Réalité numéro 105 du mercredi 22 septembre 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 105 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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EDITORIAL
AHMED YOUSSOUF, PRÉSIDENT DE L’ARD
La finitude de l’être humain, le fait de se savoir inéluctablement condamné à la mort biologique, est une donnée anthropologique fondamentale, un invariant universel. Se sachant par définition de passage sur cette terre, et sachant par le Coran que biens et enfants ne sont que factices parures terrestres, l’individu respectueux du don de la vie à lui fait par Dieu tente, en stricte conformité avec les commandements religieux et moraux, de laisser une empreinte positive dans l’Histoire, en hommage à ses prédécesseurs, au service de ses contemporains et comme jalon pour les générations à venir.
L’Histoire coloniale a en son temps enregistré les sacrifices consentis par les ancêtres du regretté Ahmed Dini dans leur résistance aux Italiens et aux Français, tout comme l’Histoire contemporaine a retenu sa propre contribution à l’émancipation du Peuple djiboutien. Même si le sectarisme post-indépendance l’a empêché de consolider l’Unité d’une Nation dont il est le fondateur, en dépit de toutes les tentatives postérieures de manipulation, l’Histoire immédiate de ses contemporains lui reconnaît d’avoir toujours subordonné son action aux impératifs supérieurs de l’intérêt général.
Toutefois, pour que sa vision d’une société djiboutienne réconciliée avec elle-même et oeuvrant, harmonieuse, dans le sens de son Développement, puisse s’inscrire, pour pleinement se réaliser, dans une durée dépassant celle de son existence par définition trop courte, notre ancien et regretté Président se savait compter sur la détermination de celles et de ceux qui l’ont indéfectiblement soutenu dans l’exaltante construction de l’ARD, comme dans la consolidation de l’UAD. C’est avec fierté et humilité que la Direction du parti qu’il a fondé s’est immédiatement attelé à la mission historique qui lui incombe : démontrer jusqu’à la victoire que l’oeuvre survit à son créateur et que chez nous, les personnes sont au service d’un idéal.
Tout naturellement donc, et conformément à nos Statuts, M. Ahmed Youssouf a été désigné Président de l’ARD en remplacement de M. Ahmed Dini. La simplicité de notre nouvel homme fort témoigne de ses convictions sans faille : il n’a jamais transigé sur ses principes, jamais confondu compromis et compromission. Son inébranlable détermination à poursuivre le Combat lui insufflera tant d’énergie, qu’avec l’aide du Très-Haut, il réussira dans sa priorité : mener ses troupes en rangs serrés au prochain Congrès de notre mouvement. C’est sous sa conduite que les responsables de l’ARD entameront, dès vendredi prochain, une tournée dans les annexes du Parti à Djibouti-ville d’abord, dans les districts de l’Intérieur ensuite.
Autant que la Nature, l’ARD a horreur du vide. Si le régime peut se permettre de laisser vacant plus d’un an le poste de Premier ministre, trahissant ainsi tous les déséquilibres qui le condamnent inéluctablement à la disparition, la dramatique urgence de la situation nationale intime à notre Président Ahmed Youssouf de ne ménager aucun effort en direction de toutes les régions de notre territoire et de toutes les composantes de notre Nation : un très proche avenir lui en sera reconnaissant. Il ne peut pas faillir à son Destin, dans l’intérêt général !
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Hommage à Chehem Daoud Chehem
1932 – 15 septembre 2004
Trois jours après la disparition de notre Président Ahmed Dini Ahmed, la Nation djiboutienne, encore sous le choc, a été de nouveau ébranlée par la perte d’un autre grand homme en la personne de Chehem Daoud Chehem, combattant de la démocratie et illustre numéro deux du Frud-armé.
Issu d’une famille notable de la région de Tadjourah, le regretté Chehem Daoud faisait partie de cette génération de bâtisseurs qui auront marqué l’histoire de notre pays pour avoir forgé l’identité djiboutienne.
