Réalité numéro 104 du mercredi 15 septembre 2004 |
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SPECIAL N°4
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Sommaire
2. La Nation perd un de ses plus illustres fils 3. Messages et témoignages |
Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 104 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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EDITORIAL
LE COMBATTANT MEURT,
LE COMBAT CONTINUE
Débarrassons-nous de l’anecdote : même des dignitaires du régime ont tenu à marquer de leur présence les funérailles de notre Président, le regretté Ahmed Dini. Ce qui nous touche : la compassion est effectivement une valeur universelle. Toutefois, comme l’honnête homme, nous ne pouvons manquer d’émettre au moins une réticence qu’impose le bon sens : celle qui consiste à se demander comment peut-on tour à tour insulter la personne du vivant et saluer la mémoire du défunt ?
Car l’anecdote a sa morale : c’est peut-être ce qui explique que le parti au pouvoir ait en même temps assuré la sécurité policière du cortège funéraire en ce dimanche soir, tout en laissant sa télévision diffuser des chansons quelque peu déplacées.
Cette indécence festive officielle venant polluer des condoléances personnelles, donc sincères, montre dans tout son cynisme et dans toute sa mesquinerie le despotisme du pouvoir en place : il est futile de feindre regretter la disparition d’un tel homme d’Etat, hier présenté comme l’irréductible ennemi à abattre. Mais il ne s’agit pas de rêver : un dirigeant qui n’a d’Histoire qu’usurpée et extorquée n’a pas la grandeur nécessaire pour honorer comme il se doit, et comme l’avait souhaité nos concitoyens, celui qui a proclamé l’Indépendance de notre pays !
Eu égard justement à la profonde et unanime tristesse de nos concitoyens, rappelons l’importance cruciale du contexte dans lequel survient ce qui est véritablement vécu comme une tragédie nationale : l’horizon obscur de la prochaine élection présidentielle. La précipitation dans laquelle le régime a déjà concentré tous ses efforts vers cette échéance fondamentale suffit à démontrer qu’avant ce drame, il ne considérait nullement sa victoire acquise.
Car, entre un candidat à sa propre succession, réduisant la mission politique à une grossière comédie sur fond de distribution de khat, au passé connu de tous et au passif enduré par presque tous, et un leader indépendantiste unanimement considéré pour son engagement sans faille dans la construction d’une Nation Djiboutienne respectueuse de sa diversité, pour qui tout dirigeant digne de ce nom doit avant tout se respecter pour prétendre mériter la confiance de ses concitoyens, le verdict était indéniablement connu d’avance.
Si, toutefois, la volonté populaire n’était pas étouffée, comme dans le passé, par les différents baillons administratifs, militaro-policiers et constitutionnels.
Mais, Gloire à Lui, le Tout-Puissant qui prédétermine notre destinée en avait décidé autrement, et c’est ainsi la fin d’une époque qu’illustre si pitoyablement ceux du régime : celle où le chef charismatique guidé par ses convictions est prétendument supplanté par le caïd accidentel et le figurant circonstanciel. (Suite en page 4)
C’est pourquoi terminons par l’essentiel : contrairement a ce qu’a inconsidérément propagé une dépêche de presse complaisante et orientée vers la consommation externe, le regretté Ahmed Dini n’avait absolument pas été pressenti pour une quelconque candidature, ni par son parti, ni encore moins par l’opposition démocratique regroupée au sein de l’Union pour l’Alternance Démocratique.
Tout simplement parce qu’il y a une différence fondamentale entre compétition sportive et compétition électorale : contrairement à la première, il ne s’agit pas dans la seconde de tout juste participer, surtout quand il n’y a ni règles ni arbitre impartial. En clair, on entre dans l’arène politique pour gagner, pas pour être spolié !
Or, en l’état actuel de l’environnement institutionnel djiboutien, et considérant l’ampleur organisée et le caractère systématique des fraudes qui ont discrédité les dernières législatives de janvier 2003, rien ne pourrait justifier un changement miraculeux des fraudeurs patentés. Coupables de surcroît d’une inacceptable violation de l’Accord de Paix du 12 mai 2001 : le régime djiboutien voudrait être le seul au monde à consolider la paix en aggravant les causes du conflit civil.
Quand on ambitionne un destin politique, la première rigueur consiste à ne pas mentir à ses concitoyens, à ses sympathisants et à ses électeurs : puisqu’il est clairement établi que, dans le système tel qu’il s’impose aujourd’hui, seul l’ancien parti unique au pouvoir et ses alliés à géométrie variable peuvent remporter une consultation électorale quelle qu’elle soit, il est de notre devoir d’en prendre acte… en acte ! Et d’en informer toutes celles et tous ceux qui voient en nous une chance d’alternance démocratique pacifique.
