Réalité numéro 81 du mercredi 28 janvier 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 81 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
SON EXCELLENCE AL HADJ : PÈLERINAGE,
PAIX SOCIALE ET ARRIERES DE SALAIRE
Dans son utilisation politique, il est communément admis que l’Islam a souvent servi de légitimation religieuse à une forme d’autoritarisme que les spécialistes nomment le despotisme oriental. Cette quête d’un leader fort et omnipotent se fonde sur une exigence canonique : le Chef doit scrupuleusement se conformer aux préceptes de bonne gouvernance tels que définis par le Coran et la Sunna. C’est pour cela que tel verset demande aux croyants de respecter leur dirigeant, tandis que tel autre, renforcé par la Tradition prophétique, exige que les administrés se révoltent contre un mauvais responsable politique : c’est cela, le véritable sens du Djihad, et non pas d’aller massacrer chez eux ceux qui ont d’autres convictions religieuses.
C’est aussi pourquoi, en tant que couronnement d’une vie de piété ou premier pas vers la demande du Pardon, l’accomplissement du pèlerinage de la Mecque par le Chef de l’État est un peu plus qu’un geste contingent inscrit dans une trajectoire intime, personnelle. Car tout croyant sait que la stricte observance des préceptes religieux est la meilleure garantie d’une bonne gouvernance : ce n’est pas un hasard si, rappelant en cela les monarques de droit divin, chaque Chef d’État élu au suffrage universel prête serment sur le Coran ou la Bible. Ainsi donc, le Président djiboutien se rend en pèlerinage à la Mecque : tant mieux ! Le verset 198 de la Sourate de la Vache lui en donne le droit : « Ce n’est pas un péché que d’aller en quête de quelque grâce de votre Seigneur. Puis, quand vous déferlerez depuis Arafat, invoquez Allah, à Al Mach’ar Al Haram, Et invoquez-Le comme Il vous a montré la bonne voie, même si vous avez été auparavant du nombre des égarés ».
L’honnête citoyen et musulman pratiquant, voulant le Bien pour son prochain, surtout lorsque ce prochain détient une position de pouvoir capable d’influencer positivement ou négativement sur son existence quotidienne, ne peut donc que sincèrement souhaiter que cette Rédemption présidentielle se traduise rapidement et concrètement dans la pratique gouvernementale. Le chantier de la reconstruction djiboutienne qui l’attend alors est vaste, plus vaste qu’une vie humaine. Deux aspects en méritent tout de suite mention : la sauvegarde d’une Paix sociale difficilement acquise et la sauvegarde du droit au salaire pour tout travailleur.
Inutile de préciser que la Paix ne peut se renforcer que si et seulement si l’Accord qui l’instaure est scrupuleusement respecté : sur ce point, le futur Hadj a beaucoup de progrès à faire, sans jeu de mots.
Le respect de la sueur d’autrui, par le versement du salaire auquel il a droit, est également un acte de foi explicitement mentionné dans la Tradition du Prophète (PSL) dont un hadith authentifié exhorte tout employeur à rétribuer son employé avant même que la sueur de ce dernier n’ait séché. A l’heure où la lutte antiterroriste procure à notre pays une substantielle manne financière, il est inadmissible que, par la faute de la mauvaise gouvernance, les agents de l’État accusent encore des arriérés de salaire.
Dès son retour de la Mecque, son Excellence Al Hadj sera jugé par ses concitoyens sur ces deux points : souhaitons-lui d’être à la hauteur des défis qui l’attendent et digne de la Rédemption à laquelle il prétend. On ne sait jamais, pour 2005 et pour l’Au-delà.
MEETING DE L’UAD A L’AVENUE NASSER
A L’OCCASION DE LA FETE DE L’AÏD EL KEBIR, L’UNION POUR L’ALTERNANCE DEMOCRATIQUE SOUHAITE BONNE FETE A LA POPULATION DJIBOUTIENNE AINSI QU’A TOUS LES MUSULMANS DU MONDE ENTIER.
