Lettre ouverte à Monsieur Ismaïl Omar Guelleh
Président de la République de Djibouti
« L’échec ou la réussite d’un pays est indexé à la performance de son système éducatif »
Monsieur le Président,
Lors de votre arrivée au pouvoir, nous avions adressé, le 19 mai 1999, une lettre au Ministre de l’Education Nationale de l’époque en tant que Secrétaire Général du SYNESED dans laquelle nous nous sommes exprimés en ces termes « Notre système éducatif traverse aujourd’hui une des périodes les plus difficiles et les plus douloureuses de son existence à cause d’un manque de confiance entre la société et l’école. (…). En effet, le simple Djiboutien manifeste beaucoup de mépris vis-à-vis de la qualité du produit de notre système éducatif». Et enfin pour finir nous avions exprimé un espoir : « Nous espérons qu’avec votre arrivée, la fonction enseignante retrouvera sa dignité, son prestige et que surtout la confiance entre les enseignants et son ministère reviendra». Malheureusement, 15 années après cette lettre, l’état du système éducatif djiboutien est dans un gouffre abyssal et la confiance entre la communauté éducative et son Ministère, est plus que jamais rompue.
Monsieur le Président,
L’Internationale de l’Education dont le SYNESED (Syndicat des Professeurs des collèges et des lycées de Djibouti) est affiliée, mène une campagne pour une Education de Qualité en partenariat avec l’UNESCO depuis octobre 2013. Le slogan de cette campagne résume l’essentiel du message « Une éducation de qualité pour un monde meilleur ». Nous sommes convaincus que la construction d’un monde meilleur et surtout d’un Djibouti meilleur passe et passera par une éducation de qualité gage d’un futur durable de paix et de développement.
Monsieur le Président,
Il s’avère que les trois (3) piliers d’une éducation de qualité reposent sur des enseignant(e)s de qualité, des outils de qualité et des environnements de qualité. Malheureusement, pour notre pays la politique éducative est aux antipodes de cette Education de Qualité recherchée dans le monde. En effet, le Ministère de l’Education s’attèle depuis quelques mois avec foi à creuser le tombeau du 1er pilier d’une éducation de qualité. D’ailleurs, à l’heure actuelle après plus de 5 mois de suspension de salaires, plus d’une soixante d’enseignants sont sur le point d’être radiés en violation de toutes les procédures administratives et de tous les textes en vigueur.
Monsieur le Président,
Par votre fonction de 1er magistrat du pays, garant des textes et de Chef de Gouvernement qui veille à l’application du statut du fonctionnaire (Article 14 du Statut du Fonctionnaire : Le président de la République, chef du gouvernement veille à l’application du présent statut) vous pouvez et devez arrêter cette dérive sans précédent. Beaucoup de ces enseignants sont très anciens. Certains d’entre eux sont proches de la retraite. La plupart ont toujours fait preuve d’une conscience aigüe, d’une probité, d’un sens du devoir et du courage à toute épreuve, d’une intégrité sans faille, d’une abnégation et d’un professionnalisme irréprochable dans les prérogatives de leurs missions.
Monsieur le Président,
C’est vraiment malheureux que ceux qui devaient mériter les honneurs et les récompenses de la Nation comme prévu dans le Statut du Fonctionnaire (Article 57 : Toute action qui aura mis en évidence l’abnégation, le sens du devoir, le courage, l’esprit d’initiative d’un fonctionnaire doit faire l’objet d’un rapport circonstancié de son supérieur hiérarchique qui mentionne en particulier des propositions de récompenses) sont traités comme des vulgaires voyous sans dignité. Cette forme « d’assassinat » programmée risquerait d’être l’élément déclencheur d’un état d’irréversibilité d’une conscience citoyenne déjà meurtrie, traumatisée et malmenée par les multiples injustices et arbitraires touchant les plus faibles.
Monsieur le Président,
Ce pays en général et ce département en particulier regorge encore d’hommes et de femmes d’intégrités morales, d’expériences et de valeur qui refusent de franchir certaines limites à la fois indécentes et préjudiciables à l’avenir de notre système éducatif. Aujourd’hui, le pays, l’école, les enseignants, les personnels de l’éducation, les parents, les élèves, … méritent mieux et pour cela nous disons que d’autres choix, une autre école, une autre politique,…sont encore possibles et nous y croyons fermement. D’ailleurs, c’est en toute objectivité et en toute indépendance que nous nous sommes adressés à vous en vous remerciant d’avance à l’attention que vous porteriez à cette lettre.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.
Farah Abdillahi Miguil
Secrétaire General du SYNESED
Djibouti, le 15 avril 2014