Réalité numéro 101 du mercredi 16 juin 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 101 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
LES DEUX MAMELLES DU TERRORISME POLITIQUE :
L’INCOMPÉTENCE ET L’IRRESPONSABILITÉ
Selon le Dalaï-lama, il y a deux types de terroriste : le vrai et le faux. Le vrai terroriste, c’est celui qui, par son intolérance et son extrémisme, se rend coupable d’inacceptables violences qu’aucun idéal ne saurait justifier. Le faux terroriste, a contrario, c’est souvent l’opposant, même pacifique, auquel les despotes qui l’oppriment prétendent dénier toute légitimité en jetant le discrédit sur son engagement.
L’amalgame, outrancier et irresponsable que le Premier ministre a opéré la semaine dernière à l’Assemblée Nationale, entre les récents événements d’Arhiba, les menaces terroristes contre notre pays et la bombe qui aurait sauté jeudi dernier aux environs de Daasbio, rappelle immanquablement les précautions du Dalaï-lama. Car la légèreté politique des propos du Premier ministre n’ont d’égale que la légitime suspicion que tout observateur connaissant la nature peu pacifique du régime RPP, peut légitimement nourrir quant à la concomitance entre la répression des Jeunes d’Arhiba et les mines qui ont éclaté mercredi dernier à quelques heures d’intervalle en deux endroits de la ligne de chemin de fer. Ce n’est pas par pure coïncidence.
En tout cas, pas pour le Premier ministre qui a tranquillement penché pour une lecture terroriste des délits d’écriture pour lesquels des chômeurs ont été arrêtés, les accusant même d’avoir rédigé un graffiti menaçant les forces étrangères stationnant sur notre sol. Il est permis de douter : ces jeunes n’avaient rien à gagner d’un tel dérapage. Par contre, en les accusant ainsi par la bouche du Premier ministre, ce régime fragile cherche à n’en pas douter à s’attirer le soutien aveuglément sécuritaire des puissances militaires prétendument menacées.
C’est peut-être pour cela que le plus étrange dilettantisme a prévalu dans la couverture médiatique et l’enquête judiciaire de ce qui aurait normalement dû constituer un événement préoccupant : deux mines qui éclatent, ce n’est pas rien. En rendre par la suite discrètement responsables des réfugiés du camp d’Awr-Awsa n’en est que plus inadmissible : restons sérieux ! Et mobilisons notre mémoire : a-t-on déjà oublié qu’au début de l’année 2001, alors que les négociations entre le gouvernement et le FRUD-armé s’enlisaient dangereusement (la rupture que le régime voulait provoquer en créant le district d’Arta n’ayant pas eu lieu), une mystérieuse mine terrestre était apparue sur la piste de Randa ? Si mystérieuse que des pierres vigilantes l’entouraient : elle devait juste constituer un casus belli.
Aujourd’hui, la technique policière est la même, s’y ajoutent juste les impératifs sécuritaires des troupes étrangères que la lutte internationale contre le terrorisme a déversées sur notre minuscule territoire, les rendant du même coup, malheureusement, trop dépendantes d’un régime despotique très peu soucieux d’apporter les bonnes réponses aux vraies questions de ses concitoyens, cherchant dans cette lutte antiterroriste le renfort inespéré et crédule dont il a besoin ; accusant la plus sensée des revendications sociales, celle du droit au travail, de posture terroriste manipulée.
Qui trop étreint, mal embrasse : le zèle avec lequel la presse gouvernementale tente de rattraper certaines gaffes politiques des dirigeants de la mauvaise gouvernance sont parfois cocasses. Ainsi, dans l’éditorial de son édition de lundi dernier, La Nation a pondu un contresens aussi énorme que révélateur, en avançant que « dans notre pays, la manipulation politique a bon dos… » ; ce qui signifie au contraire que l’on met tout sur son dos.
C’est ce que le Premier ministre incompétent a tenté devant des mal élus pour certains dubitatifs, même s’il y en avait toujours assez pour applaudir frénétiquement ce figurant, un ministre en exercice aurait parlé d’« afar de service », comme il qualifiait le prédécesseur de l’actuel souriant. Justement, cela rappelle une anecdote dont les Djiboutiens avaient beaucoup ri à l’époque. Lors d’un traditionnel meeting tenu à l’avenue Cheik Houmed à la sortie de la prière d’un Aïd au tout début du conflit civil, un haut dirigeant du RPP prononçait un discours resté dans les annales comme le testament politique du RPP.
Il disait : « Vous, les Djiboutiens, vous n’êtes pas sérieux avec vos revendications démocratiques. Si vous continuez à nous harceler, nous dirigeants RPP, nous quitterons le pays et nous nous exilerons n’importe où. Nous avons amassé assez d’argent et avons assez de relations de par le monde. Nous n’avons pas besoins de vous ! ».
La fuite devant ses responsabilités dont le Premier ministre se rend coupable n’est donc qu’un remake de cette posture de celui qui est prêt à s’enfuir si le Peuple exige ses droits. Droits qu’exige une Jeunesse pour laquelle le chômage n’est nullement une fatalité.
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Brèves nationales
Psychopathologie de l’insulte :
On ne tire pas au canon sur une mouche
La paisible cité d’Arhiba a été mardi et mercredi derniers le théâtre de violents affrontements entre forces de l’ordre et jeunes chômeurs en colère, heurts qui ont provoqué la fermeture de la route d’Arta pendant plusieurs heures. Après avoir libéré une partie d’entre eux dans la matinée de jeudi, les derniers responsables de ce mouvement ont été libérés dans la journée du samedi 12 juin. Ainsi, MM. Mohamed Houmed Hassan, Dato Mohamed Kamil, Moussa Mahamadé, Hassan Ali Hamad, Hassan Sanalassé, Nimeiri Mohamed Ahmed et Houssein Aden Ali ont libres et c’est tant mieux. Nous saluons ce retour au bon sens d’un régime qui se rend enfin compte que le mépris et la répression augmentent la détermination de tous ceux engagés dans un juste combat.
