? Qu’en est-il du projet de raffinerie ?
Il est clair que cette montée inexorable du prix du baril constitue un handicap pour notre économie. Le peu de devises que nous engrangeons est utilisé pour stabiliser le prix sur le marché intérieur. Quant à la solidarité de nos frères arabes, elle s’illustre dans plusieurs domaines prioritaires. Rien que ces dernières années, nous avons bénéficié de 200 millions de dollars d’aide directe à des projets de développement. Nous sommes donc très satisfaits… En ce qui concerne le projet de raffinerie, plusieurs parties ont manifesté leur intérêt. J’espère que nous serons fixés d’ici à l’année prochaine.
Djibouti compte des sites naturels et un environnement sous-marin d’une beauté à couper le souffle. A quand donc l’afflux de touristes amateurs de sensations fortes ?
Le développement du tourisme permet de lutter contre la pauvreté. A condition, bien entendu, qu’il ne contribue pas à la dégradation de l’environnement et des écosystèmes. Or de plus en plus de tour-opérateurs programment aujourd’hui la destination Djibouti. C’est le résultat d’une politique de promotion et de communication que nous avons mise en place par l’intermédiaire de l’Onta (Office national du tourisme).
Comment approfondir et élargir encore l’expérience démocratique djiboutienne, notamment dans l’enceinte parlementaire ?
La démocratie est un perfectionnement de tout instant. Notre pays, depuis la Constitution de 1992, s’est doté d’instruments qui permettent une pratique saine et transparente de « l’impératif » démocratique. Nous continuerons dans cette voie, car il n’y a pas d’alternative. Quant à l’Assemblée nationale, il faut souligner que c’est la première fois depuis notre indépendance qu’une coalition de quatre partis y siège. Le débat démocratique y est permanent.
Pour éviter que la capitale ne devienne un îlot de prospérité entouré de misère, n’y a-t-il pas lieu d’investir plus systématiquement, à travers le pays ?
Surtout dans un pays comme le nôtre, qui est tributaire des capitaux étrangers, l’investissement ne se décrète pas. Il obéit à une logique économique et financière. Le déséquilibre entre la capitale et le reste du pays, nous l’avons hérité de la politique coloniale: à l’époque, seul le port de Djibouti présentait un intérêt, dit « stratégique ». Cela dit, nous comptons exploiter les spécificités économiques de chaque région. Le processus de décentralisation politique que nous avons mis en oeuvre ne saurait être viable s’il n’est accompagné d’une décentralisation économique.
Après les initiatives prometteuses – l’accord d’Arta, en 2000, avez-vous fini par baisser les bras dans la recherche d’une solution à la trop longue crise somalienne ?
Nous n’avons jamais baissé les bras. La réconciliation d’Arta a jeté les bases d’un processus qui a abouti aux accords de Mbagathi (Kenya). Arta a servi de dynamique. Elle a permis à la Somalie de se réconcilier avec elle-même. Il convient maintenant d’aider le nouveau président somalien et son gouvernement. J’appelle la communauté internationale à élaborer un programme de sortie de la période post-conflit, le plus rapidement possible. Afin d’éloigner définitivement le spectre des désordres et du chaos.
Que faut-il faire du Somaliland, ce voisin « fantôme » de Djibouti?
Le Somaliland n’est pas un voisin « fantôme », comme vous dites. C’est une entité physique palpable pour les Djiboutiens. Son avenir ne dépend pas de notre pays. Nous avons toujours été partisans de la non-ingérence dans les affaires internes de nos voisins. Il leur appartient de décider de leur destinée.
Djibouti peut-il contribuer à atténuer les tensions entre Washington et Khartoum ? Quelles seraient les bases durables d’une solution aux conflits du Soudan?
Le Soudan est un grand pays, pas seulement géographiquement. La stabilité de ce pays frère aura des retombées positives sur l’ensemble de la Corne de l’Afrique. Nous avons donc tous intérêt à ce que la crise au Darfour trouve une issue négociée, comme celle qui se dessine pour le Sud-Soudan. Les efforts d’arbitrage déployés par I’Union Africaine avec le soutien des grandes puissances vont, j’en suis persuadé, aboutir. La Communauté internationale dans son ensemble, y compris Washington, doit privilégier cette approche. Car il ne s’agit pas de déstabiliser davantage le Soudan ; il faut l’aider à consolider le processus de réconciliation.
