Réalité numéro 114 du mercredi 24 novembre 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 114 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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EDITORIAL
LA CAROTTE MOINS QUE LE BÂTON :
LES TRIBULATIONS DU FONCTIONNAIRE DJIBOUTIEN
Ne pas le relever serait un manque de respect indigne de tout organe de presse à l’écoute des lecteurs : il arrive au journal gouvernemental « La Nation » de publier des courriers qui incitent vraiment à la réflexion. C’est le cas du billet paru dans son édition de jeudi dernier sous le titre évocateur de « Ni carotte ni bâton », dans lequel l’auteur se penche sur les dysfonctionnements de l’administration djiboutienne.
La thèse centrale est expédiée en trois phrases : « Même si, parfois, il y a une part de vérité, les fonctionnaires ne sont pas les victimes qu’ils prétendent être. Un fonctionnaire est avant tout une personne qui rend service à l’État en échange d’un salaire. Son statut lui fait obligation de respecter des horaires stricts, ainsi que d’observer un devoir de réserve ». A la précaution circonstancielle près, le fonctionnaire djiboutien y est dépeint comme un parasite payé pour ne rien faire : seule une poignée travaillerait effectivement pour combler un déficit de productivité dont le premier responsable serait « le clientélisme et le népotisme », les deux mamelles de la mauvaise gouvernance. Et l’oisiveté tant mère de tous les vices, le fonctionnaire n’ayant aucune obligation de rendement passerait son temps à parler politique, nirvana qu’il espère atteindre comme d’autres à force de courbettes.
Sur le fond, l’auteur a bien raison de s’inquiéter du faible rendement de l’administration locale car, sans administration efficace, point d’État. Ce qui signifie l’inexistence pure et simple de l’arbitre impartial, garantissant l’intérêt général, qui fonde toute coexistence pacifique. Pourtant, le seul examen de l’évolution exponentielle du nombre de « conseillers techniques » affectés à la Présidence aurait dû conduire l’auteur de ce billet à ne pas inverser cause et effet. Dans une telle perspective, il serait inapproprié de parler de carotte : le bouc (émissaire) reçoit surtout des coups de bâton, quoique broutant une herbe qui n’est pas forcément du khat. La défaillance bureaucratique est ici imputable aux caractéristiques d’un régime politique fondé sur l’usurpation et l’arbitraire.
Usurpation tout d’abord. Au moins, du temps du parti unique, les choses étaient simples : pas de compétition électorale. Mais, peut-être parce qu’une grande partie de sa classe politique avait débuté dans l’administration coloniale, il y avait alors un certain sens de l’État : si la « notation administrative », le « conseil de discipline » ou encore les « critères de récompenses » ont aujourd’hui disparu, c’est bien la preuve qu’ils existaient, comme l’aurait démontré Lapalisse. Car, avant 1992, même la loi dite de mobilisation générale, embrigadant tout citoyen (et a fortiori tout fonctionnaire) au service du parti unique, n’avait pas provoqué la paralysie bureaucratique observable de nos jours. C’est qu’à l’heure actuelle, le fonctionnaire est aussi virtuel que l’électeur, parce qu’un régime issu de la fraude électorale ne peut exiger de qui que ce soit un rendement auquel il n’est lui-même pas astreint, comme en témoigne la seule opacité dans la gestion des deniers publics. D’autant plus qu’étant perpétuellement en quête de soutien, il subordonne l’avancement des fonctionnaires à leur docilité partisane : ce n’est pas un hasard si les vrais syndicalistes ont été licenciés dès 1995 et si les cadres de notre parti ont vu leurs salaires suspendus sans avoir été officiellement radiés de la Fonction Publique.
Arbitraire en second lieu : l’autre caractéristique du régime djiboutien depuis 1998 c’est que, justement, rien n’est impossible quand la norme est à géométrie variable. Pire, parce que seul à détenir le pouvoir réglementaire (il assure la promotion du plus petit fonctionnaire comme le recrutement de la plus modeste femme de ménage), la personne du chef de l’Etat est devenue un obstacle quasiment physique à l’application d’un droit impersonnel auquel tout un chacun serait uniformément soumis.
Quand l’arbitraire devient à ce point la règle, il est malheureusement normal que le fonctionnaire attende tout d’un passe-droit, établi de façon partisane, plutôt que d’un droit dont rêve le démocrate. Dans cet assassinat de l’intérêt général par lequel le chef de l’État promeut sans contrôle ni contrepouvoir des intérêts personnels et privés, il est presque normal que le fonctionnaire, mû par l’instinct de survie, se désinvestisse de sa mission d’intérêt général et préfère une danse du ventre plus lucrative et dans l’air du temps : l’administration djiboutienne est devenue un vaste cabaret partisan, auquel ne résistent que les Derniers des Justes, travaillant pour tous les autres.
Lumumba l’avait déjà dit : « Nous avons connu que la loi n’était jamais la même pour tous, selon qu’il s’agissait d’un Noir ou d’un Blanc : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Le travail pour nous, les bénéfices pour vous. Les félicitations pour vous, les punitions pour nous ». Sauf qu’il fustigeait alors l’exploitation coloniale devant le roi Baudouin. Mais le regretté Ahmed Dini l’avait également dit lors de la campagne pour les législatives 2003 : « Les peuples africains doivent être libérés deux fois : d’abord de la colonisation, puis du parti-Etat ». C’est seulement alors que le fonctionnaire, comme le citoyen, retrouvera sa fierté et qu’il pourra être critiqué: seul un régime usurpateur peut dormir tranquille de son parasitisme. C’est seulement alors que telle plume, autorisée par la censure du parti-Etat, pourra juger de son travail.
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Brèves nationales
Hanlé-Agna :
Le nouveau chantier du génie pastoral
Certaines mauvaises langues prétendaient que le titre de docteur honoris causa en agriculture brillamment et gratuitement décroché à Tokyo par notre génie national ne serait qu’une parure clinquante sans aucune utilité dans le domaine du concret. Elles se tairont, à la vue des travaux pharaoniques menés par l’impétrant dans le district de Dikhil, à Hanlé-Agna précisément. Tel un sourcier à l’œuvre, il a eu l’idée géniale de dévier le cours d’un oued vers une zone buissonnière.
