Réalité numéro 107 du mercredi 6 octobre 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 108 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
UNE ALERTE A LA BOMBE :
ON N’ARRÊTE PAS LE PROGRÈS
Une simple photo de la BCI-MR (sous la rubrique l’œil d’Abou, sous-titrée 30 septembre 2004 : pour la BCI, ce fut le jour le plus long) : c’est tout ce que le journal gouvernemental La Nation, du lundi 4 octobre 2004, a daigné proposer à ses lecteurs en guise de couverture d’un événement qui, c’est le moins qu’on puisse dire, sortait pourtant de l’ordinaire. Pensez donc, en ce jeudi 30 septembre 2004 au matin, notre pays a connu la première alerte à la bombe de son histoire : l’inédit aurait mérité plus ample information. A défaut d’expliquer, contentons-nous de commenter.
Les faits d’abord. Vers 9h 30, le standard de la BCI reçoit un appel téléphonique anonyme prévenant que des bombes, sur le point d’exploser, auraient été déposées dans ses locaux. Tous les employés des commerces situés alentour, y compris les siens, sont évacués par leurs directions et tout ce beau monde se regroupe sur la place Lagarde. Plus de trente minutes après, les premiers éléments de la Police arrivent, ensuite appuyés par les forces françaises, et sécurisent le périmètre, avant d’entamer la procédure de déminage.
Mais, curieusement, aucune ambulance n’est visible, ni d’ailleurs aucun véhicule des pompiers : mettre ces graves lacunes constatées, sur le seul compte de la mauvaise gouvernance, serait faire injure à toutes les bonnes volontés, sincèrement courageuses, ce jour-là mobilisées.
Car, la présence aussi folklorique qu’incongrue du Procureur de la République sur les lieux (alors qu’attendu sous d’autres cieux dans le cadre d’un procès à propos duquel La Nation lui a offert une pleine page avant-hier), ajoutée à l’historique chargée de la violence politique en République de Djibouti, remarquable par l’impunité des terroristes et le mépris des victimes, tout cela a logiquement conduit l’homme de la rue à voir dans cette alerte à la bombe, au mieux l’œuvre d’un déséquilibré, au pire une manœuvre des services de sécurité du régime lui-même. Sonder les motivations d’un candidat à l’asile d’aliénés ne relevant pas de notre compétence, interrogeons-nous sur la plausibilité d’une piste officielle.
Premier background à charge : le régime djiboutien est notoirement connu sur la scène internationale pour furieusement pratiquer la violence institutionnelle, celle par laquelle l’abus de pouvoir et le déni des droits fondamentaux se fondent sur la violation ordinaire de textes de loi ne servant uniquement que de parures démocratiques ; la politisation de la Justice le démontre de façon si caricaturale.
Second background à charge : beaucoup de civils, innocents par définition, sont ici tombés sous les balles ou les tortures du régime. Parfois à titre communautaire, mais aussi à titre individuel. Pas seulement des citoyens djiboutiens : qui peut oublier la grâce présidentielle accordée au meurtrier des scientifiques allemands et à celui, pourtant en cavale, d’un enfant français ? Alors que tant d’anciens gendarmes, policiers et soldats sont encore punis pour avoir refusé de trucider les leurs lors du conflit civil. A cette humanité douteuse, vient aujourd’hui s’ajouter le terrorisme virtuel.
Actualité suspecte : cette alerte à la bombe, les locales victimes imaginées passant par pertes et profits, visait un intérêt financier français le jour même où un symbole de l’État djiboutien devait comparaître en France, sous l’accusation de subornation de témoin dans un procès intenté par une veuve cherchant à élucider les circonstances dans lesquelles son époux de mari a trouvé la mort sur notre sol. Heureusement, ce ne fut qu’une fausse alerte : si victime il y avait eu, djiboutienne ou étrangère, cela nous aurait traumatisé bien plus que l’atteinte portée aux intérêts français ici, tout comme l’affaire Borrel nous intéresse bien moins que nos urgences nationales. Qui de droit serait bien inspiré de ne pas l’oublier : tout le monde est fatigué des manœuvres de diversion.
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Brèves nationales
Insalubrité quotidienne :
Les égouts d’Arhiba dégoûtent
Dans la matinée du samedi 2 octobre 2004, de nouveaux affrontements ont failli opposer les forces de l’ordre aux jeunes en colère du quartier défavorisé d’Arhiba. Excédés par l’insalubrité grandissante et dangereuse de leur cité, principalement causée par la démission des pouvoirs publics, ces jeunes ont bruyamment tenté d’interrompre la circulation sur la route d’Arta. Les forces de l’ordre, immédiatement arrivées sur les lieux, ont alors maladroitement tenté de réprimer ce mouvement d’humeur, avant de s’essayer à la conciliation et l’apaisement.
Devant par l’ampleur de la colère, les autorités ont finalement accepté de pomper les eaux nauséabondes déversées par les égouts. Rappelons que des solutions analogues ont déjà été arrachées par le passé, sans que la durable insalubrité de ce quartier délaissé parmi d’autres ne soit vraiment combattue.