L’UAD INVITE TOUS SES MILITANTS ET SYMPATHISANTS A VENIR NOMBREUX AU MEETING POPULAIRE QUI SE TIENDRA DIMANCHE 1ER FEVRIER 2004 A PARTIR DE 8 HEURES 30, A L’AVENUE NASSER DEVANT LE SIEGE DE L’UDJ
Brèves nationales
Ali-Sabieh :
Brève incursion présidentielle
La visite présidentielle à Ali-Sabieh initialement programmée pour la deuxième quinzaine de janvier s’est-elle limitée à la brève incursion constatée le week-end dernier ? Toujours est-il que la population Assajog commence à se lasser des menées solitaires et improductives d’un Président amateur de la politique spectacle. Rappelons que depuis la rentrée c’est au moins la troisième fois que le Chef de l’État effectue des brèves visites dans une des villes qui lui est la moins favorable. Qu’y cherche t-il ? Mystère et boule de gomme.
Pour notre part, nous pensons que ces pérégrinations du Chef de l’État aux quatre coins du pays démontrent surtout la profonde solitude de celui qui a fait le vide de sérieux autour de lui. Le timonier national donne ces derniers temps, l’impression de naviguer à vue à bord d’un navire sans équipage et sans canot de sauvetage. Pourtant la mer est houleuse…
Paiement des arriérés :
Gel…. et dégel ?
Ballon d’essai ou cynisme gouvernemental ? Selon certaines sources se disant bien informées, le régime aurait songé dernièrement à geler les deux mois d’arriérés de salaire dûs aux travailleurs djiboutiens avant de faire marche arrière. Si cette éventualité avait été retenu un moment cela signifierait que ce pouvoir malfaisant cherche continuellement à s’enrichir sur le dos du peuple. Rappelons que les travailleurs djiboutiens ont déjà perdu plusieurs mois d’arriérés de salaire ces dernières années. Mais au moment ou la propagande gouvernementale cherche à faire croire que l’économie va mieux, principalement parce qu’une miraculeuse générosité extérieure est venu combler les brèches béantes de la mauvaise gouvernance, les autorités seraient mal fondées d’invoquer des difficultés de trésorerie. Car tout un chacun sait que la présence étrangère rapporte annuellement plus de 11 milliards de francs Djibouti à l’État, sans que la précarité n’en soit pour autant réduite.
A l’approche des échéances électorales décisives, le régime à court d’imagination cherchait peut-être à geler provisoirement le paiement des arriérés pour opportunément les débloquer en 2005. Quoi qu’il advienne, les travailleurs déjà amplement saignés doivent rester vigilants pour défendre le cas échéant les fruits de leur dur labeur face à un régime fondamentalement prédateur.
Somaliland-Puntland :
Silence assourdissant du «médiateur» régional
Le Chef de l’État djiboutien a-t-il renoncé à décrocher le prix Nobel de la paix, ou a-t-il tout simplement perdu son bâton de pèlerin ?
Le silence de notre médiateur régional à propos de la nouvelle tension entre le Somaliland et le Puntland est cette fois déconcertant. Et ce nonobstant la sortie intempestive du Ministre des Affaires Étrangères tenant des propos indignes d’un régime prétendant au statut de médiateur dans le conflit somalien. Et que dire de l’instrumentalisation des réfugiés somalis au Yémen, apportant leur soutien au régime Djiboutien mis en cause par Abdillahi Youssouf, Président du Puntland. Il convient de rappeler aux autorités djiboutiennes que l’utilisation des réfugiés à des fins de propagande est totalement interdite par la Convention de Genève.
En attendant, la crise ouverte entre Hargeisa et Garowe risque de tourner en conflit. En effet, le Somaliland et le Puntland se livrent depuis quelques semaines à une guerre des ondes sur fond de bruits de bottes aux alentours de la ville de Las-Anod. Selon les autorités du Somaliland les forces du Puntland qui revendique une partie des régions de Sol et Sanag auraient fait une incursion dans la ville de Las-Anod en territoire Somalilandais.
Le Puntland, qui a proclamé son autonomie en 1998, affirme de son côté que cette région lui revient, arguant des origines Puntlandaises de sa population
Devant la montée des périls, même le Secrétaire Général des Nations Unies a lancé un appel à la retenue.
