Exaction de civils et répression politique à Djibouti
Plus de 50 personnes ont répondu présent à l’appel du Comité d’initiative, le vendredi 05 février 2016, au siège d’Amnesty International France, sis au 72 boulevard de la Villette à Paris, à la conférence de presse de l’USN tenue en l’honneur du Député de l’USN Said Houssein Robleh, évacué en Europe pour raisons médicales. Il avait reçu deux balles tirées par la police djiboutienne alors qu’il se trouvait dans une réunion de crise avec les responsables du Haut Conseil de l’Union pour le Salut National (USN).
La conférence s’est tenue de 15 h 30 à 17 h 30 et s’est fixée comme objectif d’informer les journalistes sur les exactions des civils et la répression politique des dirigeants et militants de l’Union pour le salut national (USN) par les forces de police et de gendarmerie djiboutiennes.
Plusieurs journalistes des médias publics et privés, français comme africains, se sont déplacés pour couvrir l’événement. Parmi eux, on peut citer : l’AFP, France 24, Mondafrique, Africa Paris TV, Canal 2 International, Afrik.com et d’autres consultants en communication, mais aussi Mediapart, qui s’est entretenu par téléphone avec le Député USN Said Houssein Robleh.
A côté des journalistes, figuraient de nombreux amis, militants associatifs, démocrates ou acteurs politiques africains ou français soucieux de comprendre davantage la situation politique, sociale, des droits humains et des libertés que subit le peuple Djiboutien qui mène une lutte pacifique et démocratique.
Les intervenants à la conférence étaient le Député USN et Secrétaire Général de la LDDH, Said Houssein Robleh, le Représentant de l’USN en France Maki Houmed-Gaba, le Représentant de l’UDJ en France Hachin Loïta Ahmed et le journaliste blogueur tchadien Makaila N’guebla.
En qualité de modérateur de la conférence, Makaila N’guebla a d’abord remercié Amnesty International pour avoir mis à disposition sa salle de conférence dans son siège parisien en vue de la tenue de cette conférence en lien avec les droits humains et des libertés. Il a ensuite présenté les différents intervenants avant de situer le contexte dans lequel les Djiboutiens se trouvaient opprimés dans le pays.
Connaisseur de la situation politique et sociale de Djibouti, Makaila N’guébla a fait un parallèle avec le régime tchadien d’Idriss Deby Itno qui a un régime politique similaire à celui d’Ismaël Oumar Guelleh.
Maki Houmed-Gaba a retracé une brève histoire de l’évolution politique de Djibouti depuis l’indépendance acquise en juin 1977, jusqu’à 2016.
Le parti unique a perduré 15 ans à Djibouti à partir de 1977 avant l’instauration entre 1992 et 2002 d’un système à quatre partis légalisés, suivi en septembre 2002 d’un système sans limitation de nombre de partis politiques légalisés, mais sans leur permettre de réaliser leurs activités.
Cette situation a conduit les Djiboutiens à réagir en 1991 par le déclenchement d’une lutte armée contre les forces d’oppression du régime avant de revenir en grand nombre dans les rangs de la lutte pacifique à partir des années 2002.
La participation aux élections législatives en janvier 2003 par la coalition de l’opposition Union pour l’Alternance Démocratique (UAD) avait permis à celle-ci de remporter une victoire nette sur le parti présidentiel mais la proclamation des résultats par le ministère de l’intérieur a attribué la victoire au parti présidentiel, le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP). Aussi, l’opposition se refusera à partir de 2003 à participer à toute mascarade électorale.
Mais une nouvelle participation aux élections législatives de février 2013 a été décidée par la nouvelle coalition de l’opposition Union pour le Salut National (USN) motivée par une mobilisation historique de milliers de Djiboutiens déterminés à descendre dans la rue pour refuser de se laisser spoliés de leur victoire. Une nouvelle fois, la coalition de l’opposition a remporté une victoire écrasante et une nouvelle fois les résultats officiels ont été inversés par le ministère de l’intérieur.
La crise politique née de cette situation a conduit de centaines de citoyens et de dirigeants politiques dans les prisons de Djibouti, jusqu’à la signature le 30 décembre 2014 d’un accord-cadre entre l’USN et le gouvernement, qui prévoyait le renoncement de l’USN à sa victoire électorale aux législatives de 2013 en échange d’une mise en place de réformes démocratiques notamment la création d’une CENI paritaire (Commission électorale nationale indépendante), d’un statut de l’opposition djiboutienne, la libération des prisonniers politiques, le retour des élus de l’opposition à leurs fonctions, parmi d’autres points.