Par contre, il y a des étonnements étonnants : « dans un tract rendu public le 9 juin dernier, les dirigeants des parties politiques au sein de l’UAD jettent leurs masques en manifestant leur soutien total aux groupuscules de jeunes de la cité d’Arhiba qui ont préféré s’exprimer sous forme de graffitis injurieux dirigé contre le Président de la République et son épouse… » apprend-on dans l’édition du lundi 13 juin 2004 du Progrès, l’organe de presse du Chef de l’Etat. Mais ils n’ont pas été plus injurieux que les écrits officiels du Progrès ou de La Nation. Le message est clair : tant que les espaces de liberté seront muselés et tant que la presse gouvernementale se permettra de bafouer la morale publique en insultant jeunes et vieux, dirigeants ou citoyens, le Président de la République ne devra s’étonner de recevoir la monnaie de singe de sa pièce, en devenant un chewing-gum mâché par tous les désœuvrés ruminant la juste rancune née d’une inadmissible violation du droit au travail ou à la liberté d’expression. Au demeurant, ces jeunes avaient parfaitement le droit d’estimer que la communauté djiboutienne déplore « mille Borrel » !
D’autre part, c’est parce qu’il cherche à fuir ses responsabilités en niant la réalité, que le régime tente maladroitement d’impliquer l’opposition dans cette colère de la jeunesse au chômage. C’est ainsi que, dans son intervention devant les mal élus, le Premier ministre avait accusé ce mouvement d’avoir été manipulé par des forces occultes de l’opposition dont les publications paraissent le mercredi. Quand on sait que seul notre journal sort ce jour-là, c’est tout à fait irresponsable de sa part d’avoir fui ses devoirs avec autant de légèreté : pour proclamer qu’il veut du travail, tout individu n’a besoin que de son propre cerveau. Pour ceux qui n’auraient pas très bien saisi son français oral, Le Progrès a été chargé de clarifier la position gouvernementale et il n’a pas fait dans la finesse.
On peut ainsi lire en page 8 de cette édition, que les rédacteurs du journal Réalité « s’emploient à exprimer leur haine viscérale à l’endroit de personnalités de l’Etat en portant l’amalgame sur l’authenticité de leur citoyenneté selon leur origine tribale et leur fonction administrative. Quand ce n’est pas dans les colonnes de leur moyenâgeuse revue, c’est sur les façades d’un mur privé qu’ils persistent et signent, causant des dommages matériels aux propriétaires et signifiant aux passants l’aperçu du profil psychologique de la personne intérieure qui détermine les faits et gestes des Kassim ». Qu’attend donc le régime pour arrêter ces deux Kassim, en fait, il y a un C quelque part, pour les délits dont l’organe du RPP les rend coupables ? Offensive simiesque ! En tout cas, il ne viendrait jamais à l’idée de nos rédacteurs d’intenter un quelconque procès en diffamation à cette presse de bas étage : on ne tire pas au canon sur une mouche. Les pires graffitis sont décidément ceux commis dans la presse du Chef de l’Etat : le respect, cela se mérite.
Réfugiés d’Awr-Awsa :
Quand le désespoir tue
Depuis quelques jours, les médias gouvernementaux nous apprennent généreusement que des milliers de déboutés du droit d’asile ont volontairement repris le chemin de retour vers leur pays d’origine, et que ne subsistent dans les camps djiboutiens que quelques demandeurs d’asile dont les cas sont actuellement à l’étude. Malheureusement, nous apprenons par des sources concordantes d’Ali-Sabieh et de Dikhil, que les prétendus rapatriements volontaires auraient provoqué la semaine dernière des scènes de désespoir ayant causé la mort d’au moins cinq personnes. En effet, à en croire ces sources, ce sont pas moins de cinq internés de ce camp, peutêtre pas officiellement recensés par le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) puisqqu’il y aurait des clandestins dans ce camp, qui se seraient suicidés, après que les autorités djiboutiennes soient restées sourdes à leurs supplications de ne pas être refoulés vers l’Ethiopie, sous peine d’y être en danger de mort.
Ce sont donc, le 8 juin dernier, deux femmes éthiopiennes désespérées qui se seraient immolées, sans susciter un quelconque émoi, ni des autorités djiboutiennes ni des organisations humanitaires internationales. Deux jours après ce drame, trois réfugiés éthiopiens, dont un lieutenant-colonel de l’ancienne armée de Menguistu, se seraient à leur tour suicidés en présence des responsables administratifs de ce camp, sans provoquer la moindre réaction de pitié des professionnels de la détresse humaine.
Après avoir réellement été une terre d’immigration, de refuge et d’asile dans un contexte régional cruel pour les populations civiles, depuis le bombardement d’Aïsha’a par les troupes impériales au début des années 60, il serait inadmissible que notre pays se rende aujourd’hui complice d’une quelconque agression contre des innocents uniquement coupables d’appartenir à telle ethnie ou religion. Surtout quand on sait, qu’en contrepartie des cadres du FRUD extradés d’Ethiopie, le régime djiboutien a livré aux autorités d’Addis-Abéba à la fin des années 90 des dizaines d’opposants Afar, Amhara, Oromo et Somali : dans le plus strict respect des affaires intérieures de notre voisin éthiopien, le minimum de neutralité aurait été de demander à ces activistes de quitter notre territoire au lieu de les livrer à une mort certaine.
