Réalité numéro 40 du mercredi 26 février 2003 |
|||
|
|||
Sommaire
|
DANGEREUSEMENT RIDICULE
Le sentiment d’injustice est le stimulus fondamental de toute réaction violente à l’échelle des individus, de groupes sociaux ou de sociétés. L’antidote en a été la création d’instances juridictionnelles sous toutes leurs formes. L’institution judiciaire a comme raison d’être la gestion des contradictions qui lui sont soumises, sa fonction essentielle étant la régulation des rapports entre les justiciables avec, comme objectif final, d’empêcher que soit atteint le niveau de la violence par réaction à l’injustice subie.
Nonobstant les imperfections inhérentes à toute œuvre humaine, la Justice existe donc pour faire respecter les normes, maintenir les équilibres et dire la MESURE en toute circonstance. Elle évite par conséquent le chaos en instaurant la cohésion. Sa responsabilité est déterminante dans la vie des Etats
C’est pourquoi cette institution constitue l’ultime recours et l’unique alternative contre la loi de la jungle entre les humains. Ainsi, elle s’impose à tout le monde de la même manière par les mêmes textes avec la même autorité, aux gouvernants comme aux gouvernés, aux administrations comme aux administrés, aux individus comme aux groupes.
Jamais l’institution judiciaire nationale n’a abandonné dans un pays pour quelque cause que ce soit la place qui est la sienne sans que celle-ci ait été soit occupée par une instance internationale soit investie par l’anarchie violente.
Évidemment, sa présence ou son effectivité ne saurait jamais se résumer à des mots proférés, des phrases alignées et des signatures apposées par des agents affectés à cette tâche, le tout n’ayant d’autres rapports que le nom avec la Justice.
Tout aussi évidemment, son inexistence n’est pas seulement attestée par le vide juridique (absence de textes) ou par l’absence de magistrat ou de locaux de siège.
La Justice existe ou non selon qu’elle assure ou pas la fonction qui justifie sa création. Malheureusement à Djibouti, nous assistons avec regret et inquiétude à la disparition claire de cette institution, réduite à une navrante caricature : lorsqu’elle ne prend pas une décision indispensable, ou lorsque la décision prise n’est pas exécutée ou alors sans rapport avec les griefs reprochés et les dispositions violées de la loi ; lorsque le Tribunal du Contentieux Administratif de Djibouti n’a pas rendu une seule décision depuis 1996, refusant même de siéger pour examiner une plainte ; lorsque enfin le Conseil Constitutionnel se permet de rejeter une requête à lui soumise en matière de contentieux électoral sans se donner la peine de procéder à la moindre instruction du dossier, se contente de mots ne correspondant pas à leur objet pour justifier ce rejet.
Il est à craindre que la République de Djibouti ne se soit engagée sur une pente très dangereuse d’anarchie et de chaos. Où il risque de se livrer un jeu sans règle ni arbitre, tout silence étant considéré comme approbation et toute protestation comme une menace à réprimer, pour finir, après exténuation du pays et de ses habitants, par rechercher dans d’interminables réunions tenues à l’étranger une cohésion nationale perdue à domicile par la Mort de la Justice.
Comme nous avons publié dans notre numéro du 29 janvier 2003 notre recours en annulation devant le Conseil Constitutionnel, nous publions intégralement dans ce numéro de « Réalité » la décision de cette juridiction, avec le minimum de nos commentaires, afin de permettre au lecteur la comparaison et l’appréciation.
Le Conseil Constitutionnel nous répond
Au bout d’un peu moins d’un mois, le Conseil Constitutionnel nous a fait parvenir, en guise de réponse, le texte suivant que nous reproduisons dans son intégralité pour permettre au lecteur de saisir l’ampleur du vide.