Entreprenant et intrépide, il entre très tôt dans la vie active et s’impose rapidement comme un homme d’affaires influent membre de la Chambre de Commerce de Djibouti.
Grand voyageur, chaleureux et polyglotte, il devient une des personnalités nationales les plus en vue dans les années 70 en tant que député et ministre.
Au lendemain de l’indépendance, il s’oppose à la politique du nouveau régime qu’il pressentait lourde de dérives sectaires et prend alors le chemin de l’exil, en Ethiopie puis en France.
C’est ainsi qu’en 27 années d’indépendance, notre regretté compagnon connaîtra par deux fois l’exil et n’aura vécu qu’une dizaine d’années dans sa patrie.
Peu avant le déclenchement de la lutte armée, accusé de soutenir activement le mouvement armé djiboutien, Chehem Daoud et trois de ses compagnons sont arrêtés et emprisonnés durant six mois en Ethiopie.
En reconnaissance de sa contribution à la lutte et aux souffrances endurées dans les sinistres geôles éthiopiennes, il est désigné par le mouvement rebelle en août 1992, comme son représentant dans les pays Arabes et Africains.
Ami intime et proche conseiller d’Ahmed Dini, son compagnon de lutte et d’exil, il est tout naturellement élu à la Vice-Présidence du FRUD-armé au troisième congrès de ce mouvement tenu dans le maquis en novembre 1997.
Pendant son exil en Europe, notre Vice-Président usera de toute son influence pour aider à l’installation des réfugiés et exilés djiboutiens en Europe et en Amérique.
La diaspora djiboutienne, à laquelle il avait tant apporté, a durement ressenti sa disparition et continue de faire parvenir de nombreux messages de condoléances à sa famille et à l’ARD.
Pour l’ARD, continuité historique du FRUD-armé et pour tous les militants de la démocratie, Chehem Daoud restera un des artisans de l’Accord-cadre de réforme et de Concorde civile signé à Paris le 7 février 2000.
Habile négociateur et fin connaisseur de la société djiboutienne, le dirigeant nationaliste sera accueilli en héros par la Nation djiboutienne toute entière en mars 2000 aux côtés du Président Dini. Les Djiboutiens n’oublieront pas également qu’hospitalisé pour de graves problèmes de santé à Paris, il a courageusement tenu à rentrer au pays pour honorer de sa présence la signature le 12 mai 2001 à Djibouti de l’Accord de paix définitive entre le gouvernement et le FRUD-armé.
Nos concitoyens gardent en mémoire la cérémonie émouvante au cours de laquelle il a été décoré aux côtés du Président Dini au Palais du Peuple.
Au nom de tous les militants de l’ARD, des anciens combattants du FRUD-armé, de la Direction du parti, de la Rédaction de Réalité, et en son nom personnel, le Président Ahmed Yousouf Houmed présente ses condoléances les plus attristées à toute la famille de Chehem Daoud Chehem.
Qu’Allah l’accueille en son Paradis éternel ! Amin.
INNA LILLAH WA INNA ILEYHI RAJI’UN
Condoléances et remerciements
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Condoléances du Parti Populaire Social Démocrate
au Vice-président de l’ARD, Ahmed Youssouf Houmed
C’est avec une réelle émotion que je viens d’apprendre le décès de M. Ahmed Dini Ahmed.
J’en suis peiné.
En cette pénible circonstance, permettez-moi de vous adresser au nom du Comité Exécutif du Parti populaire Social Démocrate (PSD), de l’ensemble de nos adhérents, militants, sympathisants et en mon nom personnel, nos condoléances les plus attristées.
M. Ahmed Dini Ahmed fut pour moi, non seulement un compagnon de lutte, mais un frère dont j’apprécie à sa juste valeur, ses qualités d’homme d’Etat et le rôle déterminant qu’il a mené pour faire de Djibouti une nation unie, libre, indépendante et indivisible.
Croyez bien que son action restera vivace et graver pour toujours dans nos mémoires.
Nous sommes de tout cœur avec vous en ces moments difficiles.
