Réalité numéro 60 du mercredi 16 juillet 2003 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 60 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
LES GALONS DES MAGISTRATS
(SANS PARLER DES AVOCATS DU DIABLE)
Autant que la misère généralisée de larges couches de la population nationale, l’une des caractéristiques principales des situations singulières, c’est incontestablement la soumission de l’appareil judiciaire aux menaces partisanes, despotiques ou affairistes, interdisant tout légitime espoir dans le règlement légal des inévitables contentieux liés au fonctionnement nécessairement conflictuel de toute réelle démocratie. Les récentes mésaventures du Président du MRD avec l’institution judiciaire, au prétexte d’une diffamation jamais clairement établie, montrent bien que les démocrates djiboutiens ne peuvent espérer aucune impartialité des magistrats locaux, ne craignant pas de tomber dans un ridicule pathétique pour assurer, consolider ou précipiter leur carrière en plaisant à ceux dont ils se sentent dépendants.
Un détail en dit long sur ces attentes magistrales. Depuis un certain temps, spécialement quelques magistrats, ceux affectés au traitement des dossiers dits politiques, bénéficient d’une protection policière qui n’est pas sans rappeler des pratiques autrefois courantes dans les républiques bananières. C’est une nouveauté qui en dit long sur les dérives mafieuses des conduites, puisqu’il faut bien appeler un chat un chat, d’une magistrature qui n’ose pratiquement plus subordonner sa mission de Justice qu’aux seules injonctions d’un pouvoir foncièrement répressif, quitte à saboter un processus démocratique prometteur du fait d’une maturité politique largement démontrée par le Peuple djiboutien. Car, honnêtement, quel type de menace justifie à Djibouti la protection policière des magistrats ?
Ceux qui, pour cause d’affinités culturelles, suivent les péripéties de la politique intérieure française, savent par exemple que pour n’avoir pas bénéficié d’une telle protection armée, un juge affecté à la lutte contre le banditisme organisé a tout simplement été abattu par ceux qu’il pourchassait. Contrairement aux impératifs dictés par la conjoncture italienne, La République française n’avait jugé utile de lui accorder une telle sécurité personnelle. Or, il n’existe à Djibouti aucune mafia organisée, du moins inconnue ou ennemie du régime, qui puisse justifier cette protection rapprochée des magistrats. Surtout que notre pays n’a absolument aucun antécédent dans ce domaine des règlements expéditifs et radicaux, du moins en ce qui concerne l’opposition démocratique, car nombreux sont par exemple les innocents civils impunément exécutés par les forces armées jusqu’en 1999.
Dire le droit en toute impartialité, donc, ne nous semble pas constituer pour nos magistrats une mise en péril de leur existence qui puisse justifier que l’État mette son bras armé au service de leur protection. Toute activité de l’existence humaine étant justiciable d’une analyse rationnelle, il s’agit alors d’expliquer une telle militarisation du métier de magistrat. La seule explication pertinente que l’opposition djiboutienne trouve à cet armement de la Justice, c’est de tout simplement assurer à certains de ses praticiens les moins scrupuleux une impunité matérialisée par des hommes en armes devant leur domicile, bien faite pour pallier une vulnérabilité volontairement organisée par un Statut de la Magistrature qui ne leur accorde aucune protection contre l’arbitraire du pouvoir Exécutif.
C’est très grave car l’affaire DAF pèse comme une épée de Damoclès sur toute une presse aspirant à l’indépendance : en cas de besoin, est ainsi démontrée qu’il n’existe à Djibouti aucun État de droit, aucune Justice indépendante vers laquelle se tourner pour condamner ou à tout le moins freiner les inévitables abus de pouvoir d’un régime fondamentalement fondé sur l’usurpation et la fraude. Est ainsi démontrée toute l’inutilité qu’i y a à vouloir consciencieusement respecter des valeurs républicaines que leurs garants premiers sont les premiers à violer aussi impunément. Avec la complicité de magistrats censés incarner leur effectivité. Si il existera toujours des avocats véreux préférant défendre le Diable, chapeau quand même à l’avocat qui, en ce 9 juillet 2003, a si vaillamment défendu la juste cause de DAF, perdue d’avance dans un régime de non-droit, qui n’hésite pas à armer ses magistrats pour imposer son arbitraire.