Décision n°02/2003 du 20 février 2003
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la requête présentée par Messieurs AHMED DINI AHMED, ISMAEL GUEDI HARED, DAHER AHMED FARAH, MOHAMED DAOUD CHEHEM, ALI OSMAN BOULHAN, HAMAD ABDALLAH HAMAD, FARADA WITTI MOHAMED, ABDOULKADER AHMED HASSAN, HAMAD YOUSSOUF HOUMED, ALI MAHAMADE HOUMED, ADAN MAHAMED ABDOU et IDRISS MAHAMED HASSAN, membres de la liste de «l’ U.A.D.», demeurant tous à Djibouti, déposée au secrétariat général du Conseil Constitutionnel le 23 Janvier 2003, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 10 Janvier 2003 dans les circonscriptions de Djibouti, d’Ali-Sabieh et de Dikhil, et à l’invalidation des résultats officiellement proclamés en faveur des listes « U.M.P. » dans les circonscriptions électorales d’Obock et de Tadjourah en y déclarant élues les listes de l’U.A.D. en lieu et place de celles de l’U.M.P. ;
Vu l’article 77 de la Constitution ;
Vu la loi organique n°1/AN/92 relative aux élections ;
Vu la loi organique n°2/AN/1993 3è L du 07 Avril 1993 modifiant les articles 40, 55 et 61 de la loi organique n°/AN/92 du 29 Octobre 1992 ;
Vu la loi organique n°1/AN/02/4ème L portant modification de l’article 40 de la loi organique n°/AN/93 du 07 Avril 1993 et de l’article 41 de la loi organique n°/AN/92 du 29 Octobre 1992 relative aux élections ;
Vu la loi n°/AN/92/2è L relative aux partis politiques en République de Djibouti ;
Vu la loi organique n°/AN/93/3è L du 07 Avril 1993 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
Vu le règlement du 10 Juillet 1993 applicable à la procédure suivie devant le Conseil Constitutionnel pour le contention des élections (Application de l’article 54 de la loi organique n°/AN/93/3è L du 07 Avri11993) ;
Vu le décret n°002-0198/PR/MID du 30 Septembre 2002 portant composition et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante ;
Vu le décret n°002-0247/PR/MID du 08 Décembre 2002 portant convocation du collège électoral pour les prochaines échéances législatives ;
Vu le décret n°002-0248/PR/MID du 08 Décembre 2002 fixant la date des élections législatives ;
Vu le décret n°002-0254/PR/MID du 15 Décembre 2002 portant création de la Commission de propagande ;
Vu le décret n°002-0255/PR/MID du 15 Décembre 2002 fixant les modalités d’organisation du scrutin du 10 Janvier 2003 portant élection des membres de l’Assemblée Nationale ;
Vu le décret n°002-0261/PR/MID du 25 Décembre 2002 portant publication des listes des candidats en vue des élections législatives du 10 Janvier 2003 ;
Vu l’arrêté n°002-0936/PR/MID du 25 Décembre 2002 portant composition des membres des bureaux de vote en vue des élections législatives du 10 Janvier 2003;
Vu l’arrêté n°02-0937/PR/MID du 25 Décembre 2002 fixant le nombre et l’emplacement des bureaux de vote en vue des élections législatives du 10 Janvier 2003;
Vu l’arrêté n°003-0046/PR/MID du 09 Janvier 2003 portant modification de l’arrêté n°002-0936 fixant les membres des bureaux de vote en vue des élections législatives du 10 Janvier 2003 ;
Vu l’arrêté n°003-0047/PR/MID du 09 Janvier 2003 portant modification de l’arrêté n°003-0937 fixant le nombre et l’emplacement des bureaux de vote en vue des élections législatives du 10 Janvier 2003 ;
Vu la proclamation du Conseil Constitutionnel en date du 14 Janvier 2003 faisant connaître les résultats provisoires des élections du 10 Janvier 2003 ;
Vu le rapport des observateurs internationaux ;
Vu le rapport de la Commission Électorale Nationale Indépendante « C.E.N.I. » du 29 Janvier 2003 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu et après en avoir délibéré.