Avec ma gratitude, je vous prie d’agréer, Monsieur le Vice-président, l’expression de mes pensées les plus dévouées.
Moumin Bahdon Farah
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Condoléances de la section Q4/Q6
du Mouvement pour le Renouveau Démocratique (MRD)
Le Vice-Président et le Trésorier de la section de base du MRD à Q4 et Q6, MM. Saïd Abrar et Mirgan Ali, se joignent aux habitants de leurs quartiers pour adresser leurs sincères condoléances à la famille, aux proches, aux compagnons de lutte de l’ARD et à l’ensemble du Peuple, à l’occasion du décès de notre regretté Président et Père de notre Nation, Monsieur Ahmed Dini Ahmed. Papa Dini, nous resterons à jamais reconnaissants de ta générosité, ta sincérité, ta grande patience, ta longue et difficile lutte pour nous bâtir une vraie Nation. Vous avez été croyant, pieux, pratiquant, défenseur du Bien et des causes justes. Nous continuerons le combat jusqu’à la réalisation de vos voeux d’une totale alternance démocratique dans notre pays.
Inch Allah en 2005 « année de l’espoir » pour notre Peuple. Le combattant est mort, le combat continue. Papa Dini, repose en paix, au revoir au Paradis
Inna Lillaah Wa Inna Ilayhi Raaji’uun
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Remerciements du Président Ahmed Youssouf
Profondément touché par tous les messages de sympathie adressés à notre parti après le décès de notre Président Ahmed Dini Ahmed, le Président Ahmed Youssouf Houmed remercie toutes celles et tous ceux, personnalités nationales comme étrangères, diaspora djiboutienne comme société civile nationale, qui nous ont soutenus en cette triste circonstance.
Le Président de l’ARD, Ahmed Youssouf Houmed
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Remerciements de M. Mohamed Ahmed Kassim
Au nom de la famille du regretté Ahmed Dini, et en mon nom personnel, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui, innombrables, nous ont témoigné leur sincère sympathie dans cette douloureuse épreuve.
Comme eux, je ne puis manquer de regretter, en tant que citoyen, que les médias d’Etat aient osé occulter la contribution inestimable du défunt à notre Histoire commune : la proclamation de notre Indépendance nationale après une lutte acharnée.
Mohamed Ahmed Kassim, dit Haïssama
Le dernier message politique de M. Dini
Jusqu’à son dernier souffle, le regretté Ahmed Dini aura été un combattant exemplaire. Le texte reproduit ci-dessous et publié dans Les Nouvelles d’Addis constituait sa contribution au colloque tenu à l’Assemblée Nationale française. Le thème central de ce colloque était l’examen des déboires démocratiques dans la Corne de l’Afrique
Colloque Les Nouvelles d’Addis – Les Verts/Paris, Assemblée nationale.
2 février 2004.
Message de M. Ahmed Dini Ahmed, ancien Premier ministre de Djibouti, président de l’Alliance Républicaine pour le Développement (ARD).
Monsieur Dini, souffrant, n’a pu participer aux travaux du Colloque du 2 février; il a adressé à l’Assemblée le message ci-dessous, transmis par Mohamed Kadamy.
Ahmed Dini est décédé le 12 septembre 2004 à Djibouti. Ce texte est son ultime message politique extérieur.
Cette salle a vu d’autres colloques pour débattre de sujets aussi sérieux qu’actuels, dignes d’intérêt. Mais celui qui nous réunit aujourd’hui est quelque peu différent par l’approche adoptée pour son organisation par ses initiateurs et par les thèmes choisis pour le débat.
Que les initiateurs soient remerciés pour l’immense effort consacré à l’organisation de ce colloque et tout spécialement le député Vert, Noël Mamère et le secrétaire transnational de ce parti, Patrick Farbiaz, Les nouvelles d’Addis et certains démocrates de la région.
D’abord, l’avantage de l’approche adoptée permet ou permettra, je l’espère, des débats sereins, sans risque de voir s’instaurer des échanges acrimonieux entre les participants.