Pour sortir les Djiboutiens de leur ignorance quant aux pouvoirs de leur Leader bien-aimé, une équipe de la RTD a courageusement bravé l’ingratitude notoire de cette contrée pour présenter cette réalisation dans la lutte contre la désertification, pour l’accomplissement de laquelle le candidat solitaire n’a même pas eu besoin des services du Génie Rural. Tout juste a-t-il réquisitionné pour cela un haut fonctionnaire dispensé du devoir de réserve et bombardé chargé de mission partisane pour les doléances pastorales. Les retraités spoliés apprécieront.
La reconnaissance citoyenne étant à la mesure de l’œuvre exceptionnelle, la RTD a généreusement rapporté les propos d’un indigène selon lequel ni l’administration coloniale ni même l’ancien chef de l’État n’avaient fait cela pour développer cette région. La magie n’existant que pour ceux qui veulent bien y croire, toute cette gesticulation était en fait censée démentir une petite brève parue dans nos colonnes la semaine dernière et se faisant l’écho d’un persistant problème de soif dans cette région, largement imputable à une mauvaise gouvernance incapable de remplacer une pompe défaillante d’un forage dans le secteur dénommé Der-Elwa. Comme quoi l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi : même sans titre de docteur honoris causa, il arrive à la presse d’opposition de pointer du doigt des problèmes cruciaux auxquels le candidat à sa propre succession aussitôt prétend remédier, sans plus de transparence quant à l’origine des fonds investis et sans y associer les responsables politiques de la région qu’il s’est pourtant lui-même choisis.
L’on se souvient que lors de son passage à Yoboki, notre agronome volant avait exhorté les populations de Hanlé à abandonner la culture du palmier-doum. Quand on sait que le suc de cet arbre constitue un apport considérable en protéines et en vitamines, surtout pour les femmes ayant accouché et affaiblies par la malnutrition, nous ne pouvons que lui suggérer, pourquoi pas, la construction d’un dispensaire à Agna. Plus tard, nul doute que, dans son infinie bonté, il financera également la construction d’une école d’où sortira peut-être un futur docteur, pas nécessairement honoris causa.
Un oligarque à « Gros Plan » :
Les confidences d’un copilote ?
« Ismaël et moi » : ainsi se résume le discours d’Abdourahman Boreh. L’homme d’affaires « très en vue » depuis quelques années est en effet un très proche du chef de l’État. Invité de l’émission « Gros Plan » vendredi dernier, le golden boy y poursuivait deux objectifs : vendre son projet controversé du port de Doraleh et crédibiliser le candidat solitaire comme le seul sauveur national.
Nos concitoyens téléspectateurs ayant suivi ce plaidoyer électoraliste, estiment que le brillant businessman s’est fourvoyé en voulant booster la campagne de réélection du principal responsable de la régression nationale. Faisant fi du mécontentement général, « l’investisseur » s’est même permis d’approuver le lapsus du journaliste présageant : « quand le Président terminera sa mission dans six ans », octroyant un peu trop facilement un deuxième mandat à son pote de Haramous.
Tout comme il a fait peu de cas des réalités nationales en vantant la stabilité du régime djiboutien, le meilleur système à ses yeux ; on le comprend : les repus n’entendent point les gargouillements des ventres vides.
Lu dans le Nouvel Afrique-Asie :
Djibouti dans l’œil du cyclone
Dans son édition n°182 de novembre 2004, le Nouvel Afrique-Asie a consacré à notre pays l’article suivant :
« La France est présente à Djibouti avec trois mille soldats mais elle n’a plus le monopole de la présence militaire depuis le 11 septembre, avec l’installation de mille cinq cents soldats américains de la force d’intervention rapide. Djibouti est devenu une pièce importante du dispositif américain de lutte antiterroriste en Afrique de l’Est. Les Djiboutiens sont en grande partie hostiles aux Américains à cause de l’invasion de l’Irak, de leur soutien inconditionnel à Sharon et du couvre-feu qu’ils instaurent sur les côtes du Nord, paralysant ainsi toute l’activité de pêche. Le pouvoir en place à Djibouti ne dispose d’aucun soutien dans la région, lâché par son puissant voisin, l’Éthiopie. Le gouvernement de Meles Zenawi lui reproche entre autres sa politique interventionniste en Somalie, son soutien aux opposants oromos en Éthiopie, son intervention armée dans la partie afar de l’Éthiopie et son rapprochement avec l’Érythrée.
L’homme fort de Djibouti est dans l’œil du cyclone de la justice française depuis que la thèse de l’assassinat a été privilégiée dans l’affaire du juge Borel – découvert calciné le 19 octobre 1995 au pied d’une falaise à 80 km de la capitale. L’enquête met en cause l’actuel président Guelleh (chef de cabinet à la présidence et responsable de la sécurité à l’époque), qui avait accusé la France de vouloir déstabiliser Djibouti. Le « bouclier » français de Guelleh semble voler en éclats. Dès le mois d’août 2004, le président a demandé à ses deux plus proches collaborateurs cités dans l’affaire Borel – Hassan Said (directeur de la sécurité nationale) et Mahdi Ahmed Cheik (chef de la gendarmerie) – de ne plus se rendre en France. Le procureur de la République de Djibouti, Djama Souleiman, a refusé de se rendre à la convocation du juge Bellin au palais de justice de Versailles le 30 septembre 2004, à titre de témoin assisté dans le cadre de l’affaire Borel pour subornation de témoin.
Ces trois personnages épinglés par la justice française constituent des pièces maîtresses du système répressif de Guelleh.
Les 8 et 9 juin 2004, une manifestation de taille à Arhiba, quartier important de la capitale, a paralysé pendant deux jours une grande partie de la ville, dénonçant le pouvoir corrompu et réclamant la justice et la démocratie. Un facteur alimente cette désaffection de la population à l’égard du pouvoir : le refus de la part de ce dernier de résorber les causes qui avaient engendré la guerre civile. Les loyers de la base française ont été réévalués de 18 à 30 millions d’euros tandis que l’aide américaine est estimée à 30 millions de dollars. Ces retombées économiques de la présence militaire sont accaparées par le chef de l’État et son entourage. A Djibouti, toute la question maintenant est de savoir si l’opposition dans sa diversité sera capable de s’unir et de présenter une alternative crédible.»
