Réalité numéro 89 du mercredi 24 mars 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 89 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
SILENCE ON (DE)TOURNE : CINEMA POLITIQUE,
CADEAUX PRIVES ET ARGENT PUBLIC
On pensait que les sommets du ridicule avaient été atteints la semaine dernière avec le don de dix bicyclettes (de fabrication chinoise) aux jeunes de Randa, par une association-maison dont la transparence n’est pas la première des vertus, ni l’efficacité apparemment. De toute évidence, avec ce régime en quête de reconduction et usant de tous les artifices démagogiques pour mystifier ses concitoyens, les pneus de vélo sont moins increvables que la bêtise, surtout lorsqu’elle provient de la haute fonction publique.
Ainsi, le week-end dernier, les jeunes du Day ont vu débarquer le présidentiel cortège fuyant quelques instants le Capitale, pour se ressourcer à l’ombre de plants de khat venus des hauts plateaux éthiopiens. En tant que tel, l’exercice masticatoire, même impliquant d’aussi hautes personnalités, n’a pas défrayé la chronique locale ; c’est tellement banal de brouter !
Par contre, un don inattendu, exotique à rebours, mérite une grande attention car il est révélateur de nombreuses dérives et mystifications. Arrivé dans les bagages présidentiels, un haut fonctionnaire apparemment au four et au moulin, vraisemblablement parce que lui aussi en campagne d’auto-promotion, Directeur de l’Office des Prestations Sociales pour mieux le nommer, n’a pas hésité à prendre sur son temps libre pour offrir à ces jeunes désœuvrés du Day une télévision et un groupe électrogène ( à essence, s’il vous plaît) pour le faire fonctionner, puisque l’adduction d’eau n’a pas voulu se transformer en projet hydroélectrique.
OPS, ou OPA sur l’administration et les deniers publics ? On sait que, pour une grande partie, les problèmes de trésorerie de l’OPS, de trésorerie et de maintenance de l’EDD (Electricité de Djibouti) sont dus à leur énorme participation financière à l’effort de guerre au début des années 90. Avec l’actuel régime, un nouveau pas dangereux a été franchi : la frontière est devenue totalement inexistante entre politique partisane et service public.
La première dimension révélatrice de cette régression du sens de l’Etat, c’est la pratique des petits cadeaux dont on ne sait pas trop s’ils sont effectués sur fonds privés ou publics. Cela importe peu car, en définitive, il est indécent qu’un responsable distribue des petits cadeaux ou court-circuite tout le programme d’Aménagement du Territoire en prétendant initier sur fond personnels des projets de développement (unité de dialyse ou de mammographie à la Santé, Forage çà et là, etc.) au gré de ses déplacements électoraux, car censé représenter tout le monde, il ne saurait être soupçonné de favoritisme.
La seconde dimension remarquable, c’est la servilité avec laquelle des fonctionnaires en quête de promotion politique ou administrative s’investissent corps et âme dans des entreprises partisanes de mystification, à coups de hochets et de khat. Sans que l’on sache par quel miracle financier, le pays bruisse de rumeurs, le plus souvent fondées, selon lesquelles tel haut fonctionnaire entretiendrait à ses frais une série de mabraz où l’on mastique jusqu’à la crampe des mandibules. Cette pratique s’observe surtout chez les originaires des régions les plus défavorisées, parce que l’injustice qui les frappe demande plus d’efforts complices et d’appel aux bas instincts.
Ce détournement de la nécessaire neutralité de toute administration, avec la complicité de ceux qui ont parfois payé leur idéal démocrate de leur personne, n’est malheureusement que l’effet secondaire d’un détournement opéré en amont : celui de la volonté populaire par fraudes électorales. C’est l’absence de démocratie qui pousse arrivistes et prétendants arrivistes à la plus basse servilité, parce qu’ils ne devront leur promotion qu’au bon vouloir d’un régime qui recrute selon la prédisposition à l’obéissance. C’est pour cela qu’il leur faut distribuer, au nom de celui auquel ils doivent tout ou dont ils attendent tout, khat et télévision : la campagne approche, alors tous aux mabraz ou devant la télé. Le crime n’est même pas maquillé. Comme le disait si bien Paul-Jean Toullet : « Le arrivistes sont des gens qui arrivent. Ils ne sont jamais arrivés». A bon …
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Brèves nationales
Madame recrute :
L’UNFD applique l’Accord de Paix ?