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Brèves nationales
Don chinois de matériel informatique :
La mendicité, lot de la mauvaise gouvernance
Le régime a beau faire croire à une amélioration de la situation économique, la mendicité, corollaire de la mauvaise gouvernance continue d’être privilégiée quand il s’agit d’équiper les administrations publiques. Il ne se passe pas une semaine sans que le bihebdomadaire gouvernemental ne fasse état de dons en matériels de tout genre fournis par les pays amis. Ainsi, la dernière livraison en date concerne un lot de matériel informatique offert par l’Assemblée Populaire de Chine à l’assemblée mal-élue de Djibouti. On s’en souvient, l’Allemagne avait également fourni des ordinateurs à ces mêmes services il y a quelques mois de cela. A ce rythme, les bureaux délabrés de l’assemblée seront transformés en cybercafé pour mal-élus oisifs. Est-ce pour nous rassurer que le Président mal-élu « du Parlement s’est d’ailleurs engagé à faire bon usage du matériel qui lui a été remis » ?
Preuve que telle n’est pas la règle dans ces administrations gangrenées par la mauvaise gouvernance. Et à quoi servent et seront consacrés les crédits affectés annuellement à l’achat de matériels de bureau si la mendicité permet de s’en procurer gratis ? Avis aux donateurs !
Tadjourah-Randa :
Censure gouvernementale ou autocensure locale ?
A qui la faute si la réalité de la situation à Tadjourah et Randa est sinon cachée, du moins déformée ? Est-ce une censure du journal gouvernemental ou bien une autocensure de son correspondant local ? Les médias gouvernementaux, qui avaient pris une part active dans la médiatisation à outrance de l’inauguration du « mini-central hydroélectrique » de Randa, restent étonnamment silencieux sur l’absence d’eau courante et d’électricité dans cette localité depuis quelques semaines.
Le bihebdomadaire serait mieux inspiré d’enquêter du côté de cette région plutôt que de publier d’insipides articles sur une décentralisation assassinée par le régime. Pourquoi le pouvoir cache-t-il la réaction hostile qu’a suscitée son projet de loi agropastoral chez tous les notables consultés ? Et que dire du fiasco au baccalauréat 2003 des élèves du pseudo-lycée de Tadjourah ? Élèves mal préparés et insuffisamment suivis faute d’un matériel pédagogique adéquat. Honte à la mauvaise gouvernance et à ses laudateurs, collaborateurs actifs ou témoins passifs de ce gâchis mettant en péril l’avenir de toute une Jeunesse!
Projet de loi sur le pastoralisme :
Halte à la provocation !
Au mépris du bon sens et de la concorde civile, le régime poursuit sournoisement la promotion de son projet de loi sur la réforme foncière, en visant l’expropriation. Sous couvert de développement agropastoral, ce pouvoir partial tente de s’approprier des terres relevant du droit coutumier, en rien incompatible avec le véritable développement si initié par un gouvernement responsable et soucieux de l’unité nationale. Ce qui n’est pas, loin s’en faut, le cas de l’actuel régime . Inspiré en cela par une classe d’affairistes véreux désireux d’investir leur manne indûment gagnée sur le dos du Peuple, et par quelques déphasés en mal de reconversion sociale, le Chef de l’État fait totalement fausse route en persistant dans cette voie dangereuse .
Ayant déjà fait connaître son entière opposition à ce projet de loi néfaste, notre mouvement considère cette ultime provocation comme gravissime. Après la violation officielle de l’Accord de paix du 12 mai 2001, le sabotage d’une réelle décentralisation, le refus d’une véritable réhabilitation et indemnisation aux victimes du conflit, le hold-up électoral du 10 janvier dernier, privant les citoyens de librement choisir leurs représentants, l’ «engabodement injuste du Président Daher Ahmed Farah, arbitrairement condamné et incarcéré, après avoir été relaxé en première instance.
Nous dénonçons vigoureusement cette énième provocation d’un pouvoir irresponsable et pyromane.
Développement du tourisme :
Soutien réel ou entrave gouvernementale ?
Les potentialités touristiques de notre pays ne sont pas à démontrer, en témoigne la récente publication aux « Editions du Jaguar » appartenant au Groupe Jeune Afrique d’un guide touristique intitulé « Djibouti aujourd’hui ». Profitant de cette occasion, le journal gouvernemental « La Nation » nous propose dans son édition de lundi dernier une longue interview du Directeur de l’Office National du Tourisme de Djibouti (ONTD). En guise d’introduction à cette interview, nous avons lu avec amusement que le souci constant du régime est de « soutenir la création de centres d’activités touristiques ». A la bonne heure ! Malheureusement, la réalité ne correspond absolument pas à ces pieuses considérations de circonstance.