Êtes-vous satisfait de la coopération avec les pays du Nord pour un « développement durable » ?
Souvent le Nord se contente des effets d’annonce. Cela s’est vu dans la lutte contre le sida, mais également à propos du Nepad, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique. Nous attendons du Nord qu’il soit sensible à nos priorités et qu’il nous aide en conséquence.
En matière de transfert des technologies – et, notamment, pour combler le fossé numérique-, la famille francophone ne doit-elle pas adopter un plan d’action urgente, qui dépasse les vœux pieux?
La fracture numérique est une réalité. Elle accélère la marginalisation des pays pauvres sur « le marché » de la mondialisation. La famille francophone doit réagir à cette situation, car l’accès aux nouvelles technologies pourrait intensifier les échanges culturels. J’espère qu’à Ouagadougou des mesures concrètes seront arrêtées pour accéder à un instrument indispensable au développement durable.
Arafat devant l’ONU (3)
DEVANT L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
GENÈVE 13 DÉCEMBRE 1988 (3)
Voici la dernière partie du discours prononcé par le regretté Arafat. En demandant l’indulgence de nos lecteurs : la Cause incarnée par ce grand homme mérite bien une telle longueur.
Il m’importe ici, au moment de répéter cette proclamation historique devant famille des nations et maintenant qu’elle est devenue un document officiel des Nations Unies, d’affirmer qu’il s’agit d’une décision sur laquelle nous ne reviendrons jamais et que nous n’arrêterons pas d’œuvrer à sa réalisation pour venir à bout de l’occupation et pour que notre peuple exerce sa souveraineté dans son État.
Cet État de Palestine est l’État des Palestiniens où qu’ils soient. Ils pourront y développer leur identité nationale et culturelle. Ils y jouiront de la pleine égalité des droits et de leurs convictions religieuses et Politiques, ainsi que de leur dignité humaine. Ils y seront protégés par un régime parlementaire et démocratique fondé sur les principes de la liberté d’opinion, la liberté de constituer des partis, la prise en considération par la majorité des droits de la minorité et le respect par la minorité des décisions de la majorité, la justice sociale, l’égalité et l’absence de toute discrimination dans les libertés publiques sur la base de la race, de la religion, de la couleur, ou entre la femme e l’homme, à l’ombre d’une constitution qui assure la primauté de la loi et l’indépendance de la justice, en totale fidélité à l’héritage spirituel de la Palestine, patrimoine fait de tolérance et de cohabitation entre les religions à travers les siècles.
L’État de Palestine est un État arabe, son peuple fait partie intégrante de la nation arabe, de son patrimoine, de sa civilisation et de ses aspirations au progrès social, à l’unité et à la libération. Il se réclame de la Charte de la Ligue des États arabes, de la Charte de l’ONU, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des principes du non-alignement..
Cet État est épris de paix et attaché aux principes de la coexistence pacifique ; il oeuvrera de concert avec tous les États et tous les peuples pour instaurer une paix permanente basée sur la justice et le respect des droits.
Cet État croit à la résolution des conflits régionaux et internationaux par des moyens pacifiques, en application de la Charte des Nations Unies et de leurs résolutions. Il rejette la menace de l’usage de la violence, de la force et du terrorisme, leur utilisation contre la sécurité de son propre territoire ou contre son indépendance politique, ou contre l’intégrité territoriale de tout autre État, sans porter atteinte à son droit naturel à défendre son territoire et son indépendance. Cet État croit que l’avenir ne réserve que la sécurité à ceux qui auront agi justement, ou auront aspiré à la justice.