Rien n’y fait donc : malgré les centaines de millions que lui rapporte la location militaire du territoire, le régime ne semble pas encore disposé à assurer à ces forces étrangères la stabilité intérieure sans laquelle leurs missions risquent d’être compromises.
Pour le moment, le régime déstabilise la sous-région.
Campagne ville propre :
Les textes préviennent, les ordures reviennent
A travers ses médias, le régime tente vainement de lutter contre l’accumulation des ordures dans la Capitale, au moyen de textes et de gesticulations tonitruantes. Cette littérature de propagande et autres exhortations ne suffisent pas pour faire reculer le fléau menaçant, principalement dû à la mauvaise gouvernance prédatrice. Ainsi, parmi les textes convoqués, la délibération n°472/6è L dispose que « tout habitant est tenu de balayer régulièrement tous les jours avant huit heures devant sa maison, cour, boutique, jardin ou autre emplacement qu’il possède en jouissance ». De plus, le communiqué du directeur des services techniques du district de Djibouti rappelle que, « en conformité avec la réglementation en vigueur, il est interdit de déverser des ordures ménagères sur la voie publique en dehors des poubelles individuelles ou bacs collectifs ».
Il y a comme un problème car, comble du ridicule, le régime invoque des textes datant d’une époque où notre Capitale était propre, parce que sa population était moins nombreuse et les services publics plus sérieux qu’aujourd’hui.
Si les ordures sont quotidiennement déversées sur la voie publique, cela est dû à deux facteurs : en premier lieu la baisse du civisme, l’État donnant lui-même le mauvais exemple dans tous les domaines, en second lieu parce que le système de prédation en vigueur a fait disparaître les bacs à ordures et autres poubelles publiques.
A preuve : où sont passés les nouveaux de bacs à ordures offerts l’an dernier par la Chine Populaire ? Il se murmure en ville que ces bacs auraient été loués aux forces étrangères présentes dans notre Capitale. Qui a bien pu faire cela et pour le compte de qui ?
Rappelons pour mémoire qu’un seul bac à ordures est mis à la disposition de dizaines de milliers d’habitants des quartiers 4, 5 et 6. Il en est de même pour les autres quartiers populaires croulant également sous les ordures.
Défense des droits de l’homme :
La LDDH soutient l’ARDHD
La Ligue Djiboutienne des Droits Humains a vivement réagi au renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris du procès intenté contre M. Schaal, Président de l’ARDHD. Au nom de la LDDH, son Président Jean-Paul Abdi Noël a tenu à faire la mise au point suivante :
« Par une Ordonnance en date du 4 novembre 2004, la Juge d’Instruction de Paris, sur plainte du Général Zakaria, Chef d’Etat Major des Armées en République de Djibouti, a décidé du renvoi de Jean-Loup SCHAAL Président de l’Association pour le Respect des Droits de l’Homme à Djibouti (ARDHD) devant le Tribunal Correctionnel de Paris. Il lui est reproché d’avoir diffusé sur leur site des documents, témoignages, déclarations et autres rapports mettant à jour des actes répréhensibles de la part de cette Autorité et important Décideur des Affaires Militaires.
Face à cette Décision de Renvoi devant le Tribunal Correctionnel de Paris, il est du Devoir des Défenseurs des Droits de l’Homme en République de Djibouti de témoigner l’entière solidarité à l’égard de Jean-Loup SCHAAL qui combat au quotidien et constamment depuis plus d’une décennie pour le respect et la promotion des Droits de l’ Homme en République de Djibouti.
La Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) a toujours exprimé son soutien à la juste cause que l’ARDHD défend avec vigueur contre les actes répréhensibles en République de Djibouti.
La LDDH avait témoigné ses Hommages au Président Jean-Loup SCHAAL pour ses engagements sans équivoque pour la totale transparence de la gestion djiboutienne dont les contribuables français y participent financièrement.
La LDDH encourage le Président Jean-Loup SCHAAL à continuer ses diffusions d’échanges et de confrontations au sein du site de l’ARDHD (où d’ailleurs le Ministre des Finances et de la Privatisation n’avait pas hésité à demander la publication de son Droit de Réponse à l’encontre d’une diffusion de la LDDH), diffusions d’échanges et de confrontations tant nécessaires pour la Démocratie, tant nécessaires pour une Justice Djiboutienne Totalement Indépendante, tant nécessaires pour mettre fin à une politique foncièrement et sournoisement dictatoriale. »
Dans notre pays où la liberté d’informer reste toute précaire, « Réalité » elle-même poursuivie par le ministre de la Défense, ne peut être que solidaire de toutes les victimes de la chasse aux sorcières.
Arafat devant l’ONU (2)
DISCOURS DE YASSER ARAFAT
DEVANT L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
GENÈVE 13 DÉCEMBRE 1988 (2)
Voici la seconde partie du discours historique prononcé par le regretté Yasser Arafat à la tribune des Nations Unies. La dernière partie sera publiée la semaine prochaine.
Il est triste et regrettable que seul le Gouvernement des États-Unis continue à soutenir et à appuyer ces plans israéliens d’agression et d’expansion, et continue à soutenir Israël dans la poursuite de son occupation de nos territoires palestiniens et arabes, dans la poursuite de ses crimes et de sa politique de main de fer contre nos enfants et nos femmes. Il est également douloureux et regrettable que le Gouvernement américain s’obstine à refuser de reconnaître à six millions de Palestiniens le droit à l’autodétermination, qui est un droit sacré pour le peuple américain comme pour tous les peuples de la terre.