Il est donc malheureux qu’à l’aube du troisième millénaire, des réfugiés sans défense soient acculés au suicide, alors que de milliers d’anciens « clandestins » sont miraculeusement de retour depuis le mois de novembre et ont pignon sur rue. Il est intolérable que les vrais réfugiés en arrivent à se suicider alors que les « réfugiés économiques » sont encore tolérés. Le drame, c’est que ces réfugiés économiques remplissent effectivement une fonction sociale que l’Etat n’arrive pas à assurer à ses propres citoyens : quand il s’agit d’être exploité comme domestique ou gardien, il est normal que le djiboutien rechigne, habitué dès les temps coloniaux à une certaine protection sociale. Nous ne devons pas construire notre bonheur sur le malheur d’autrui.
Victime collatérale ?
Le Renouveau encore persécuté
Un mois après la tenue d’un pompeux séminaire prétendument consacré aux droits de l’Homme, le pouvoir djiboutien semble renouer avec ses réflexes répressifs hérités des sombres périodes du parti unique. Ainsi, au prétexte fallacieux qu’il aurait cherché à heurter le véhicule de l’épouse du chef de l’Etat, notre confrère Houssein Ahmed Farah, journaliste du Renouveau Djiboutien aurait été arrêté mardi 8 juin. Sans qu’aucun constat de police n’ait établi une quelconque collision, notre ami a été détenu cinq jours durant au commissariat central avant d’être transféré à Gabode.
Selon nos informations, il aurait en fait été aperçu en train d’effectuer un reportage sur les événements d’Arhiba, ce qui aurait fortement déplu au pouvoir divisionniste qui n’avait pas hésité à monter une centaine de délinquants style « Jeunes Patriotes » ivoiriens pour agresser ces manifestants et donner une coloration tribale à une revendication essentiellement sociale concernant en fait l’ensemble de la jeunesse djiboutienne condamnée au chômage par ce régime affairiste. Le régime n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai : l’on se souvient que durant la campagne pour les législatives de janvier 2003, des militants Afar et Issa du RPP avaient été mobilisés dans le but affiché de provoquer des heurts intercommunautaires : l’UAD avait restauré le calme.
En fait, si ces jeunes d’Arhiba ont été libérés, malgré les menaces irresponsables du Premier ministre, c’est parce que toute la jeunesse au chômage des quartiers limitrophes avait exigé leur libération et se préparait à descendre dans la rue. Pour preuve, les inscriptions murales au motif desquelles les responsables de l’Union de la Jeunesse d’Arhiba ont été arrêtés, se sont étendues à toute la ville dès leur arrestation.
Comme quoi, indépendamment des origines, tous les jeunes de notre pays revendiquent le même droit : celui d’avoir un travail et d’être respectés.
Après avoir enregistré avec satisfaction la libération de ces chômeurs, Réalité s’inquiète du sort de son confrère Houssein Ahmed Farah et exige sa libération immédiate et inconditionnelle. De même que toute l’opposition regroupée au sein de l’UAD invite ce régime à combattre prioritairement l’injuste et massif chômage des jeunes nationaux, au lieu de faire appel à de la main-d’œuvre étrangère. Le droit au travail doit être égal pour tous, partout dans le pays. C’est ce que tout djiboutien doit exiger pacifiquement.
Plaidoyer pour « Gros Plan » :
A quand une émission sur le Bataillon Somali ?
Pour avoir intempestivement déprogrammé « le jour le plus long » sur FR3, nous avions la semaine dernière un peu trop chargé la société Djib-net, uniquement responsable de la retransmission satellitaire des émissions de cette chaîne publique française. Toutefois, nous avions bien pris la précaution de souligner que l’actualisation de cette partie de notre mémoire collective incombait principalement aux émissions de notre télévision nationale, à laquelle revient par définition la sauvegarde de notre identité collective. RTD n’étant pas tout à fait RTD, il nous semble que c’est à l’émission « Gros Plan », seule capable de démontrer un minimum d’indépendance d’esprit, d’initier un débat public sur la situation actuelle des survivants de ce Bataillon Somali.
Convaincus que son présentateur, certainement soucieux du respect de l’identité djiboutienne, mettra son micro à la disposition des vieillards djiboutiens encore en vie de cette glorieuse épopée, condamnés à l’oubli tant par une France ingrate que par un pouvoir djiboutien sectaire. Que cette seule proposition trouve au moins un début de réalisation, sans aucun calcul politicien.
Lu dans L.O.I :
Des soucis pour la stabilité politique de Djibouti
Décidément, c’est à se demander si, après la France néo-colonialiste et son affaire Borrel, le régime djiboutien ne va pas bientôt se mettre à accuser les Etats-Unis de chercher à le déstabiliser. Car un rapport devant évaluer la force des différents alliés régionalement impliqués dans la lutte antiterroriste, n’est pas très élogieux pour Djibouti dont la stabilité intérieure serait menacée par où la mauvaise gouvernance en place. Voici le commentaire que La Lettre de l’Océan Indien propose de ce document dans son dernier numéro :
« Les USA inquiets des Etats faibles
Un rapport américain s’inquiète des « géants dormants », tel le Kenya, qui s’affaiblissent et génèrent des risques pour la sécurité des Etats-Unis.n Le rapport de la Commission on Weak States and US National Security du Center for Global Development met l’accent sur ces « géants dormants » qui comme le Kenya ou le Nigeria s’affaiblissent au point de devenir attractifs pour des forces qui mettent en péril la sécurité nationale des Etats-Unis. Ce rapport, diffusé le 8 juin, met en évidence trois manquements des Etats faibles. Le security gap, lorsque ces Etats ne peuvent contrôler leur territoire et protéger leurs citoyens des menaces internes ou externes, le capacity gap lorsqu’ils ne parviennent pas à répondre aux besoins de base (éducation, santé…) de leur population et le legitimacy gap lorsqu’ils ne peuvent maintenir des institutions qui protègent les droits et libertés élémentaires des citoyens.