Voici l’État de Palestine que nous avons proclamé et que nous oeuvrerons à concrétiser, pour qu’il prenne sa place entre les autres pays, qu’il participe et innove dans l’édification d’un monde libre oÙ règnent la justice et la paix. Notre État aura son gouvernement provisoire, avec l’aide de Dieu, dans les plus brefs délais. Le Conseil national palestinien a chargé le Comité exécutif de l’OLP d’assumer les responsabilités de ce gouvernement provisoire en attendant sa formation. Pour concrétiser cette décision, notre Conseil national palestinien (CNP) en a adopté une série d’autres dont il importe de souligner ici les plus importantes, pour confirmer notre détermination à aller de l’avant avec sérieux dans la voie de la juste solution pacifique, et à déployer les plus grands efforts pour sa réussite.
Notre Conseil national a affirmé la nécessité de la tenue de la conférence internationale sur la question du Moyen-Orient, dont le cœur est la question de Palestine, sous l’égide des Nations Unies et avec la participation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que de toutes les parties au conflit dans la région, y compris l’OLP, unique représentant légitime du peuple palestinien, sur un Pied d’égalité. Ceci en considérant que la conférence internationale se tiendra sur la base des deux résolutions du Conseil de sécurité 242 (1967) et 338 (1973), ainsi que sur la base de la garantie des droits nationaux et politiques légitimes du Peuple palestinien, au premier rang desquels son droit à l’autodétermination.
Notre Conseil national a également affirmé la nécessité du retrait d’Israël tous les territoires palestiniens et arabes qu’il a occupés en 1967, y compris la Jérusalem arabe, l’établissement de l’État palestinien et l’abolition de toutes 1es mesures de rattachement et d’annexion, ainsi que le démantèlement des colonies édifiées par Israël dans les territoires palestiniens et arabes depuis 1967. Toutes ces exigences ont été formulées par les sommets arabes, et particulièrement par les sommets arabes de Fès et d’Alger.
Notre Conseil national a affirmé la nécessité d’œuvrer pour placer les territoires palestiniens occupés, y compris la Jérusalem arabe, sous la tutelle des Nations Unies pour une Période limitée. Ce pour protéger notre peuple et créer un climat propice à la réussite des travaux de la conférence internationale, ce pour parvenir à un règlement Politique global et instaurer la sécurité et la paix pour tous, peuples et États, au Moyen-Orient, à travers l’acceptation et le consentement mutuels, et afin de permettre à l’État de Palestine d’exercer son autorité effective sur ces territoires. Tout ceci également a été affirmé dans le 8 décisions issues des sommets arabes. Notre conseil a aussi affirmé la nécessité de résoudre la question des réfugiés palestiniens, conformément aux décisions des Nations Unies. Il a également affirmé qu’il garantirait la liberté de croyance et de culte dans les Lieux saints de Palestine pour les adeptes de toutes les religions. Notre Conseil national a également confirmé ses décisions précédentes concernant les relations spéciales et privilégiées entre les deux peuples frères, jordanien et palestinien, et que la relation future entre l’État de Palestine et 1e Royaume Hachémite de Jordanie se fera sur une base confédérale, selon le principe du choix volontaire et libre des deux pays frères. Ceci pour consolider les liens historiques et les intérêts vitaux qui les réunissent.
Le Conseil national a renouvelé sa conviction que le Conseil de sécurité des Nations Unies devait établir et garantir les dispositions de la sécurité et de la paix entre tous les États parties au conflit dans la région.
Je tiens à souligner ici que ces décisions, ainsi qu’il ressort clairement de leur contenu et de leur formulation, reflètent la fermeté de notre foi dans la paix et la liberté, ainsi que notre profonde conscience du climat de détente internationale, et de l’attachement de la communauté internationale à des solutions équilibrées qui répondent aux aspirations et aux intérêts fondamentaux des parties au conflit. Ces décisions reflètent également le degré de sérieux de la position palestinienne au sujet de la paix, son attachement à la paix et la nécessité de la garantir et de la préserver par le biais du Conseil de sécurité, et sous l’égide des Nations Unies.
Ces résolutions apportent une réponse claire et ferme à tous les alibis et les prétextes colportés par certains États au sujet de la position et de la politique de l’Organisation de libération de la Palestine. Alors que notre peuple, par son soulèvement comme par l’intermédiaire de ses représentants au Conseil national, votait pour la paix, confirmant son accord avec la tendance dominante elle-même consolidée par la détente nouvelle dans les relations internationales, propice à la Solution des conflits régionaux et mondiaux par des moyens pacifiques, le Gouvernement israélien, pour sa part, alimente les tendances agressives et expansionnistes ainsi que le fanatisme religieux, confirmant son obstination à choisir l’agression et à nier les droits de notre peuple.