Tout d’abord, dans une danse du ventre typique de la nomenklatura, ce directeur se croit obligé d’en référer à l’égide du Chef de l’Etat pour argumenter sa position : « le Président de la République a placé au centre de sa politique le retour à la paix sur tout le territoire et au-delà sur toute la région ». sans rappeler ici toutes les insuffisances de la Conférence d’Arta, il serait facile de demander quelles ont été, après la signature du 12 mai 2001, ses contributions concrètes à la consolidation de cette paix, puisque le désarmement des combattants du FRUD-armé n’a jamais relevé de sa compétence, et pour cause.
En second lieu, l’insouciant bihebdomadaire rappelle imprudemment, pour qui l’aurait oublié, tous les sites grandioses de la République de Djibouti : « la forêt du Day, le Lac Assal, le Lac Abbé, les Sept Frères, etc. ». On aurait pu ajouter Ras Syan, Les Sables Blancs, la mangrove de Godoria, Daasbio, Assamo-Guistir, etc. : le problème, c’est que l’on chercherait désespérément une quelconque infrastructure touristique mise en place par l’État djiboutien sur ces sites depuis un quart de siècle. C’est bien la preuve qu’il n’existe aucune politique de développement touristique, le régime se contente de récupérer à des fins de propagande partisane les inestimables initiatives privées.
Mais le drame, c’est qu’il arrive souvent que cette initiative privée soit délibérément sabotée par certains dirigeants politiques dans le cadre de sombres règlements de compte privés. C’est par exemple le cas depuis deux mois à Tadjourah où les activités d’un centre touristique très apprécié et même encouragé il y a plus d’un an par le journal local du RPP, ont été partiellement paralysées, en haut lieu paraît-il.
Apparemment, il semble bien qu’il y ait deux politiques en matière de développement touristique : celle de la propagande officielle qu’aucune réalisation concrète ne vient confirmer, et celle des courageux investisseurs privés loin d’être soutenus, quand ils ne sont pas combattus par certains milieux du régime.
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DAF de nouveau « engabodé »
Nous nous étions félicités dans notre édition n°57 du 25 juin dernier de la décision de relaxe prononcée deux jours auparavant en faveur de notre ami DAF par le tribunal correctionnel de première instance et sa libération après plus de deux mois de détention. Le tribunal avait jugé que le chef d’accusation de « diffamation » n’était pas constitué. Croire que l’affaire DAF avait trouvé sa conclusion dans la normalité par cette décision judiciaire se révélait de notre part une dérisoire illusion qui oublie la situation réelle prévalant en République de Djibouti. Las ! Les parties ayant considéré avoir perdu à tort un procès qu’elles voulaient exemplaire, n’ont pas tardé à interjeter contre ce jugement en appel, qui a été traité dans un délai extraordinairement rapide, nonobstant vacance judiciaire. Et le verdict est tombé le 9 juillet, avec la condamnation de DAF et son arrestation sur-le-champ. Sans que cela soit justifié par aucun élément nouveau versé au dossier de l’affaire. A cette occasion, le public a été témoin de plusieurs faits singuliers.
En premier lieu, la présence matérielle des preuves confirmant la véracité des propos du prévenu ne signifiait pas pour le tribunal leur existence (les cassettes des chansons partisanes).
En second lieu, l’aveu et même la revendication devant le tribunal par le dirigeant récemment promu au grade de commandant de la troupe artistique Harbi, que son travail consistait à faire des chansons pour soutenir le régime ( le gouvernement ) et combattre l’opposition qui porte, selon lui, atteinte au drapeau du Pays (comme DAF, a-t-il précisé ) ne confirmait pas la politisation partisane de ces militaires qui l’ont applaudi en pleine audience.
Troisièmement, que l’argumentaire du Procureur général pour obtenir la condamnation du prévenu était sa crainte, en cas d’acquittement, de voir les militaires qui se disaient « offensés » par l’article se mettre en colère et se livrer à des actes collectifs de violence, à l’instar de ce qui s’était passé à Bamako, au Mali. Pour l’avocat de la partie civile, procédant à l’amalgame entre survêtement et sous-vêtement, « tenue de sport » signifie nudité et servir au mabraz veut dire coucher avec celui que l’on sert !