I – EN LA FORME
SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE :
1. Considérant que les partis politiques et les candidats susmentionnés ont introduit leur recours dans les formes et délai prescrits par les articles 75 et 77 de la constitution et ainsi que les articles 70, 71 et 72 de la loi organique n°1/AN/92 relative aux élections; qu’en conséquence leur requête est recevable ;
II – AU FOND
SUR LE MOYEN TIRE DE LA VIOLATION PAR L’ADMINISTRATION DU PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE LÉGALITÉ :
2. Considérant que les requérants exposent que la rétention délibérée des cartes d’électeurs et le refus opposé par l’Administration aux partis politiques d’opposition regroupés au sein de 1’« U.A.D. » de consulter les listes électorales, constitueraient la rupture caractérisée du principe de légalité dont la grave conséquence aurait été la privation de la majorité du corps électoral national (52 %) de la jouissance et de l’exercice du droit de suffrage universel, direct et égal; qu’ils demandent en tout état de cause l’annulation du scrutin ;
3. Considérant que le principe de légalité exprime la soumission de l’administration à l’ensemble des normes juridiques du système djiboutien de droit ; que l’effectivité du respect du principe de légalité est assurée par le Conseil Constitutionnel pour ce qui est de la conformité de la loi à la Constitution et par le Conseil du Contentieux Administratif pour les autres textes normatifs; que la soumission de l’administration djiboutienne au principe de légalité conditionne en tout le respect et la protection des droits de la personne.
4. Considérant que le principe de légalité est un principe fondamental de l’action administrative, déduit du libéralisme politique, à titre de garantie élémentaire des administrés, et selon lequel l’administration ne peut agir qu’en conformité avec le Droit, dont la loi écrite n’est qu’un des éléments ;
5. Considérant que les circonstances ainsi évoquées ne sont pas suffisamment établies; que dès lors les griefs invoqués par les auteurs de la saisine doivent être rejetés.
SUR LE MOYEN TIRE DE LA VIOLATION PAR L’ADMINISTRATION DU PRINCIPE CONSTITUTIONNEL D’ÉGALITÉ :
6. Considérant que les requérants soutiennent que le décret no2002/0198/PR/MID portant composition et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante « C.E.N.I. » serait contraire au « principe d’égalité des citoyens devant la loi » ; que l’annulation des élections législatives du 10 Janvier 2003 s’impose du chef de la violation de ce principe susvisé puisqu’elles se seraient déroulées en totale méconnaissance des droits d’égalité consacrés par la Constitution;
7. Considérant que le législateur a prévu le nombre et la désignation des membres de la CENI ; qu’aux termes des articles 3 et 7 il a défini ce qu’il entendait par la composition et la représentation en question; qu’en outre, l’article 3 du décret déféré précise « au niveau du District de Djibouti que trois (3) membres sont désignés par le Gouvernement; trois (3) membres sont désignés par le Président de l’Assemblée Nationale en tenant compte de sa configuration politique; trois (3) magistrats du siège élus en Assemblée Générale des magistrats; trois (3) représentants de la Société Civile; une (1) personne désignée par chaque parti politique régulièrement constitué; que, chaque institution choisit ou élit un titulaire et un suppléant jusqu’à concurrence du quota qui lui est affecté» ; qu’enfin, l’article 7 dudit décret fixe la représentation de la CENI dans chaque circonscription électorale des quatre districts de l’intérieur; qu’il ressort de l’examen des dispositions du texte précité une représentation égale des membres entre les partis ou groupements politiques au sein de la CENI ; qu’en outre cette dernière a d’ailleurs dans son rapport indiqué « il y a lieu de regretter, d’emblée le refus de partis de l’opposition de présenter leurs représentants au sein de la CENI » ; (Cf paragraphe p.5 du Rapport de la CENI) ; qu’enfin le Conseil Constitutionnel constate que le législateur a pris en compte la diversité du corps social et répond au souci d’équilibre qui caractérise la démocratie; que dès lors les dispositions contestées par l’U.A.D. ne sauraient être appréciées comme ayant méconnu le principe constitutionnel d’égalité; qu’en conséquence le grief tiré d’une violation de ce principe constitutionnel d’égalité ne saurait être accueilli ;
SUR LE MOYEN TIRE DE L’EXCÈS DE POUVOIR :
