Témoignage
« Je suis parti d’un pays qui n’est pas libre, sans droits de l’Homme, sans liberté de la presse… » Saâd Seifabdallah, 42 ans, soupire. Il a quitté son pays d’Afrique de l’Est, Djibouti et est arrivé à Lamballe en février. Sa famille et ses amis sont restés là-bas. « Je craignais pour ma vie, j’ai fait le choix difficile de quitter mes proches, ma femme et mes cinq enfants, âgés de 5 à 18 ans. »
Le bibliothécaire djiboutien a fait plusieurs séjours en prison. « Si on n’est pas d’accord avec le régime, voilà où on va. Je sensibilisais les gens à la démocratie. Je suis membre d’un mouvement pour le renouveau démocratique et le développement. J’ai été emprisonné arbitrairement plusieurs fois et parfois pendant plusieurs mois. On nous met la pression pour taire la vérité. »
Le 30 avril 2018, tout change pour lui. « La décision était prise, raconte le père de famille. Je devais obtenir le statut de demandeur d’asile. Mais ça a été dur de partir, seul, confie-t-il. J’ai parfois galéré. »
« J’aide autour de moi »
Il a mis de l’argent de côté, sachant que son périple l’emmènerait dans plusieurs pays, Égypte, Italie, Suisse et… la France. Il passe un entretien, raconte, demande le droit d’asile. Il séjourne dans divers centres et diverses villes, rencontre des associations d’aide aux demandeurs d’asile. Il a une autorisation officielle de travailler. « Un jour, je serai peut-être officiellement interprète. »
Saâd patiente. « Je suis un réfugié politique. Obtenir ma régularisation est long, admet-il. Je voudrais que cela aille plus vite, mais comme je le dis à de jeunes somaliens ou autres, il faut savoir être patient dans la vie. La pandémie a aussi tout compliqué. »
L’ancien bibliothécaire est altruiste, « j’aime aider, je suis né comme ça » . Là où il séjourne, il côtoie d’autres nationalités. Il devient traducteur bénévole, il parle un français impeccable. « Djibouti est une ancienne colonie française, voilà pourquoi. »
Le français et le somalien ne sont pas les seules langues qu’il parle. « Je connais l’allemand, un peu d’anglais, l’afar, qui est une langue ethnique. Et quand ça ne suffit pas, je parle avec les mains, un peu comme la langue des signes. On peut aussi se comprendre comme ça », sourit Saâd.
En février, Saâd arrive en Bretagne, à Lamballe. L’association Coallia le soutient. « J’aide les jeunes autour de moi ». Démarches diverses, papiers, petits cours de français… « Dans l’association, on me dit : tu fais notre boulot ! » rigole Saâd. Il tisse des liens d’amitié.
C’est dur d’être loin de sa famille. Il n’y a que ceux qui vivent ça qui savent . Son espoir ? « La faire venir en France dans pas trop longtemps. Je m’inquiète pour eux. » Et après ? « Le jour où mon pays retrouvera une démocratie, j’y retournerai. »