Ce qui aurait altéré la portée des idées débattues. Cela n’empêchera pas les nécessaires contradictions qui en enrichiront le contenu, il faut l’espérer.
Quant aux thèmes choisis, sans prétention de viser à une portée académique tous les sujets importants, ils permettent cependant de couvrir certains aspects saillants qui nous posent problème, en tant que peuples de la région.
Ceci, bien entendu, découle de constats aussi multiples qu’irréfutables.
Or, que constatons-nous dans nos différents pays ?
L’existence des gouvernements en principe pour gouverner les pays, les diriger sur le développement général, en veillant à la création et au maintien des conditions favorables à ce développement général.
Ce qui comporte nécessairement et notamment l’aménagement du pays, support et source des richesses nécessaires à l’amélioration générale des conditions d’existence des peuples.
La réalité concernant le gouvernement met en évidence le peu de moyens mis à sa disposition qu’il consacre à réaliser les objectifs qui devraient être les siens, maintenant un état de sous développement généralisé, facteur essentiel dans sa politique visant à garder le pouvoir.
Aucune politique de dialogue avec son opposition ne lui paraît tolérable, ni même concevable.
Et lorsque ce dialogue s’amorce à l’initiative de l’opposition, dans de rares occasions dramatiques, les engagements pris sont bafoués par le gouvernement, sans possibilité de recours.
En ce qui concerne l’opposition, tenue par le gouvernement en absolu ostracisme et mépris, n’ayant accès à aucune transparence pour s’informer et agir, elle se limite au rôle ingrat et apparemment négatif de critiquer.
Ce qui parvient à sa connaissance, au risque de finir par ressembler à un unilatéralisme au pouvoir contre lequel elle lutte.
Que faire alors pour sortir de cette situation qui apparaît sans issue ?
C’est pour rechercher des éléments essentiels à ces difficiles questions que les thèmes de ce colloque ont été élaborés et soumis à nos débats ; tout en tenant compte du fait majeur que les peuples de la région ne seront pas les seuls concernés par les réponses qui seront trouvées, mondialisation oblige.
Ceci étant tellement vrai que la plupart des Etats de la corne de l’Afrique présentent des
conditions géostratégiques de première importance, certains parmi eux comme Djibouti abritant à ce titre des bases militaires étrangères.
La Somalie, étant donné ses conditions internes, est soupçonnée à tort ou à raison, de représenter des foyers potentiels de problèmes régionaux.
C’est pourquoi ce pays se trouve mis sous surveillance étroite par les grandes puissances, sur sa façade maritime, ce qui viole, en quelque sorte, sa souveraineté.
Les inconvénients émanant de la présence des grandes puissances dans certains pays, recouvrent parfois l’opposition aux intérêts bien compris des peuples de cette région.
Exemple, lorsque la diplomatie d’une grande puissance s’arrange pour faire participer des contingents militaires – forces de répression dans leur pays – aux forces des Nations Unies pour veiller à la légalité internationale, alors que le contingent constitue une force de répression aveugle chez lui.
Ou bien que cette même diplomatie insiste pour l’envoi comme observateurs d’élections à l’étranger d’agents qui pratiquent chez eux des fraudes électorales en faveur du pouvoir en place.
C’est le cas de Djibouti : Contingent militaire en Haïti, observateurs au Togo, en 2003.
Ceci pour démontrer que tout va bien à Djibouti.
Pour finir, je tiens personnellement à saluer parmi vous, Madame la Ministre des Affaires Etrangères du Somaliland, Edna Adan Ismaïl.
Ahmed Dini Ahmed
Paris, le 2 février 2004
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Hommages et témoignages
De très nombreux messages continuent d’affluer au siège de notre Rédaction et sur différents sites Internet. Ne pouvant tous les publier, nous en reproduisons ici ceux qui nous semblent les plus significatifs, dont un leitmotiv se dégage : poursuivre le combat politique.