Quant aux magistrats de la cour, ils ont renvoyé DAF à la prison de Gabode pour y purger une peine de trois mois fermes, ajoutés à trois autres de sursis. Comme condiments, ils ont estimé utile de relever cette peine par douze millions FD de dommages et intérêts, 200.000 FD d’amende et trois mois de suspension du journal le « Renouveau Djiboutien », publication du présent jugement et assortie d’une pénalité de 20.000 FD pour chaque jour de retard de publication dans un journal condamné à ne plus paraîtreà compter du 9 juillet 2003.
il nous a donc été donné de voir, comme tout le monde que :
1) la peur des militaires, feinte ou réelle, exprimée par le Procureur général s’est substituée à l’innocence de l’article incriminé, pour justifier la condamnation de DAF;
2) l’aveu public du commandant de la troupe artistique de son comportement partisan, interprété comme la dénégation de ce comportement ;
3) la présence physique des bandes cassettes audio attestant la matérialité de l’engagement partisan de ces militaires considérée comme l’absence de cette preuve ;
4) l’interprétation moralement abjecte de l’avocat de la partie civile concernant les formules « tenue de sport » et « servir dans un mabraz » revêtir des significations qui ne pouvaient en aucun cas être les leurs. Et sur ce, « engaboder » DAF avec une sévérité sans rapport avec son article. Une telle justice, outre le préjudice moral et matériel qu’elle inflige à sa victime, corrompt son bénéficiaire en l’exaltant.
L’incubation du virus corrupteur n’a pas duré longtemps en latence. Ainsi, le commandant Ali Gab, responsable de la troupe militaro-artistique, s’est permis d’opérer le 12 juillet 2003 une descente au siège du MRD au quartier 7 avenue Nasser. Circulant à bord d’un véhicule militaire de marque Boléro de fabrication indienne, il s’est arrêté en sens interdit devant le siège vers 18 heures 15 etl intime alors l’ordre d’arrêter la diffusion d’une chanson qui passait. Il s’entend répondre : « nous avons acheté cette cassette dans le commerce et nous sommes libres de l’écouter chez nous. »
Fou de rage, il dégaine son pistolet qu’il pointe sur la tête de la personne qui lui a répondu en criant : « tu arrêtes la chanson ou je te tue tout de suite. ». Il s’ensuit interposition des badauds, altercation verbale, attroupement, et le drame est évité de justesse.
Le responsable du siège, la personne menacée et les témoins se précipitent au deuxième arrondissement où ils relatent l’affaire et portent plainte entre les mains d’un sergent de la police. Ils repassent le lendemain 13 voir la suite réservée à la plainte, ils s’entendent dire par un lieutenant que « Ali Gab, c’est l’État » et aucune suite ne sera donnée à leur démarche.
Ils se rabattent au Parquet du tribunal où ils déposent en bonne et due forme une plainte enregistrée sous le numéro 2246/03 du 13 juillet 2003. A suivre.
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Les contrevérités présidentielles
A propos d’une interview présidentielle dans « Marchés Tropicaux »
« Marchés Tropicaux » est plus qu’une référence : 58 années de sérieux en ont fait une institution. Sa dernière livraison datée du 27 juin 2003, est presque entièrement consacrée à un Spécial Djibouti. Au regard de ses atouts géostratégiques et l’importance qu’il a pris dans la nouvelle donne des relations internationales, notre pays vaut amplement qu’un Spécial lui soit consacré de temps en temps. Seulement voilà, dans de vaines tentatives de recherche de fréquentabilité et de respectabilité, notre incorrigible régime achète aux frais du contribuable djiboutien de très coûteuses pages publicitaires dans des journaux de renom. Ces pages sont systématiquement truffées de contrevérités et de mensonges, même quand il s’agit d’une interview accordée par le Chef de l’État en personne. Sans que, empressons-nous de le préciser, la crédibilité et le sérieux des journalistes n’en soient mises en cause, ce numéro 3007 de « Marchés Tropicaux » n’échappe pas à cette règle de la falsification officielle, qui appelle de notre part les quelques mises au point suivantes, mais en primeur résumons les propos du Président.
Économie nationale
Les différents accords conclus avec les institutions de Brettons Wood qui, selon des tenants du pouvoir, les avaient contraints à l’endettement et provoqué l’appauvrissement des populations les plus vulnérables, semblent être dépassés. Notre pays est en marche et sur le bon chemin dixit le Président dans son interview avec « Marchés Tropicaux » du 27 juin 2003.
Il y a une mise en échec de la politique économique des institutions de Brettons Wood par l’application de politique de concession plutôt que celle d’une privatisation synonyme de bradage. Les performances de Djibouti viennent de ce choix qui, contrairement au prétexte des coûts de facteurs élevés des institutions financières, démontre la compétitivité de Djibouti par rapport aux autres pays portuaires de la région.