Tant qu’une véritable politique d’assainissement des zones insalubres n’aura pas été sérieusement mise en place en faveur de tous les quartiers insalubres de la Capitale, des protestations similaires sont à craindre dans tous les secteurs concernés. Il est temps, mais tout juste temps, de se pencher sur la question. Demain, il sera trop tard.
C’est d’ailleurs ce qu’une délégation des Jeunes d’Arhiba a tenu à expliquer au chef du district de Djibouti qui, dès le lendemain, a bien voulu la recevoir. Mais le problème est loin de se situer à son niveau.
Les militaires militent-ils au RPP?
L’ARD victime des vandales à Yoboki
L’implantation efficace de l’ARD dans le Sud-Ouest dérange au plus haut point les responsables de ce régime en déroute partout dans le pays. On se souvient qu’au lendemain de la folklorique visite présidentielle à Yoboki en octobre 2003, la direction de l’ARD avait opérée une percée remarquée dans l’arrière-pays de Dikhil, en consolidant l’implantation de notre parti dans cette région. Dans une réaction de fureur et d’impuissance, le régime avait alors endommagé le tableau de l’annexe ARD de Yoboki, qui fut immédiatement remplacé quelques jours plus tard.
En cette rentrée politique, constatant définitivement l’inefficacité de ses tentatives de récupération des populations oubliées du Sud-Ouest, le régime a opté pour l’intimidation, en agressant nos militants du secteur de Yoboki. Il a ainsi fait illégalement arrêter le vice-président de notre annexe dans ce village et détruire le tableau du siège de notre parti.
C’était le 16 septembre dernier, sur ordre d’on ne sait qui, des militaires zélés ont fait irruption dans le local de notre parti qu’ils ont saccagé et ont procédé àl’arrestation abusive du vice-président de notre annexe.
Devant les protestations unanimes de la population de Yoboki et des autorités policières, présentes sur les lieux, notre compagnon a été libéré, mais le fonctionnement légal et régulier de notre parti reste arbitrairement entravé.
Aussi, l’ARD a décidé de réagir à cette provocation éhontée en élevant dans une première étape une vigoureuse protestation auprès des autorités compétentes. En attendant que celles-ci se prononcent officiellement sur d’éventuelles mesures à prendre à l’encontre des vandales impliqués dans ces tentatives d’intimidation vouées à l’échec, l’ARD met le régime solennellement en garde contre ces agissements qui n’augurent rien de bon pour la paix civile.
Que gagnerait le régime à empêcher la libre expression d’un mouvement d’opposition légalement constitué et prônant l’alternance démocratique et la réconciliation nationale ? Ces pratiques dignes des pires pyromanes ne risquent que de contribuer à l’embrasement des cœurs et des esprits dans une région dont les civils ont beaucoup souffert du conflit.
L’ARD prend à témoin le Peuple Djiboutien sur les dangers que fait courir ce pouvoir irresponsable à la paix, à la démocratie et à la réconciliation nationale dans notre pays.
Nomadisme international :
De l’Amérique aux Caraïbes ?
Cela faisait plus de deux semaines que le Chef d’État était absent de son pays, où décidément, il n’a rien à faire. Au prétexte de prendre part aux travaux de l’assemblée générale des Nations Unies ouverte à la mi-septembre, notre globe-trotter national en a profité depuis pour parcourir le continent américain, de New-York, à Washington et Miami, en passant par les Bahamas et Cuba. Qu’y cherche-t-il ? Certainement pas les intérêts du Peuple Djiboutien ! D’ailleurs, le corps diplomatique africain accrédité à La Havane a été généreusement mis à sa disposition pour y entendre l’urgence d’une mobilisation au bénéfice de la réconciliation somalienne.
Bravant les cyclones de cette région, le Boeing présidentiel n’aurait pas cessé de surfer entre les aéroports et les cocotiers. Aux dernières nouvelles, le timonier national était en visite chez le Lider Maximo, aux fins dit-on d’établir et de renforcer la coopération avec le régime castriste, ennemi intime des États-Unis d’Amérique depuis plus de quarante ans.
La rencontre entre les deux barbus isolés sur les plans intérieur et extérieur ne débouchera certainement pas, l’on s’en doute, sur la consolidation de la démocratie, réclamée à cor et à cri par les peuples djiboutien et cubain.
Rentrée universitaire 2004-2005 :
Les travaux du Pôle n’avancent pas
La rentrée universitaire djiboutienne s’annonce sous de sombres auspices. Outre le manque de locaux, principalement dû aux retards pris par les travaux d’extension du Pôle universitaire sur le domaine de l’ancien camp Barkat Siraj, les nouveaux étudiants djiboutiens se plaignent d’avoir été entravés dans leur démarches pour poursuivre leurs études en France, en raison des tracasseries imposées par les services consulaires français à Djibouti.
Entre impossibilité de voyager pour ceux qui en ont les moyens, et difficultés techniques à étudier sur place pour tous les autres, l’avenir des étudiants djiboutiens s’assombrit de jour en jour. Et le régime ne semble pas s’inquiéter outre mesure des diplômes de la future élite nationale, se contentant peut-être d’un quelconque titre de docteur honoris causa. A quoi bon décrocher le baccalauréat si l’on n’a pas la possibilité de suivre des études supérieures ? Que faire d’un diplôme universitaire qui n’ouvre la voie à aucune possibilité d’emploi ?