En matière de security gap, l’Erythrée et l’Ethiopie sont classés (du fait de leur conflit territorial) avec les pays ayant connus une « guerre majeure », tels le Rwanda ou le Soudan. Alors que la Somalie et l’Ouganda sont seulement recensés parmi les pays en situation de « guerre intermédiaire ». En matière de capacity gap, les mieux notés sont l’Erythrée, le Mozambique et la Tanzanie, tandis que Djibouti, l’Ethiopie, Madagascar et le Soudan figurent parmi les Etats qui ne fournissent qu’entre 20 et 40% des « besoins de base » de leur population. La Somalie est évidemment en toute dernière place du peloton, alors que les Comores, le Kenya, l’Ouganda et le Zimbabwe sont en milieu de liste. Pour ce qui est du legitimacy gap, Madagascar. Le Mozambique et la Tanzanie ne s’en sortent pas trop mal (de 60% à 80% de réussite selon l’index de liberté politique utilisé). Les Comores, Djibouti, le Kenya et l’Ouganda sont au milieu du tableau, alors que l’Erythrée, la Somalie, le Soudan et le Zimbabwe sont regroupés en toute fin de liste dans laquelle paradoxalement l’Ethiopie n’apparaît pas.»
L’essentiel est dit : même en misant sur la répression et la fraude, un régime qui n’arrive pas à assurer le minimum vital a quelques soucis à se faire : la révolte gronde.
Entre oubli djiboutien et spoliation française : le bataillon somali (2)
2ème partie : Le désengagement politique
Notre regard cette semaine porte sur la condition matérielle des anciens combattants djiboutiens en ce mois de Juin 2004. Si, nous avions adressé un grand merci au Président Chirac pour son discours prononcé lors de la célébration du 60ème anniversaire du Débarquement allié en Normandie en juin 1944, pour avoir, en quelque sorte, réhabilité les anciens combattants issus des pays sous domination française, à cette époque. L’écart entre le discours, du numéro un français, médiatisé à outrance, en raison de l’actuelle donne politique internationale, et la situation de ces hommes continue de perpétuer l’inadmissible discrimination entre les frères d’armes d’hier sur la seule base d’une évaluation ou considération économico-géométrique.
Si, la solution à la situation de précarité des quelques survivants de cette guerre, de leurs veuves ou de leurs ayants-droits, se trouve dans l’hexagone, il est tout aussi regrettable et honteux d’assister à l’oubli auquel les condamne leur propre gouvernement.
Si, à notre Indépendance, le 27 juin 1977, des accords de défense avaient été signés avec l’ancienne puissance de tutelle, pour la reconnaissance des droits inaliénables de ces rescapés de la Seconde Guerre Mondiale, leur condition sociale reste aujourd’hui encore des plus déplorables.
En effet, une convention passée entre notre Ministère des Affaires Etrangères et l’Ambassade de France à Djibouti (Représentant l’Etat français) le 12 mars1981, confiait la destinée des Anciens Combattants et autres retraités militaires au nouveau régime djiboutien. Cette permutation intervenue quatre ans après notre indépendance allait marquer un tournant catastrophique pour ces hommes et leurs descendants.
Outre leurs maigres pensions, le peu d’acquis social se voyait désormais soumis aux pressions provoquées par la politique dirigiste du nouveau régime. La France se désengageait légalement ses implications vis-à-vis de ses anciens compagnons d’armes du Bataillon Somali, leurs problèmes moraux et matériels relevant à l’avenir des austères autorités en place.
Le vide laissé par ce transfert des responsabilités, pour seulement cette catégorie de Djiboutiens, persistait encore en ce mois de novembre 1987. Cette date couronnait la seconde visite officielle à Djibouti d’un Président de la République française. François Mitterand qui lors de ce déplacement voulait rencontrer les Anciens Combattants, aurait été invité à « exaucer sa sollicitation ailleurs ». Son souhait, politiquement inconvenant, aurait été finalement réalisé dans l’enceinte de l’Ambassade de France (Territoire français) pour adresser ses hommages à ces vaillants frères de lutte : les Tirailleurs Somalis.
Cette parenthèse expliquant les conséquences de la reconduction d’une politique discriminatoire entre tous les Combattants français de l’époque, en deux catégories distinctes en droit.
Se prémunissant des conséquences économiques des indépendances, la France pourvoyait ses propres intérêts et ceux de ses remplaçants à travers cet acte véritablement hypocrite, entre autres, pour ouvrir la brèche de l’oubli et de la spoliation de ceux qui l’avaient secouru.Ces damnés de la Seconde Guerre et des Guerres coloniales françaises comme, entre autre, les retraités militaires français de nationalité djiboutiennes avaient entrepris vers la fin des années 1990 des démarches auprès des autorités françaises de Djibouti comme celles de France. Une délégation s’est d’ailleurs rendue à Paris, avec pour objectif le maintien, ne serait-ce que d’une partie de leurs pensions, aux veuves et orphelins.