Je rappelle au peuple américain la position du Président Wilson, père de ces deux principes universels qui régissent les relations internationales que sont l’inadmissibilité de l’acquisition du territoire d’autrui par la force, et le droit des peuples à l’autodétermination. Lorsque notre peuple palestinien fut consulté, en 1919, par l’entremise de la Commission King-Crane, ce sont les États-Unis qu’il avait alors choisi pour puissance mandataire mais les circonstances ont fait que ce fut la Grande-Bretagne qui vint prendre cette place. Et je m’adresse aujourd’hui au peuple américain, et je pose cette question : est-il équitable que les principes énoncés à ce propos par le Président Wilson ne soient pas appliqués au peuple palestinien ?
Les administrations américaines qui se sont succédées au cours de ces années savent pourtant pertinemment que l’unique acte de naissance de l’État d’Israël, c’est la résolution 181 (11) de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 29 novembre 1947 avec le soutien des États-Unis et de l’Union soviétique et qui recommandait l’établissement de deux États en Palestine, l’un arabe palestinien et l’autre juif. Comment le Gouvernement américain peut-il expliquer sa position, qui consiste à reconnaître la moitié de cette résolution relative à Israël tout en rejetant l’autre moitié relative à l’État palestinien ? Mieux encore, comment le Gouvernement américain peut-il expliquer son manque d’empressement à faire appliquer une résolution qu’il a lui-même adoptée et dont il a plus d’une fois réaffirmé la validité face à votre auguste assemblée, à savoir la résolution 194 (111), qui reconnaît le droit des Palestiniens au retour dans les foyers dont ils ont été chassés et au recouvrement de leurs biens ou à l’indemnisation de ceux qui ne souhaiteraient pas revenir ?
Le.Gouvernement des États-Unis sait bien qu’il ne peut, pas plus qu’aucun autre État, s’arroger le droit de fractionner la légalité internationale ni vider de leur sens les jugements du droit international.
La lutte continue de notre peuple pour ses droits remonte à des dizaines d’années, au cours desquelles il a consenti des centaines de milliers de martyrs et de bléssés, enduré toutes sortes de souffrances, traversé des tragédies sans jamais défaillir et sans que sa volonté ne s’émousse. Au contraire, il n’a cessé de renforcer sa détermination à demeurer attaché à sa patrie palestinienne et à son identité nationale.
Les dirigeants israéliens, en proie à une euphorie trompeuse, s’étaient imaginé qu’après notre départ de Beyrouth l’OLP allait être engloutie par la mer. Ils ne s’attendaient pas à ce que le départ vers les exils se transforme en chemin du retour à la patrie, au véritable champ de bataille, à la Palestine occupée.
C’est alors qu’advint l’héroïque soulèvement populaire à l’intérieur de notre terre occupée, cette Intifada qui s’est levée pour se poursuivre jusqu’à la réalisation de nos objectifs de liberté et d’indépendance nationale.
Je m’enorgueillis d’être l’un des fils de ce peuple qui trace avec le sang de ses enfants, de ses femmes et de ses hommes l’admirable épopée de la résistance populaire, réalisant des miracles quotidiens, frisant la légende pour que son Intifada continue, pour qu’elle se développe et s’étende, jusqu’à ce qu’elle impose sa volonté et fasse la preuve que le droit peut l’emporter sur la force.
Chaleureuses salutations aux masses de notre peuple qui forgent aujourd’hui cette expérience révolutionnaire et démocratique unique en son genre !
C’est cette foi que la machine de guerre israélienne n’a jamais pu ébranler, que les balles de toutes sortes n’ont jamais pu réduire ni terroriser, dont l’ensevelissement des vivants, les os brisés, les avortements provoqués par les gaz et la mainmise sur les ressources en eau n’ont jamais pu venir à bout, et que ni les arrestations, ni les prisons, ni les exils, ni les expulsions hors de la patrie n’ont affaiblie. Quant aux châtiments collectifs, aux dynamitages de maisons, à la fermeture des universités, des écoles, des syndicats, des associations et des institutions, quant à l’interdiction des journaux et au blocus des camps, des villages et des villes, tout cela n’a fait que raffermir cette foi, jusqu’à ce que la révolution embrasse chaque foyer, jusqu’à ce qu’elle s’enracine dans chaque pouce de la terre de la patrie.
Un peuple qui a parcouru cet itinéraire, un peuple héritier de cette histoire ne peut être défait. Nulle force et nulle terreur ne sauraient lui faire renier sa foi parfaite en son droit à une patrie comme en son adhésion aux valeurs de la justice, de la paix, de l’amour et de la coexistence tolérante. Et comme le fusil du révolutionnaire nous a protégés, empêchant notre liquidation et l’annihilation de notre identité nationale sur le champ brûlant des combats, nous avons une totale confiance en notre capacité à défendre notre rameau d’olivier sur le champ des batailles politiques. Le ralliement mondial à la justesse de notre cause et en faveur de l’instauration de la paix basée sur la justice démontre sans ambiguïté que le monde sait aujourd’hui qui est le bourreau et qui est la victime, qui est l’agresseur et qui est l’agressé, qui mène la lutte pour la liberté et pour la paix et qui est le terroriste. Et voici que les pratiques quotidiennes des forces d’occupation et des bandes de colons fanatiques et armés contre notre peuple, ses enfants et ses femmes mettent à nu le visage hideux de l’occupation israélienne, le révèlent dans sa vérité d’agresseur.
Cette conscience mondiale grandissante a fini par toucher des groupes juifs eux-mêmes, à l’intérieur comme à l’extérieur d’Israël, dont les yeux se sont ouverts à la réalité du problème et à l’essence du conflit, et qui ont pris conscience des pratiques quotidiennes inhumaines qui détruisent la tolérance dans l’âme même du judaïsme. Il est désormais bien difficile, voire impossible, pour un Juif de déclarer son refus de l’oppression raciste et son attachement aux libertés et aux droits de l’homme et de se taire face aux violations israéliennes des droits de l’homme, face aux crimes commis à l’encontre du peuple et de la patrie palestiniens, et plus particulièrement face aux pratiques quotidiennes odieuses des Occupants et des bandes de colons armés.