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« Nous essayerons d’être fidèles à tes idéaux de justice et de liberté. »
Mohamed Kadamy Youssouf
Nous sommes sous le choc de la disparition prématurée de Ahmed Dini «Hamza».
J’adresse mes condoléances les plus attristées à sa famille. Je m’associe à la peine de ses nombreux amis et des milliers de personnes qui ressentent douloureusement son décès.
C’est une immense perte pour les démocrates djiboutiens, l’ensemble du peuple de Djibouti et pour toute la région.
Nous perdons :
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• Un homme de principe d’une intégrité morale exceptionnelle (chose rare en politique)
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• Un militant qui a lutté jusqu’au dernier souffle de sa vie pour la liberté et la justice
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• Un dirigeant qui a accepté d’assumer la responsabilité d’un front armé à l’âge où d’autres prennent leur retraite
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• Un homme d’Etat qui, pour donner une chance à la paix, face à l’intransigeance du pouvoir djiboutien, n’a pas hésité à sacrifier certaines revendications malgré l’opposition de ses meilleurs compagnons.
Vivant, il a été de tous les combats pour la justice et la démocratie ;
Mort, Ahmed Dini restera dans les coeurs de centaines de milliers de personnes comme un symbole de résistance à toutes les injustices.
Le meilleur hommage que l’on puisse rendre à cet homme exceptionnel, c’est de permettre à son pays d’emprunter la voie de la démocratie.
A son école, nous avons appris à ne pas nous résigner à l’injustice.
Nous essayerons d’être fidèles à tes idéaux de justice et de liberté, Hamza.
Adieu Hamza…
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Honneur, liberté, intégrité : le combat de Ahmed Dini
COLETTE DELSOL, Directrice des Nouvelles d’Addis
Les Djiboutiens ont perdu un sage et Les Nouvelles d’Addis un ami. Quand nous avons créé ce journal, nous espérions rendre compte des richesses humaines et culturelles de cette région ignorée des médias occidentaux. Jamais nous n’aurions pu espérer trouver un de ses ténors. Ahmed Dini Ahmed était cela, un homme d’une culture exceptionnelle, d’une intégrité remarquable, d’une sagesse ironique et humble, d’une vive intelligence qui savait partager ses passions et ses objectifs, sans asséner, dans la simple démonstration de l’évidence.
Des qualités dissimulées sous une apparence frêle et des yeux rieurs qui recherchaient la connivence ou la provocation amusée.
Maniant avec dextérité l’humour, Ahmed Dini savait quelle arme redoutable il peut représenter, mais aussi quand il fallait y mettre fin pour aborder les sujets essentiels, Djibouti et les Djiboutiens.
Ahmed Dini avait combattu pour l’indépendance de son pays et de son peuple. Il aurait pu, comme tant d’autres, se satisfaire des apparats du pouvoir et regarder avec condescendance le peuple djiboutien.
Mais son seul maître était Allah. Les hommes se devaient, comme lui, de servir Dieu et sur terre, en tant que responsables politiques, de servir leur pays et leur peuple.
Jusqu’à son dernier souffle, il aura tenté d’orienter la politique de Djibouti en ce sens, allant arpenter, souffrant et fatigué, le pays lors des dernières élections législatives, acceptant les
ignominies déversées sur son compte par ses adversaires, engageant ses partisans à modérer leurs troupes pour éviter un bain de sang, tentant par tous les moyens politiques, juridiques et administratifs de faire reconnaître la justice.
Animé par ce désir de justice pour ses concitoyens, il a mené des combats plus ou moins bien compris, même par ses partisans, ; incompréhensions portant plus souvent sur les méthodes que sur les objectifs.
Même dans les affrontements politiques les plus violents, Ahmed Dini n’aura jamais souhaité malheur à ses adversaires au pouvoir. Son sens de l’honneur et sa religion l’en empêchaient. Religion qu’il considérait comme un accord serein entre Dieu et lui, sans besoin de grands discours, ni de démonstrations tapageuses.
A sa famille, à ses amis et à tous les Djiboutiens, Les Nouvelles d’Addis adressent leurs condoléances attristées.
