Kassim Nouh Abar et Mohamed Ibrahim Wais, correspondants de La Voix de Djibouti (LVD), le seul média libre, de ce petit pays situé dans la corne de l’Afrique, émettant depuis l’Europe, ont été respectivement arrêtés vendredi 5 et dimanche 7 juin à Djibouti. Le premier a été interpellé devant son domicile. Le second, qui est également correspondant de RSF, a été arrêté par la police alors qu’il était sorti pour “rencontrer l’avocat d’un officier de l’armée actuellement emprisonné” a raconté le directeur de LVD joint par RSF.
Interviews, recueil de témoignages, photos, les deux journalistes s’étaient illustrés par leur couverture de l’actualité qui agite Djibouti depuis une semaine: la nouvelle vidéo tournée clandestinement depuis sa cellule de prison du lieutenant Fouad Youssouf Ali. L’ex-pilote de l’armée de l’air djiboutienne incarcéré depuis le 22 avril y décrit ses conditions de détention déplorables et sa certitude de ne pas en sortir vivant. Le militaire avait diffusé une première vidéo critiquant le régime djiboutien depuis son exil en Ethiopie. Il avait finalement été arrêté et extradé dans son pays d’origine. La diffusion de cette nouvelle vidéo a entraîné des manifestations quotidiennes qui ont été réprimées à Djibouti ces derniers jours.
Sollicités pour des éclaircissements, le ministère de l’Intérieur et la direction générale de la police de Djibouti n’étaient pas joignables ce lundi matin.
“Ces journalistes n’ont fait que leur métier en témoignant d’un sujet d’intérêt public majeur, estime Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. En cherchant à les réduire au silence, les autorités jettent au contraire la lumière sur un sujet qui les dérange. Mohamed, qui travaille également pour notre organisation est un journaliste sérieux et extrêmement courageux. RSF mobilise tous ses moyens et son réseau pour que ces journalistes soient libérés rapidement et sans condition.”
Les correspondants de LVD sont régulièrement menacés et l’objet d’arrestations arbitraires. Mohamed Ibrahim Wais a été arrêté à de multiples reprises au cours des dix dernières années et a déjà passé plusieurs mois en prison pour ses activités journalistiques.
En octobre 2019, RSF avait dénoncé le passage à tabac et l’arrestation à deux reprises d’un autre correspondant de LVD, Osman Yonis Borogeh. La police avait notamment cherché à identifier les sources et les collaborateurs du média. Plus récemment, le 3 mai dernier, alors que monde célébrait la journée mondiale de la liberté de la presse, son confrère et collègue Charmarke Saïd Darar avait été arrêté et détenu pendant quatre jours pour avoir couvert un incendie.
Djibouti, 176e sur 180 pays, a perdu trois places au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2020.
Source: RSF