Nous faisons une claire distinction entre le citoyen juif dont les milieux israéliens au pouvoir tentent d’étouffer et de dénaturer la conscience, d’une part, et les pratiques des dirigeants israéliens, d’autre part. Plus encore, nous réalisons qu’il y a en Israël comme hors d’Israël des Juifs nobles et courageux qui n’approuvent pas la politique de répression et les massacres, qui réprouvent la Politique d’expansion, de colonisation et d’expulsion du Gouvernement d’Israël et qui reconnaissent à notre peuple un droit égal à la vie, à la liberté et à l’indépendance. Au nom du peuple palestinien, je les remercie tous pour cette position courageuse et honorable.
Notre peuple ne revendique aucun droit qui ne soit le sien, qui ne lui soit reconnu par le droit et les lois internationales. Il ne veut pas d’une liberté au détriment de la liberté d’un autre peuple ni d’un destin qui annulerait celui d’un autre peuple. Notre peuple refuse tout privilège dont il pourrait jouir aux dépens d’un autre peuple, comme il refuse qu’un autre peuple jouisse de privilèges à ses dépens. Notre peuple aspire à l’égalité avec tous les autres peuples, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. J’adresse cet appel à tous les peuples du monde, et particulièrement à ceux qui ont subi l’occupation nazie, et qui ont alors considéré que leur devoir consistait à tourner la page de la tyrannie et de l’oppression exercées par un peuple sur un autre, et d’apporter aide et soutien à toutes les victimes du terrorisme, du fascisme et du nazisme. J’en appelle à ces peuples pour qu’ils prennent clairement conscience de la responsabilité que l’histoire leur a fait porter à l’égard de notre peuple martyrisé qui réclame pour ses enfants une place au soleil de leur patrie, pour qu’ils puissent y vivre comme les enfants du monde entier, libres sur une terre libre.
Il est encourageant de constater que le chemin de notre lutte a atteint ce sommet qu’est l’Intifada dans un climat international caractérisé par des efforts soutenus et sérieux en faveur de la détente et de l’entente internationales et pour le progrès des peuples. C’est avec une grande joie que nous sommes témoins des succès remportés par les Nations Unies et leur secrétaire général dans le cadre de leur contribution efficace à la solution de nombreux problèmes et à l’extinction de nombreux foyers de tension dans le monde, dans ce nouveau climat de concorde internationale.
Assurément, il n’est pas possible de consolider ce climat international nouveau et positif sans se tourner vers les problèmes et les foyers de tension éparpillés de par le monde. C’est d’autant plus nécessaire que cela permettra à la conscience humaine de réaliser avec plus d’acuité un bilan de l’activité des hommes et des États, et d’entrevoir avec plus de transparence ce que le siècle qui s’approche nous réserve de défis et de responsabilités nouvelles, loin de la guerre et de la destruction, sur le chemin de la liberté, du bien-être, de la paix et du progrès de l’humanité.
Nous nous accordons tous ici sur le fait que la question palestinienne constitue le problème des problèmes du monde contemporain. C’est la question la plus anciennement inscrite à l’ordre du jour de vos travaux. C’est le problème régional le plus complexe, le plus ramifié, le plus dangereux pour la paix et la sécurité mondiales. La question palestinienne constitue également une priorité pour les deux superpuissances et tous les États conscients de la nécessité d’efforts particuliers pour tracer le chemin d’une solution, sur la base de principes de justice qui constituent en eux-mêmes la meilleure des garanties pour l’extension de la paix à l’ensemble du Moyen-Orient.
Nous, dans l’OLP, en tant que direction responsable du peuple de Palestine et de son destin, par fidélité à sa lutte et en hommage au sacrifice de nos martyrs, soucieux de répondre au climat de détente et de concorde et conscients de l’importance de notre contribution aux efforts pacifiques pour trouver une solution politique susceptible de mettre un terme au malheur des guerres et des combats et d’ouvrir la voie à une coexistence pacifique régie par le droit international, nous avons convoqué notre Conseil national palestinien en une session extraordinaire à Alger, entre le 12 et le 15 novembre dernier, et ce dans le but de préciser et de clarifier notre position en tant que protagoniste principal du conflit arabo-israélien, sans la participation et l’accord duquel il ne peut y avoir de solution.
J’ai la joie de vous annoncer en toute fierté que notre Conseil national palestinien, par une pratique démocratique totalement libre, assumait ses hautes responsabilités nationales et avait adopté une série de résolutions sérieuses, constructives et responsables. Ces résolutions ont frayé le chemin de l’approfondissement et de la manifestation de notre désir de contribuer à la recherche d’un règlement pacifique garantissant les droits nationaux et politiques de notre peuple ainsi que la sécurité et la paix pour tous.
La première et la plus décisive des résolutions prises par notre conseil, c’est la proclamation de l’État de Palestine avec pour capitale Al Qods Al Charif, Jérusalem, et ce sur la base du droit naturel, historique et légal du peuple arabe Palestinien à sa patrie, la Palestine. En vertu des sacrifices de générations successives pour la défense de la liberté et de l’indépendance de leur patrie et partant des résolutions des sommets arabes de la force de la légalité internationale telle qu’elle est incarnée dans les résolutions de l’ONU depuis 1947, et en exercice, par le peuple arabe palestinien, de son droit à l’autodétermination, à l’indépendance politique et à la souveraineté sur son sol, conformément à vos résolutions successives.
A suivre…
La nouvelle politique de l’Habitat
UNE EXPROPRIATION DÉGUISÉE
Fidèle à sa politique antisociale, le régime s’attaque cette fois-ci aux occupants des logements des anciens quartiers de la Capitale et d’une partie de Balbala. Sachant que ces dernières années, il travaille d’arrache-pied à trouver une couverture juridique et institutionnelle à ses pratiques corruptrices. Parce qu’il y est contraint par les instances internationales et les bailleurs de fonds, dans le cadre de la bonne gouvernance, cette « légalité » inventée et recherchée au nom des secteurs à haut financement dépendant de la générosité internationale (Santé, Femme, Enfant, Éducation, VIH/Sida, etc.) mais, malheureusement, pénalisant davantage une population condamnée à une tragique injustice sociale et économique.
