30 août 2016
Condamné à deux reprises par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’Humanité, crimes de guerre et génocides, Omar El Béchir a pu se rendre sans difficulté à Djibouti le 8 mai dernier pour une cérémonie célébrant la réélection d’IOG à la présidence de la république djiboutienne. Le 11 mai, le président du Soudan a ensuite rendu visite à Yoweri Museveni, lui aussi réélu à la tête de l’Ouganda trois mois plus tôt. Pour avoir failli à exécuter le mandat d’arrêt international à son encontre, les chefs d’État djiboutien et ougandais ont été signalés par la CPI au conseil de sécurité de l’Organisation des nations-unies (ONU), qui doit maintenant prendre les mesures nécessaires, selon le tribunal basé à La Haye.
L’insoumission d’IOG et ses dérives autoritaires
Pour justifier son inaction, Djibouti a fait savoir qu’il ne disposait pas « des procédures nationales requises » afin d’appréhender et de remettre le suspect à la CPI, que le président El Béchir avait une immunité de chef d’État, que Djibouti « devait respecter la décision » de l’Union africaine de ne pas appliquer les mandats d’arrêt de la CPI pour le président soudanais et que le pays était impliqué dans le processus de paix au Soudan et au Sud-Soudan, d’après un article de l’agence de presse ghanéenne (GNA). Les autorités ougandaises ont, quant à elles, simplement prétexté vouloir conserver de bonnes relations avec tous les pays de la région pour maintenir la paix et la sécurité, selon la GNA.
Au pouvoir depuis respectivement 17 et 40 ans, IOG et Yoweri Museveni ne semblent pas vraiment craindre de sanction internationale suite à leur refus d’appliquer la décision du tribunal basé à La Haye. Le premier est pourtant depuis plusieurs mois sous l’étroite surveillance de Fatou Bensouda, procureure de la CPI, alertée par les atteintes répétées aux droits de l’Homme et à la liberté de la presse à Djibouti. Après avoir fait modifier la Constitution en 2010 pour pouvoir briguer un troisième puis un quatrième mandat, IOG a procédé à de nombreuses arrestations injustifiées parmi les membres de l’opposition et de la presse à l’approche des élections présidentielles d’avril 2016. Il s’en est aussi pris à la population lors d’une manifestation pacifiste le 21 décembre 2015 en périphérie de la capitale, où entre 9 et 34 civils ont été tués par les forces de l’ordre. Malgré ces bavures, auxquelles s’ajoute un taux de pauvreté supérieur à 70 %, le chef de l’État a été reconduit dans sa fonction avec 86,68 % des voix moins de cinq mois plus tard.
La protection tacite des grandes puissances
Si le président djiboutien jouit d’une telle impunité, c’est qu’il bénéficie de la protection tacite de grandes puissances mondiales comme les États-Unis, la France, le Japon et la Chine, qui possèdent des bases militaires sur ce « porte avion mondial » qu’est devenu Djibouti, comme le décrit un opposant au régime. Niché dans la corne de l’Afrique, le petit État de moins d’un million d’habitants tire profit d’un « positionnement géographique sans équivalent […] à la jonction du golfe d’Aden et de la mer Rouge, où transite 40 % du trafic maritime mondial », comme l’explique un récent article de JolPress. « L’emplacement géographique du pays est également stratégique sur le plan mondial pour la lutte contre le terrorisme et la piraterie. La location des bases militaires est l’une des principales sources de revenus du pays, qui sait tirer profit des conflits armés opposant ses voisins et des intérêts géostratégique des puissances étrangères. »
Après avoir ouverts ses ports à Dubaï en 2006, Djibouti est à présent tourné vers la Chine, qui a installé sa première base militaire début 2016. Selon JolPress, cette présence « aura surtout pour fonction de sécuriser la nouvelle « route de la soie » maritime et de permettre à Pékin d’accomplir un pas important vers son objectif de devenir une puissance maritime internationale ». Alors que l’industrie et l’agriculture nationales sont en berne, les combines d’IOG suffisent à assurer au pays une croissance attendue à 7,4 % cette année. C’est visiblement suffisant pour acheter le silence de la communauté internationale.
Source : Affaires internationales