La non application délibérée de cet accord-cadre par le chef de l’État et le redoublement de la répression contre les citoyens Djiboutiens, notamment ceux massacrés le 21 décembre 2015 à Buldhuqo, mais aussi contre les responsables de l’USN, ont conduit à une nouvelle acuité dans la crise politique de Djibouti.
La conférence présentée ce vendredi 5 février au siège d’Amnesty international à Paris est destinée à demander à la communauté internationale de condamner le régime liberticide d’Ismaël Omar Guelleh et d’agir en solidarité avec le peuple djiboutien victime de sa répression.
Le Député Said Houssein Robleh a remercié la presse et les participants à la conférence, de la solidarité dont ils ont fait montre à l’égard des Djiboutiens depuis le massacre des civils et la répression sanglante accompagnée de l’arrestation des dirigeants de l’USN.
Le député a présenté avec beaucoup de détails la journée du 21 décembre 2015 où la police a tiré sur une foule pacifique rassemblée pour une cérémonie culturelle et ôté la vie à une trentaine de Djiboutiens. Le député a détaillé encore davantage le contexte de l’attaque dont les dirigeants de l’USN ont fait l’objet par la police. Le député a bien reçu à cette occasion deux balles tirées à bout portant par la police, une balle dans l’épaule et une autre dans la gorge.
Le député a diffusé un extrait de vidéo déroulant la manière précise dont a été mené l’assaut sanglant contre le domicile de Me Djama Amareh Meidal où se tenait la réunion de l’USN en fin d’après-midi de la journée du massacre de 21 décembre 2105 à Buldhuqo.
Le député a dénoncé l’attaque de la police à l’origine du massacre de Buldhuqo, quartier pauvre de Balbala, et a donné en ce sens une interview sur France24 et sur Afrika Paris TV.
Il a souligné aussi qu’il n’y a jamais eu d’élections libres et honnêtes à Djibouti depuis 38 ans et que le régime dictatorial vise à se maintenir comme à son accoutumé par la fraude et la force.
Hachin Loita Ahmed a remercié l’assistance et a présenté un point sur la dernière actualité de Djibouti. Il a précisé dans quelles conditions l’USN fonctionne toujours malgré les attaques incessantes dont elle fait l’objet par la dictature.
Il rappelé combien les provocations multiples par Ismaël Omar Guelleh qui visent à diviser l’USN n’ont jamais pris, l’USN s’étant toujours défendu de tout esprit de division et maintient le cap de l’unité dans l’action.
Il a apporté des détails au débat existant actuellement au sein de l’USN sur la question de sa participation à l’élection présidentielle du 8 avril 2016. Apres plusieurs réunions au sein du Haut Conseil de l’USN concernant la participation à ces élections, un des partis membres de la coalition de l’USN a refusé l’idée de participation à cette élection. L’USN poursuit actuellement ce débat interne afin de trouver une issue.
Après les discours des intervenants, la séance de questions-réponses s’est déroulée dans la sérénité et a démarré par des demandes de précisions sur les circonstances des exactions commises à Djibouti.
L’intérêt de la conférence n’a échappé à personne, les questions ayant aussitôt porté directement sur l’actualité politique.
Participation ou non de l’USN aux élections présidentielles ? Quelle alternative si les élections présidentielles étaient une fois de plus fraudées ? S’il était sûr à ce jour qu’Ismaël Omar Guelleh s’était officiellement déclaré candidat à sa réélection ?
Les intervenants ont pu répondre à l’ensemble des questions soulevées, s’autorisant même un débat contradictoire riche en échanges.
En effet, Ismaël Omar Guelleh est officiellement candidat depuis le 8 janvier 2016, et l’USN participera bel et bien aux élections législatives du 8 avril 2016. Mais quels que soient le déroulement et les résultats des élections présidentielles, l’USN se doit de garder le cap d’une lutte pacifique pour se défaire de cette dictature.
La conférence a levé le camp peu après 17h30, laissant aux participants le loisir de partager des victuailles accompagnés d’échanges à bâton rompu et d’échanges de coordonnées, notamment avec des membres d’Amnesty International France.
Le comité d’Initiative tient à renouveler ses vifs remerciements à l’organisation Amnesty International France pour son accueil dans ses locaux, à la presse nationale et internationale ainsi qu’à tous les démocrates afin qu’ils s’impliquent davantage encore dans la situation politique et sociale dangereuse qui prévaut à Djibouti.
Le Comité d’initiative
Paris, le 7 février 2016