La tension persistante entre ces deux voisins ne semble pas inquiéter le Président Djiboutien qui observe un silence gêné. L’homme de la rue a déjà trouvé une explication à l’actuelle apathie du médiateur régional. Avec comme passif, l’échec du processus de réconciliation somalienne initiée à Arta et la violation de l’Accord de paix interne du 12 mai 2001, le pouvoir djiboutien est tellement discrédité qu’il n’a plus voix au chapitre de la paix régionale. Peut-être. Plus prosaïquement ce recul diplomatique semble indiquer que l’étoile du «numéro un djiboutien » ne brille plus ni ici ni ailleurs. L’esbroufe ne paie plus.
Pour sa part l’ARD invite les deux parties (Somaliland et Puntland) à rechercher une solution négociée au différend frontalier qui les oppose.
Il en va de la stabilité régionale et de l’intérêt bien compris de nos peuples frères.
La Paix régionale en question
Entre espoir et inquiétudes
L’année 2004 sera-t-elle celle de la paix retrouvée dans notre sous région troublée ? Si des avancées notables sont enregistrées au Soudan, des récentes tensions entre l’Érythrée et l’Éthiopie ou des regrettables frictions entre le Somaliland et le Puntland font que la balance oscille entre espoir et inquiétudes.
Au plan de la paix régionale la seule note positive nous vient pour l’instant du Soudan où gouvernement et rebelles du Sud confirment de jour en jour leurs volontés de mettre fin à un conflit vieux de deux décennies. La rébellion du Darfour dont l’intransigeance avait fait capoter les négociations de N’Djamena en décembre dernier semble ces derniers jours revenir à la raison en confirmant sa disponibilité à rechercher une solution négociée au conflit qui l’oppose au régime de Khartoum.
Ce revirement du Mouvement de Libération du Soudan (MLS) est favorablement accueilli par les observateurs et amis du Soudan en raison de la catastrophe humanitaire générée par ce conflit. En effet, ces dernières semaines plus de 20 000 civils fuyant les combats au Darfour sont venus grossir les rangs des 80.000 réfugiés déjà enregistrés au Tchad. Selon les rares humanitaires ayant accédé à cette région de l’Ouest du Soudan, des milices arabes alliées du régime de Khartoum font régner la terreur dans les villages du Darfour. Souhaitons qu’un rapide cessez-le-feu et l’ouverture de véritables négociations viennent mettre fin au calvaire des populations civiles de cette région meurtrie.
Plus près de nous, la brusque remontée de la tension entre l’Éthiopie et l’Érythrée à propos de Badmé fait craindre une remise en cause du statu quo en vigueur depuis les accords de paix signés à Alger en 2000. Selon les analystes, le contentieux porterait sur le village de Badmé attribué à l’Érythrée mais toujours revendiqué par l’Éthiopie, au prétexte que la population de cette localité se considère Éthiopienne et non Érythréenne. Tout cela sur fond de méfiance grandissante et de suspicion mutuelle de déstabilisations internes. Pour l’heure, l’escalade militaire n’a pas encore débouché sur un conflit armé mais les risques demeurent.
De son côté, la communauté internationale continue de faire pression pour que les deux puissances militaires de la Corne de l’Afrique n’entrent pas à nouveau en guerre. Une telle éventualité serait lourde de conséquences pour la stabilité régionale et compromettrait gravement l’avenir des peuples de notre sous-région ainsi que l’intégration économique souhaitée par tous. Quoi qu’il en soit, le raidissement actuellement observé à Addis-Abeba et Asmara n’a rien de rassurant et complique davantage la mission des forces des Nations Unies déployées sur les frontières des deux pays. C’est dans ce contexte de tension extrême entre nos voisins Erythréens et Ethiopiens qu’est venu s’ajouter depuis quelques semaines un nouveau facteur d’instabilité régionale : le contentieux frontalier opposant le Puntland au Somaliland. Pour le moment l’escalade est plus verbale que militaire même si des bruits de bottes sont signalés dans la zone contestée de Las-Anod.