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Un homme qui a épuisé ses dernières forces à éradiquer la dictature djiboutienne
Ali Coubba
Reims (France), le 14 septembre 2004.- La disparition d’Ahmed Dini est bien entendu un drame pour sa famille. Avant tout, je tiens à présenter mes condoléances à ses enfants et à ses proches. Né en 1932 à Mèle (district d’Obock), il disparaît à 72 ans, au moment où il incarnait la dernière chance d’alternance démocratique pour son pays.
Plus qu’un simple responsable politique, Ahmed Dini faisait partie de ces hommes « sur qui la société repose» . Ses moindres propos étaient commentés à travers le pays, suscitant ici l’admiration, là la haine. Il avait le don, le génie, des formules frappantes auxquelles l’opinion publique adhérait spontanément. Pour fustiger la fraction du FRUD qui prit la partie de négocier avec le régime en 1993, il lance en 1994 le terme Agabaa.
Le décès brutal de l’ancien Premier ministre de Djibouti (de juillet à décembre 1977) n’endeuille pas seulement sa famille. Elle plonge dans la consternation tous ses concitoyens (Afars, Somalis et Arabes).
Au-delà de sa patrie, le triangle Afar peut pleurer légitimement ce «fils» prodige.
Cet été, des nouvelles contradictoires circulaient sur l’état de santé d’Ahmed Dini. Nombre de nomades et de citadins que j’ai croisés, en Ethiopie, désiraient lui témoigner leur compassion.
Ahmed Dini était un homme pieux, très versé dans le domaine religieux. Tout aussi immense était son érudition en matière de la culture afar. Sa famille appartenait à la plus prestigieuse et la plus ancienne dynastie sultanique afar : Ad’ali ou Adal. Pourtant, la postérité ne retiendra de lui qu’une seule image : la figure attachante du dirigeant politique.
Son éloquence fiévreuse et litanique (propre à la culture afar et somali), émaillée d’ironie et de séduction, galvanisait des foules. Dans un pays manquant cruellement de culture politique, il n’a jamais pu donner toute la mesure de son génie.
C’est pourquoi, parfois incompris, il était capable de prendre le parti de se «taire». Ce qu’il fit de 1977 à 1981, puis de 1982 à 1991, en s’exilant à Obock, dans le nord du pays.
L’avènement du FRUD, en 1991, allait transfigurer ce politicien singulier et le propulser de nouveau au devant de la scène politique. Son tempérament naturel le poussait davantage à séduire qu’à convaincre son interlocuteur. C’est pourquoi il sera regretté et par ses amis et par ses adversaires.
A cause de sa propension à vouloir concilier croyances religieuses et convictions politiques, de la trahison de ses « amis » et de ses volte-face brusques, Ahmed Dini a manqué beaucoup de rendez-vous. En dehors d’une brève
vice-présidence de 1959 à 1960, des fonctions de ministre et de député (de 1963 à 1973), et enfin de la primature en 1977 (de juillet à décembre), il n’a jamais occupé la première place.
Pourtant, il en avait le profil, la pondération et la maturité. Entre lui et la magistrature suprême, la distance fut souvent petite.
Mais le destin a voulu qu’il s’en approche souvent sans jamais pouvoir le saisir. Nul doute qu’il aurait donné une notoriété enviable à notre petit pays !
Pour ma part, je garderais du défunt l’image d’un homme qui a épuisé ses dernières forces, entre 2001 et 2003, à éradiquer la dictature djiboutienne. Une dictature archaïque et moyenâgeuse.
Sa vie se confond quelque part avec l’histoire de son pays. Animée de grandes espérances, mais si souvent contrariée.
L’ultime hommage qu’on pourrait lui rendre ne serait-il pas de réaliser son combat inachevé ?