Après les différents Fonds imaginés et confectionnés par plusieurs ministères et sans retombées économiques, voilà que le département de l’Habitat, après l’évaporation du Fonds Routier, se tourne encore vers l’extorsion des fonds des plus démunis. Ainsi, le ministre en charge de ce département a présenté lors du 24ème conseil des ministres un projet dont la teneur comme l’ambition « d’un logement pour chaque djiboutien » lui ont valu une interview dans le journal gouvernemental « La Nation » de jeudi dernier.
A le lire, cette nouvelle trouvaille est présentée comme un ambitieux projet relevant d’une procédure simplifiée d’accession des Djiboutiens à la propriété. Comme ses collègues du gouvernement, il se veut d’une part corriger le déni de droit hérité du colonialisme et empêchant les Djiboutiens d’accéder à la propriété foncière et les carences d’une loi en la matière instituée après l’Indépendance sur l’attribution en concession provisoire des parcelles de terrain et, d’autre part, concrétiser les exigences portant sur l’Habitat, dictées par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (sans aucune précision de son contenu).
Cependant, en conformité avec sa politique de l’impunité et de l’arbitraire, son dangereux projet porte en lui les germes d’une spoliation pure et simple des habitations des anciens quartiers de Djibouti-ville et de Balbala.
Concernant le déni de droit sous le colon, de mémoire de Djiboutien dans ces quartiers de la Capitale, personne ne souffrait d’une quelconque insécurité foncière et sanitaire. Au contraire, en retraçant l’histoire de ces zones concernées par le projet diabolique en cours, il est vrai que le colon avait tenté, au mieux de ses intérêts et en raison de ses objectifs, d’adapter ses structures propres au mode de vie des différentes communautés formant l’indispensable main-d’œuvre dont il avait énormément besoin. Pour ce faire, sa politique de gestion (bonne ou mauvaise) consistait en la constitution de quartiers par communauté tribale et/ou ethnique. En même temps, sur le plan cadastral, chaque quartier était constitué de telle sorte qu’il soit traversé par des rues et sur sa périphérie par des boulevards et avenues, beaucoup plus larges pour marquer les limites des différentes zones d’habitation. Chaque rue traversant le quartier portait un numéro comme chaque maison. Les grandes « artères » se repérant par des numéros ou des noms.
Sur le plan administratif, l’arrondissement, dirigé par un colon en général, couvrait et couvre toujours un ensemble de quartiers. Chaque quartier étant sous la direction de Chef de quartier d’origine « indigène », épaulé dans sa tâche par les responsables tribaux du secteur. Selon les Anciens, cette manière de procéder offrait l’avantage, à l’administration coloniale, de connaître l’occupant de chaque logement des quartiers autochtones. Mais, contrairement aux affirmations du ministre, cela n’a nullement constitué un quelconque déni du droit à la propriété foncière. Bien au contraire, les dispositions en la matière ont non seulement été maintenues jusqu’au début des années 1980, mais ont même fait l’objet d’une aliénation délibérée au détriment des plus faibles.
Force est de reconnaître qu’en ces temps-là, le cadre de vie était meilleur en ce sens que, journellement, le Chef de quartier et ses assistants veillaient sur la propreté des lieux d’habitation, au respect des biens communs, des limites de chaque habitation, à l’interdiction des constructions sauvages, etc. Les services en charge de l’entretien de ces espaces communs, comme celui du ramassage des ordures ménagères s’acquittaient scrupuleusement de leur mission en sillonnant les artères, à l’époque accessibles. De plus, chaque année, les services techniques du ministère des Travaux Publics chargé de l’Urbanisme, procédaient à la réfection, voire à la confection des panneaux indicatifs des quartiers, rues, maisons, avenues, boulevards, etc.
Et depuis l’Indépendance disent les habitants ? Qu’est-ce qui a empêché le régime de continuer, ne serait-ce que pour maintenir en l’état les réalisations héritées du colonialisme ? Certainement pas les occupants de ces quartiers originels.
Le ministre fait référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, dont l’article 25, paragraphe 1 stipule pourtant que : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; Elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».
Ce qui suppose que la jouissance d’un logement décent est un des besoins fondamentaux de l’individu, et que son absence prive l’homme de multiples droits et le marginalise dans sa production et dans sa participation au développement de la société. Ce qui oblige la République de Djibouti, signataire de cette déclaration et du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ratifié le 1er décembre 1995, à respecter son engagement et à rendre exécutoire le droit au logement en prenant ses propres responsabilités juridiques envers ses citoyens et face aux autres États. Lequel engagement juridique se doit de protéger les couches sociales les plus défavorisées contre toute spéculation immobilière !
L’engagement ainsi souscrit signifie que le droit au logement doit être garanti à chaque citoyen, de même qu’une protection contre l’expulsion forcée, le harcèlement et autres menaces, ainsi que l’accès aux ressources communes (eau potable, énergie, aux services d’assainissement, à la santé, …), l’accès aux subventions au logement, à la jouissance d’un environnement et d’un emplacement sains et protégés de toutes menaces sur la sécurité physique des occupants, notamment les vices de construction et les vecteurs de maladies, la facilité d’accès au logement pour les groupes défavorisés ( personnes âgées, enfants, grands malades, handicapés, etc.), l’expression de l’identité et de la diversité culturelle, etc. constituent des droits inaliénables.