Plus simplement : que signifie l’Education nationale dans un pays dirigé par un tel régime insouciant ?
Paix civile et sécurité :
Curieuse nomadisation policière.
Selon les ruraux habitant les environs de Randa, un détachement de la police de Tadjourah dirigé par un capitaine tristement célébre nomadiserait ces derniers temps près d’Ilayssa et de Dat-hugub. Pour les populations de ce secteur qui restent encore traumatisées par les exactions des troupes gouvernementales durant le conflit, cette proximité gênante d’hommes lourdement armés n’a rien de rassurant, bien au contraire.
C’est parce que nous les comprenons que nous nous faisons l’écho de leurs craintes. Cette nomadisation nocturne et guerrière est injustifiée. Surtout, elle porte gravement atteinte à l’indispensable paix civile que nos concitoyens, spécialement dans les zones affectées par le conflit, étaient en droit d’attendre d’un accord de paix.
Désenclavement d’Obock :
A partir d’avril 2005 ?
Cette semaine, nous apprenons que le régime s’est finalement penché sur le désenclavement routier du Nord. Cynisme politique et approche d’échéances électorales, le ministère des Finances aurait paraphé un accord de financement avec le Fonds Koweitien pour la construction de la future route reliant Tadjourah à Obock. Le début de ces importants travaux censés désenclaver la première Capitale du pays serait prévu pour le mois d’avril 2005. Réalité avait déjà relevé à plusieurs reprises que le financement pour le bitumage de cette voie de communication était acquis depuis plus de trois ans et que le régime voulait faire coïncider le lancement des travaux avec la campagne présidentielle.
Quel mépris pour les populations du district d’Obock, soumis aux caprices d’un seul homme ! Quel mépris pour une région dont le développement est freiné par de basses considérations politiciennes !
Mauvaise gouvernance :
Les familles des gendarmes manifestent.
La mauvaise gouvernance assombrit la vie quotidienne de tous les citoyens civils comme militaires. Ses dangereuses tentacules commencent à étouffer la société djiboutienne dans son ensemble. Ainsi, lundi dernier plusieurs dizaines de membres des familles de gendarmes entassées dans des logements insalubres du boulevard de Gaule ont bruyamment manifesté leur colère en tentant de bloquer la circulation sur cette artère très fréquentée. A l’aide de pneus et matelas enflammés ces protestataires ont allumé un immense bûcher que les pompiers arrivés sur les lieux ont réussi à rapidement éteindre.
A travers cette action spectaculaire, les familles des gendarmes vivant dans des conditions difficiles cherchaient à protester contre les coupures d’électricité qui leur auraient été imposées. Sur quelle force occulte compte ce régime de non droit pour gouverner encore au mépris des aspirations du peuple Djiboutien ?
Service National Adapté:
Aveu d’incapacité des FAD
Depuis l’institution du fameux service national adapté, nouvelle trouvaille censée résoudre le chômage des jeunes, «Réalité» avait régulièrement dénoncé cette démagogique entreprise du régime que constitue l’embrigadement de centaines de jeunes djiboutiens auxquels on promet une insertion professionnelle à l’issue d’une formation diplomante dispensée par les forces armées djiboutiennes.
Un an après le lancement de cette opération électoraliste, les FAD viennent implicitement de reconnaître leur incompétence en ce domaine en sous-traitant des centres de formation professionnelle appartenant à l’Eglise chrétienne et aux FFDJ. Ainsi, «La Nation» daté du 30 septembre 2004 relate-elle copieusement l’accord de parrainage signé entre les FFDJ et les FAD relatif à l’accueil d’une cinquantaine de jeunes djiboutiens mobilisés au titre du SNA dans les bases militaires françaises de Djibouti, en stage pour une période de deux mois, mais sans garantie d’emploi à la sortie.
Or, se félicitant de cet accord de coopération entre une armée nationale sous équipée et incompétente et l’armée de l’ancienne puissance coloniale présente à Djibouti, le journal gouvernemental conclut sans ambages: «le SNA est un message d’espoir pour tous les jeunes djiboutiens, il leur donne l’opportunité de devenir acteur à part entière de la vie sociale et économique de leur pays». C.Q.F.D..
Jeune Afrique/L’Inintelligent
LA MAUVAISE FOI JOURNALISTIQUE
AU SERVICE DE LA PROPAGANDE DICTATORIALE
A la rescousse d’un régime ne voulant rater aucune occasion de se mettre en valeur, l’hebdomadaire Jeune Afrique/L’Intelligent, a offert en ligne un article qui, après du décès de M. Ahmed Dini, procède en fait à une réécriture de l’Histoire et à une mystification du présent. En voici le texte, dont nous avons indiqué chaque contrevérité, méritant d’être relevée, par un chiffre qui renvoie à une mise au point en page 5.
Ahmed Dini Ahmed
L’ancien Premier ministre djiboutien est décédé le 12 septembre.