La menace est pourtant prise au sérieux puisque les Nations Unies par la voix de son Secrétaire Général appellent les deux parties à faire preuve de retenue et de ne pas recourir à la force. Bien que non reconnus par la communauté internationale, le Somaliland et le Puntland disposent de potentialités militaires non négligeables faisant craindre, en cas de conflit, des catastrophes humanitaires corollaire, de tout conflit armé. Le Somaliland en quête de reconnaissance internationale n’a aucun intérêt à entrer en guerre contre le Puntland; sa remarquable stabilité de 10 ans en serait gravement affectée. Quant au Puntland que gagnerait-il à affronter un Etat voisin et frère ? Après la paix introuvable en République de Somalie, otage des chefs de guerre, notre sous région n’a pas besoin d’un nouveau conflit qui réduirait à néant tout espoir de développement dans cette partie de l’Est Africain.
Placé sous le parapluie occidental, notre pays qui paraît à l’abri d’agressions extérieures aurait pu profiter de sa stabilité retrouvée pour jouer un rôle actif dans la recherche d’une paix globale dans la région, mais l’incohérence de ses dirigeants lui a ôté toute possibilité de contribuer à la consolidation de la paix sous-régionale.
Par ses atermoiements et ses alliances conjoncturelles, le régime Djiboutien n’est plus en mesure aujourd’hui de s’astreindre à une neutralité positive lui permettant d’exercer une influence crédible sur le cours des évènements dans la Corne de l’Afrique.
C’est bien dommage pour le bon voisinage et l’image de notre pays. Quoi de plus gênant pour un pays se disant médiateur que d’être régulièrement accusé de partialité ou d’ingérence douteuse ? c’est pourtant ce que l’on entend depuis quinze ans que notre pays prétend s’impliquer dans la réconciliation somalienne. A chaque fois, une partie des protagonistes récuse la neutralité djiboutienne. On l’a encore vu dernièrement avec le Pountland accusant les autorités djiboutiennes d’envenimer la situation dans un contentieux frontalier en cours avec le Somaliland.
Dans cette affaire, le silence embarrassé du médiateur régional semble éloquent.
Les incohérences du Budget (3)
Les budgets de l’État djiboutien se suivent et se ressemblent. Reconduisant chaque année des mesures budgétaires paupérisant davantage certaines catégories socioprofessionnelles, celui de 2004 va encore plus loin dans des justifications erronées, affirmant que la politique de diminution de la pression fiscale mise en place depuis 1999 par le gouvernement se poursuit. Nous répondons que ceci est totalement faux, en ce sens que, sans remonter à la date de l’arrivée au pouvoir de l’actuel Chef de l’État (chiffres que nous ne pouvons vous livrer ici pour des raisons techniques) nous appuyons notre démonstration face à cette politique économique insensée, en comparant les chiffres officiels du ministère de l’Économie et des Finances de 2001 à 2003 (Budgets rectifiés) face à celui prévisionnel de l’année en cours.
Bien qu’il aurait été souhaitable d’approfondir l’analyse chiffrée des données gouvernementales concernant principalement les affectations des fonds des contribuables, nous limiterons nos remarques aux seuls tableaux ci-dessous, lesquels contredisent les prétentions du régime.
2004 : l’appauvrissement se confirme
Nous ne demanderons pas encore aux autorités compétentes par quel génie le Ministère des Finances a pu passer d’un excédent budgétaire de 712 millions FD en 2001 à un déficit budgétaire de plus de 3 milliards FD en 2002 et enfin d’un nouvel excédent prévisionnel de plus de près de 550 millions fd pour l’année 2003.
Paradoxalement, le Budget de l’État croit d’année en année. Sa progression, sans remonter à l’exercice 1999, est passé de 38,2 milliards FD en 2001 (un an et demi après la prise du pouvoir du nouveau Chef de l’État) à 43,2 milliards FD pour 2004, soit une augmentation de plus de 13% en trois ans. Il faut souligner aussi que lors de l’année écoulée, le Budget prévisionnel et celui rectifié, tout en oscillant aux alentours des 40 milliards de nos francs, ont accusé une différence d’un millard FD.
Cette montée en flèche n’est certainement pas sans conséquences sur la population appauvrie, qui doit encore contribuer énormément aux dépenses fastidieuses d’un pouvoir incohérent et irresponsable. Sinon, comment comprendre une politique gouvernementale prétendant chercher à ne pas léser les salariés et les créateurs de richesses, alors que l’on observe clairement dans le tableau de recettes ci-dessous que l’augmentation des dons des institutions internationales n’a pas contribué à une quelconque diminution des prélèvements ahurissants de l’État sur les salaires, en augmentation cette année encore de 8%. Réalité qui contredit les affirmations du régime.