8. Considérant que les requérants font valoir à l’appui de leur réclamation les griefs suivants: utilisation des forces armées nationales pour priver l’U.A.D. de surveiller le déroulement des élections dans beaucoup de bureaux de vote, arrestation, agression, séquestration et expulsion des délégués, enlèvement des urnes contenant des bulletins avant le dépouillement, refus aux délégués d’accompagner ces urnes, empêchement des délégués d’avoir accès aux bureaux des Commissaires de la République où sont regroupés, et au besoin falsifiés, les résultats avant leur transmission au ministère de l’Intérieur, violation de l’article 10 de la constitution par l’irruption de ces forces de défense et de sécurité dans les bureaux de vote ;
9. Considérant que le bon déroulement des élections démocratiques et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit constitutionnel électoral, conférés aux citoyens électeurs par l’article 8 de la Constitution, et que, Citoyens comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures et moyens de défense mises à leur disposition à ces fins ;
10. Considérant que cette double exigence implique qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits;
11. Considérant qu’il appartient aux pouvoirs publics d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis et d’autre part, la prévention des atteintes à l’ordre public et notamment des atteintes à la sécurité des personnes et des biens qui répond à des objectifs de valeur constitutionnelle;
12. Considérant que les mesures de Police prises par le Ministère de l’Intérieur en vue de circonscrire d’éventuelles manifestations de personne aux lieux avoisinants et à leur accès, d’assurer le bon déroulement du scrutin (circonstances qui font craindre des troubles graves à l’ordre public) ;
13. Considérant que les exposants se bornent à mettre en cause les conditions générales du scrutin sans justifier aucun grief précis de nature à porter atteinte et à altérer la liberté et la sincérité du scrutin; que, par suite, la requête doit être rejetée ;
14. Considérant que si, par ailleurs, les requérants soutiennent que les délégués des listes de candidats de l’U.A.D. n’étaient pas présents auprès des Présidents de certains bureaux de vote concernés lors des opérations de vote et de dépouillement, non plus que lors de la signature de certains procès-verbaux, il n’est ni allégué dans lesdits procès-verbaux ni établi que ces délégués aient été empêchés d’être présents et de surveiller ainsi les opérations électorales; que les griefs allégués ne sauraient donc être retenus; qu’en tout état de cause les auteurs de la saisine qui font état d’usage de faux s’agissant des Procès-Verbaux des opérations de vote n’apportent pas en l’état la preuve des faits allégués; que, dès lors, ledit moyen sera écarté ;
SUR LES OPERATIONS ELECTORALES DANS LES DISTRICTS
15. Considérant que les différents candidats et partis politiques ont demandé l’annulation et l’invalidation des résultats du scrutin des circonscriptions électorales ci-après :
A) Circonscription de Djibouti :
16. Considérant que les requérants soutiennent en premier lieu, que la circonscription électorale de Djibouti compte 142 bureaux et totalise 37 sièges en invoquant que la rétention des cartes procéderait une parfaite connaissance du fichier électorale tenu à jour conformément à l’article 1er du décret n°93-OO23/PR/MI qui comprend tous les éléments permettant d’identifier les électeurs et de les situer politiquement ; qu’ils contestent, en particulier, en deuxième lieu, la délivrance et l’utilisation abusives des ordonnances et, en troisième lieu, la modification de l’arrêté fixant le nombre et l’emplacement des bureaux de vote ;
17. Considérant que si les demandeurs mettent en cause les conditions dans lesquelles il aurait été délivré des ordonnances abusives du Juge à certains électeurs, ils n’apportent pas en tout état de cause aucun commencement de preuve à l’appui de leurs allégations, que de tels griefs ne peuvent être accueillis ;
18. Considérant qu’il est loisible au législateur, dans un but d’intérêt général, de modifier, d’abroger ou de compléter des dispositions qu’il a souverainement prises, dès lors qu’il ne méconnaît pas les dispositions légales. Le fait que de telles modifications entraînent des conséquences sur des bureaux de vote de Djibouti en application de dispositions législatives antérieures n’est pas en lui même de nature à altérer la sincérité du scrutin.