Il y a quelque mois, un sympathique lecteur nous avait adressé un petit courrier dans lequel il nous invitait à ne pas du tout évoquer toutes les bassesses par lesquelles le régime croyait nous punir d’être opposants. Au nombre de ces vilenies, il y a le blocage de deux ans de salaire ainsi que le refus de réintégrer les cadres du FRUD-armé, conformément à l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Aux dernières nouvelles, il semblerait que, par une sensibilité toute féminine, le régime serait en train de reconsidérer sa position et d’abandonner cette forme primitive de terrorisme qui consiste à dénier le droit au travail et au salaire, constitutionnellement garanti. Mais les dessous de ce revirement ne sont guère propres, et il y a tout lieu de craindre que, finalement, la montagne n’accouche d’une souris.
Depuis un certain temps, des sources autorisées racontent que la Première Dame du pays, accessoirement Présidente de l’UNFD (Union Nationale des Femmes Djiboutiennes) serait en train de personnellement s’impliquer dans ce dossier et battrait ciel et terre (tant qu’il ne s’agit que de ça) pour amener le régime (on ne sait par quel chemin ) à faire appliquer certaines mesures individuelles contenues dans l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Certains directeurs proches du Premier ministre (il y en a ) clament à ce sujet dans les mabraz : « Ils doivent absolument aller voir leurs Ministres de tutelle , il est au courant car Kadra a tout réglé ». Ce que, par respect pour ledit ministre (qui n’a d’ordre à recevoir d’aucune femme non habilitée par les textes), et dans l’esprit de l’Accord de Paix (qui n’est pas passé par un chemin aussi tortueux), les cadres du FRUD-armé ne pouvaient accepter.
Même dans le secteur privé, la procédure d’embauche n’obéit pas aux rumeurs : il est impensable de demander à un candidat de se rendre auprès d’un chef de personnel au prétexte qu’untel aurait entendu parler de son dossier dans la Rue des Mouches ! Il ne s’agit pas ici de supplier qui que ce soit pour obtenir un quelconque privilège : il est tout simplement question de respecter un engagement solennellement souscrit par le gouvernement et que le Chef de l’Etat s’était lui-même engagé devant le Peuple à appliquer.
Maintenant, sans sous-estimer la diplomatie au féminin, il nous semble plus sain, d’un point de vue institutionnel autant que politique, que cela suive une voie clairement établie et respectueuse du rôle de chacune et de chacun, aussi insignifiant ou protocolaire soit-il. Que chacun s’assume, dans la maturité de sa trajectoire, de ses sacrifices et de son honneur, dans le respect d’un Accord de Paix dont le Peuple attend l’application la plus honnête.
Cyclisme rural :
Attention au col… du fémur !
Au début de l’été 2002, une journaliste égyptienne, certainement pas mal intentionnée (est-il plausible qu’elle soit venue chez nous en pleine canicule juste pour discréditer notre pays ?), avait tenté autant que possible, de rendre compte dans les colonnes de son journal de l’extrême état de dépendance vis-à-vis de l’extérieur dans lequel se trouve notre économie. Ce à quoi un zélé journaliste de « La Nation », dont nous tairons le nom par pudeur, avait vertement répondu avec un argument tout à fait inattendu et texto : cette ingrate journaliste prétend que Djibouti ne possède même pas une usine de production d’aiguilles à coudre ! L’honnête citoyen moyen, pas toujours au courant de toutes les miraculeuses réalisations gouvernementales, et croyant sur écrit ce qu’énonce « La Nation », a alors comme la fâcheuse impression d’avoir raté un épisode : existe-t-il vraiment à Djibouti une usine de production d’aguilles à coudre ?