Aujourd’hui, le constat est accablant. L’état physique et sanitaire des anciens quartiers de la Capitale est des plus déplorables. Maintenant pointées du doigt par le gouvernement, les zones concernées par ce projet d’expropriation couvrent les quartiers 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 7bis, Djebel et Ambouli, en plus des anciens quartiers de Balbala. Les habitants de ces secteurs, qui seront frappés par cette loi, sont déjà des nécessiteux. Pour ceux d’entre eux qui travaillent, ils restent soumis aux multiples prélèvements fiscaux directs et indirects, et cette catégorie sociale contribue déjà fortement au Budget de l’État, les propriétaires immobiliers du Héron, de Gabode ou de Haramous n’intervenant que faiblement dans ces recettes de l’État, beaucoup parmi ceux-là ne faisant même pas l’objet d’une quelconque imposition foncière, et pour cause…
Quant aux travaux d’assainissement effectués il y a quelques années dans les quartiers 3 et 5, ils n’ont généré qu’une situation sanitaire catastrophique. S’agissant du quartier 6, dont les habitations furent en grande partie rasées malgré les subventions du gouvernement, son état reste identique à la situation prévalant dans les autres quartiers. A cet égard, l’exemple le plus frappant de cet état de fait dû à la démission totale des pouvoirs publics depuis l’Indépendance étant celui des quartiers 4 et Djebel. Tout compte fait, le constat est amer. Les anciens quartiers de la Capitale, jadis propres et praticables, ressemblent plus à des ghettos urbains qu’à des zones d’habitation dignes d’une capitale moderne abritant le siège régional de l’IGAD.
La pauvreté des habitants et la démission totale des pouvoirs publics chargés de l’entretien technique et sanitaire de ces zones ont constitué un des éléments favorisant les maladies et autres facteurs de dégradation du tissu social, laquelle participe à l’amplification de tous types de délinquance sociale.
Aussi, faute de moyens financiers, cette catégorie de la population n’a pu, depuis la création de la ville de Djibouti, acquérir la parcelle de terrain qu’elle occupe, ni transformer en dur la construction en planches et en tôles qui constitue son toit. L’objectif du ministre de l’Habitat semble donc relever d’une expropriation sans détour de ces citoyens.
En effet, le promoteur immobilier du gouvernement affirme qu’en vendant à chaque occupant, dont certains sont propriétaires depuis plus de 40 ans, le terrain qu’il occupe, il donne un abri à chaque djiboutien, qui doit transformer en dur, dans un laps de temps très court, son logement en planches ou en tôles.
Pour ce qui est des logements en dur ou de l’accession à la propriété foncière, les lotissements hérités du colonialisme que sont les cités du Stade, d’Einguela et d’Arhiba, sont submergés depuis des années par les eaux usagées et infectées déversées par les égouts à ciel ouvert. L’anarchie des constructions sauvages autorisées par l’administration favorisant énormément la détérioration de l’état sanitaire et sécuritaire de ses habitants.
Et pourtant, ces derniers ont été les premiers Djiboutiens à bénéficier de l’accession à la propriété, qu’ils ont payée au moins le triple de sa valeur réelle d’origine. La technique de la location-vente mise en place après l’Indépendance ayant ruiné des familles entières qui ne sont toujours pas propriétaires de leur logement devenu vétuste faute d’entretien, après plus de 20 ans.
Par conséquent, le projet du ministre de l’Habitat constitue un réel danger, en ce sens que ses visées, tout en donnant un caractère définitif à l’occupation provisoire des parcelles par cette diabolique trouvaille, n’ouvre que la perspective réelle d’une expropriation effective et légale des habitations des anciens quartiers de la capitale et de Balbala.
Encore plus cynique est l’argumentation du ministre prétendant vouloir aider l’accession à la propriété privée par un système de prêt et d’échelonnement du prix à payer pour l’achat de la parcelle de terrain (de 3 à 12 mois). Or, avec un taux de chômage inégalé depuis des années, une précarité des revenus des retraités, la disparition de la garantie de l’emploi dans l’administration, etc., il est clair qu’au moins une grande partie de la population des quartiers en question doit vider les lieux, étant dans l’incapacité financière, pour cause d’insolvabilité, de transformer leur logement en dur, même en étant propriétaire du terrain occupé.
Alors qu’il rejette toujours la responsabilité de la dégradation des infrastructures de base sur les réfugiés et autre population flottante, n’est-ce pas le régime lui-même, qui a procédé à l’expulsion en masse de ces derniers en septembre 2003, avant d’autoriser leur retour, cédant en cela aux pressions des propriétaires des appartements et autres villas du Héron, demeurés vides un très court laps de temps.
Quoi qu’il en soit, des constats tirés de la situation des infrastructures sociales de base et principalement ceux relatifs au contexte urbain relevés dans le document cadre, base de réflexion de l’action gouvernementale de février 2002, il ressort que le régime reconnaît que l’inadéquation entre ses actions et les besoins réels de la population a engendré un échec de sa politique de l’Habitat.
Il affirme clairement que sa mauvaise appréciation de l’accroissement démographique aggravée par les multiples obstacles financiers dus à l’inadaptation des procédures et pratiques administratives aussi laxistes que complaisantes, et amplifiée par l’absence totale d’une stratégie globale d’assainissement, a été à l’origine des échecs de sa politique de l’Habitat.
Pour ainsi dire, les conséquences étant nombreuses, nos lecteurs doivent savoir que le régime reconnaît l’origine de ces multiples dysfonctionnements. Car, ce département ministériel ne peut mener aucune action, ni promouvoir aucun développement de l’Habitat pour des raisons relevant de l’insuffisance des investissements publics, des conflits de compétence existant entre les nombreux services ministériels, de l’inadaptation des politiques de construction aux besoins réels de la population et notamment celle à revenu modeste, enfin de l’absence de toute structure de maintenance des équipements sociaux en plus de l’inexistence de tout financement intérieur pour la réalisation d’opérations à caractère social.
Or, trahissant honteusement les ambitions citées dans une stratégie officielle et susceptible d’engager une réelle politique de l’Habitat participant à la réduction de la pauvreté, le ministère a jugé utile, dans son projet, de faire fi des objectifs fixés dans ce document et appuyés par le rapport d’EDAM 1996 (Etude Démographique des Ménages) qui démontre que près de la moitié de la population djiboutienne vit en dessous du seuil de pauvreté.
A ce jour, aucune amélioration des conditions de vie dans ces quartiers n’ayant été enregistrée, ce projet constitue plus une idée lumineusement dangereuse risquant d’aboutir cette fois-ci à la dépossession du toit inaliénable qui reste aux nombreux Djiboutiens des quartiers populaires, certains d’entre eux y vivant depuis plus de 40 ans.
Quant au déséquilibre entre la Capitale et les régions de l’Intérieur, nous l’examinerons dans un prochain numéro.