B) Circonscriptions d’Ali-Sabieh, de Tadjourah, de Dikhil et d’Obock :
19. Considérant que les requérants invoquent à l’appui de leurs réclamations les griefs relatifs à la rétention par l’Administration, à la disposition de la liste U.M.P., de la totalité des cartes d’électeurs qui aurait été aggravé par des instructions écrites du Commissaire de la République de Dikhil aux Présidents des bureaux des votes leur enjoignant de faire voter sans contrôle d’identité tout électeur se présentant avec une carte d’électeur, l’utilisation des cartes d’électeurs sans indication d’adresse, l’absence de toute mention d’une pièce d’identité, l’absence de toute indication relatif aux lieux d’emplacement et aux numéros du bureau des votes, l’établissement des cartes d’électeurs sur la base d’une liste unique, condition de délivrance et validité douteuse des cartes d’électeurs.
20. Considérant que les requérants n’apportent aucune justification des irrégularités annoncées, le Conseil rejette la requête en précisant qu’après examen des procès-verbaux des opérations de vote et des feuilles de pointage il n’apparaît pas que les opérations électorales aient été entachées d’irrégularités susceptibles de fausser la sincérité du scrutin dans les districts d’Ali-Sabieh, de Tadjourah, de Dikhil et d’Obock.
21. Considérant que le Conseil Constitutionnel relève dans les différents procès verbaux que les délégués des candidats de l’U.A.D. étaient bel et bien présents dans les différents bureaux de vote de circonscriptions ci-dessus rappelés et ont contresigné lesdits procès-verbaux sans aucune observation; que le Conseil note également que la plupart des procès-verbaux sont accompagnés par les fiches de résultats signées non seulement par les présidents des bureaux de vote, mais aussi par les délégués des candidats de l’U.A.D. ; qu’il en résulte donc que toutes les prétentions des requérants ne sont pas fondées.
PAR CES MOTIFS
DECIDE
En la Forme :
– Article 1er– Déclare recevable la requête de l’U.A.D.
Au Fond :
Sur les opérations électorales dans les quatre districts :
a) Circonscription de Djibouti :
– Déclare non fondée la requête de l’U.A.D. et la rejette.
b) Circonscriptions d’Ali-Sabieh. de Tadjourah. de Dikhil et d’Obock :
– Déclare non fondée la requête de l’U.A.D. et la rejette.
– Article 2 – Rejette toutes les demandes des candidats et du groupement politique de l’U.A.D.
– Déclare élus les candidats de la liste U.M.P. dans les circonscriptions de Djibouti, d’Ali-Sabieh, de Tadjourah, de Dikhil et d’Obock.
– Article 3 – La présente décision sera notifiée à l’U.A.D., l’U.M.P. et au Président de l’Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel de la République de Djibouti selon la procédure d’urgence.