Et, dans une perspective décentralisée et respectueuse des unités de production industrielle que l’on voit ces temps-ci fleurir dans les districts de l’Intérieur, il se pose une question : y-a-t-il une usine de production d’aiguilles à coudre que le régime cacherait (peut-être à Randa, ce qui expliquerait le don de bicyclettes) afin de ne provoquer aucune jalousie tribale ? La réponse est simple : il n’a jamais existé à Djibouti la moindre usine de production d’aiguilles à coudre, quoi qu’ose tranquillement prétendre un journaliste de « La Nation » sans respect pour ses lecteurs, ni pour la décence de ses écrits.
Sous des faux airs de quiproquo, ce journal a récidivé lundi dernier en publiant une réaction à nos commentaires relatifs à un don de dix bicyclettes d’origine chinoise. Sous la plume du récipiendaire (forcément, la gratitude du ventre ou plutôt des mollets), il nous est reproché d’attenter à l’honneur de tout un village, sans parler de celui des donateurs et des illustres spectateurs venus de la Capitale.
Si certains trouvent que la politique du bakchich n’a rien de déshonorant et peut même tenir lieu de politique de développement, libre à eux de se mystifier. Mais qu’ils ne cherchent pas à tromper le Peuple : si un de ces bienheureux cyclistes venait à tomber de sa monture et se fracturait quelque fémur, c’est d’un dispensaire qu’il aura besoin. Manque de chance, l’ADPEF n’a rien prévu en ce sens dans son don : comme la plupart des localités rurales, Randa n’a aucun dispensaire digne de ce nom. A notre humble avis, un petit centre de soins nous semble prioritaire par rapport à des vélos, même chinois. Et encore, si c’étaient les infirmiers en zone rurale qui avaient été dotés de bicyclettes pour mieux soigner jusque dans les secteurs les plus reculés et inaccessibles, qui sont de plus en plus nombreux par démission de l’État…
Enfin, rendons à César ce qui appartient à César, si l’on peut le mettre à cette sauce : contrairement à ce que nous écrivions, l’un des illustres spectateurs n’était pas le Secrétaire Général d’un ministère, mais un autre haut fonctionnaire natif de la région et qui se sera reconnu.
Ali-Sabieh :
La Jeunesse Assajog se rebiffe
Déçus de l’esbroufe et du mensonge du régime RPP, la dynamique jeunesse d’Ali-Sabieh, regroupée sous la bannière LJA (Ligue de la Jeunesse Assajog) a remis les pendules à l’heure dans son numéro 8 de son organe de presse « La Tribune d’Ali-Sabieh ». Habitué à la mansuétude, sinon la complicité, des bulletins d’information des associations nationales, le régime a paniqué en mobilisant certains notables appointés, dans le but de « calmer » cette frondeuse jeunesse, largement victime du chômage, comme partout dans le pays. Devant le refus de ces derniers de se plier aux diktats partisans, le pouvoir a en toute hâte fait réagir dans les colonnes du journal gouvernemental « La Nation » des membres crédules et intéressés de cette association, mais n’appartenant pas ses instances dirigeantes.
Coup d’épée dans l’eau, loin de rassurer un régime en plein désarroi. Les Assajog dans leur grande majorité expriment ouvertement leur rejet du système RPP et de ses pseudo-réalisations industrielles, dans un district solidaire des difficultés rencontrées par toutes les populations de toutes les régions du pays. Les jalousies sociales et les démagogies électoralistes ont fait leur temps : elles ne passent plus.
D’ailleurs, le seul Président de cette association a convoqué pour vendredi 26 mars une assemblée générale pour demander une motion de confiance aux adhérents.
Vivement le n°9 de notre confrère « La Tribune d’Ali-Sabieh » : le langage de la vérité lui assurera, à n’en pas douter, le succès que mérite toute presse indépendante et sérieuse, respectueuse de sa mission, donc de ses lecteurs.
Tadjourah :
La fin d’une politique
Le week-end dernier n’a pas été de tout repos pour les usurpateurs de l’UMP. Après la dénonciation spectaculaire de l’esbroufe officielle par la jeunesse Assojog qui a, ce faisant, brisé le carcan dans lequel le pouvoir tentait de l’enfermer, ce fut au tour de la jeunesse UAD du district de Tadjourah de lui porter le coup de grâce.