Cet impôt sur les traitements et salaires frappant essentiellement la classe laborieuse, les variations calculées depuis 2001 démontrent que ces taxes ont gonflé de plus de 24 % en 3 ans. Quant à l’impôt sur les bénéfices professionnels des entreprises, son montant de 2001 ne nous convainc pas. Cependant, sa progression continue encore avec une valeur relative de près de 5%.
Tout en relevant que la taxe sur les produits vendus dans le pays, communément appelée TIC, a, en deux exercices, affiché une montée de plus de 11%, globalement, l’ensemble de ces impositions (directes et indirectes) frappant en dernier ressort les ménages totalisent un accroissement vertigineux de plus de 153 % entre 2001 et 2004.
Quelle démagogie face à la catastrophe nationale, lorsque la présentation du budget 2004 affirme qu’il y a eu baisse des taxes et surtaxes sur les produits pétroliers et qu’en réalité nous observons dans la ligne des recettes « redevances diverses » qui portent essentiellement sur ces biens (dont le pétrole lampant utilisé par tous les ménages djiboutiens) a connu une ascension fulgurante d’environ 83 % entre 2001 et 2004 et de 12,43 % rien qu’entre 2003 et cette année.
Par conséquent, la politique gouvernementale n’est nullement axée sur la lutte contre la pauvreté mais plutôt sur l’appauvrissement général du peuple pour mieux le contrôler.
Mirobolantes dépenses sécuritaires :
Nous nous abstiendrons ici de fournir les détails des dotations budgétaires poste par poste. Toutefois, nous constatons que, pour une large part, les dépenses couvrent les besoins sans cesse grandissants de l’armée : sécurité présidentielle oblige. L’autre secteur bénéficiaire étant depuis peu celui de l’Éducation Nationale, nous avions dans un précédent numéro démontré l’écart entre les dotations budgétaires et les résultats escomptés de ce Ministère responsable de la formation de nos progénitures et surtout de la qualité des ressources humaines du pays.
L’opacité étant toujours de mise en ce qui concerne les revenus dégagés par le Port et l’Aéroport, les dépenses de l’État tirent l’essentiel de leurs ressources sur les revenus des travailleurs. Il est connu que toute dépense supplémentaire appelle une recette supplémentaire, d’où nos remarques suscitées. Les dépenses de l’État sont toujours en évolution constante puisqu’en 3 exercices, sa partie « Personnel » a enregistré une progression d’un peu plus de 5% et sa partie « Matériel » de +18,7%. Ne pouvant s’astreindre à un train de vie raisonnable, ni se contenter des aides, dons et autres subventions des institutions internationales et des Etats amis, l’endettement du régime représente près d’un demi milliard FD, auquel s’ajoutent bien entendu les prêts récemment contractés et « débattus », après adoption du budget 2004, par une Assemblée mal élue.
Plus bas dans le tableau dépense 2004, les dettes rééchelonnées augmentent de 561% environ, et les emprunts (programmes ou pas) de 24%. Bravo pour l’héritage difficile laissé aux jeunes générations !
Ce qui est le plus frappant dans cette partie du Budget, c’est que le pouvoir soutient les réalisations de plusieurs investissements favorisant une relance de l’économie et prometteurs de développement. Or, outre l’ambitieux projet de Doraleh dont le régime attend beaucoup, les chiffres résumés ci-dessus prouvent bien que sur près de 7 milliards FD d’investissements, notre gouvernement n’intervient qu’à hauteur de 1,6 milliards FD, le reste étant à la charge de nos partenaires.
Notre précédent numéro contredisait, d’ailleurs, le prétendu financement de 670 millions FD intentionnellement classé dans le chapitre « investissement » dont 500 millions FD portaient sur une prise de participation de l’État dans le capital d’une entreprise publique et 170 millions FD couvrant des charges récurrentes d’un projet d’investissement. Ces points appellent des explications de la part de l’Argentier.
En attendant de revenir plus en détail sur les destinations des deniers publics, nous retenons de ce Budget 2004, pour l’instant seulement prévisionnel, que la situation économique du pays va de mal en pis, surtout pour les plus démunis.