Ce débat traverse l’opposition depuis quelque temps et la question devra être tranchée dans un proche avenir : il n’est pas sérieux de donner d’infondés espoirs lorsque la mécanique frauduleuse est si profondément implantée, qui plonge ses racines dans le déni des droits fondamentaux tels que la citoyenneté et le travail. Il faut donc impérativement définir la stratégie qu’implique la situation : si une vaste prise de conscience agissante de toutes nos concitoyennes et de tous nos concitoyens peut se dresser contre cette dictature sortie des urnes, il faut en définir les modalités pratiques, en procédant à l’évaluation la plus précise de toutes les variables à prendre en considération. Restons donc tous mobilisés et refusons la régression que ce régime prétend nous imposer !
Le seul fait de nous lire en cette douloureuse circonstance est la preuve la plus éclatante que, si le Combattant meurt, la Lutte continue. Nous en avons toujours été intimement convaincus et le sommes encore plus aujourd’hui.
Merci de nous en assurer.
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La Nation perd un de ses plus illustres fils
AHMED DINI AHMED 1932- 12 SEPTEMBRE 2004
Rappelé à Dieu le dimanche 12 septembre 2004, Ahmed Dini a rejoint sa dernière demeure accompagné par tout un peuple profondément attristé. En ces moments difficiles mais surmontables, nos lecteurs, amis et concitoyens ne trouveront pas dans nos colonnes une hagiographie de l’honnête combattant que fut notre maître et compagnon. » Réalité » rappelle sommairement le parcours exceptionnel d’un croyant engagé et d’un homme d’Etat. |
« Quand le croyant parle, il entend dire la vérité, et quand on lui parle, il croit entendre la vérité » Cette phrase prononcée en octobre 2002 par le regretté Président de l’ARD pourrait résumer l’intensité de l’engagement politique de cet homme d’action au-dessus du commun des mortels, par la Grâce du Tout-Puissant.
Ahmed Dini aimait également à répéter : » Le faible est celui qui ment, pas celui auquel on ment »
Elevé dans une famille pieuse et lettrée, il a très tôt acquis le goût de la lutte et l’aversion pour toute forme d’injustice.
Arrivé très tôt dans la Capitale, son caractère batailleur le conduit tout naturellement au militantisme syndical, puis à l’action politique. Son combat politique commencé au début des années 50 lui permettra en 1959 de devenir, à l’âge de 27 ans, vice-président du conseil, la plus haute responsabilité accessible à un autochtone en ces temps.
En seulement treize mois de » pouvoir « , Ahmed Dini marque de son empreinte la vie politique nationale, en faisant de l’africanisation des cadres son principal cheval de bataille. L’administration coloniale réclame et obtient alors son limogeage en juin 1960. En démocrate convaincu, Ahmed Dini se retire élégamment après le vote d’une motion de défiance contre lui à l’Assemblée Territoriale.
De 1960 à 1970, il devient une personnalité incontournable connue pour sa combativité indéfectible et sa droiture morale. Ses passages aux affaires restent éphémères et remarqués, mais ce sont surtout ses longues périodes dans l’opposition à la direction de l’UDA qui feront connaître et apprécier l’homme de conviction que fut Ahmed Dini et qui lui vaudront sa notoriété nationale.
A partir de 1971, Ahmed Dini sera à la pointe du combat pour l’émancipation et l’unité nationale. La Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance (LPAI) qu’il dirige aux côtés de Hassan Gouled et du regretté Cheiko devient en 1975 le grand parti de masse avec lequel le pouvoir colonial sera contraint de négocier l’Indépendance de notre pays.
Ahmed Dini est ainsi le premier leader politique djiboutien à faire autour de sa personne une unanimité qui dépasse les clivages ethniques. C’est tout naturellement, qu’après le référendum du 8 mai 1977, il accède à la fonction de premier Président de la nouvelle Assemblée Nationale. A ce titre, lui échoit l’honneur historique de proclamer l’Indépendance de la République de Djibouti le 27 juin 1977 à minuit.
Devenu premier Premier ministre en juillet 1977, il démissionne de ce poste cinq mois plus tard pour marquer sa désapprobation avec les dangereuses dérives sectaires initiées par son pourtant ami et compagnon de lutte, le Président Hassan Gouled Aptidon.
Il entre alors en opposition et tente de créer un parti d’opposition véritablement national avec un vétéran de la lutte indépendantiste, Moussa Ahmed Idriss, épaulés par MM. Abdallah Kamil, Hachi Abdillahi Orah, Mohamed Saïd Saleh et tant d’autres. Ils seront tous emprisonnés pour être relâchés quelques mois plus tard, après l’instauration du parti unique.