Rappelons brièvement les faits. Dans l’après-midi du jeudi 18 mars, le Chef de l’Etat, accompagné de son souriant Premier ministre (il insiste) a débarqué à Tadjourah venu par mer à bord de son luxueux yacht (privé ?). Un convoi de la Garde présidentielle les y attendait. Les prétoriens étaient particulièrement nerveux ce jour-là, et pour cause : miraculeusement avertis du passage dans leur ville de ces illustres touristes, auxquels « la gestion de vraie problématique » n’interdit pas quelques escapades écologiques, la jeunesse UAD a tenu à les accueillir à sa façon, en déversant sur plusieurs centaines de mètres des milliers de bulletins de vote verts des candidats UAD de cette circonscription électorale lors des législatives de janvier 2003.
Le convoi officiel s’est ébranlé vers le jardin d’acclimatation du Day, où les illustres « brouteurs » ont passé l’après-midi à se concentrer sur les feuilles vertes venues des hauts plateaux éthiopiens et la nuit entière, non sans appréhension qui n’ont rien à voir avec le blues post-khatique.
Le lendemain, les dirigeants UMP devaient se rendre à Sagallou où les attendait un copieux déjeuner, mais sans les invités escomptés, qui ont préféré boycotter ce gargantuesque événement : crime de lèse-ripailles majestueuses. Après le festin, les rares convives présents ont malmené leur illustres invités avec des doléances récurrentes qui ont quelque peu perturbé la digestion des candidats en campagne.
A court d’arguments et de promesses, la réponse officielle s’est limitée distribution massive de khat, venu d’Ethiopie celui-ci. Soulagés de quitter Sagallou et ses revendications intempestives, la délégation présidentielle a pris la route de Tadjourah. Manque de pot, arrivée au niveau du village oubliée de Kalaf, quelle ne fut pas sa déception d’y découvrir des messages écrits sur plusieurs centaines de mètres de chaussée : Vive l’UAD ! Vive Dini!
Quant aux villageois, ils se sont ostensiblement rassemblés devant le siège local de l’ARD, à moins de vingt mètres de la route. Echaudés par leur aventure dans le district de Tadjourah, les spécialistes de la fameuse gestion de vraie problématique ont tôt fait de rejoindre Djibouti-ville à bord du même et toujours luxueux yacht présidentiel (public et privé) vendredi après-midi.
Ainsi aurait pris fin ce qui devait être une simple promenade de santé dans le district de Tadjourah, plus que jamais bastion confirmé de l’opposition.
Dikhil :
Pas de pharmacie communautaire
Alors que la pharmacie privée de Tadjourah avait été fermée au prétexte qu’une autre communautaire allait y être ouverte par le ministère de la Santé, celle de Dikhil était restée en service.
Maintenant que le régime se targue d’avoir ouvert des pharmacies communautaires dans tous les districts, Dikhil n’en dispose toujours pas : où est la logique ?
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Rapport de la LDDH sur le syndicalisme
SOCIAL
A l’heure où le régime commence un nouveau tam-tam politique sur les thème des droits de l’Homme, qu’il respecterait en vraie démocratie digne de ce nom, il n’est pas inutile de proposer un point de vue différent. Après celui, plus général, du rapport Département d’Etat américain pour l’année 2003, que nous avons reproduit trois semaines durant, voici le premier volet du rapport présenté par la Ligue Djiboutienne des Droits Humains sur l’état du syndicalisme national, ou plutôt de ses difficultés à être indépendant d’un pouvoir politique répressif, n’autorisant que les syndicats-maison, de préférence clonés. Ce rapport a été présenté au Congrès de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, qui s’est tenue du 1er au 6 mars 2004 à Quito, en Equateur.
I. Bref rappel historique
a) Un syndicalisme embryonnaire
Ancienne colonie française, la République de Djibouti compte environ 700.000 habitants. Indépendante depuis 1977, elle a été gouvernée par un parti unique (Rassemblement Pour le Progrès) jusqu’en 1992. Dépourvue de richesses naturelles, l’économie est surtout basée sur les services. L’Etat est de loin le principal employeur du pays. A l’instar des autres pays africains, le parti au pouvoir avait inféodé la centrale syndicale unique de l’époque, Union Générale des Travailleurs Djiboutiens (UGTD).