Djibouti disposerait selon le Président d’une longueur d’avance sur Salalah (Oman) avec le port de Doraleh, et arrivera à s’en sortir sans l’aide de personne : « Avec les Américains et la renégociation de la contribution des Français, nous n’avons plus de problème budgétaire, alors fichez-nous la paix ! » s’écrit le Chef de l’État à l’adresse du FMI et de la Banque Mondiale » Car, croit-il en toute simplicité, même en l’absence d’un accord avec le FMI, y compris sous conditionnalité, tout problème avec les bailleurs de fonds est résolu.
Politique nationale
Le chômage serait la seule explication au mécontentement général de la population lors des dernières élections législatives. Le régime ayant su rallier la grande majorité des partis concurrents, soutient le Président, cette situation de chômage serait régulée avant les dernières consultations, la présidentielle. Quant à son éventuel candidature, elle dépendrait du choix de son parti.
Sur la Décentralisation : celle-ci aurait pu voir le jour dès 1977, mais aurait été bloquée, selon le Chef de l’Etat, par les héritiers du colon issus de l’Indépendance, à entendre ici « sous l’ancien régime ». Dans l’immédiat, la précipitation pour la mise en place effective de la décentralisation ne serait pas de l’avis des experts français auprès du gouvernement. Les conseils régionaux non élus mais mis en place par la Présidence relèveraient de l’apprentissage, les élections des assemblées régionales pourront attendre l’opposition étant très présente « non dans l’intérêt de la population » selon le Président, il faut procéder par étapes.
Nos remarques : Suffisance et insuffisances
Tous les signaux d’une éventuelle reprise de la croissance sont au rouge. L’aide extérieure plus qu’abondante des années passées n’avait servi à rien, en ce sens que l’économie nationale a perdu en compétitivité depuis l’Indépendance. D’où la dégradation sensible de la situation financière du pays et par conséquent l’appauvrissement accentué de la population. Selon l’étude sur les perspectives économiques de Djibouti, la pauvreté s’est considérablement aggravée puisqu’elle frappe plus de 74% de la population. Elle est même devenue structurelle.
Sans de réelles ressources naturelles, l’économie repose essentiellement sur les services, seule richesse sur laquelle reposent les rentrées financières. Or, les dépenses courantes de l’administration, en hausse exponentielle, déséquilibre un budget étouffé par une fiscalité frappant les secteurs producteurs.
Endettée seulement intérieurement à hauteur de 29 milliards fd les recettes supportées par les contribuables djiboutiens de plus de 26 milliards fd pour 2003 sont totalement absorbées par les dépenses publiques. Seuls les dons et les prêts conservent ces secteurs fragiles et contribuent au colmatage des déficits budgétaires. Nous restons septiques quant à une éventuelle épuration des finances, puisque les résultats du 1er trimestre 2003 se chiffrent à 2,2 milliards fd de déficit budgétaire, celui-ci risquant de se plafonner entre 20 à 25% de l’ensemble du budget prévisionnel de cette année.
Là est la réalité sur la santé économique du pays.
Si d’une part, les concessions faites à Jebbel-Ali pour la gestion du port et de l’aéroport de Djibouti avaient généré une bouffée d’oxygène, l’opacité entretenue autour de ces retombées financières nous donne matière à douter de la véracité de « cette réussite économique » Notre pays n’est pas une exception par rapport aux autres états africains. Le régime a, lui aussi, bradé des entreprises publiques notamment la Laiterie, l’Usine des Aliments de Bétail, la Pharmacie de l’Indépendance, etc. Ses privatisations « intra muros », faites sans appel d’offres, restent aujourd’hui aux mains de quelque « amis » du régime qui, pour reprendre les termes du Chef de l’État risquent aussi de jeter l’éponge, le cas de la Laiterie donnant l’avant-goût de ces privatisations ratées, réalisées, comme les concessions, dans l’opacité la plus totale.
D’autre part, si la magne financière tirée de la « lutte contre le terrorisme » a, par sa position géostratégique, fait de notre pays l’un des états prioritaires dans la récolte des financements américains, il n’en est pas moins surprenant de constater que les presque 12 milliards de fd obtenus entre les Américains et les Français n’arrivent pas à éponger les dettes intérieures qui accusent toujours des retards, encore moins à participer à une quelconque stabilisation des finances. « Marchés Tropicaux » avance une explication à cela : « Les 30 millions d’euros, ajoutés aux $ 31 millions américains, sont une véritable bouffée d’oxygène pour l’économie djiboutienne, encore convalescente. La ‘’rente militaire’’, précisons-le, représente près de 80% de la masse salariale de la fonction publique ! Cette somme importante, payée en liquide, échappe par ailleurs à tout contrôle ; dans un pays non exempt de corruption, l’enjeu est de taille. » Ce n’est certainement pas quelque employé de la banque où cette manne est déposée qui risque de la voler !