Ahmed Dini Ahmed, grande figure de la vie politique djiboutienne, éphémère Premier ministre durant les six premiers mois de l’indépendance du pays, en 1977, est décédé le 12 septembre à l’hôpital militaire français de Djibouti. Cette disparition est un coup dur pour l’opposition, dont le défunt fut un leader charismatique, à la veille d’une échéance importante (1) : l’élection présidentielle, prévue en avril 2005.
Ahmed Dini Ahmed, afar, est né en 1932 dans la région du mont Mabla, dans le nord du pays. Après une formation de technicien de la santé, il s’engage en politique à l’âge de 26 ans. Une année plus tard, en 1959, il devient vice-président du Conseil de gouvernement de la Côte française des Somalis, la plus haute autorité institutionnelle locale. Il occupe cette fonction quelques mois avant de briguer un mandat de député territorial.
Durant les années 1960, Ahmed Dini occupe plusieurs postes au sein du Conseil de gouvernement. Le tournant de sa carrière politique intervient en 1973 quand, en compagnie de Hassan Gouled Aptidon, un Issa, il lance la Ligue populaire africaine (LPA), mouvement qui prend, deux années après sa création, une option indépendantiste. Dini et Aptidon deviennent ainsi les deux pères fondateurs de la nation djiboutienne.
En 1977, l’indépendance est proclamée dans ce qui était devenu le territoire français des Afars et des Issas. La présidence de la toute nouvelle République est confiée à Aptidon qui nomme, en juin 1977, Ahmed Dini Premier ministre( 2). Mais le parcours commun des deux hommes tourne court. Aptidon concentre tous les pouvoirs, rognant sans limites sur les prérogatives de son compagnon de lutte. Dini, qui n’est pas homme à se taire, tente de contenir la boulimie de pouvoir d’Aptidon. Au bout de six mois, il rend le tablier en dénonçant la mainmise de la communauté issa (3), une des deux grandes composantes ethniques, sur la vie institutionnelle du pays, au détriment des Afars.
Djibouti vit alors à l’ère du parti unique. Dini se retire à Tadjourah, capitale des Afars (4), mais ne dispose
d’aucune tribune politique pour exprimer ses points de vue. À la fin des années 1980, le mouvement contestataire afar prend la forme d’un Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (Frud). Ahmed Dini rejoint, en 1990, cette organisation, qui se transforme en rébellion armée, puis en prend la tête en 1992 (5).
La guerre civile est une catastrophe pour Djibouti, qui voit tous ses efforts de lutte pour le développement ruinés (6). Aptidon charge son chef de cabinet, Ismaïl Omar Guelleh, de négocier avec les rebelles. Des pourparlers sont engagés et aboutissent à un accord de paix. Le Frud rejoint la coalition au pouvoir, mais pas Dini, qui conteste les clauses de l’accord (7).
Désormais, le Frud se scinde en deux, Dini prenant la tête de la tendance qui maintient l’option de la lutte armée (8). En 1999, Aptidon s’éclipse de la scène politique, et Ismaïl Omar Guelleh lui succède à l’issue d’un scrutin pluraliste. Ahmed Dini, toujours en rébellion, n’entre pas dans la course à la succession d’Aptidon.
L’opposition présente un candidat unique, dénué de tout charisme (9), une véritable bénédiction pour Guelleh. Ce dernier, arrivé aux affaires, ne désespère pas d’obtenir un cessez-le-feu total avec le Frud d’Ahmed Dini. Il confie à Mohamed Dileita, alors ambassadeur de Djibouti à Addis-Abeba, aujourd’hui Premier ministre, de négocier directement avec Dini (10), qui est exilé à Paris.
Des accords de paix sont signés dans la capitale française, le 12 mai 2001 (11). Dini retourne à Djibouti (10) et crée un parti, l’Union pour l’alternance démocratique (12). En septembre 2002, il affronte le suffrage universel lors des premières législatives pluralistes de l’histoire du pays (13). Nouvel échec (14) ; mais sa participation donne du souffle à la vie politique djiboutienne.
La prochaine présidentielle promettait un débat passionnant entre le vieux routier de la lutte pour l’indépendance et un président sortant dont le bilan est loin d’être négatif (15).
Mais le destin en a décidé autrement. Une longue maladie a fini par emporter Ahmed Dini, à qui le pays tout entier a rendu un vibrant hommage.
Chérif Ouazani
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Mises au point
Devant une telle concentration de contrevérités, il nous a semblé utile, au moins pour le lecteur peu au courant de notre situation nationale et lisant cet hebdomadaire aux quatre coins de l’Afrique, de rétablir une vérité connue de tous nos compatriotes.
(1) Personne ne lui a jamais dit que ladite opposition comptait participer à ce scrutin, ni a fortiori désigner M. Ahmed Dini comme son candidat.