En 1991, une guerre civile éclate dans le pays. En novembre 1992, sous la pression de la France, le pouvoir se résout à une ouverture en demi-teinte et élabore unilatéralement une constitution faisant place au pluralisme syndical. C’est l’émergence des premiers syndicats libres et indépendants dans le pays.
Parmi les plus actifs et les plus structurés, figurent le Syndicat des enseignants du Second Degré (Synesed ), le syndicat des enseignants du Primaire (SEP), le Syndicat du Personnel Bâtiment et des travaux Publics (SPBTP), … tous affiliés à la centrale syndicale Union Djiboutienne du Travail (UDT), elle aussi nouvellement créée. Malgré leur jeunesse, ces nouvelles organisations ont fait leur preuve en matière de fonctionnement démocratique, ce qui leur a permis des affiliations internationales avec la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), l’Internationale de l’Education (I.E), L’Internationale du Service Public (ISP). etc.
B) La grande crise de 1995
La dégradation continuelle de l’économie du pays (en déclin depuis près de deux décennies) l’amène directement vers un programme d’ajustement structurel. En réponse aux exigences du Fond Monétaire International de réduire de manière drastique les dépenses publiques, le pouvoir initie, en 1995, une loi de finances réduisant les revenus des travailleurs de plus de 20% à travers des artifices divers (taxes, réduction de salaire, suppression d’avantages acquis, etc.). Bien entendu, les syndicats, méprisés par le gouvernement, n’ont jamais été consultés à ce sujet.
En septembre de la même année, les syndicats mobilisent les travailleurs de tous les secteurs, une grève générale paralyse le pays. Même l’UGTD s’y associe en créant l’intersyndicale avec l’UDT. Dans le même temps, on assiste à des manifestations massives témoignant de la colère des travailleurs révoltés. Devant l’ampleur du mouvement, aussi important qu’inattendu, le pouvoir panique. Tour à tour, il engage des discussions, brandit des menaces et emprisonne les leaders syndicaux et les militants les plus en vue par centaines dans un centre de détention situé à 8 km de la capitale. Parallèlement, des tentatives de corruption sont menées dans les milieux syndicaux. Déçus par l’absence de sincérité de la part des représentants du gouvernement, les syndicalistes persistent et rejettent la loi en bloc.
Agacé, le gouvernement décide de frapper fort en licenciant la quasi -totalité des dirigeants de l’intersyndicale (UGTD/UDT), pour l’exemple sans doute. Décapité, le mouvement syndical s’amenuise mais menace de rejaillir. Le pouvoir retire alors la loi en question, le temps de retrouver un calme social et surtout de s’assurer d’avoir anéanti toute réaction syndicale ultérieure. Dans le budget national de 1998, le gouvernement intègrera toutes les dispositions de la loi contestée.
Les centrales étant écrasées, seuls les syndicats enseignants structurellement plus autonomes, continuent à résister. Le pouvoir retourne ses griffes contre ces derniers qui sont d’autant plus vulnérables qu’ils sont désormais seuls sur le terrain. La crise perdure car les revendications enseignantes sont aussi bien d’ordre salarial que strictement professionnelles. La répression est de plus en plus dure. Les arrestations s’enchaînent dans le milieu enseignant et, à deux reprises, les policiers tirent à balles réelles lors des manifestations de collégiens et lycéens, provocant la mort d’un élève et blessant gravement à l’abdomen un deuxième. Les syndicats dénoncent les crimes et mondialisent l’information par le biais d’organisations internationales (CISL, IE, …)
La répression s’accentue sur les enseignants, le pouvoir use de tous les moyens pour défaire ces organisations. Des ministres font du porte-à-porte, menaçant les familles des militants et des dirigeants. Dans le même temps, ils organisent des réunions à caractère tribal au sein des enseignants dans le but d’infiltrer et de désorganiser le mouvement.