La Décentralisation dans le Budget
N’en croyez pas un mot !
A en croire le gouvernement, la Décentralisation est un souci gouvernemental depuis l’Indépendance et est inscrite dans la Constitution comme une priorité depuis 1992. les Budgets de l’Etat démontrent le contraire d’une propagande officielle rabâchée par les médias et constitue à n’en pas douter de la poudre aux yeux : ci suit les dessous d’une mystification.
« Hatta ‘alaa Haamaan yaa Far’uun ? »: c’est ce que, d’après la légende arabe, le grand Chancelier Haamaan qui commandait les troupes pharaoniques, aurait répondu à Pharaon qui, dans un délire (mystification ou folie des grandeurs) décrivait comment il avait créé les hommes… interrogation qui signifie : à d’autres, Pharaon!
c’est exactement ce que nous répondons au gouvernement qui, inlassablement, cherche à mystifier nos concitoyens qui ne sont plus dupes, ainsi que la coopération multi et bilatérale impliquée dans le financement de projets sans lendemain parce que concoctés dans la Capitale sans la participation des populations concernées. La coopération, malgré les évidents intérêts qu’elle cherche à préserver ou affermir dans notre pays, commence à se lasser du mensonge permanent érigé en méthode de gouvernement.
Sur ce sujet comme sur d’autres, rien davantage que les Budgets de l’État ne rend compte des véritables intentions gouvernementales. Avant d’examiner les Budgets de l’État, la Décentralisation doit être lue sous l’éclairage de l’Accord de Paix (titre V) tel que convenu d’accord parties le 12 mai 2001. chacun se fera alors de lui-même une opinion sur le fossé qui sépare les dispositions de l’Accord de la pratique gouvernementale en la matière.
En son article 18, ledit Accord dispose que « les deux parties conviennent des objectifs généraux de la Décentralisation sur les plans :
– politique : participation des citoyens par le biais de leurs élus locaux à la gestion et la valorisation de leur collectivité ;
– administratif : mise en place d’une administration plus efficiente car plus proche de ses administrés ;
– économique : promouvoir des pôles de développement économique en dehors de la Capitale et réduire les disparités régionales. »
L’état d’abandon dans lequel ont été laissées les cinq régions de l’Intérieur depuis l’indépendance et sont toujours laissées près de trois ans après la signature de l’Accord, nous dispense de toute démonstration concernant la promotion des pôles de développement économique : néant !
Quant à la participation des citoyens par le biais de leurs élus locaux à la gestion et la valorisation de leur collectivité, le gouvernement a reporté sine die les élections régionales qui devaient normalement avoir lieu en même temps que les législatives de janvier 2003.
Quant à lui, l’article 22 dudit Accord créait une commission de mise en place de la Décentralisation, composée de 12 membres dont 3 représentants de chaque partie signataire, et chargée de :
– mettre en œuvre la décentralisation,
– suivre la mise en place des institutions régionales et de la section de la Cour Judiciaire spécialisée dans le contentieux administratif et le contrôle des dépenses publiques et enfin
– participer au contenu des textes législatifs et réglementaires prévus par la présente Loi et veiller à leur mise en application. Le mandat de cette commission devait durer jusqu’à la mise en place effective des collectivités régionales.
Le dernier alinéa de l’article 22 stipulait pour sa part qu’ « un décret précisera les conditions et volume des dotations financières qui doivent correspondre aux besoins réels de chaque région et seront définies sur la base de critères objectifs ».
Chacun constatera d’abord que cette commission n’a jamais été mise en place par le gouvernement, sans doute pour mieux se donner les coudées franches avec la honteuse complicité de l’Assemblée Nationale et dénaturer le contenu du Titre V de l’Accord de Paix, notamment la récente et impertinente délimitation des districts, motivée par une irresponsable entourloupe électoraliste.
Plus gravement, ce sont les Budgets de l’État qui en disent davantage sur des pratiques gouvernementales contrevenant aux dispositions de tous les accords de paix signés en dix ans de conflit, et qui violent la Constitution consacrant la Décentralisation comme un indispensable instrument de réforme de l’État et de développement économique.