Enfin, la perspective d’un réel développement économique dépendant d’une volonté politique capable d’asseoir les bases d’une croissance, la construction du port de Doraleh financée presque totalement par Dubaï Port Authority pour un montant de 54 milliards fd est loin de participer à un rehaussement de la valeur ajoutée, ne serait-ce à moyen terme.
Donc, «On ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué » dit un dicton français.
Le paraître étant le fort du régime, seule la médiatisation outrancière des fausses réalisations mystificatrices, rythme toutes les prétendues actions du système politique en place. Cependant, ce Spécial de « Marchés Tropicaux » ne nous semble pas être le marché des dupes. En vérité, la teneur des propos du « numéro un» Djibouti contraste avec la réalité économique telle que l’a constaté, tout au long de son séjour, Madame Anne Guillaume-Gentil, dont la pertinence des enquêtes et des analyses tirées des données obtenues des divers services de l’État confirme une réelle dégradation socio-économique comme le démontre l’extrait ci-dessous.
En politique nationale, le Président est complètement passé à côté de la question du journal, qui portait sur la Décentralisation suite aux accords de paix du 12 mai 2001. Il s’est seulement contenté de faire sienne la fausse décentralisation avec ses faux conseillers régionaux.
Mais ceci n’étonne personne.
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UNE PAUVRETÉ STRUCTURELLE
‘’ Depuis 1996, la pauvreté s’est fortement accrue à Djibouti. L’enquête djiboutienne auprès des ménages (EDAM-IS2), financée par le PNUD et réalisée en décembre 2002, et dont nous reprenons les principales conclusions, montre une forte incidence de la pauvreté relative et de la pauvreté extrême évaluée respectivement à 67,9% et 34,7% des ménages.
Entre 1996 et 2002, la pauvreté a progressé fortement, l’incidence passant respectivement de 45,1ù à 74% pour les pauvres relatifs ( $3 par jour) et de 9,6% à 42,1% pour les pauvres extrêmes ($ 1,8 par jour). L’enquête montre que la pauvreté est généralisée, qu’elle touche toutes les zones géographiques et toutes les catégories sociales. C’est toutefois dans les zones à forte densité de population, comme dans les arrondissements 4 et 5 du district de Djibouti, où se trouve la plus grande concentration de pauvres.
Une forte corrélation est constatée entre pauvretés monétaire et humaine, démontrant le caractère structurel de la pauvreté, selon les auteurs de l’enquête.
Ces derniers s’interrogent sur le lien entre croissance économique et pauvreté à Djibouti, remarquant qu’avec un revenu national brut de $ 890 par habitant, Djibouti est classé parmi les pays à faible développement humain, au même titre que les pays limitrophes aux revenus moins élevés. En cause, un niveau élevé des prix, le faible niveau des indicateurs du développement humain accompagné d’une dégradation continue du taux du taux brut de scolarisation, du taux de mortalité infantile, juvéno-infantile et maternelle et de l’accès à l’eau, une structure extravertie de l’économie.
La croissance économique par tête a été négative, -3,2% de 1991 à 2001. L’accroissement de la pauvreté est ainsi fortement associé au développement du chômage. Véritable crise du marché du travail, le taux de chômage touche 59,5% de la population active, contre 44,1% en 1996.
Cependant, ce taux masque le phénomène de sous-emploi, non quantifié. L’étude met en avant l’insuffisance de l’activité économique, le coût élevé du travail, la faiblesse du capital humain ne permettant pas de saisir les opportunités offertes et la permanence d’un flux important d’immigration comme facteurs expliquant le déséquilibre du marché du travail. ‘’
Extrait de «Marchés Tropicaux » n°3007 du 27/6/03
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DAF : le courage d’être soi
NOUS AVIONS ÉCRIT IL Y A PLUS D’UN AN
Plus que la volontaire confusion par leur avocat entre survêtement et sous-vêtement de certains éléments féminins de la troupe artistique de l’Armée, ce sont les considérations de DAF relatives à l’absence d’esprit républicain de nos militaires qui a fortement déplu aux autorités politiques. Pourtant, il y a plus d’un an de cela, nous n’avions pas dit autre chose dans nos colonnes. Voici donc, en guise de contribution au bien-fondé des analyses de notre ami, ce que nous écrivions à ce sujet dans notre édition n°3 du 8 mai 2002.
LA GRANDE MUETTE CHANTE : armée nationale ou milice partisane ?