Devant les volte-face répétées et la mauvaise foi des responsables politiques qui ne tiennent aucun de leurs engagements, le Synesed décide en assemblée générale de boycotter les examens de fin d’année dans l’espoir de ramener le pouvoir à plus de sérieux dans ses rapports avec les syndicats. Le gouvernement perçoit cette action comme un affront, licencie les dirigeants du Synesed en février 1997. Parmi les quatre (4) Secrétaires Généraux qu’a connu ce syndicat durant sa courte histoire, trois (3) figurent dans la liste des révoqués de la fonction publique. Trente sept jours consécutifs de grève et de manifestation de soutien de la part de leurs collègues et sympathisants n’ont pas réussi à infléchir l’intransigeance gouvernementale.
II. Les conséquences de la répression syndicale dans le pays
a) Une frustration populaire
Quels que soient les objectifs du pouvoir dans sa lutte antisyndicale, son attitude vis-à-vis des travailleurs a des conséquences néfastes et durables sur la société à l’échelle nationale. D’abord, un sentiment généralisé de frustration fait place aux espoirs suscités par la lueur de la démocratisation de 1992. Le sentiment d’être privé des libertés les plus fondamentales n’a jamais été aussi fort au sein de la population et notamment parmi la jeunesse consciente des enjeux. La peur de la répression inhibe toute velléité d’organisation indépendante et surtout toute volonté d’en assurer le leadership.
b) Une fuite de « cerveaux »
Pire encore est l’effet de la stratégie gouvernementale qui consiste à « cloner » tous les groupements sociaux ou politiques authentiques échappant à son contrôle. Systématiquement, Le régime monte de toute pièce, des entités portant le même nom et inféodées à lui. Cette pratique a crée un climat social marqué par une méfiance frôlant la pathologie et rendant encore plus difficile la communication entre les acteurs sociaux, freinant par la même occasion, l’émergence de mouvements syndicaux ou associatifs dignes de ce nom. La décennie écoulée aura été marquée par le départ massif des jeunes cadres et de familles entières résolus à l’exil. Bien plus que la situation économique, c’est l’absence de libertés, la dégradation de l’enseignement public et de la protection sociale, la soumission flagrante du système judiciaire au pouvoir exécutif , l’impossibilité de créer des structures collectives de défense des droits, qui constituent les facteurs déterminants de cette désaffection, pour ne pas dire ce dégoût, des citoyens vis à vis de leur pays.
La haine du régime vis à vis des syndicats est corroborée par l’anecdote suivante: en 1996 un syndicaliste djiboutien en mission à l’étranger échappe à un crash d’avion au large des Comores. Par erreur il est arrêté et mis en détention par les autorités comoriennes qui le confondent avec un des terrorises responsables du détournement de l’avion. Les autorités de son pays n’ont pas entrepris la moindre action pour essayer de le disculper. Elles n’ont même pas voulu confirmer à leurs homologues des Comores les déclarations du prisonnier sur son identité et sa nationalité. Les publications faites ultérieurement dans le pays sur cette affaire ont révélé à la population le vrai visage de son gouvernement. Elles auront sans doute marqué l’opinion nationale.
Lors de la campagne électorale pour les législatives de 2003, Hachim Ladieh Adawe, dirigent syndical enseignant faisant partie des licenciés, a été trouvé mort dans le siège social du syndicat de l’hôtellerie. Aucune enquête n’a été diligentée par le pouvoir .
Contrairement aux années 80, on assiste à une véritable hémorragie des « cerveaux ». Les étudiants à l’étranger reviennent très rarement au pays. De toute évidence, l’économie nationale ne tire aucun avantage de cet état de fait. De plus, les travailleurs résidents sont soumis, depuis la paralysie des syndicats, à toutes les mesures gouvernementales aussi arbitraires qu’antisociales. D’où un découragement et une démotivation forcément préjudiciables à la qualité du travail fourni.
c) Un recul de la démocratie
Enfin dans le domaine politique, le contexte actuel se prête peu à l’évolution des mentalités vers l’instauration des valeurs démocratiques. Les réflexes clientélistes du pouvoir constitue une prime à la facilité, à la soumission, à la corruption des esprits et à l’épanouissement de ceux qui ont foi en la force comme seul facteur régulant les rapports humains.