Nous répondons au Conseil Constitutionnel
Nous ne nous étalerons pas ici sur l’aspect uniquement juridique. Nous avons écrit dans notre communiqué que le Conseil Constitutionnel n’a pas instruit notre requête. Il abonde dans notre sens puisque, après avoir égrené comme de coutume et de façon à la fois didactique et incantatoire, une série de textes de loi (toute une page censée démontrer quelque sérieux et solennité, lois, décrets, arrêtés et deux rapports), il reconnaît explicitement n’avoir entendu que le rapporteur, sans le nommer…
En dehors du président, qui ne peut avoir donné que le point de vue du profane, les autres membres du Conseil Constitutionnel ont suffisamment touché au droit public ou privé pour savoir qu’un contentieux électoral, qu’il concerne le législatif ou le présidentiel) qui relève dans ces cas de la compétence du juge constitutionnel (ou régional ou communal, auxquels cas c’est le tribunal du contentieux administratif qui est compétent), est une affaire trop sérieuse pour être expédiée aussi vite et si partialement.
Que nos juges nous permettent donc de leur rafraîchir la mémoire estudiantine en leur rappelant que parmi ses principales caractéristiques, l’instruction est une procédure écrite, qui se fait par la rédaction et l’échange des mémoires des parties et l’examen des procès verbaux des mesures d’instruction. Elle est aussi inquisitoriale, c’est-à-dire dirigée par le juge et uniquement par lui, qui organise les échanges de mémoires et impartit les délais de réponse. Elle est enfin contradictoire, la contradiction étant un principe général de Droit qui impose qu’aucun élément de l’affaire à juger ne puisse être discuté par les parties.
Ainsi, une part essentiel de notre dossier se fondait sur les rapports, de nos délégués comme des représentants de la CENI (celui du bureau de vote de Daffeynaïtou par exemple, dont les propos suffisaient à invalider les résultats de ce bureau de vote), mais également sur les témoignages de notables se plaignant de nombreuses irrégularités dont ils ont été témoins et victimes. Dans ces circonstances, il était du devoir du Conseil Constitutionnel, conformément à l’article 46 de la loi fixant ses règles d’organisation et son fonctionnement, de diligenter une véritable enquête, non seulement en se faisant communiquer tous documents et rapports ayant trait à l’affaire, mais aussi en vérifiant, de façon contradictoire, la véracité des faits évoqués par les rapports de nos délégués et les témoignages des notables. S’il s’avérait lors de l’instruction que les faits relatés n’ont aucune réalité, le Conseil Constitutionnel l’aurait certainement relevé et nous en aurions subi les conséquences prévues par la loi. Voyons à présent le détail de ce déni de droit.
Du 2ème au 5ème considérant
Le Conseil Constitutionnel prétend ici démonter notre argumentation selon laquelle l’administration aurait volontairement procédé à une rétention massive des cartes électorales. Il est en effet clair qu’un Etat qui n’est même pas capable de distribuer ces cartes aux citoyens afin qu’ils remplissent leur devoir électoral n’est pas un Etat digne de ce nom : tout juste pourrait-on parler de proto-Etat.
De plus, des semaines avant le jour du scrutin, l’UAD avait alerté tant le ministère de l’Intérieur que le Conseil Constitutionnel de ce que ces cartes n’étaient ni convenablement ni équitablement distribuées, tant dans la circonscription électorale de Djibouti qu’en ce qui concerne les districts de l’Intérieur. Si le Conseil Constitutionnel trouve normal que le taux d’abstention dépasse les 70% dans la circonscription électorale d’Ali-Sabieh, il ne convaincra personne qu’en l’espèce, que « la soumission de l’administration djiboutienne au principe de légalité conditionne en tout le respect et la protection des droits de la personne. » : chacun sait à quoi s’en tenir quant à cette prétendue neutralité de notre administration.
Ce n’est certainement pas sa seule incompétence qui explique le fait que les électeurs d’Ali-Sabieh n’ont majoritairement pas pu entrer en possession de leurs cartes.