Au risque de paraître donner des leçons, il nous a semblé utile de présenter au lecteur un état de santé de notre jeune Démocratie pour démontrer, arguments à l’appui, qu’elle relève plus du décor que de la réalité. Formant en informant, il s’agit de proposer au citoyen une nouvelle grille de lecture de l’exercice réel de la démocratie, en constatant que le régime en place dénature par sa pratique le peu de libertés qu’il concède sur le papier. Cette série d’articles débutera par l’usage partisan fait des forces armées à Djibouti. Lesquelles, outrepassant la stricte neutralité qu’elles sont censées observer en toute circonstance et spécialement dans les affaires politiques, se livrent à une danse du ventre partisane qui n’est pas sans rappeler une danse du scalp des sociétés primitives.
Une dimension essentielle de tout Pouvoir politique consiste à se mettre en scène à travers un dispositif protocolaire dont la configuration dépend de la nature du régime concerné.
Les dictatures de Parti Unique, spécialement militaires en Afrique post-coloniale, ont ainsi repris à leur compte la symbolique stalinienne de l’embrigadement des masses et de la théâtralisation à outrance.
Même l’avènement de la démocratie pluraliste n’a pas toujours changé cet état des choses et l’on assiste alors à un décalage flagrant entre un discours de libéralisme politique et une chorégraphie, pour ne pas dire une pratique dictatoriale.
Djibouti n’échappe pas à cette règle et ceci est tout à fait contraire aux principes d’une véritable démocratie.
Depuis le fameux discours de la Baule, on entend les dirigeants politiques exprimer toutes leurs réserves quant au modèle occidental de Démocratie, selon eux frappé du stigmate de l’importation et peu compatible avec nos structures mentales et sociales. Dans le même temps, ils versent dans l’éloge appuyé des vertus de nos sociétés traditionnelles parées de toutes les vertus pour les besoins de la mystification.
Trop poli pour être honnête : par exemple, existe-il dans nos sociétés l’équivalant du griot de l’Afrique de l’Ouest ? Nos notables traditionnels, sultan, ougas, okals ou autres, pratiquent-ils le culte de la personnalité dont nous assomment aujourd’hui inlassablement la RTD ou La Nation ?
La couverture médiatique de la récente tournée présidentielle dans les districts de l’intérieur constitue hélas l’exemple typique de ce théâtre étatique.
Mais elle a également été l’occasion de voir un détournement à des fins partisanes d’une institution normalement républicaine et en dehors de toute manifestation de soutien politique : l’Armée.
En effet, téléspectateur comme badaud, chacun a pu voir le groupe dit Harbi, troupe artistique de l’Armée Nationale Djiboutienne (AND) animer avec entrain les meetings politiques du Chef de l’Etat. Est-ce normal en démocratie pluraliste ?
Dans les démocraties occidentales, il arrive qu’à l’occasion d’une kermesse, l’armée organise une petite troupe musicale pour animer la soirée. Mais ces artistes temporaires ne font pas que de la musique : ce sont avant tout des soldats soumis au même traitement que leurs collègues. Autrement, toute armée est dotée, comme la Fonction Publique, d’un statut qui lui confère certaine spécificités.
De même que tout fonctionnaire est au service de l’Intérêt général, une Armée nationale est censée représenter une Nation dont elle constitue la protection contre toute agression extérieure. En tant qu’émanation de la Nation, garantissant la séparation des pouvoirs et la division du travail social.
La troupe artistique Harbi de l’AND, par son animation des meetings politiques du parti au pouvoir et par sa production de chansons à la gloire du chef de ce parti, discrédite notre jeune démocratie en lui donnant toutes les apparences d’un régime militaire déguisé en civil. Cette permanence de la militarisation théâtrale des manifestations publiques de l’autorité étatique, pour fondamentalement contraire qu’elle soit à l’esprit démocratique, pose un double problème.
En premier lieu, cette mise en scène politique des forces militaires qui, dans la couverture médiatique de la tournée présidentielle, occupait beaucoup plus de temps que les débats publics ou la visite des éventuelles réalisations en matière de développement économique, culturel ou social, laisse suggérer que le régime fonde essentiellement son autorité et sa légitimité sur le recours à la violence armée. Cette mise en scène l’inscrit alors d’office dans la cohorte des fameuses et nombreuses « dictatures sorties des urnes » qui encombrent encore le paysage politique africain.
En second lieu, le fait de ne pas occuper l’Armée à des tâches utiles de développement national alors que, dans le même temps, les pistes des districts de l’Intérieur sont remises en état par l’Armée française, contribue à maintenir le pays dans un état d’assistanat et de mendicité. Il est évident que cette situation d’oisiveté artistique qui donne l’impression d’une « bohème militaire », voulue par l’autorité politique, n’est pas pour donner un exemple à suivre aux jeunes générations et ne favorise certainement pas l’inclination au travail bénévole, dont on sait qu’il tient une place non négligeable dans l’essor d’un pays.