Enfin, il est clair que cette opération à venir, obéissant à des objectifs non avoués, seule une vigilance et une mobilisation doivent être de mise pour dire ensemble : TOUCHE PAS A MON TOIT !
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Le nouveau Code de Travail
UN PROJET SATANIQUE
Le 8 novembre dernier, le gouvernement en son conseil des ministres a entériné un projet de code de travail exigé depuis près d’une décennie par les institutions de Bretton Woods (Banque Mondial et Fonds Monétaire International) et mis en chantier il y a cinq ans par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité Nationale, qui n’a pas changé de titulaire depuis. Les syndicats, dont l’UDT, se mobilisent déjà pour faire barrage à ce projet satanique
Ce projet est fortement contesté par tous les travailleurs et leurs organisations syndicales, notamment l’UDT, centrale libre, indépendante et de loin la plus représentative aux plans national et international. D’ailleurs, révoltée, cette centrale vient de publier un communiqué de presse dénonçant ce projet qu’elle considère comme « une nette régression sur le plan social par rapport au code de travail qu’il est censé remplacer et une mise en cause manifeste des acquis sociaux au premier plan desquels la liberté syndical, pourtant garantie par la Constitution de septembre 1992 et par rapport à laquelle il s’inscrit en flagrante contradiction ».
En effet, ce nouveau code de travail est censé remplacer celui d’outremer de 1952 (hérité de l’époque coloniale) qui codifiait jusqu’à présent les législations du travail et servait de référence aux lois, conventions et règlements du travail. Ce qui frappe le plus dans le contenu de ce projet sur mesure, c’est tout d’abord la mise sous tutelle de la liberté syndicale, entravée par des obstacles administratifs aussi arbitraires que grotesques : la simple création d’un syndicat y est l’objet d’un parcours de combattant. En quand bien même on s’y serait plié et que l’on serait parvenu à le créer, avec l’autorisation désormais obligatoire de pas moins de trois ministères (Intérieur, Emploi et Justice) et leurs services (district, inspection du travail, police et Parquet du tribunal), le syndicat peut cependant être dissout à leur demande sur simple décision du Procureur de la République.
Ensuite, c’est la voie déblayée à tous les abus possibles et imaginables pour conforter les employeurs qui, dorénavant, disposeront d’un important arsenal répressif à utiliser comme bon leur semble à l’encontre de leurs employés dont les droits et les protections réglementaires se trouvent insidieusement fragilisés. D’autre part, la loi n°140 dite loi Daach y est intégralement reprise, qui supprime toute référence au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), handicape et rend aléatoire tout recours légal comme toute possibilité de se défendre contre les éventuels abus et délits d’entrave de la part des employeurs.
Ainsi, pour son promoteur, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité Nationale (MESN), ce nouveau code de travail pour lequel il vient d’obtenir l’aval du président de la République et par conséquent la bénédiction de son gouvernement en ce dernier mardi de Ramadan de l’an 1424 de l’Hégire, est l’aboutissement d’un rêve que caressait tout employeur privé tel que lui. Pour les travailleurs et l’ensemble de leurs syndicats, c’est peut-être le début d’un cauchemar. Ce code qui a nécessité de si longues années d’efforts à notre Hercule du MESN ayant commis pratiquement sans la moindre consultation des partenaires sociaux (travailleurs comme employeurs) et dont il a été contraint de revoir par trois fois la version, ramène la législation sociale et du travail à au moins cinquante années en arrière, tout en faisant table rase des droits et libertés syndicaux, pourtant garantis par une Constitution qui se cherche dorénavant un garant !
C’est « l’œuvre de Satan » pour les travailleurs qui commencent à s’agiter et font déjà entendre leurs voix, à l’instar de l’UDT qui s’est dit « révoltée » par ce chef-d’œuvre d’obscurantisme concocté dans la pénombre d’une démarche unilatérale à laquelle tous les efforts pour créer des « clones syndicaux » afin de contourner le refus des centrales syndicales légales et légitimes de cautionner son projet, n’ont pu apporter ni caution ni lumière.
Déjà baptisé « code satanique » par certains travailleurs qui crient au scandale, tant l’objet de cet instrument de codification du travail, autrement dit la nouvelle législation, semble avoir pour objectif de transformer les travailleurs en instruments de production livrés en pâture aux employeurs érigés en seigneurs. Pire, le code nouveau du ministre de l’Emploi est du pain béni pour les patrons qui auront désormais toute latitude pour se faire de confortables bénéfices sur le dos des travailleurs dans une ambiance d’autant plus sereine que le syndicalisme, loin d’être libre et indépendant, serait confiné au rôle de Sisyphe, personnage de la mythologie grecque. Sisyphe, qui fut condamné aux enfers à éternellement pousser jusqu’au sommet d’une montagne un rocher qui en retombait chaque fois.
Dans ce projet, qui sera certainement soumis à l’Assemblée Nationale pour examen et adoption, il apparaît en dernier ressort que le titulaire du portefeuille du MESN est aussi et avant tout un homme d’affaires à la tête d’une kyrielle d’entreprises, juge et partie, il l’est donc dans cette œuvre pour l’élaboration de laquelle, en tant que promoteur, il s’est passé de toute tierce partie qu’un projet d’une telle importance pour la société (la Nation, pas l’entreprise) requiert, nonobstant les recommandations maintes fois réitérées du Bureau International du Travail quant à la nécessaire reconnaissance et consultation des centrales syndicales libres et légitimes.
Ce n’est ni plus ni moins ce que recommandait dans ses résolutions le séminaire organisé dans le courant du premier semestre de cette année et auquel, outre les représentants de tous les ministères concernés, participaient les bailleurs de fonds (dont le FMI et la Banque Mondiale) la Chambre de Commerce et les représentants des employeurs privés de la place etc.… ainsi que, pour la première fois, les délégués de l’UDT une de ces résolution qui invitait le gouvernement à « organiser une table ronde tripartite pour élaborer un nouveau code de travail ». Mais ce en vain : tel un comboy, le régime préfère discuter après avoir tiré.
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