Ahmed Dini se retire alors à Obock et assiste, pendant plus d’une décennie, à la destruction de notre pays. Ainsi, qu’il l’avait prévu et déploré dès sa rupture consécutive aux exactions de décembre 1977, c’est de là qu’il a suivi attristé les déchirements de l’année 1991.
Contraint en novembre 1991 de quitter sa ville entièrement désertée par ses habitants fuyant les exations gouvernementales, il s’est réfugié en décembre de cette année dans le nord d’Obock, en zone contrôlée par la rébellion du FRUD. Coopté à l’unanimité par le mouvement rebelle en janvier 1992, comme son porte-parole, Ahmed Dini s’est engagé à l’âge de 60 ans dans le combat pour la démocratie et l’égalité.
Une décennie d’exil après, le leader nationaliste a retrouvé sa terre natale en mars 2000, à la faveur d’un accord de paix signé le 7 février à Paris. Qui aboutira, après de difficiles négociations au cours desquelles il devra faire preuve de toute sa sagesse, pour éviter au pays un nouveau déchirement, à l’Accord de Paix du 12 mai 2001 signé à Djibouti et que le Chef de l’Etat s’était solennellement engagé à scrupuleusement respecter, tout en décorant Ahmed Dini de la plus haute distinction nationale.
La violation systématique et éhontée de cet Accord historique par la partie gouvernementale au plus haut niveau, a certainement et négativement pesé sur sa santé qu’avaient déjà fragilisée plus de deux décennies de trahisons et de reniements dont il fut victime.
La création de l’ARD, partie prenante de l’opposition nationale regroupée au sein de l’UAD, a été son ultime tentative pour œuvrer à l’édification d’une Nation Djiboutienne véritablement démocratique et enfin réconciliée avec elle-même.
Terrassé par la maladie, c’est enfin entouré de l’amour des siens, de la considération de ses compagnons de l’UAD et du respect unanime de ses compatriotes, qu’Ahmed Dini s’est éteint à Djibouti le 12 septembre 2004, sans avoir assisté à la concrétisation de ses idéaux, mais apaisé d’avoir tenté, jusqu’à la fin de ses jours, d’établir entre tous les Djiboutiens la Paix des cœurs comme le prône l’Islam.
Dini le mortel est parti, Allah l’Eternel reste !
Inna Illaah Wa Innaa Ilayhi Raaji’uun
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Messages et témoignages
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Union pour l’Alternance Démocratique
(ARD, UDJ, MRD, PDD)
Au nom de l’Union pour l’Alternance Démocratique et en mon nom personnel, j’adresse mes condoléances les plus attristées à la famille de notre très regretté Président Ahmed Dini Ahmed. Homme de parole et combattant de la Liberté, Ahmed Dini Ahmed a toujours été en première ligne pour la défense des valeurs chères à tout peuple et à toute personne : la Justice, les Droits de l’Homme, la Liberté et l’Unité Nationale.
Pieux, l’Homme d’Etat que nous avons connu était une personnalité exceptionnelle.
A nos concitoyennes et concitoyens nous promettons que le Droit et la Justice vaincront l’arbitraire.
En ami convaincu de la justesse de son combat, je ne puis que garantir la poursuite du juste combat qui nous a unis, pour consolider les idéaux de Paix, de Justice et de Démocratie dans l’Unité retrouvée.
Qu’Allah l’abreuve en Son Paradis.
Pour l’UAD
Ismael Guedi Hared
Front pour La Restauration de l’Unité et de la Démocratie
(FRUD)
C’est avec stupeur et grande tristesse que nous avons appris le décès de Monsieur AHMED DINI AHMED, intervenu dans l’après-midi du 12 septembre 2004.
Avec la disparition d’AHMED DINI, le pays perd un grand homme d’Etat qui s’est toujours distingué, en première ligne dans les combats pour les causes justes : comme l’Indépendance, la Démocratie et la Justice. Je sais pour l’avoir côtoyé quelque temps, son sens élevé de l’Etat, sa vaste culture et sa ferveur pour la religion musulmane qu’il pratiquait avec piété et humilité.
Je présente au nom du FRUD et en mon nom personnel nos condoléances les plus attristées à sa famille et à ses proches et à ses amis.