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Ahmed Dini : Homme d’épée, Homme de paix
Maki Houmedgaba, Représentant de l’ARD en France
(13 septembre 2004). Né en 1932 à Obock dans la première capitale de la future Djibouti, Ahmed Dini Ahmed aura tout donné pour son pays. Père de l’indépendance nationale, homme d’Etat et homme de culture, la personnalité immense de Monsieur Dini a couvert de son ombre toutes les générations d’hommes politiques djiboutiens, comme elle a tracé les sillons de toutes les carrières politiques et administratives nationales depuis 50 ans.
L’honneur revient aux Djiboutiens dans leur ensemble d’avoir un jour compté un homme de cette graine parmi eux. C’est toute la nation djiboutienne qui est désarmée face au défi du vide sidéral laissé par cette disparition.
L’honneur revient aussi à l’opposition djiboutienne regroupée au sein de l’Union pour l’alternance démocratique (UAD) qui l’avait élevé à sa tête, ainsi qu’aux militants de l’Alliance Républicaine pour le Développement (ARD) qu’il présidait.
Les centaines de condoléances reçues par la famille et par les militants du parti donnent la mesure de la reconnaissance des Djiboutiens pour la lutte menée par leur père à tous. Et la seule manière de persévérer est encore d’être digne de lui, et digne du combat qu’il a légué.
En revanche, l’horreur dans toute sa froideur, orne aujourd’hui les visages de l’ancien président Hassan Gouled Aptidon et de son successeur Ismaël Omar Guelleh qui ont, tour à tour, misérablement trahi la confiance placée en eux et la main tendue par M. Dini pour construire ensemble une nation unie et démocratique.
Hélas, Djibouti a perdu son premier citoyen et son premier modérateur, et court désormais le risque d’un embrasement sans fin des cœurs et des esprits.
Il faut se le dire simplement. L’injustice et les frustrations sont si grandes à Djibouti que, si nous ne nous inspirons pas de M. Dini, nous risquons de compter les morts à Djibouti.
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Ces enfants seront-ils des terroristes ?
OBOCK:L’AVENIRDÉSESPÉRÉ
Humains (LDDH) : comment le régime djiboutien et certains donateurs extérieurs osent-ils impunément et toute honte bue prétendre avoir réhabilité pour à peine un million de nos francs une salle de classe à Médého ? Quand on sait que le régime dépense beaucoup plus dans la plus petite de ses distributions électorales de khat, le constat a de quoi être alarmant : la communauté internationale contribue à sa manière à la consolidation de la mauvaise gouvernance et à l’oppression des peuples, et subsidiairement à la dilapidation des deniers publics prodigués par certains peuples européens démocratiquement plus avancés.
Pour vérifier de visu la situation dans une de ces zones dévastées par le conflit civil, M. Jean-Paul Abdi Noël, le Président de la LDDH, a tenu à se rendre lui-même sur place pour mesurer l’ampleur du chantier. De ce carnet de voyage, il a ramené une discussion à bâtons rompus avec les plus jeunes citoyens de cette portion de notre territoire national. A nos concitoyens de lire avant tout ce témoignage, en gardant à l’esprit ce lucide constat du Président Bush selon lequel il convient, pour durablement combattre le terrorisme international, d’en éradiquer les racines : celles qui nourrissent le désespoir de l’être humain. Voici, en toute simplicité, ce que les jeunes écoliers et collégiens d’Obock ont tenu à raconter.
Ali : On vient nager tous les jours car, à part jouer au foot par cette chaleur étouffante et dans ce khamsin, il n’y a aucune autre distraction ici : pas de salle de cinéma, la maison des Jeunes toujours fermée depuis longtemps, aucune salle de lecture, rien ! C’est complètement mort ici. Même en période scolaire, il n’y a rien pour se distraire. D’ailleurs, c’est même difficile de tout simplement s’instruire car, la plupart du temps, la centrale électrique est en panne : demandez aux autres écoliers citadins comment ils feraient s’ils étaient obligés de faire leurs devoirs le soir chez eux à la lueur d’une lampe.
