Abdourazak Guédi vit dans un village du Châlonnais mais ce quadragénaire garde un oeil sur la Corne de l’Afrique.
Sur un territoire grand comme trois fois la Marne, Djibouti. Abdourazak a la double nationalité, française et djiboutienne. Ce juriste vivait dans ce pays principalement francophone jusque dans les années 2000, avec son épouse Roxane, native de Recy. «Djibouti est un beau pays, mais qui a sombré dans une dictature familiale», regrette le juriste.
Les conditions de détention, dans une cellule minuscule, trouée d’une latrine infestée d’insectes, sont révoltantes Abdourazak Guédi, juriste Lui et sa famille ont d’ailleurs préféré rejoindre l’Europe lorsque la situation est devenue nettement trop risquée pour un homme de loi. «Je travaillais pour le ministère de la justice, on m’a demandé de signifier à un général de la police qu’il était démis de ses fonctions.
J’ai compris que je pouvais être emprisonné du jour au lendemain, il fallait partir», résume sobrement Abdourazak Guédi. Ses craintes se confirment depuis. Et régulièrement, le juriste qu’il est depuis ses études menées en France, bondit en découvrant de nouvelles insultes aux droits de l’Homme.
La dernière en date concerne un lieutenant de l’armée de l’air. Le 9avril dernier, Fouad Youssouf Ali, officier de l’armée de l’air djiboutienne s’enfuit en Éthiopie. Il est malheureusement interpellé et remis aux autorités de son pays deux jours plus tard.
Depuis, il croupit au fond d’une cellule dans des conditions inhumaines: «Il a réussi à faire parvenir des images de sa détention grâce à un téléphone. Ces images sur les conditions de détention de ce lieutenant, diffusées sur internet le 5 juin, sont insoutenables et révoltantes.
La souffrance de ce jeune homme enfermé dans une cellule minuscule, 2,5 m², trouée d’une latrine immonde et infestée d’insectes a de quoi horrifier tout être humain doué de sensibilité», se révolte Abdourazak Guédi.
La cellule est si petite qu’il est impossible de s’allonger pour dormir, il faut être en chien de fusil. C’est d’autant plus insupportable que le jeune militaire est resté enfermé pendant 11 jours sans savoir pourquoi, sans que sa famille en soit informée. Il est finalement poursuivi pour trahison et informations délivrées au gouvernement érythréen, pays voisin de Djibouti.
«La situation est catastrophique. Le procureur, qui va dans le sens du pouvoir, intervient à la télévision et charge le lieutenant, mais l’avocat de ce dernier, Maître Zakaria, du barreau de Djibouti et formé à Besançon, n’a pas le droit de s’exprimer», souligne le juriste.
La vermine et la maladie
C’est donc par l’intermédiaire d’opposants à ce système arbitraire, via internet et les réseaux sociaux, que Fouad Youssouf Ali appelle au secours. Il risque la prison à perpétuité. Une perpétuité bien souvent courte dans de telles conditions de détention.
La vermine et la maladie sont aussi efficaces qu’un peloton d’exécution, mais moins bruyantes. «On se sent petit face à un régime qui loue des enclaves militaires à des pays comme la France, les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Italie, l’Espagne…
Mais je refuse l’idée de fermer les yeux et de me taire», affirme Abdourazak Guédi. Il constate: «Ils sont 700 dans sa prison, prévue pour 300 détenus. Les détenus politiques sont mélangés avec ceux de droit commun.» Djibouti est à 7 heures d’avion de Paris.
Philippe Dufresne