En examinant le Budget de l’État, nous constatons d’abord que la part du Budget consacrée au district d’Arta ne figure pas, contrairement à ceux des autres districts, dans le projet de budget du ministère de l’intérieur pour l’exercice 2004. Ni ailleurs ! Étonnant lorsque l’on a entendu le Chef de l’État, à l’occasion de sa présentation des vœux du Nouvel An, prétendre placer la concrétisation de la Décentralisation au centre des réalisations gouvernementales (c’est-à-dire des siennes) pour l’année à venir. Le gouvernement et son Chef ont donc menti (ce n’est pas nouveau) non seulement aux habitants de la région d’Arta, mais aussi à tous les Djiboutiens, à la coopération internationale dont ils continuent sans pudeur à solliciter le soutien financier, ainsi qu’à tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par la stabilité politique et le développement économique de notre pays. C’est peu glorieux comme bilan, à un an, si elles ont lieu, des prochaines échéances électorales.
Voici un tableau comparatif district par district, des budgets 1996 , 1997, et prévisionnel 2004 :
Les faits (et les chiffres officiels) sont sacrés, le commentaire par contre est libre. Nous laissons à nos lecteurs qui ne sont pas tous nos militants et sont pour la majorité d’entre eux pourvus de bon sens, le soin de se faire leur propre opinion et réservons pour notre part nos commentaires et analyses (des choix et variations des dotations budgétaires) à une autre édition.
Contentons-nous pour l’instant d’observer qu’en pourcentage, la part du Budget de l’État consacrée aux régions se résume à 1% du Budget national. On est très loin des promesses électoralistes, de la « réduction des disparités régionales » et de la « promotion des pôles de développement économique ». La distance qui sépare les Accords de Paix des pratiques gouvernementales est plus éloignée que celle qui sépare l’Orient de l’Occident…
Mais ce tableau ne tient pas compte des 50 millions FD octroyés aux conseils régionaux nous objectera-t-on ! C’est parce qu’ils ne figurent pas dans les budgets des districts et de toute façon cette aumône ne modifie en rien, en pourcentage, la part du camembert affecté aux régions.
Enfin, le cadre général du budget de l’État pour l’exercice 2003 affirmait sans rire que « la Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire mise en place avec tous les moyens nécessaires à son bon fonctionnement a entamé un programme de contrôle dans toutes les différentes administrations et organismes publics, concourant ainsi à une plus grande transparence dans la gestion des deniers publics.. » : à d’autres !
Tout le monde sait que ses comptes rendus et suggestions ont été depuis sa création privatisés par la Présidence. La transparence reste encore malheureusement à inventer chez nous !
Au total, loin de soigner les causes du conflit civil, les pratiques gouvernementales alimentent leur renouvellement.. Qu’à Allah ne plaise !
Quand l’enfant du pays s’émerveille
Retour vers le néant politique
La médiatisation à outrance sur les ondes de la RTD (ad nauseam, six jours de suite ) du dernier périple du Premier ministre à Tadjourah est typiquement révélatrice des attentes mystiques ou magiques que le régime place dans cette inondation d’images rose bonbon et de déclarations nombrilistes. Mais, en vertu d’un cloisonnement tribal de ses activités de propagande, le régime n’a pas tellement cherché à faire profiter les autres communautés linguistiques du pays de la lumière diffusée par le Premier ministre à l’occasion de cette tournée parmi des populations auxquelles de forts et indéniables liens de sang le rattachent. Par devoir de transparence, il est de notre devoir de clairement exposer ce qui s’est réellement passé à Sagallou il y a quelques jours : chacun pourra par lui-même mesurer à quel point ce régime confond action politique et invocation magique ; prenant du même coup ses concitoyens pour des attardés auxquels il n’est pas nécessaire de parler sérieusement.
Bien que se rattachant toutes à la tradition culturelle islamique, chaque composante de la communauté nationale se distingue par ses propres formes de sociabilité et de d’organisation sociale. Celle à laquelle le Premier ministre a récemment rendu visite dans le district de Tadjourah est caractérisée, d’un point de vue anthropologique, par une stricte hiérarchisation des rôles sociaux et par des formes d’alliance matrimoniale mettant en avant, par une sorte de survivance du matriarcat, l’importance du clan maternel, le matrilignage. C’est pour cela, qu’arrivé dans le village de Sagallou, le Premier ministre a estimé normal d’exclusivement remercier son matrilignage pour l’accueil chaleureux qu’il aurait reçu. Comme si tout son déplacement se résumait à cela ! Mais somme toute, dira-t-on, où est le mal ? Effectivement, le mal est ailleurs.