III. La situation actuelle du syndicalisme djiboutien
a) De l’intransigeance gouvernementale
Depuis la grande purge de 1995/97, la situation syndicale, a très peu évoluée, la position officielle des syndicats est claire. Il est demandé au gouvernement :
– De réintégrer collectivement tous les dirigeants et militants licenciés pour leurs activités syndicales.
– De respecter les conventions 94 et 87 de l’OlT (régissant l’exercice de la liberté syndicale et les négociations collectives).
En conséquence, il n’est pas question pour les syndicalistes d’accepter un préalable à la réintégration consistant à abandonner leurs activités syndicales ultérieurement comme il a été exprimé ça et là par la partie gouvernementale.
Pour des raisons humanitaires, les personnes licenciées peuvent. négocier à titre individuel leur propre réintégration. C’est conformément à cette clause que certains syndicalistes ont retrouvé leur travail sans qu’aucune réparation ne leur soit accordée en guise d’indemnisation pour la période d’inactivité. La plupart des leaders demeurent tout de même encore aujourd’hui licenciés.
b) Une lutte clandestine
De ce fait, le combat syndical peut difficilement être mené de manière formelle et organisée. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine de l’éducation, considéré comme un secteur sensible. Le milieu enseignant est sous haute surveillance de la part d’un pouvoir redoutant une résurgence des mouvements passés. Il n’en demeure pas moins que les professeurs et les instituteurs réussissent à défendre le minimum, c’est à dire la régularité du salaire à coups de grèves sauvages consécutives à des concertations clandestines. Ils sont même parvenus, il y a quelque temps, à réduire d’un mois leur retard de salaire par rapport aux autres agents de l’Etat dépendant, comme eux, du ministère des finances.
Ces grèves sont efficaces. Elles déstabilisent le pouvoir désarmé par l’absence d’interlocuteurs officiels à soumettre aux pressions gouvernementales habituelles. Des ministres sont contraints de se déplacer dans les établissements du second degré pour demander aux professeurs de constituer un nouveau syndicat ou à défaut de désigner quelques personnes en guise de délégués. Ils se sont toujours heurtés à un refus catégorique des grévistes qui leur ont ouvertement signifié que leurs représentants sont licenciés et qu’ils n’en ont pas d’autres à sacrifier.
Les enseignants savent à leurs dépens et par expérience, que les crises sociales sont toujours gérées dans le pays, selon le même schéma. La dernière en date concerne des dockers du port privés de pension de retraite. Après avoir écrit, en vain, à toute la hiérarchie politique, ils entrent en conflit direct avec leur employeur. La police leur demande alors de choisir des délégués en vue des discuter avec les autorités du port. Ils en délèguent cinq d’entre eux à cet effet. Une fois identifiés, les délégués sont transférés au commissariat puis mis en détention en prison pour plusieurs jours et finalement déférés devant le tribunal qui les a condamnés à 6 mois de prison avec sursis pour trouble à l’ordre public. Il s’agit de Mohamed Ali Somboul, Ali Mohamed Gas, Moussa Hamad Mohamed, Sougneh Houssein Sougneh et Seiko Mohamed Walfo. Tous les cinq affirment avoir été torturés, en pleine prison, par la police durant leur détention. On voulait les obliger à signer un document stipulant qu’ils abandonnent leurs droits. Le dernier de la liste ci-dessus a hérité d’une luxation du coude gauche et Possède un certificat médical attestant de cette blessure. Ces évènements se déroulent en février 2004.
c) Un dialogue social complètement rompu
Cette réaction met en lumière le degré de méfiance des collègues vis-à-vis de leur gouvernement. Il existe une explication historique et objective à cette situation. Il faut la chercher dans les années où la direction syndicale était encore tolérée et pouvait discuter avec le pouvoir. Face à l’intransigeance et les menaces répétées des représentants gouvernementaux, les négociateurs syndicaux avaient pressenti la rupture prochaine. Ils n’ont pas manqué de mettre en garde le pouvoir contre l’adoption des mesures radicales, susceptibles de créer un vide syndical aux conséquences incalculables pour la paix sociale et la démocratie. La réponsse a été à chaque fois laconique, sans équivoque et d’un cynisme déconcertant: « le gouvernement a le moyen de se débarrasser des agitateurs locaux (les enseignants nationaux) et d’engager des étrangers prêts à les remplacer. » Naturellement, ces arguments ont été rapportés et discutés en assemblée générale syndicale et ont laissé des traces indélébiles sur la conscience des uns et des autres.