(2) Le journaliste oublie de préciser qu’en sa qualité de premier Président de la nouvelle Assemblée Nationale, M. Ahmed Dini a proclamé cette Indépendance. Honneur dû à la reconnaissance de son rôle déterminant dans la lutte anticoloniale : c’est à cela que l’on reconnaît un véritable « Père » de la Nation
(3) M. Ahmed Dini n’a jamais dénoncé une quelconque mainmise de toute une composante de la communauté nationale sur le destin de notre pays. tout juste a-t-il dénoncé les prétentions hégémoniques d’une minuscule classe politique qui cherchait à donner une dimension tribale à une vulgaire lutte pour le monopole aux richesses nationales détournées au profit des appétits personnels.
(4) Personne ne sait où se situe cette hypothétique « capitale » des Afars ! C’est une notion qui n’existe ni dans le cadre de leur société traditionnelle, ni encore moins au niveau des États dans lesquels ils s’insèrent et dont ils ont toujours respecté les limites territoriales. Ahmed Dini s’était retiré à Obock.
(5) Erreur historique suspecte pour quelqu’un qui ose se présenter comme un spécialiste de Djibouti au sein de la Rédaction de cet hebdomadaire : c’est en 1991 que le FRUD, mouvement politico-militaire, est né avec des actions de guérilla dès le mois de novembre et c’est à partir de cette date que M. Ahmed Dini, chassé de sa ville d’Obock désertée par tous les habitants fuyant les exactions des troupes gouvernementales, a rejoint les zones sous contrôle du FRUD dont la direction l’a alors chargé de l’aspect diplomatique. C’est suite à de graves dissensions internes, et devant le désistement de certains pressentis, qu’il a été nommé en août 1992 à la présidence de ce mouvement.
(6) L’auteur cherche ici à occulter le fait que, si tensions interethniques il y a eu dès décembre 1977, aboutissant aux rixes intercommunautaires de mai 1990 et au conflit civil de décembre 1991, c’est parce que les fruits de ce développement économique étaient inégalement distribués, instituant une citoyenneté à deux vitesses qui perdure encore aujourd’hui.
(7) Avec son oncle, il était plutôt chargé de saboter une réelle et constructive tentative de paix, sous l’égide de l’OUA et dont le chef de file, côté régime, était le Directeur de cabinet de la Présidence à l’époque. Quant au contenu et à l’application dudit accord de paix négocié par le neveu du dictateur, chacun a pu en mesurer l’inconsistance, malgré la bonne volonté de certains acteurs qui, des deux côtés, espéraient réellement que cela constituerait la première étape d’un règlement durable du conflit. Le sort du second accord de paix le démontre clairement a posteriori.
(8) Cela a été la position soutenue par l’ensemble des congressistes du FRUD qui, en septembre 1994, sous la direction de M. Mohamed Adoyta, ont dénoncé le coup d’état du sergent Ougouré et de ses acolytes ayant préféré diviser le mouvement en pactisant avec l’ennemi pour se contenter de simples strapontins personnels, faisant fi de tous les sacrifices consentis par la population djiboutienne.
(9) Jugement de valeur dont seul est capable un esprit partisan et surtout ignorant du rôle historique joué par M. Moussa Ahmed Idriss depuis les années 60. Pour preuve : ce n’est pas par hasard si l’ensemble de l’opposition politique l’a désigné comme son candidat unique. Lorsque M. Moussa Ahmed Idriss s’est engagé dans la vie politique du pays, le commanditaire présumé de ce journaliste, aujourd’hui chef de l’État était encore à Diré-Dawa, citoyen de l’empire éthiopien.
(10) Ignorance ou hagiographie ? Le chef de la partie gouvernementale chargée de négocier à Paris, de ce fait cosignataire de l’accord du 7 février 2000, était M. Ali Guelleh Aboubaker, Chef de cabinet de la Présidence !
(11) C’est au Palais du Peuple à Djibouti qu’a été signé l’Accord de paix définitive du 12 mai 2001 ! Quant à M. Ahmed Dini, c’est dès mars 2000 qu’il a regagné le pays pour y conduire les négociations ayant conduit à cet accord.
(12) L’UAD (Union pour l’Alternance Démocratique) n’est pas une création de M. Ahmed Dini : c’est une coalition de quatre partis politiques (l’Alliance Républicaine pour le Développement, l’Union pour la Démocratie et la Justice, le Mouvement pour le Renouveau Démocratique et le Parti Djiboutien pour le Développement) coalisés dans le cadre de leur participation au scrutin législatif du 10 janvier 2003.
(13) C’est en janvier 2003 que les élections législatives, issues de l’instauration d’un pluralisme intégral instauré par l’accord de paix du 12 mai 2001, se sont déroulées.
(14) Pour ce qui est du prétendu échec, les flagrantes et massives fraudes dont le régime s’est rendu coupable sont consignées dans des documents officiels. A tel point qu’en l’état actuel des choses, les partis d’opposition ne voient pas la nécessité de participer à toute consultation électorale, comme ils l’ont signifié au chef de l’État depuis longtemps.
(15) Toute cette mystification pour en arriver là : la seule dégradation des conditions de vie de nos concitoyens et la baisse sensible de leur niveau de vie auraient au moins pu inciter ce journaliste à un peu de pudeur quant aux réussites de l’actuel régime.
LA RÉDACTION.