La partie palestinienne a formulé de son côté des positions politiques claires et responsables, conformes à la volonté de la communauté internationale pour aider à la tenue et à la réussite des travaux de la Conférence internationale de paix.
L’appui international, courageux et bienvenu, à la reconnaissance de l’État Palestine est la preuve éclatante de la justesse de la voie que nous avons choisie de la crédibilité de nos résolutions et de leur conformité avec la volonté et l’amour de la paix qui animent la communauté internationale.
En dépit de notre grande estime pour ces voix américaines libres qui ont pris l’initiative d’expliquer et de justifier notre position et nos résolutions, l’administration américaine se refuse toujours à appliquer des critères uniques toutes les parties au conflit et continue à nous imposer -et à nous seuls – l’acceptation de positions qui ne sauraient être tranchées avant la négociation et le dialogue dans le cadre de la conférence internationale.
Je tiens ici à rappeler que reconnaître aux deux parties au conflit l’égalité des droits sur la base de la réciprocité constitue la seule approche qui réponde aux diverses interrogations, d’où qu’elles viennent. Et si les Politiques pratiquées sur le terrain reflètent les intentions de ceux qui les conduisent, 1a partie Palestinienne a plus de raisons de s’inquiéter et de s’interroger au sujet de son propre sort et sur son avenir face à un État d’Israël bardé des armes les plus modernes, y compris des armes nucléaires.
Notre Conseil national a renouvelé son engagement vis-à-vis des résolutions des Nations Unies qui affirment le droit des peuples à résister à l’occupation étrangère, à la colonisation et à la discrimination raciale ainsi que leur droit à lutter pour l’indépendance. Il a également renouvelé son refus du terrorisme sous toutes ses formes, y compris le terrorisme d’État, confirmant par là son adhésion aux décisions prises à ce sujet : la résolution du sommet arabe d’Alger en 1988, les deux résolutions des Nations Unies, 42/159 de 1987 et 40/61 de 1985, ainsi que ce qui figure à ce sujet dans la Déclaration du Caire du 7 novembre 1985. Cette position est claire et sans équivoque. En dépit de cela, je réaffirme ici une fois encore, en ma qualité de président de l’OLP, que je condamne le terrorisme sous toutes ses formes.
Je salue tous ceux que je vois face à moi dans cette salle, gui ont un jour été accusés d’être des terroristes par leurs bourreaux et leurs colonisateurs au cours des combats menés dans leurs pays pour les libérer du joug de la colonisation. Ce sont aujourd’hui des dirigeants investis de la confiance de leurs peuples et de fidèles et sincères partisans des principes et des valeurs de la justice et de la liberté. Un grand salut aux martyrs qui sont tombés, victimes du terrorisme et des terroristes, au premier rang desquels le compagnon de ma vie, mon adjoint, le martyr-symbole Khalil el Wazir, ainsi que tous les martyrs tombés dans les massacres infligés à notre peuple dans les lieux les plus divers, dans les villes, les villages et les camps de Cisjordanie, de Gaza et du Liban.
La situation dans notre patrie palestinienne ne souffre plus l’attente. Les masses de notre peuple et nos enfants sont à la tête du cortège, portant le flambeau de la liberté, tombant quotidiennement dans la lutte pour chasser les occupants et consolider les fondements de la paix dans leur patrie libre et indépendante aussi bien que dans la région tout entière. Le Conseil national palestinien a ainsi fondé ses résolutions sur le réalisme, prenant en considération les circonstances particulières aux Palestiniens et aux Israéliens ainsi que la longue histoire de tolérance qui les a unis dans le passé.