Leur fol espoir de ce déplacement se soldait par un résultat nul, les autorités françaises s’étant dissimulées derrière une loi de 1959 relative à la situation des ressortissants des seuls Etats ayant acquis leur indépendance en 1960, Djibouti ne pouvant par conséquent être de ces cas-là. L’ingratitude que tous ses anciens combattants originaires des pays colonisés lui reprochent aujourd’hui à juste titre, c’est « l’oubli coupable » auquel s’ajoute la spoliation financière par régime politique interposé.
A Djibouti comme ailleurs en Afrique ou en Asie, ce choix conscient de la France a été à l’origine de la précarité matérielle et morale des Combattants issus des FFL, sans évoquer les cas, nombreux, jadis actifs regroupés en Associations de défense de leurs intérêts à savoir : celle des Anciens Combattants des deux guerres, celle de la Défense des Intérêts des Retraités Militaires, celle des Combattants de la guerre d’Algérie, de Madagascar, etc…
S’il a fallu attendre tant d’années rien que pour Djibouti, les textes juridiques sur lesquels la France avait appuyé le rejet de la demande formulée par la Délégation Djiboutienne à Paris auprès du Ministère en charge de ce dossier, la culpabilité de l’Hexagone se situe donc dans le fait que la France a préféré abandonner ses Anciens Combattants au sectarisme de leur nouveau régime indépendant, très peu soucieux de défendre pour eux des droits que l’ancienne puissance coloniale leur niait.
Le Sang du Bataillon Somali, des Algériens, comme celui des Sénégalais a inondé tous ses territoires. L’un libéré, les autres continuant à être colonisés même après la libération, et toujours pauvres avec ses quelques contributions humaines, volontaires, au nom du droit à la Liberté et à la Vie.
Quatorze ans après la chute du mur de Berlin et l’éclatement du totalitarisme (sous toutes ses formes),cinquante ans après la libération du Vietnam et soixante ans après le Débarquement Allié, la France restera-t-elle encore ingrate vis-à-vis des sauveteurs de ses anciennes colonies ? Le prochain numéro relatera l’aspect juridique et financier de la spoliation des Droits du Bataillon Somali.
A suivre…
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Une censure pas très catholique
LES DROITS DE L’HOMME ET LEUR FORUM
VUS PAR LE DIOCESE DE DJIBOUTI
Le système politique djiboutien est tellement perverti qu’il réussit le tour de force de banaliser l’incongru ou l’inadmissible. Ainsi, mis à part la théocratie iranienne, nous sommes pratiquement le seul régime dans lequel un religieux occupe un poste ministériel. Ce qui n’est ni preuve d’intégrisme mystique ni gage d’intégrité politique. C’est peut-être pour cette raison qu’aucun imam ou cadi n’a daigné honorer de sa présence le récent forum sur les droits de l’Homme dirigé par le Ministre de la Justice : pourtant, on aurait tellement aimé connaître la position de ces religieux sur la question. Par contre, un religieux catholique y est allé et a modestement apporté sa contribution. Malheureusement, la politesse étant une vertu pratiquement inconnue de ce régime, toute l’intervention du Père Sandro, qui représentait le diocèse de Djibouti, a été allégrement censurée par la RTD, préférant assommer ses téléspectateurs avec d’insipides digressions. Pourtant, un regard extérieur et neutre est en soi un enrichissement… pour quiconque veut s’enrichir, spirituellement bien sûr. Voici donc intégralement cette intervention et la présentation qui en est faite dans le dernier numéro de « La Caravane », publication du diocèse de Djibouti.
Forum sur les Droits de l’Homme
Les 17 et 18 mai derniers, le Ministère de la Justice et des affaires musulmanes, chargé des Droits de l’Homme a organisé pour la première fois à Djibouti un forum national de réflexion sur l’état des Droits de l’Homme. Trois axes ont guidé la réflexion des participants:
– Dresser un état des lieux en fonction des grandes tendances socio-économiques et culturelles.
– Identifier les défis et les opportunités pour réaliser pleinement les Droits de l’Homme.
– Réfléchir sur un mécanisme indépendant pour promouvoir et protéger les Droits de l’Homme.
Le Père Sandro a été appelé à intervenir.
L’enseignement de l’Église concernant les Droits de l’Homme se base sur le fait que Dieu nous a créés tous. Il nous a créés purs, égaux et libres ; tous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu. Cette donne nous la trouvons dans les premiers chapitres de la Genèse, le premier livre de la Bible. Puisque nous reflétons d’une façon mystérieuse l’image de Dieu, nous tous avons le droit au respect et à la dignité. Ce droit, tout droit lié à la personne humaine n’est pas une invention de l’homme et ne dépend pas de la bonne volonté l’homme, mais de la volonté de Dieu telle que nous la trouvons dans sa création.
C’est vrai, seulement aujourd’hui nous parlons tellement des Droits de l’Homme, mais c’est l’homme lui-même qui a rejeté la création de Dieu pour en faire une autre, déformée et basée sur l’oppression et l’exploitation.
Déjà les anciens Romains disaient: » homo homini lupus », à savoir l’homme est un loup pour l’autre homme, ils se dévorent l’un l’autre. Encore à ce moment, partout dans le monde, combien est longue la route pour arriver à une vraie sauvegarde du droit le plus simple et logique, celui à la vie, n’en parlons même pas des autres !