POST-SCRIPTUM
A lire de telles contrevérités où le tendancieux le dispute à l’ignorance, chacun ne peut qu’accorder crédit à la rumeur persistante selon laquelle le régime djiboutien aurait depuis longtemps mis à la disposition des journalistes de Jeune Afrique/L’Intelligent en publi-reportage, une luxueuse villa dans le quartier résidentiel de la Capitale.
Quant à nous, il est de notre devoir de rappeler le rôle négatif joué dans le déclenchement du conflit par un reportage, véritable incitation à la haine intercommunautaire, publié en 1990 par cet organe de presse international.
LA RÉDACTION.
Une Éducation à deux vitesses
La rentrée scolaire vient de s’achever. Plusieurs dizaines de milliers d’élèves ont repris avec émotion le chemin de l’école, dont quelques milliers pour la première fois. Cependant, l’euphorie de la rentrée masque d’énormes déceptions et difficultés auxquelles sont confrontés beaucoup de parents d’élèves dont les enfants sont chaque année jetés à la vie active dans des proportions de plus en plus inquiétantes.
Exclus du cursus scolaire sans aucun espoir d’une solution qui puisse leur accorder un minimum de chance pour pouvoir se recycler, ils sont le plus souvent destinés à gonfler la cohorte des oisifs hantant les rues, avec par conséquent une forte probabilité d’augmenter la délinquance urbaine, faute de trouver un travail pour prétendre vivre dignement.
Ils sont les victimes d’un système éducatif qui demeure malgré lui insidieusement sélectif. Certes, les parents d’élèves ont leur part de responsabilité dans cet échec : à les voir dépenser autant d’argent et de temps dans la consommation quotidienne de khat, on comprend aisément que les pouvoirs publics délaissent à leur niveau des enfants dans la réussite scolaire desquels les parents semblent si peu s’investir. La régression du revenu des ménages depuis quelques années affecte davantage la scolarité de ces enfants dont la cherté des frais d’incription décourage bon nombre de parents.
Cette rentrée a aussi été perturbée par la non-application de la circulaire datant de l’année dernière et obligeant les parents à inscrire leur progéniture dans l’école la plus proche de leur domicile, d’où des dépenses supplémentaires occasionnées par le transport des élèves.
Après cela, il est compréhensible que cet échec devienne dès le départ programmé, d’une part faute d’infrastructures et de structures d’accueil très insuffisantes, d’autre part d’un manque crucial d’enseignants qualifiés, dont le nombre reste limité en plus d’une situation professionnelle et des conditions de travail souvent déplorables. Ce qui est loin d’être un atout qui aurait peut-être pu contrebalancer un tant soit peu la défaillance matérielle.
Pour cause de mauvaise gouvernance, beaucoup de parents se plaignent même de ce que les fournitures scolaires offertes cette année par les Etats-Unis d’Amérique n’auraient pas été équitablement distribuées.
Lors des fameuses assises des Etats Généraux de l’Education Nationale, que l’actuel ministre avait lancées en grande pompe en 1999, les enseignants avaient bien identifié déjà tous les problèmes et bien d’autres encore. Mais, ces résolutions, qui étaient certes ambitieuses, sont restées lettre morte. L’ambition proclamée de « L’Ecole pour Tous » que
prône depuis ce ministère, à l’instar de certains pays africains tels que le Sénégal, semble être un slogan vide. Prévu pour être effectif à l’horizon 2005, ce projet n’a jamais démarré, même si l’on veut nous faire croire que sa réalisation serait achevée cette année, gagnant même douze mois sur les prévisions (dixit un officiel du PNUD cité par La Nation), pour donner un quelconque crédit à la thèse officielle à cet égard. Et pour cause, la réalité sur le terrain est on ne peut plus alarmante.
Quant à la situation de l’arrière-pays, notamment dans les districts d’Obock et de Tadjourah, le taux de scolarisation a plutôt tendance à y régresser dangereusement. Dans presque toutes les écoles rurales du district d’Obock, depuis le déclenchement du conflit civil en 1991, aucun élève n’a été admis au collège.
Certaines de ces écoles, qui fonctionnaient normalement au temps colonial, ont été abusivement fermées au moment de l’Indépendance par les nouvelles autorités du pays. Pire encore, depuis plusieurs années, n’y sont invariablement assurées que les classes de CI au CE, sans que curieusement les élèves n’y puissent atteindre le niveau du cours moyen.
Incapacité des élèves de ces régions à dépasser le niveau élémentaire ? Ou entrave délibérée faite à la scolarité normale de ces enfants ? D’autant que pour la majorité de ces enfants, l’école étant inaccessible, traiter de la sorte les quelques chanceux parvenant à s’inscrire trahit l’existence éhontée d’une politique d’exclusion scolaire frappant une partie de la population nationale.
Une politique discriminatoire que l’inspecteur du premier degré de Tadjourah exécute avec tellement de zèle en entravant, tant à Tadjourah-ville qu’à l’intérieur de la région, les procédures d’inscription des élèves, par des mesures draconiennes qui n’existent nulle part ailleurs, décourageant ainsi les parents de scolariser leurs progénitures.