Ahmed : Ne pensons pas qu’à nous-mêmes. Moi, ce qui me chagrine aussi, c’est que cette année, aucun écolier d’une école de notre brousse n’a passé son entrée en sixième, comme si le CM2 n’existait plus là-bas. Je crois que dans notre district, il y a au moins si autres écoles en dehors d’Obock, je ne comprends donc pas pourquoi aucun écolier n’en est venu pour passer son entrée en sixième. C’est grave et personne ne s’en soucie.
Mohamed : C’est peut-être un problème de transport. Toutes les pistes en brousse sont fichues depuis la guerre et en plus il y a très peu de 4×4 qui circulent dans notre région. Peut-être parce que les gens sont devenus tellement pauvres à cause de cette guerre qu’ils n’ont plus les moyens de louer un 4×4 pour amener les provisions qu’ils viennent acheter à Obock.
En plus, depuis que le bac est tombé en panne, les boutiques d’Obock sont souvent vides. Alors, beaucoup de gens qui habitent en brousse préfèrent aller avec leurs chameaux se ravitailler à Tadjourah, surtout ceux qui vivent autour de Mabla.
Hassan : Justement, moi j’ai de la famille à Mabla et j’aimerais bien y aller. Le problème, c’est que je ne trouve aucun 4×4 pour m’y emmener. En plus, mon père manifeste tous les jours devant le bureau du chef du district car on lui refuse sept mois de salaires…
Ahmed : C’est vrai ! Toute la ville est au courant. C’est injuste. Ils sont une vingtaine de coolies et de cantonniers auxquels le gouvernement refuse sept mois de salaire alors qu’ils ont travaillé dur. La politique, c’est vraiment méchant !
Hassan : Il paraît même qu’une parente de l’un d’eux a été récemment ramenée de la brousse parce que sa grossesse se passait mal. Eh bien, je vous jure qu’il a fallu se cotiser pour acheter le gasoil pour l’ambulance ! D’ailleurs, c’est toujours comme ça que ça se passe : si on ne paye pas le gasoil, pas d’ambulance. Mais il paraît que c’est aussi comme ça dans tous les autres districts du pays, sauf dans la ville de Djibouti.
Mohamed : Mais les choses sont plus graves à Obock. La ville a été détruite pendant la guerre. Le gouvernement nous a fait beaucoup de promesses. Le Président de la République a même apporté des sacs de ciment pour commencer à reconstruire, mais tout a disparu mystérieusement sans qu’aucune maison n’ait été bâtie avec. Maintenant, il paraît que les Européens ont donné beaucoup d’argent au gouvernement pour reconstruire les maisons détruites, mais on le donne parfois à des habitants dont la maison n’a pas été détruite. En plus, je ne comprends pas pourquoi les Européens veulent qu’on habite dans des maisons aussi petites, qui n’ont qu’une seule chambre pour dormir. Je ne sais pas si les maisons sont aussi petites que ça en Europe. Je me demande où les enfants dormiront quand il pleut : peut-être dans la cuisine où les WC ; en tout cas, la véranda n’est pas couverte. Je sais qu’il ne pleut pas souvent chez nous, mais ce n’est pas une raison pour construire des maisons qui n’ont qu’une seule chambre à coucher
Ali : En plus, ce n’est pas totalement gratuit, parce que le gouvernement demande aux gens de payer eux-mêmes une grande partie des travaux de construction. Ici, les gens qui travaillent ne sont pas nombreux, c’est pour cela qu’il n’y a aucune banque dans notre ville.
Alors, je ne sais pas comment les gens pourront payer leur part pour avoir ces nouvelles maisons, si petites, si minuscules.
Hassan : Excusez-moi, mais je dois vous quitter. Il est l’heure d’aller prier et je dois ensuite apporter à manger à ma tante qui est hospitalisée au dispensaire depuis avant-hier.
La pauvre, je ne sais pas comment elle fait pour dormir le soir, avec tous ces moustiques, parce que la plupart du temps, il n’y a pas d’électricité à cause de la centrale qui tombe toujours en panne. Le médecin et les infirmiers sont bien sympa, mais ça ne suffit pas pour soigner tous ces pauvres malades.
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