L’Eglise catholique présente à Djibouti doit reconnaître avec reconnaissance que le Gouvernement et la grande majorité de la population djiboutienne la regardent comme faisant partie du paysage, une composante de la société, grâce surtout au dévouement pour 120 ans des missionnaires dans les domaines de l’éducation et de la santé. Nous partageons, comme le Président de la République le disait au nouveau Nonce apostolique le mois dernier, « les valeurs communes d’amour de l’humanité (…)
Car, comme le disait récemment Sa Sainteté le Pape, nous appartenons à la même famille humaine ». II y a certes des épisodes d’intolérance, d’insultes ou de discrimination, surtout vis-à-vis des Chrétiens vivant au milieu des quartiers, et nous pouvons espérer que ces manifestations de racisme puissent être réprouvées par la population en général et par les autorités compétentes. Ce sont des manifestations isolées, mais il y a aussi une mentalité qui semble croître dans les jeunes, celle d’une intolérance religieuse basée d’un côté sur l’ignorance de ce qui est différent, et bien sûr influencée par la situation globale actuelle.
Dans son travail social en faveur des plus démunis, surtout par la Caritas Djibouti, nous pouvons indiquer à l’attention des autorités compétentes certains manques de respect de la dignité de l’homme :
– Le fait que beaucoup d’enfants n’ont pas leurs papiers d’identité. Cette absence d’ « existence légale », porte atteinte à un droit fondamental du temps présent, l’appartenance à une communauté nationale. Que cela soit dû au manque d’intérêt des parents, ou à la pauvreté, ou à une insuffisance de l’administration, être sans papiers – tandis qu’on en a le droit – représente un handicap majeur pour la vie d’une personne. En outre, à ce que je comprends, un enfant né de mère djiboutienne et de père inconnu n’a pas le droit à la nationalité, mais l’enfant de père djiboutien en a en tout cas le droit, cela serait évidemment une forme de discrimination basée sur le sexe.
– Les réfugiés sont une catégorie de personnes qui ne connaît nulle part une vie facile! Ici à Djibouti l’impression est qu’ils sont souvent exploités, soit dans le travail au noir, soit pour en demander des bakchich. Le rapatriement de l’an dernier avait donné l’espoir qu’une clarté politique à leur sujet avait été déterminée, mais au contraire leur retour en masse prouve qu’aucune décision réelle n’a été prise, et les réfugiés perdent encore leur temps à Djibouti, un pays qui ne peut pas les accueillir d’une façon permanente et légale.
– Les mutilations génitales féminines sont un autre domaine que nous rencontrons dans nos projets. Ces pratiques traditionnelles sont condamnées par la loi djiboutienne, ne correspondent pas à l’Islam et ruinent la santé des femmes tout au long de leur vie. Même si l’éducation et la sensibilisation contre ces vraies mutilations est la voie principale pour les faire disparaître, on ne peut pas oublier que mutiler une personne est une atteinte à la personne et un crime condamné par l’article 333 du Code pénal.
Le droit à l’éducation pour tous les enfants est encore un rêve pour tellement d’enfants djiboutiens ! Les efforts indéniables dans ce domaine n’arrivent pas encore à satisfaire ce droit fondamental, la base du développement de tout pays. Une action visant à un programme d’alphabétisation général pourrait faciliter et accélérer la réalisation de ce droit dans les délais plus brefs.
Père Sandro.
L’UAD écrit au Chef de l’État
(sans réponse)
UNION POUR L’ALTERNANCE DÉMOCRATIQUE
ARD, UDJ, MRD ET PDD
A
Monsieur le Président de la République
Chef de Gouvernement, Palais Présidentiel Djibouti
Objet : Conditions pour la Démocratisation de la vie politique.
Djibouti, le 21 mai 2004
Monsieur le Président de la République,
Depuis l’instauration du multipartisme intégral consécutif aux accords de paix définitive du 12 mai 2001, nous n’avons à aucun moment manqué de nous conformer aux dispositions légales en vigueur afin de respecter pleinement les règles qu’impose toute démocratie. Nous nous permettons de vous rappeler que nous vous avions saisi, en votre qualité de Président de la République et Chef de Gouvernement, avant et après les élections législatives, sur l’énorme décalage entre la démocratisation affichée et les dispositions de la loi relatives aux élections.
A cet effet, c’est par souci de transparence électorale, que nous vous avions d’ailleurs écrit le 9 novembre 2002, sur l’impérieuse nécessité d’une modification du décret n° 2002/198/PR/MID du 30 septembre de la même année relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante en vous y exposant nos observations et nos propositions afin que ladite commission puisse disposer de toutes les attributions et compétences nécessaires pour bénéficier de l’indispensable indépendance que requiert sa mission, seule garantie pour l’organisation d’élections libres et transparentes.
De l’annonce des résultats du scrutin du 10 janvier 2003 à ce jour, nous avions entrepris et épuisé toutes les démarches légales, pour le remboursement de la caution de 32,5 millions fd déposée au Trésor Public par les 65 candidats de notre liste aux dernières élections. Du Trésorier payeur, en passant par le Ministre de l’Intérieur, du Tribunal Civil et Commercial, du Tribunal du Contentieux Administratif enfin du Ministre de la Justice chargé des Droits de l’Homme, nos doléances sont restées sans réponse. Notre dernière tentative, avec pour objectif le déblocage de la situation politique de notre pays, fut notre entrevue du 24 mars dernier avec votre Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation. Cette rencontre devait permettre la concrétisation effective, puisque légale, des engagements relatifs à la démocratisation de la vie politique, tant pour les consultations nationales que régionales.
