Les marines françaises et américaines ont mené il y a quelques jours un entraînement conjoint dans le golfe de Tadjourah à Djibouti, énième preuve de l’intérêt des grandes puissances, Chine comprise, pour ce petit pays de la corne de l’Afrique à la position stratégique.
Fin mars, autour de la ville d’Arta, à 50 km à l’ouest de Djibouti-ville, quelque 500 membres des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) et une cinquantaine d’hommes du 26e Marines expeditionnary unit ont participé à l’exercice interarmées et interallié Wakri.
Partie de Toulon (sud de la France) le 3 mars, la Mission Jeanne d’Arc, composée du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Tonnerre et de la frégate Guépratte, était aussi de l’exercice dont le scénario faisait débarquer des forces à terre et simulait une évacuation d’étrangers.
«Nous avons avec les Américains un certain nombre d’intérêts communs et une vision partagée de nos intérêts stratégiques dans cette région très importante», explique le capitaine de vaisseau Laurent Sudrat, commandant du Tonnerre.
Avec son climat désertique et sa topographie, Djibouti est particulièrement adapté à la préparation des forces armées. Situé en face du détroit de Bab-el-Mandeb, quatrième passage maritime mondial pour l’approvisionnement énergétique, il dispose aussi d’un positionnement géographique sans équivalent.
– L’épicentre de la mouvance djihadiste –
«C’est certainement la raison pour laquelle en plus des Français, on trouve aujourd’hui autant de forces étrangères qui veulent venir s’implanter à Djibouti: les Américains bien sûr, les Japonais, les Italiens, les Chinois maintenant, et certainement dans un avenir proche les Saoudiens», remarque le général Philippe Montocchio, commandant des FFDj.
Un traité prévoyant que la France défende l’intégrité territoriale de Djibouti lie depuis 2011 les deux pays. Même si le nombre de soldats des FFDj est en réduction (d’environ 2.000 en 2014 à 1.350 en 2017), Djibouti reste la principale base française en Afrique.
«Pour nous Français, c’est aussi un excellent observatoire», souligne le général Montocchio. «Djibouti se trouve exactement à l’épicentre de toute cette mouvance djihadiste de la Corne de l’Afrique et de la partie sud du Moyen-Orient.»
C’est la lutte contre le terrorisme, dans le cadre de l’opération «Enduring Freedom» déclenchée après les attentats du 11 septembre 2001, qui a amené les Etats-Unis à Djibouti.
Quelque 4.000 soldats sont présents au Camp Lemonnier, seule base permanente américaine sur le sol africain et pour laquelle Washington verse environ 60 millions de dollars par an à Djibouti. Elle leur sert à lutter contre les islamistes shebab en Somalie et contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).
Djibouti est aussi au coeur du dispositif naval qui a permis la baisse drastique des actes de piraterie au large des côtes somaliennes. Selon les chiffres de l’opération Atalante de l’Union européenne (UE), 176 attaques avaient été enregistrées en 2011 et aucune en 2015.
– L’apparition de la Chine –
Le pays accueille aussi depuis 2012 le siège de la mission civile de l’UE Eucap Nestor, dédiée au renforcement des capacités maritimes des Etats de la région.
C’est la lutte anti-piraterie qui a attiré à Djibouti le Japon, soucieux de protéger ses navires en transit. Il y maintient depuis 2011 sa seule base à l’étranger, pour un coût estimé à 30 millions de dollars.
La location de ces bases militaires est une des principales sources de revenus de Djibouti.
Un autre acteur vient d’y faire son apparition: la Chine. Elle a conclu avec Djibouti un accord en décembre 2015 pour l’installation d’ici fin 2017 d’une base «logistique navale», qui pourrait accueillir jusqu’à 10.000 hommes, et servir à sécuriser les énormes intérêts économiques et commerciaux (transports, industrie, énergie…) chinois dans la région.
«La présence chinoise, navale ou militaire, s’inscrit dans cette logique de pays ayant les moyens de contribuer à la paix et la sécurité dans cette région du monde, qui est très tourmentée», explique le ministre djiboutien des Affaires étrangères, Mahamoud Ali Youssouf.
L’entrée dans ce «Grand jeu» régional de la Chine, qui finance déjà la plupart des projets d’infrastructures du pays, est toutefois un pari risqué pour Djibouti. Elle pourrait être mal perçue par ses alliés traditionnels, Etats-Unis en tête.