Les Nations Unies ont à l’égard de notre peuple et de ses droits une responsabilité historique exceptionnelle. Voici plus de 40 ans que les Nations Unies ont décidé, sur la base de la résolution 181 (Il), d’établir deux Etats en Palestine, l’un arabe palestinien et l’autre juif. Et nous voyons qu’en dépit de l’injustice historique qui a frappé notre peuple, cette résolution assure aujourd’hui encore les conditions de légitimité internationale qui garantissent le droit du peuple arabe palestinien à la souveraineté et à l’indépendance nationale.
L’accélération du processus de paix dans la région requiert un effort exceptionnel de la part de toutes les parties concernées et de leurs partenaires internationaux. Je citerai plus précisément les Etats-Unis d’Amérique et l’Union soviétique, investis d’une grande responsabilité vis-à-vis de la cause de la paix dans notre région.
A cette étape, le rôle des Nations Unies et des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, celui des blocs et des instances internationales est vital et crucial. C’est pourquoi, j’ai l’honneur, en ma qualité de président du Comité exécutif de l’OLP, qui assume momentanément les responsabilités du gouvernement provisoire de l’Etat de Palestine, de vous présenter l’initiative de paix palestinienne suivante.
Premièrement, que de sérieux efforts soient déployés pour réunir le Comité préparatoire de la Conférence internationale de paix au Moyen-Orient, sous l’égide du Secrétaire général des Nations Unies, et ce, sur la base de l’initiative des deux Présidents, Gorbatchev et Mitterrand, qui a reçu l’appui de nombreux Etats et que le Président Mitterrand a eu l’obligeance d’exposer devant votre assemblée à la du mois de septembre dernier – initiative préludant à la tenue de la Conférence internationale, qui est appuyée par la totalité des Etats dans le monde, à l’exception du Gouvernement d’Israël.
Deuxièmement, partant de notre foi en le rôle vital des Nations Unies et fort de la confiance que nous accordons à la légalité internationale, nous réclamons une action visant à mettre notre terre palestinienne occupée sous la tutelle momentanée des Nations Unies : que s’y déploient des forces internationales qui protègent notre peuple en même temps qu’elles supervisent le retrait des troupes israélien de notre patrie.
Troisièmement, l’Organisation de libération de la Palestine recherchera un règlement pacifique global avec les parties concernées au conflit arabo-israélien, y compris l’État de Palestine, Israël et ses autres voisins, dans le cadre de la conférence internationale de paix au Moyen-Orient, sur la base des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité, de façon à garantir l’égalité et l’équilibre des intérêts et, tout particulièrement, le droit de notre peuple à la liberté et à l’indépendance nationale, ainsi que le respect du droit de toutes les parties au conflit, comme je viens de le dire, à exister dans la paix et la sécurité.
Si ces bases sont adoptées lors de la conférence internationale, nous aurons franchi une étape essentielle en direction de la solution juste, ce qui permettrait de parvenir à un accord sur l’ensemble des dispositions et des arrangements de sécurité et de paix.
J’espère qu’il est bien clair que notre peuple palestinien, qui aspire à la réalisation de ses droits nationaux légitimes, à l’autodétermination, au retour et à la fin de l’occupation de la terre de sa patrie palestinienne, tient à réaliser ces objectifs en continuant à avancer sur la voie pacifique, dans le cadre de la conférence internationale tenue sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies et conformément à sa charte et à ses résolutions. J’affirme que nous sommes un peuple qui aspire à la paix, comme tous les peuples de la terre, peut-être avec un peu plus d’ardeur, étant donné la longueur de cette épreuve tout au long de ces années et la dureté de la vie que mènent notre peuple et nos enfants, qui ne peuvent jouir d’une vie normale, à l’abri des guerres, des malheurs, de la souffrance et de l’exil, de la dispersion et des difficultés de la vie quotidienne. Que s’élèvent des voix pour soutenir le rameau d’olivier, pour appuyer la pratique de la coexistence pacifique et pour renforcer le climat de détente internationale. Joignons nos mains et nos efforts pour ne pas laisser passer une occasion historique, qui pourrait ne pas se représenter, de mettre fin à un drame qui n’a que trop duré et qui a coûté le sacrifice de milliers de vies et la destruction de centaines de villages et de villes.
Et si nous tendons la main vers le rameau d’olivier, le rameau de la paix, c’est parce que celui-ci se répand dans nos cœurs à partir de l’arbre de la patrie et de la liberté.