De plus, comment le Conseil Constitutionnel ose-t-il prétendre que « les circonstances ainsi évoquées ne sont pas suffisamment établies » alors qu’il avait été saisi, au niveau de la rétention des cartes et de la mise à notre disposition des listes électorales, par l’UAD dès le 26 décembre 2002 à 10 heures, démarche qu’il a lui-même répercuté deux jours plus tard en saisissant le ministère de l’Intérieur, avec ampliation au Président de la CENI, sans qu’une suite n’y soit donnée par le destinataire ? Ainsi, en violation de la loi, l’administration a refusé de mettre les listes électorales à la disposition de l’UAD. Enfin, le Conseil Constitutionnel méconnaît dans ses considérants et conclusions les violations patentes des articles 8 et 12 de la loi organique n°1/AN/92 du 29 octobre 1992 relative aux élections, ce qui constitue bel et bien une rupture manifeste de la légalité.
Du 6ème au 7ème considérant
Dans son recours, l’UAD a contesté le rôle de la CENI à deux niveaux. Tout d’abord quant aux conditions de sa création : celle-ci était posée par l’article 16 de l’Accord de paix du 12 mai 2001, signé entre le FRUD-armé et le gouvernement, et dont l’article 24, relatif à son application, stipulait en son point b que « Les deux parties signataires du présent Accord conduiront de concert l’application stricte et honnête de la totalité de son contenu et de toutes autres mesures entreprises dans son cadre ou en rapport avec ses objectifs ».
La création unilatérale de la CENI constitue donc une violation de l’Accord de paix dont s’est rendu coupable non seulement le gouvernement à ce niveau, mais aussi de toute personnalité ayant accepté de siéger, après le 12 mai 2001, au sein du Conseil Constitutionnel dont, au termes de l’article 11 dudit Accord, le fonctionnement et la composition devaient être revus par les deux parties signataires.
Second niveau, c’est celui de la représentation au sein de cette CENI : le quota dérisoire consenti aux autres partis politiques interdisait aux représentants de l’UAD tout contrôle sérieux des opérations électorales. Les larmes de crocodile versées au sujet de notre refus de participer aux travaux de cette instance n’y changeront rien : la CENI s’est totalement discréditée, malgré quelques réticences de certains de ses membres ayant refusé de participer à cette imposture.
Si, considérant ces deux aspects, le Conseil Constitutionnel ose affirmer qu’aucune légalité n’a été rompue, il ne fait que confirmer l’absence de toute légalité en République de Djibouti.
Du 8ème au 14ème considérant
Nous avons évoqué dans nos colonnes cette « militarisation des urnes » qui donnait des allures martiales au dernier scrutin législatif. Dans les circonscriptions électorales d’Ali-Sabieh, de Dikhil d’Obock et de Tadjourah, les urnes avaient en effet été confisquées par les militaires. Parfois, devant des dizaines de témoins, dont un membre de la CENI, qui l’a confirmé par écrit, à Aba’a, nos délégués avaient été expulsés du bureau de vote, emprisonnés et même physiquement agressés, nécessitant soins et constats médicaux
Sans instruire le dossier en recherchant d’éventuels témoins de telles violations, le Conseil Constitutionnel s’est contenté d’ignorer nos affirmations en les décrétant sans fondement parce que les procès verbaux (non signés par nos délégués, contrairement à ce qu’il prétend) n’en feraient pas mention. De là à voir dans ces violations, agressions et autres séquestrations de simples « mesures de Police prises par le Ministère de l’Intérieur en vue de circonscrire d’éventuelles manifestations de personne aux lieux avoisinants et à leur accès, d’assurer le bon déroulement du scrutin », il n’y a que banale nuance dans le ridicule.