Quand on connaît la disproportion entre le nombre de fonctionnaires du ministère de la Défense et celui de la troupe Harbi, c’est à se demander si le travail productif est vraiment une vertu à Djibouti.
A NOS LECTEURS
La Rédaction informe ses aimables lecteurs que « Réalité » cessera de paraître à compter d’aujourd’hui. Le prochain numéro sera disponible le Mercredi 10 Septembre 2003. A bientôt.
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Communiqué de «Reporters Sans Frontières »
AFFAIRE DAF : INDIGNATION INTERNATIONALE
La nouvelle condamnation du Président du Mouvement pour le Renouveau Démocratique et le Développement (MRD) et directeur de publication du «Renouveau Djiboutien », notre ami DAF, est unanimement condamnée par toutes les forces démocratiques de par le monde. Ainsi, l’association « Reporters Sans Frontières », qui avait déjà mis un avocat à sa disposition, a rendu public un communiqué de presse reproduit ci-dessous.
Liberté de la presse
9 juillet 2003
Djibouti
Daher Ahmed Farah de nouveau en prison
La cour d’appel de Djibouti a condamné Daher Ahmed Farah, directeur de publication du journal Le Renouveau et président du Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD, parti d’opposition), à trois mois de prison pour «diffamation», le 9 juillet 2003. A l’issue de l’audience, Daher Ahmed Farah a été immédiatement conduit à la prison de Gabode (Djibouti). Son journal est également interdit de parution pendant trois mois.
« C’est un véritable harcèlement. C’est la troisième fois que Daher Ahmed Farah est emprisonné cette année. Aujourd’hui, il est condamné à trois mois de prison dans une affaire pour laquelle il avait été relaxé en première instance. Ce n’est pas sérieux. De plus le montant astronomique demandé au titre des dommages et intérêts signe l’arrêt de mort du Renouveau. Comment un petit journal, qui tire à quelques centaines d’exemplaires pourrait-il trouver plus de 65.000 euros ? L’État le sait très bien et a trouvé là le moyen de faire taire une publication qui dérange le pouvoir en place », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, la cour d’appel de Djibouti a condamné Daher Ahmed Farah à trois mois de prison ferme, trois mois de prison avec sursis, treize millions de francs djiboutiens (environ 65.000 euros) de dommages et intérêts et 200.000 francs djiboutiens (environ 1.000 euros) d’amende. Le Renouveau est interdit de parution pendant trois mois.
Daher Ahmed Farah était poursuivi par le chef d’état-major de l’armée, le général Zakaria Cheik Ibrahim, et par les membres d’un groupe folklorique militaire, la Troupe Harbi, pour «diffamation». Dans son édition n°475 du 17 avril 2003, Le Renouveau avait reproché au général d’utiliser la Troupe Harbi à des fins politiques et personnelles. « Est-il républicain de mettre au service de la propagande d’un régime un élément de l’institution militaire ? Pensez-vous agir en officier républicain en vous prêtant à l’instrumentalisation politicarde d’une troupe culturelle militaire ? Général, est-il vrai que des membres féminins de la Troupe Harbi continuent, comme par le passé, à vous servir (?), en tenue de sport bien entendu ? », avait publié Le Renouveau à l’adresse du général. Un tribunal de première instance de Djibouti avait prononcé la relaxe de Daher Ahmed Farah, dans le cadre de cette affaire, le 23 juin.
Le journaliste et opposant a été emprisonné à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Dans la plupart des cas, il était poursuivi pour un délit de presse et a été condamné à des peines de prison ou à des amendes. – RSF
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Reporters sans frontières défend les journalistes emprisonnés et la liberté de la presse dans le monde, c’est-à-dire le droit d’informer et d’être informé, conformément à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Reporters sans frontières compte neuf sections nationales (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède et Suisse), des représentations à Abidjan, Bangkok, Tokyo, Montréal et Washington et une centaine de correspondants dans le monde.
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COMMENTAIRE
Après le camouflage que lui assurait le monopole du parti unique, la nature répressive du régime djiboutien finit inexorablement par se trahir. Les conditions rocambolesques de ce procès à répétition démontre clairement que face à une contestation politique crédible, le pouvoir en place perd ses moyens et en arrive à des excès qui ne sont que les premiers signes d’une perte de contrôle sur les évènements. Le début de la fin !
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