Une présence justifiée
De Abdourahman Bakart God
Ils « ont traversé la mer », dit la tradition pour désigner ceux qui ont immigré vers le lointain. Les raisons de l’exil varient selon les individus et leurs conditions de vie. Chercher de soins garantis. Chercher une éducation bien encadrée. Chercher une liberté ici inespérée. Fuir une injustice omniprésente. Tenter sa chance ailleurs. Chacun a son mobile. A mon sens, il est valable. En gros, s’exiler est un choix qui n’engage que la personne qui l’a pris.
Mais je crois qu’à l’origine, s’exiler était une réponse à une crise sociale due à la pauvreté poussant certains à gagner un ailleurs inconnu afin de pouvoir subvenir aux besoins des siens. Se rendre à des contrées lointaines se résumait donc à la satisfaction d’un besoin purement matériel. L’idée de faire de l’exil une réponse à la majorité des problèmes dont souffre la mère-patrie date d’hier. S’exiler devient finalement une solution passe-partout. Pas si sûr.
Les premières générations qui se sont jetées sur les routes de l’exil ont été comme une sorte de « cobaye » engloutie par une réalité étrangère portant en elle des éléments culturels contraires à ce qu’ils ont vécu chez eux. Ils ont eu de la peine à se relever du Clash entre le réel vécu et le réel présent. En conséquence, certains d’entre eux ont disparu dans la nature pour mourir en solitaire dans un coin d’un ailleurs douloureux.
Aujourd’hui, la diaspora diffère complètement de la précédente. Pour la première fois, elle se regroupe autour d’une cause commune : le changement. Elle développe les comportements qui annoncent la naissance d’une génération prête à construire une nouvelle société pour laquelle l’ouverture sur l’autre devient un élément essentiel. Les membres qui la composent, en Europe et en Amérique du Nord, avec une relation transfrontalière,se découvrent, débattent, se contredisent et commencent à bâtir le noyau social de ce que peut être Djibouti demain.
Je les ai vus. Je les ai connus. Aussi, je les ai entendus. Ils sont d’un dynamisme hors norme. Ils bougent pour Djibouti. Ils se sacrifient pour elle. Ils manifestent pour elle. Ils sont prêts à tout donner pour elle. Depuis le réveil politique que le pays traverse, mus par une ferveur nationale, ils ont sillonné toute l’Europe et toute l’Amérique afin de s’acquitter d’un devoir : servir le pays.
L’image d’une diaspora absente, déphasée, plongée dans un océan de problèmes et limitée par les moyens vient d’être ébranlée. Elle a fait preuve d’un effacement et d’un dépassement. Les Djiboutiens de l’intérieur savent maintenant qu’ils sont représentés par des hommes et des femmes de haut rang en matière de dévouement. Ils admettent que ceux-là ont porté leur nom très loin.
Ceux-là soutiennent haut et fort un dialogue qui aboutit. Ils prônent une solution durable jetant la base à une démocratie non falsifiée. Je soutiens leur avis. Il est légitime. Ce sont des gens qui existent. Ils l’ont montré. Leur présence, là-bas, devient justifiée