Du 15ème au 18ème considérant
Les contorsions justificatives du Conseil Constitutionnel n’y changeront rien : la modification par décret présidentiel des numéros des bureaux de vote, intervenue la veille du scrutin, est totalement illégale puisque la loi fixe un délai de 14 jours. Prétendre que l’arrêté n°003-0047/PR/MID du 09 Janvier 2003 portant modification de l’arrêté n°003-0937 fixant le nombre et l’emplacement des bureaux de vote en vue des élections législatives du 10 Janvier 2003 relève du loisir laissé « au législateur, dans un but d’intérêt général, de modifier, d’abroger ou de compléter des dispositions qu’il a souverainement prises, dès lors qu’il ne méconnaît pas les dispositions légales » ne trompe que ceux qui veulent être trompés.
Malheureusement, tous les électeurs de la circonscription de Djibouti-ville concernés par ce changement illégal de dernière minute (28.818 électeurs inscrits répartis sur 42 bureaux de vote) ne maîtrisant pas les techniques de vote aussi bien que ceux de Daffeynaïtou ( électeurs les plus rapides du monde, si l’on en croît les résultats officiels de 1100 votants pour une urne ne pouvant contenir que 700 bulletins), une part non négligeable de l’abstention est à rechercher dans la désorientation qu’a enfin organisée ce décret présidentiel modificatif. Avoir édicté une loi ne confère pas le droit de la violer !
Du 19ème au 21ème considérant
Le Conseil Constitutionnel n’ayant manifestement ici aucun argument à nous opposer, a préféré ignorer un point essentiel de notre argumentaire : l’établissement d’une liste unique pour les circonscriptions de l’Intérieur est totalement illégal ! Cet aspect a même été évoqué par les observateurs internationaux qui estimaient que « La possibilité laissée aux électeurs, dans les 4 districts de province, de voter dans le bureau de leur choix (sans affectation précise à un lieu de vote dans un des bureaux du district), est génératrice de difficultés, et ne permet pas de procéder clairement au contrôle des opérations électorales. Il s’agit en fait de les empêcher où aller pour remplir leur devoir électoral.
Enfin, le Conseil Constitutionnel ne nous a pas non plus répondu sur un autre point : faire respecter la loi en mettant à notre disposition toutes les listes électorales, la confrontation contradictoire et transparente de nos accusations avec les procès verbaux de chaque bureau de vote ainsi que le contrôle des listes d’émargement afin de vérifier, par les empreintes digitales, l’identité de chaque électeur. Mais une telle rigueur dans la procédure lui demanderait un sérieux et des efforts qui ne semblent pas pour le moment relever de sa mission. Dommage pour notre Démocratie et par conséquent pour les citoyennes et citoyens djiboutiens.
Communiqué de presse de l’UAD
UNION POUR L’ALTERNANCE DÉMOCRATIQUE
U.A.D
ARD, UDJ, MRD, PDD
Djibouti, le 23 février 2003
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Convaincue d’avoir été spoliée de sa victoire aux dernières législatives du 10 janvier par de fraudes aussi grossières que massives, l’UAD a saisi le Conseil Constitutionnel le 23 janvier 2003 aux fins d’invalidation.
Par sa patience, l’UAD a démontré son attachement à la consolidation de la paix civile et à l’avènement de la Démocratie après 25 ans de monopartisme, légal ou déguisé.
Par une décision en date du 20 février, le Conseil Constitutionnel a purement et simplement rejeté notre requête sans aucune instruction, ni justification en droit ou en fait.
Il s’agit là d’un grave déni de droit que l’UAD ne saurait en aucun cas cautionner car sont ainsi légalisées les violations aux droits civiques sur lesquelles se fonde le régime en place. Il n’est donc pas question que l’UAD avalise de telles entraves à la Démocratie, qui ne sont que mépris de l’expression populaire.
En conséquence, l’UAD désapprouve et condamne cette décision infondée du Conseil Constitutionnel et en appelle à la mobilisation pacifique du Peuple : étant source de toute véritable légitimité, c’est au Peuple Djiboutien qu’il appartient désormais d’en tirer les conséquences, en oeuvrant pacifiquement pour le respect du verdict des urnes et pour l’instauration d’un État de droit digne de ce nom.
* * *