A ce sujet, nous n’avions pas manqué de faire remarquer au Ministre en charge de la Décentralisation, que la loi n° 174/AN/02/4ème L portant décentralisation et statut des régions du 7 juillet 2002 promulguée par vous-mêmes et publiée au journal officiel du 15 juillet 2002 a été tout simplement violée, au regard de son article 5 aliéna 2 lequel dispose : « dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi, un décret précisera un calendrier pour l’installation et la mise en place effective des collectivités régionales élues ainsi que les transferts de compétences qui leur sont dévolus par la loi ».
Par conséquent, cette réunion n’ayant débouché sur aucune conclusion honorable et considérant qu’à défaut d’une issue responsable pour notre pays, nous, Union pour l’Alternance Démocratique regroupant les quatre partis de l’opposition, toujours soucieuse de l’intérêt général, réitérons avant toute consultation électorale nos exigences légales et légitimes pour :
– La refonte des listes électorales qui doivent refléter la réalité du corps électoral tel qu’il est actuellement. Sur ce point, votre Ministre de l’Intérieur avait reconnu en présence des observateurs internationaux lors des dernières législatives que les listes électorales étaient décalées de la réalité du corps électoral national
– L’établissement de ces listes par bureau de vote dans les régions de l’Intérieur ;
– La mise en place d’une véritable Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), composée à parité de représentants de l’Opposition et de représentants des partis au pouvoir, sous la présidence d’une personnalité indépendante acceptée par les deux parties ;
– L’élaboration conjointe (Opposition/Gouvernement) du Statut Spécial de la Capitale Djibouti ;
– La modification de la Loi relative aux élections dans ses articles 27 et 54, portant sur la proclamation des résultats et la remise des Procès-verbaux, consécutives au dépouillement du résultat des scrutins. Désormais, nous considérons que pour une transparence réelle des élections, chaque liste doit disposer de son exemplaire de PV et les résultats proclamés par la CENI ;
– L’abandon pur et simple des pratiques de l’ancien système du parti unique dans la désignation des assesseurs par le pouvoir. Ces assesseurs doivent désormais représenter les listes en compétition ;
– L’accès libre et équitable des partis politiques aux médias publics;
– L’amendement et l’application effective de la loi de 1992 sur la communication qui autorise l’ouverture de radios et de télévisions libres.
Monsieur le Président de la République, la légitimité du pouvoir, la transparence et la stabilité resident dans la loyale application des points ci-dessus. Dans le cas contraire, nous prenons à témoins l’opinion nationale et internationale sur les dangers que fait courir votre gouvernement à la fragile stabilité que nous avons su préserver jusqu’à ce jour.
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Pour avoir refusé de ramper (2)
Quels postes pour les cadres du Frud-armé ? (2e partie)
A des journalistes aussi chauvins que zélés, lui demandant de s’épancher sur son exploit sportif, un tennisman français des années 80 répondit un jour calmement que sa performance était vraiment modeste et ne justifiait pas une telle sollicitude, tant de choses beaucoup plus graves et dignes d’intérêt se passant dans le monde ajouta-t-il. C’est dans cet esprit que nous abordons cette semaine la deuxième partie du dossier de la réintégration sabotée des cadres du FRUD-armé.
L’importance, la diversité et la gravité des sujets de la seule actualité nationale nous interdisant, par pudeur, d’y consacrer trois pages, deux en ont donc été déprogrammées et reportées pour la semaine prochaine. Choix d’autant plus judicieux, nous semble-t-il, que c’est uniquement aux fins d’information du public et pour contredire le mensonge officiel, que notre journal a décidé de présenter toutes les pièces de ce dossier. Car, pour ce qui est de contribuer à l’accouchement d’un minimum de sérieux de la part de ce régime, ce serait pousser l’utopie un peu trop loin. Cela dit, ce chapitre de l’Accord de Paix du 12 mai 2001, comme tous les autres que la partie gouvernementale viole de façon si irresponsable, trouveront certainement l’application qu’ils méritent, avec ou sans ce régime et plus tôt que tard.
Nous avions vu la semaine dernière que nos différentes correspondances, même celle adressée au Chef de l’Etat, n’avait trouvé aucune réponse de la part du régime. Ainsi, c’est après une longue période de léthargie administrative que la partie gouvernementale a crû utile de se ressaisir de ce dossier en reprenant contact avec les cadres concernés du FRUD-armé. C’est dans cette démarche que, confortant les rumeurs selon lesquelles la Première Dame lui aurait donné des directives précises en ce sens, le Ministre de l’Emploi leur a adressé la correspondance ci-dessous reproduite.
OBJET: Votre situation administrative
Monsieur,
Par décision n°2002-0167/PR/MESN du 02/03/2002, vous avez été recruté dans le cadre des Administrateurs Civils au grade d’administrateur civil.
Or, depuis votre affectation, il a été constaté qu’à ce jour vous n’avez pas rejoint votre poste de travail.
En conséquence, il a été procédé à la suspension de votre traitement en application des dispositions de l’article 27 de la loi n°48/AN/83/l ère L du 26 juin 1983 portant statut général des fonctionnaires qui stipule que « tout fonctionnaire a droit, après service fait, à une rémunération ».
Ainsi, je ne saurai accéder à votre demande de rétablissement de salaire par des simples promesses. J’attends de votre part un engagement ferme et écrit à respecter les conditions suivantes :
5. Une reprise effective de votre service.
6. A respecter intégralement les dispositions statutaires en vigueur.
Une prompte réponse de votre part m’obligerait.
