Abdourahman Barkat God
L’amnistie, on l’attend
Un projet de loi au conseil des ministres. Puis une médiatisation en grandes proportions. Tout de suite, un écho. « enfin amnistiés, ils reprendront sans doute leurs activités religieuses, culturelles et sociales », s’exclame le peuple. Il est de bonne foi. Son seul souhait : que nos droits soient rétablis.
En effet, nous avons subi une condamnation lourde et injuste. Dix-huit mois de prison ferme et cinq ans de privation de droits civiques. S’agissant de la 1ère peine, nous l’avons purgée intégralement, grâce à Allah, exalté soit-il, puis grâce au soutien du peuple djiboutien. Quant à la 2ème, dans le dialogue avec le gouvernement, l’USN a fait de sa suppression une revendication.
Cent jours après la signature de l’accord politique entre les deux parties, apparemment pour rompre un élan populaire relativement préservé, d’ailleurs le meeting du 8 avril le confirme, le gouvernement approuve un projet de loi d’amnistie stipulant l’annulation de la perte de droits civiques. Néanmoins, il faut l’adoption par l’assemblée nationale.
Personnellement, je constate que cette amnistie ne change rien de la réalité. En fait, les droits civiques se résument à peu de chose : élire et être élu. Or, élire, sous une dictature, ennemie par excellence d’un vote libre, ne représente guère un acte civique proprement dit. La voix dissidente n’a pas sa place dans les urnes. Aussi, être élu, une ambition pourtant légitime, ne m’a jamais habité. Je suis disposé à être dirigé. Tout cela pour dire l’effet moindre de cette mesure politique.
En réalité, l’amnistie en question ne concerne que les intéressés. En l’occurrence, les trois anciens détenus. Le profit qui en résulte est réduit à la sphère individuelle. En revanche, la CENI, volonté du peuple, épine dorsale du dialogue et passage obligé pour une alternance pacifique reste délibérément écartée. On ne peut pas s’en tenir à l’accessoire et sacrifier l’essentiel. Notre amnistie ne peut jamais remplacer ce que le peuple considère comme vital.
Une amnistie authentique est celle qui ouvre la voie à une solution politique tendue vers la réhabilitation de la société et du pays. Pour l’heure, rien de sincère dans tout ce qui se fait au nom de l’accord-cadre.