Je suis venu à vous au nom de notre peuple, la main ouverte, pour que nous œuvrions à instaurer une paix véritable, une paix bâtie sur la justice. Sur cette base, je demande aux dirigeants d’Israël de venir ici, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, pour que nous accomplissions cette paix. Et leur dis, tout comme je vous le dis : notre peuple désire la dignité, la liberté et la paix. Il désire la sécurité pour son État tout comme il la désire pour tous Etats et parties au conflit arabo-israélien.
Je m’adresse ici tout particulièrement aux Israéliens de toutes les catégories, de tous les courants et de tous les milieux et, avant tout, aux forces de la démocratie et de la paix, et je leur dis : Venez ! Loin de la peur et de la menace, réalisons la paix, loin du spectre des guerres ininterrompues depuis 40 dans le brasier de ce conflit, loin de la menace de nouvelles guerres, qui n’auraient d’autre combustible que nos enfants et vos enfants, venez, faisons la paix, la paix des braves, loin de l’arrogance de la force et des armes de la destruction, loin de l’occupation, de la tyrannie, de l’humiliation, de la tuerie et de la torture.
Je dis : « O gens du Livre, retrouvez-vous en une seule parole», pour que nous établissions la paix sur la terre de la paix, la terre de Palestine. « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! »
Mon Dieu, Tu es la Paix. La Paix vient de Toi. la Paix aboutit à Toi. Seigneur, fais-nous vivre dans la paix et accéder au Paradis, ta demeure, la demeure de la Paix.
Enfin, je dis à notre peuple : l’aube, inéluctablement, vient, et la victoire elle aussi, est déjà en chemin. Je vois la patrie dans vos pierres sacrées ; je vois le drapeau de notre État palestinien indépendant flotter sur les hauteurs de la patrie bien-aimée.
Je vous remercie et vous salue, avec la miséricorde de Dieu, et ses bénédictions.
Le citoyen djiboutien est-il immatriculé TT ?
Si un régime aussi impopulaire que celui du parti au pouvoir arrive encore à exister ici, c’est surtout parce que tous les citoyens ne se sentent pas égaux en droit devant les responsabilités qu’implique le fait de se considérer comme djiboutien. Pour en finir avec ce despotisme et cette division, nous devons tous avant tout revendiquer notre droit le plus fondamental et le plus inaliénable : celui d’être d’un citoyen voulant vivre en égalité avec les autres et dans leur respect. Car, le risque réel de reprise du conflit civil n’apportera aucune solution miracle à ce déficit de citoyenneté.
A la fin des années 70, lorsque la couleur de l’oppression commençait à virer au noir, la population djiboutienne, qui ne manque pas d’humour, avait réussi à faire coïncider les lettres A, B et C des véhicules administratifs en signes de proximité par rapport au nouveau pouvoir post colonial. Aujourd’hui, l’on se rend compte avec gravité que cette ségrégation entre automobiles d’État et entre citoyens (qui les conduisent ou pas) est tellement intériorisée et banalisée qu’aucune opposition sérieuse, fondant son action non pas sur des élections truquées mais sur la mobilisation citoyenne, ne peut l’ignorer si elle veut véritablement canaliser et fédérer le mécontentement général. Car ne peut être mobilisé que celui qui est conscient de ses devoirs de citoyen, considérant que la terre lui appartient autant qu’à d’autres. Ce qui signifie que, si un parti-Etat n’a surtout pas besoin de vrais citoyens pour pérenniser son oppression, il n’en est pas de même pour l’opposition démocratique qui ne peut exister que si et seulement si le citoyen responsable existe et s’assume.