En premier lieu, les habitants de cette région ont tenu à lui rappeler qu’elle avait été profondément affectée par le conflit civil et qu’elle n’avait bénéficié d’aucun programme de réhabilitation. Ce à quoi le Premier ministre n’a pas craint le ridicule en affirmant qu’il n’était pas au courant du fait que la guerre avait détruit la région ! Aberrant de la part d’un si haut responsable de tranquillement prétendre ignorer les réalités dramatiques que vivent quotidiennement tous ceux sur lesquels les calamités armées se sont abattues. D’autant plus grave quand il s’agit d’un nouveau responsable politique dont le régime meuble le CV en le présentant comme un des principaux architectes de l’Accord-cadre de Paris, du 7 février 2000.
En second lieu, suite à ce pathétique aveu d’ignorance, le Premier ministre a solennellement promis aux habitants de Sagallou que le régime, maintenant qu’il est au courant des désastres, procédera à la pose officielle de la première pierre de la reconstruction, comme cela a été le cas pour Obock. Quand on se souvient que cette première pierre a été posée par le Chef de l’Etat en personne il y a des années de cela sans qu’aucune suite n’y soit donnée, et quand on sait également que les bénéficiaires de ce programme de réhabilitation ne sont pas prioritairement ceux qui ont le plus perdu, l’on aimerait bien que les auditeurs du Premier ministre n’aient pas à subir les mêmes humiliations et sacrifices que les riverains de Ras Bir.
Enfin, et tout aussi gravement, le Premier ministre a tenu des propos indignes de son rang relativement à des demandes d’emploi. En effet, les habitants de cette région n’ont pas manqué de lui rappeler que leur Jeunesse était généralement au chômage et que le régime devrait se préoccuper de leur condition. Ce à quoi le souriant premier des ministres a automatiquement orienté ses solliciteurs vers un programme présenté comme miraculeux : le service national adapté. Il a tout simplement exigé du Commissaire de la République, Chef du district de Tadjourah qu’il les favorise lors de l’établissement des listes des recrues pour ce service national adapté. Il est proprement inouï qu’un dirigeant politique, sans préjudice de sa trajectoire, demander que certains soient favorisés sur une seule base tribale par rapport à d’autres, tout aussi nécessiteux.
Le fond du problème est bien là : autant que l’aveu selon lequel ce gouvernement n’a aucune perspective d’emploi à proposer aux jeunes, ce régime promet à certains de les favoriser par rapport à d’autres. L’État n’est donc pas là pour assurer l’égalité entre tous les citoyens. On comprend donc mieux pourquoi la RTD retransmet six jours de suite ses propos, sans bien sûr prendre la peine de les traduire aux autres composantes de la communauté nationale : susciter la jalousie sociale et faire croire que, notre pays étant condamné au tribalisme, chacun doit impérativement soutenir son cousin seul à pouvoir lui donner quelque chose.
Sauf preuve du contraire, Gouled n’a jamais explicitement demandé une telle stupidité de la part de son Premier ministre : un tel degré dans la tribalisation excessive des enjeux politiques est bel et bien une nouveauté que l’on doit à l’actuel Chef de l’État. Heureusement qu’il est allé à la Mecque.
Mais personne n’est vraiment dupe : celui qui promet de privilégier son petit microcosme tribal est toujours le moins bien placé pour assurer sa propre survie politique. Car, si l’on cherche vainement à quel groupe tribal ce régime a réellement profité, l’on sait parfaitement, par contre à qui il a porté préjudice : à l’ensemble du Peuple djiboutien. Et cela, aucune tournée du Premier ministre ou de son Chef de gouvernement, ne peut faire croire le contraire. « C’est moi Alice, au pays des Merveilles, Alice aux cheveux blond vermeil, Alice qui parfois se réveille » chantait l’héroïne : le réveil politique risque d’être traumatisant pour tous ceux qui, mystifiés par la tombola du régime, croient encore aux contes de fée en se croyant réellement responsables.
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