» INNA LILLAH WA INNA ILEYHI RAJIOUN «
Le Président du FRUD
Ali Mohamed Daoud
Ligue Djiboutienne pour la Défense des Droits Humains
(LDDH)
La République a perdu, le 12 septembre 2004 vers 15 heures, un grand homme d’Etat, un sage et courageux patriote Ahmed Dini Ahmed. C’est au nom de la LDDH et en mon nom personnel que j’adresse mes sincères condoléances à la famille et aux proches du regretté Ahmed Dini Ahmed. Il fut, pour moi, un compagnon de lutte pour l’indépendance de notre pays. Porte-Parole et Directeur du journal » Le Populaire « , j’ai été, lors de ces heures glorieuses, son proche collaborateur en charge de l’administration du parti indépendantiste, la Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance – LPAI.
Puis, entre le 8 mai 1976 et le 27 juin 1977, c’est en tant que Secrétaire du Bureau de l’Assemblée Nationale, et sous la Présidence de Ahmed Dini Ahmed, Président du pouvoir législatif, que j’ai travaillé dans la commission mixte composée de la France et du gouvernement de transition. Toujours animé d’une intégrité intellectuelle et morale sans faille, Ahmed Dini Ahmed, une personnalité politique exceptionnelle, avec qui j’ai toujours entretenu d’excellentes relations était, à tous égards, le véritable Père de la Nation. Il était le principal artisan des textes fondamentaux de notre République et des Accords de coopération avec la France dans ces années-là.
Courageux, persévérant, ferme, dans ses décisions et brillant orateur (dans toutes les langues de notre pays), il fut celui qui avait réussi à mobiliser l’ensemble de la population djiboutienne, dans l’Unité, pour l’accession à notre souveraineté nationale et internationale. J’ai connu cet homme de parole qui a toujours respecté ses engagements dans la patience et l’abnégation. Fin négociateur, il avait réussi à mener avec doigté le long et difficile processus des pourparlers avec l’administration coloniale entre 1975 et 1977. Je rends ici hommage à mon compagnon, à l’homme d’Etat, au grand Homme qui m’a appris que la fermeté et l’intransigeance doivent toujours guider toute question relevant de la défense des Libertés et des Droits fondamentaux. Pour lui, ce n’était qu’ensemble que nous pouvions combattre avec efficacité en faveur du Bien-être de nos populations rassemblée contre l’arbitraire et l’injustice.
Depuis la création de la LDDH le 9 mai1999 jusqu’à la signature de l’Accord Cadre à Paris du 7 février 2000, grâce à ses impulsions démocratiques, à sa foi et ses convictions personnelles, il n’avait pas manqué, quelles que soient les circonstances, de consulter les Défenseurs des Droits de l’Homme de la LDDH, pour le respect des Libertés, sur toutes les questions relevant du respect des Droits de l’Homme, surtout en cette période difficile où les exactions sur les populations civiles du nord et sud-ouest étaient des pratiques régulières et courantes du régime, pratiques intolérables, insoutenables et inadmissibles.
Avec sa disparition, nous perdons aujourd’hui, le négociateur hors pair, actuellement le seul homme politique clairvoyant et soucieux de la promotion de l’intérêt général dans un pays qui sort d’une guerre fratricide de dix ans. Il appartient aujourd’hui à tout responsable politique et principalement au gouvernement de réaliser les vœux de notre regretté, compagnon et ami populaire, Ahmed Dini Ahmed : l’application effective des accords de paix du 12 mai 2001, car Ahmed Dini Ahmed n’a jamais failli à ses engagements.
Mon frère Ahmed Dini Ahmed, je peux t’assurer que le peuple est reconnaissant et compatissant.
Adieu frère Ahmed Dini Ahmed, que Dieu Tout-puissant garde ton âme en Paix. Amin
Le Président de la LDDH
Jean-Paul Abdi Noël
COMMUNIQUÉ DE L’ARD
En cette douloureuse occasion qu’est la disparition d’Ahmed Dini, Père de la Nation, la Direction de l’ARD partage sa tristesse avec l’ensemble de la population djiboutienne.
La Direction de l’ARD remercie toutes ses concitoyennes et tous ses concitoyens pour l’émouvant hommage rendu à la mémoire du regretté Ahmed Dini et les exhorte à continuer son juste combat pour l’édification d’une Nation harmonieuse, juste et démocratique.
Enfin, la Direction de l’ARD demande à ses militants de rester mobilisés et de continuer les travaux au sein des annexes pour préparer le futur congrès du parti.
La Direction de l’ARD
REMERCIEMENTS
La famille du regretté Ahmed Dini remercie toutes celles et tous ceux qui, par leurs messages, témoignages, prières, présence et soutien, lui ont témoigné leur sympathie en cette douloureuse circonstance.
Qu’ils trouvent ici l’expression de sa plus sincère gratitude.
Inna Lillaah Wa Innaa Ilayhi Raaji’uun
Au nom de toute la famille
Cassim Ahmed Dini
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