Quelles sont alors les caractéristiques des différentes composantes d’une population djiboutienne dont la cohabitation, dans les actuelles limites territoriales, découle pour ainsi dire d’un acte fondateur sui generis imposé par l’installation de la puissance coloniale ? La principale, c’est que les origines de ce peuplement provoqué par la construction du chemin de fer franco-éthiopien et donc de la ville de Djibouti, sont diverses. Contre l’idée candide d’un melting-pot tolérant, il convient de rappeler que ce sont des logiques tribales préexistantes d’agrégation communautaire qui sont au principe de la constitution des quartiers de la Capitale : les premières zones d’habitat intercommunautaire étant les cités Lher et Einguela. Certes, la domination coloniale s’est plus ou moins traduite par la construction d’une identité djiboutienne qui, bien que fluctuant en fonction des circonstances politiques, n’en était pas moins réelle que la singularité des anciennes cités commerciales de Zeyla ou de Harar. Identité qui s’est justement renforcée dans la résistance à cette présence coloniale : en rupture avec la politique de division en vertu de laquelle les citoyens étaient de première ou de seconde classe, indigènes ou allogènes, tous espéraient que l’Indépendance nationale serait synonyme d’égalité entre les citoyens, sans aucune distinction d’origine régionale, ethnique ou tribale.
Hélas : au prétexte de prévenir tout risque de dérive identitaire préjudiciable à la construction d’une conscience nationale dont il s’est érigé en promoteur exclusif, le parti au pouvoir s’est autoproclamé unique, instaurant dans la pratique une hiérarchisation des citoyens allant de pair avec leur cloisonnement. Politique d’apartheid version locale qui est directement à l’origine du conflit civil en 1991. Conflit dont la pertinence nationale avait été démontrée par la première forme d’opposition pluriethnique regroupant l’ensemble des composantes du pays : le Front Uni de l’Opposition Djiboutienne (FUOD). Dans cette perspective unitaire, le FRUD ne devenait que le bras armé de toutes les aspirations populaires à la justice et à l’égalité. Ceux qui ont vécu cette période dans la Capitale se souviennent avec nostalgie de leur légitime fierté de participer à l’affirmation d’un intérêt général transcendant les traditionnels clivages ethniques et tribaux. C’était, pour les franges dont la marginalisation à l’époque coloniale avait été reconduite à l’Indépendance, le moyen de revendiquer leur citoyenneté bafouée, la sinistre catégorie des Kaar-Damer n’étant que la partie la plus brutalement visible d’un déni plus général.
C’est dans ce cadre qu’il convient de replacer la capitulation d’une dissidence en 1994 au sein de la guérilla : en faisant croire que le conflit ne concernait contre une autre qu’une seule composante de la communauté nationale dont les représentants armés allaient, sous diverses modalités, participer à l’arbitraire en place, l’accord d’Ab’a a principalement porté atteinte à la dynamique unitaire du FUOD. S’il est normal que la résistance soit proportionnelle à l’oppression et que certains en viennent plus que d’autres à sacrifier leur vie, le seul enjeu crédible ne peut être que national : aucune composante de notre communauté nationale n’a jamais prétendu qu’elle pourrait vivre ici au détriment des autres, en profitant de toute la redistribution des richesses du pays.
Aujourd’hui, cette démobilisation traumatise encore les esprits. Ce n’est pas un hasard si certains accordent moins d’importance à ce qui se passe ici que dans la région : le régime fait sentir que tous ne sont pas complètement chez eux en République de Djibouti, ne serait-ce qu’en leur choisissant des « représentants » qu’ils ne reconnaissent nullement comme légitimes et que certains sont plus citoyens que d’autres, à la recherche d’un espace vital à conquérir aux dépens des populations voisines dans la région. C’est cette apathie pour l’action collective locale que l’opposition démocratique doit combattre. Pour cela, elle doit rassurer les uns et les autres sur la dimension nationale de sa lutte, comme l’avait réussi le regretté Ahmed Dini qui, pour avoir proclamé l’Indépendance, n’avait jamais été soupçonné de vouloir porter atteinte à l’unité d’un pays à la naissance duquel il avait tant contribué.
C’est en cela que les intolérables violations de l’accord de paix qu’il a signé avec le régime le 12 mai 2001 reconduisent les conditions d’un inévitable affrontement armé à venir, que seule une mobilisation pacifique de tous les citoyens peut contribuer à éviter. L’avenir de notre pays dépend de cette prise de conscience citoyenne. Autrement, cela reviendrait à dire qu’une importante partie de notre population s’estime être sur notre territoire national en situation de transit temporaire (TT).
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