Des parents d’élèves indignés auxquels s’est joint le corps enseignant n’ont pu, par leurs protestations, endiguer cette dérive autoritaire tant cet inspecteur serait protégé au plus haut niveau de son ministère.
Est-ce cela la politique de « L’Ecole pour Tous » ? C’est bien la preuve qu’il existe dans notre pays une Education à deux vitesses.
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Syndicalisme : Djibouti encore condamné
Le 4ème Congrès mondial de l’Internationale de l’Education (I.E) s’est déroulé du 18 au 26 juillet 2004 à Porto Alegre au Brésil. L’I.E est la principale organisation mondiale regroupant les syndicats enseignants de 161 pays, 315 organisations qui représentent plus de 26 millions d’adhérents (es). Le SEP et le SYNESED, représentant respectivement les enseignants djiboutiens du premier et du second degré et tous deux affiliés à l’UDT à l’échelle nationale et à l’I.E au niveau international.
C’est à ce titre, que ces deux syndicats ont été représentés à ce Congrès. Selon le Délégué M. Souleiman Ahmed Mohamed, ex-Secrétaire Général du Synesed et Secrétaire Général Adjoint de l’UDT de Djibouti, à Porto Alegre : « notre pays fait figure de brebis galeuse au sein des nations en raison des violations répétées des libertés fondamentales en général et syndicales en particulier. Les discussions relatives à notre pays à ce congrès étaient en total décalage avec les thèmes traités. On se rend compte, dit-il, à quel point un pouvoir liberticide et anachronique nous place honteusement à la traîne du monde en terme de développement social et même de développement tout court. La résolution condamnant la République de Djibouti a été votée à l’unanimité».
Le thème principal du Congrès était l’Education pour le progrès global avec comme sous-thèmes : 1) Education : service public ou marché, 2) le droit d’enseigner : Le droit d’apprendre et 3) Recrutement d’enseignants qualifiés et leur maintien dans la profession.
Le Président Lula à la tribune
du 4ème congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation
Résolution politique de l’Internationale de l’Éducation
RÉSOLUTION CONDAMNANT LE GOUVERNEMENT DE DJIBOUTI
Le 4e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation, réuni à Porto Alegre Brésil, du 22 au 26 juillet 2004:
Considérant que:
1. La quasi totalité des dirigeants syndicaux des centrales et des organisations enseignantes sont licenciés en raison des activités syndicales entreprises entre 1995 et 1997.
2. La plupart d’entre eux ont connu une répression policière sévère, des arrestations répétées et des emprisonnements pour les mêmes raisons; les leaders actuellement en activité sont persécutés dans leur travail.
3. A chaque rencontre internationale, le gouvernement « accrédite » et oppose aux organisations légitimes des syndicats-maison lui servant d’alibi.
4. Le gouvernement ne respecte pas ses engagements lors des missions de conciliation entreprises par des organismes internationaux tel que le Bureau international du travail (BIT).
5. Le gouvernement refuse tout dialogue direct et toute reconnaissance des syndicats libres et indépendants dans le pays.
6. Cette attitude du gouvernement constitue le véritable obstacle au développement d’un syndicalisme authentique, source de progrès social, et retarde d’autant l’avancement d’une culture démocratique dans le pays.
Le quatrième Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation
1. Condamne le gouvernement de Djibouti pour les violations répétées des conventions de l’OIT (87 et 98) relatives à l’exercice des libertés syndicales et de la charte des Nations Unies sur les Droits de l’Homme.
2. Exige du gouvernement:
• De procéder sans délai à la réintégration professionnelle avec les droits pertinents de tous les syndicalistes (enseignants et autres), sanctionnés pour leurs activités syndicales;
• De mettre fin aux entraves à la liberté syndicale en reconnaissant et respectant les syndicats libres et indépendants démocratiquement constitués et affiliés aux organisations internationales telles que la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et l’Internationale de l’Éducation;
• D’ouvrir avec ces syndicats des négociations visant à parvenir à une normalisation de la situation syndicale dans le pays.
Lu pour vous
ÉROSION, DÉTRITUS, POLLUTION …
LA SOMALIE, POUBELLE DE L’EUROPE
COURRIER INTERNATIONAL N° 714 DU 8 AU 14 JUILLET 2004
CORRIERE DELLA SERA
Milan
Guerres des clans, balkanisation, multiplications des Chefs de guerre, massacres d’innocents, parcellisation de Mogadisho, trafics d’armes et de drogue, des exilés partout dans le monde : on connaît cette litanie des drames somaliens consécutifs à la chute du Général Mohamed Siad Barré en 1991. Depuis, les conférences de réconciliation se suivent et semblent plutôt renforcer les belligérants armés pour la succession du dictateur déchu dans un pays en ruine. Celle qui se tient depuis quelques mois à Nairobi ne semble pas offrir, elle non plus dans l’immédiat, les perspectives d’une paix véritable pour ce peuple frère. Reprenant un article paru dans la presse italienne, «Courrier International» attire l’attention sur un aspect méconnu, mais porteur de tous le dangers : l’absence d’État et l’incapacité de la communauté internationale à remédier à ce vide, profitent pourtant à certains. La Somalie est aujourd’hui devenue un véritable dépotoir où des multinationales viennent se débarrasser de produits, toxiques et peut-être même nucléaires.