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PROLOGUE DE L’ÉPILOGUE
La réponse collective des cadres concernés sera publiée la semaine prochaine. En attendant, nous invitons nos lecteurs à garder à l’esprit deux arguments invoqués par cette correspondance ministérielle : 1) le fait qu’il ose tranquillement prétendre :« Je ne saurai accéder à votre demande de rétablissement de salaire par des simples promesses. », comme si la demande venait de notre organisation ; 2) qu’il se permette également d’exiger, sans aucune justification légale, « un engagement ferme et écrit à respecter » la reprise du travail et les dispositions statutaires en vigueur.
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Port de Doraleh : un projet qui déménage !
Par pudeur, et parce que ce serait trop facile tant ce régime d’idolâtrie ignore ce qu’est la modestie, nous ne rappellerons pas ici tous les miracles officiellement attendus par le système du gigantesque projet de port à Doraleh. En attendant que le travail de ouvriers affectés à sa construction atteigne une vitesse de croisière digne de ses prétentions, et que les activités de ce nouveau port génèrent les milliers d’emplois supputés, il est au moins un aspect, certes inattendu, qui atteste de la réalité de cet ambitieux ouvrage. En effet, devant accueillir les logements où doivent être logés des centaines de travailleurs étrangers qui seront importés dans ce cadre, les habitants du secteur de Hayableh doivent déménager au plus vite. Leurs modestes demeures, acquises au prix de multiples sacrifices qu’ils se sont imposés depuis de longues années seront tout simplement démolies, et ils sont priés de se reloger ailleurs, moyennant un petit pécule de compensation généreusement alloué par ce régime spécialisé depuis 1999 dans un social dont on saisit mal les contours. Malheureusement pour les affairistes pressés, cette expropriation illégale rencontre pour le moment de sérieuses réticences, qui risquent fort de ne pas s’estomper, comme le dit si mal le Premier ministre à un tout autre propos.
C’est une foule déterminée et scandalisée qui a accueilli en cette journée caniculaire la délégation des responsables de l’UAD. Ils avaient raison d’être en colère, ces habitants d’un des quartiers les plus défavorisés de la Capitale : un émissaire du régime, ministre de son état, était récemment venu leur signifier que l’Etat avait décidé de confisquer leur secteur, pour le mettre à la disposition d’une société privée devant y construire les habitations dans lesquelles seront normalement logés les travailleurs immigrés qui s’échineront au Port de Doraleh. Le coup est doublement dur, pour ces citoyens chômeurs pour la plupart.
D’une part, c’est avec stupeur qu’ils ont appris que ce régime affairiste, surtout préoccupé de rentabilité financière, allait inaugurer un mouvement jusque-là inconnu dans le monde : la délocalisation de la main-d’œuvre. D’habitude, c’est soit un Etat qui, pour accompagner une forte croissance intérieure, fait appel à flux contrôlé d’une force de travail étrangère ; soit une entreprise privée qui, à la recherche des coûts de production les plus compétitifs, délocalise certaines de ses unités industrielles vers des pays où la main-d’œuvre est meilleure marché.
Dans le cas djiboutien, c’est donc une société privée qui vient avec ses propres travailleurs étrangers (à hauteur de 70% du total nous assure-t-on). Quand on sait qu’il s’agira essentiellement d’une main-d’œuvre pas forcément très qualifiée, c’est insultant pour notre système scolaire (LIC ou LEP) qui pouvait aisément la fournir, en grande partie tout au moins. Prétendre que l’inadéquation entre Emploi et Formation est à ce point dramatique que cela constitue un handicap pour les diplômés nationaux est vraiment décourageant pour notre Jeunesse.
En second lieu, avec un minimum de vigilance, le plus modeste de nos concitoyens se doute bien que la procédure d’expropriation doit obéir à des dispositions légales rigoureusement codifiées. Si l’Etat décide d’exproprier, c’est uniquement quand l’intérêt général, sanctionné par une enquête préalable d’utilité publique, exige un tel traumatisme. En aucun cas, l’Etat ne peut procéder à l’expropriation de qui que ce soit pour servir des intérêts privés, ce qui est malheureusement le cas avec la construction de ces logements pour travailleurs immigrés.
Après le Téléthon, voici le Sheraton : on imagine donc aisément à quoi pourraient prioritairement servir les millions de nos francs collectés en quelques minutes par la Première Dame, qui n’a pas hésité à convoquer dans le plus luxueux hôtel de la Capitale, tout ce que notre pays compte comme dirigeants politiques, cadres administratifs (étonnant quand on sait que le pouvoir d’achat des Djiboutiens s’est nettement détérioré depuis le conflit) et hommes d’affaires à la réussite certes clinquante, mais en tout cas reconnaissante à l’endroit d’un régime qui propose ses marchés publics en fonction des allégeances.
On imagine aussi un peu mieux les intentions cachées et le potentiel d’injustice que recèle la récente loi sur l’agropastoralisme, mettant toutes les terres rurales à la disposition d’un régime qui dévoile chaque jour un peu plus sa frénésie affairiste. Ainsi, pour peu qu’une portion de notre brousse nationale attire les convoitises d’un riche protégé des instances dirigeantes, l’Etat procédera sans aucun état d’âme à l’expropriation de ceux qui y vivent et en vivent.
Ruraux ou citadins, ce régime est déterminé à s’enrichir partout où des opportunités se présentent à lui. Son credo, c’est d’écraser nos concitoyens par l’arbitraire de ses envies gourmandes.
Cela, les dirigeants de l’UAD en tournée à Hayableh se sont solennellement engagés à ne pas le tolérer. Nous sommes résolument aux côtés de ces centaines de familles menacées d’expropriation : il n’est pas question de laisser l’injustice broyer nos populations en toute impunité !
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