Des containers suspects s’ensablent régulièrement sur la côte somalienne, provoquant maladies et comportements bizarres chez les animaux marins. L’ONU s’est inquiétée des dangers de cette pollution d’origine chimique et peut-être radioactive.
Le container est ensablé non loin de là, sur une plage brûlée par le soleil de la Somalie centrale. Personne ne veut s’en approcher et nous avons du mal à décider les gens, épouvantés, à nous accompagner pour que nous puissions le voir, le toucher et le prendre en photo.
« Il est dangereux, il contient des produits toxiques. Ceux qui habitent par ici ont eu des malaises », explique Abdullahi Aboukar, un pêcheur vivant à Igo, minuscule village du bord de la mer, à 350 kilomètres de Mogadiscio. Il finit par se laisser convaincre et nous montre le chemin.
La citerne cylindrique de 6,40 m de long et d’un peu plus de 2 mètres de diamètre se trouve à quelques kilomètres de là. Le sel et l’action mécanique des vagues menacent de corroder le container déjà rouillé.
Il est actuellement à 6- 7 mètres du rivage; mais, lorsque la marée monte, l’eau l’encercle et parfois l’emporte au large. « Mais il ne s’éloigne pas. Il vogue pendant quelques heures, il se déplace de quelques dizaines de mètres; puis il s’ensable de nouveau sur la plage, au bord de l’eau, là où les vagues se brisent », explique Abdullahi.
La couche la plus superficielle des containers, en métal et hermétique, tend à disparaître et s’effrite dès qu’on la touche.
Personne ne sait ce que contient cet objet étrange, mais, selon les mises en garde du PNUE (Programme des Nations unies pour l’Environnement), il pourrait renfermer des déchets toxiques, peut-être même radioactifs, en provenance d’Europe et jetés à la mer.
Depuis longtemps déjà, la Somalie fait partie des destinations où il est possible de se débarrasser de déchets nocifs. Le pays connaît un état de guerre civile permanente depuis la fin de l’année 1990 ; il est entre les mains de bandes armées qui ne cessent de s’entre-tuer et qui contrôlent certaines parties plus ou moins grandes du territoire. Il est difficile de se déplacer dans le pays car on risque constamment d’être attaqué.
Abdi Nur, le directeur adjoint de la coopérative de pêcheurs de Maregh, un village situé à 15 kilomètres au nord d’Igo, nous décrit les symptômes qu’il a constatés chez certains animaux marins : « Nous avons relevé de
nombreux cas de cécité. Il est parfois possible de pêcher avec les mains : les poissons ne bougent pas.. Ils ne fuient pas. Quant aux tortues, elles sortent déposer leurs oeufs sur le sable, mais ensuite, au lieu de retourner à l’eau, elles avancent toujours plus loin sur la terre ferme. »
LE TRAFIC DES DÉCHETS AUX MAINS DU CRIME ORGANISÉ
Hussein Mohamud Ossobleh est le chef du district d’El Dehere, un village perdu dans la brousse somalienne, entouré d’oasis et de puits, à une quinzaine de kilomètres de la mer. Maregh est sous sa juridiction. « Nous avons envoyé de nombreux massages à la communauté internationale, à l’ONU et à l’Union européenne. Mais personne ne semble se soucier de nous et de la catastrophe qui guette nos côtes et menace toute la région. Il y a quelques mois, raconte Ossobleh, visiblement inquiet, des nomades ont trouvé un énorme bidon à Ragah Elle, un village près d’Adalé, à quelques kilomètres de la côte. Ils ont réussi à enterrer avec l’aide de la population locale. Maintenant, à cet endroit, le terrain se soulève comme si le cylindre et son contenu mortel étaient en train de gonfler.»
Impossible de dialoguer avec les gens du PNUE, dont le quartier général est à Nairobi : les commentaires sont brefs et du genre : ne savons rien, nous mènerons l’enquête tard. Impossible d’obtenir un rendez-vous ou document.
Mais un fonctionnaire de Genève, qui a insisté pour garder l’anonymat, commente : « Nous savons très bien que le trafic est désormais entre les mains du crime organisé. Dans les pays occidentaux, l’élimination des déchets coûte 250 dollars la tonne; en Somalie, il ne coûte que 2,5 dollars. Il n’est pas difficile d’imaginer les profits considérables que génère ce trafic. Nous savons que des bateaux naviguent au large des côtes extrêmement poissonneuses de l’Afrique et déchargent tout et n’importe quoi. Les containers qui s’ensablent sur la côte ne sont qu’une infime partie des caisses qui gisent au fond de la mer.
C’est surtout là qu’est le danger. Et il ne s’agit pas seulement de substances chimiques toxiques, mais également de déchets radioactifs, provenant de centrales nucléaires, et de déchets plus banals, issus de produits hospitaliers. Lorsque les containers et les citernes usés et rongés par l’érosion, déverseront leur contenu mortel dans la mer somalienne, ce sera la catastrophe. »
Massimo A. Alberizzi
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