La confiance des enseignants en une quelconque bonne volonté gouvernementale est d’autant plus altérée que le régime a traduit en acte les menaces proférées à l’époque. Une fois leur syndicat décapité, impuissants face au rouleau compresseur gouvernemental, les enseignants nationaux s’exilent en masse en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, etc.. Ils sont effectivement remplacés par des coopérants provenant du Sénégal, de Madagascar, d’Egypte, de Tunisie, etc. Faut-il souligner que ceux-ci perçoivent un salaire régulier nettement supérieur aux rémunérations des leurs homologues locaux. L’avantage pour le pouvoir, c’est qu’ils ne peuvent pas se syndiquer ?
Le gouvernement espérait ainsi couper court à toute protestation, tout contre-pouvoir. Il n’en est rien aujourd’hui. Les grèves continuent même si les revendications sont réduites à leur plus simple expression: la survie des enseignants. Pour autant qu’elles soient efficaces, ces grèves peu médiatisées, peuvent traîner en longueur, altérant sérieusement le système éducatif. Une fois de plus, ce sont les plus faibles, en bout de chaîne qui en payent le prix fort. Il s’agit, bien entendu, des élèves.
d) Une répression permanente
Bien que les organisations syndicales les plus actives soient démantelées, la phobie antisyndicale du pouvoir reste intacte. Pour preuve, les dirigeants qui ont échappé à la purge des années 90 sont harcelés en permanence. Sans prétendre être exhaustive, voici quelques cas révélateurs de l’ambiance qui règne dans le pays. Sous le coup d’une mesure de congédiement avec une baisse substantielle de revenus, tous ces travailleurs harcelés sont employés dans le secteur gouvernemental. La chasse aux syndicalistes se prolonge même au-delà.
Le Syndicat du Personnel de l’Hôtellerie de la FFDJ (Force Française stationnée à Djibouti) a perdu 3 de ses membres, licenciés, dont Ali Abdallah Ahmed, le trésorier du SPH (FFDJ), les autres sont Mohamed Aden Nour et Doualeh Idriss Obsieh tous deux délégués syndicaux. Le motif de la diminution d’effectif est démenti par les nouvelles embauches. Le chef de personnel de ce service est connu pour être très proche du pouvoir.
e) Le « clonage » continue
A chaque rencontre internationale, le gouvernement accrédite et oppose aux organisations légitimes des syndicats maisons qui lui servent d’alibi. C’était encore le cas à la conférence annuelle de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) à Genève en juin 2003. Le scénario s’est répété à la 10ème réunion régionale africaine de l’OIT à Addis-Abeba du 2 au 5 décembre 2003. Profitant de la proximité du lieu de la rencontre avec le pays, l’UDT a envoyé une délégation qui s’est déplacée en train. Elle a dénoncé la mascarade gouvernementale à la conférence et a pu contrecarrer les syndicats officiels. Le rapport de la commission des vérifications des pouvoirs exprime ainsi la situation. « La commission demeure toutefois préoccupée par l’absence de tout progrès apparent et déplore profondément que des doutes subsistent encore une fois quant à la légitimité et l’indépendance des représentants accrédités à la Réunion régionale africaine »
Cette intrusion syndicale à la réunion a surpris et agacé le pouvoir. Les représailles ne se sont pas fait attendre: le siège social des centrales est saccagé, encore une fois, sans merci au vu et au su des policiers présent sur les lieux.
Au port, le Syndicat des Travailleurs du Port (STP), auparavant fonctionnel, a été noyauté par le pouvoir. Un de ses hauts responsables (Said Mahamoud), proche du Ministre de Travail, s’est rallié et a failli à la défense des revendications des travailleurs. Ce syndicat a éclaté face aux difficultés d’organiser des assises et les employés ont décidé d’en créer un nouveau (Syndicat du Personnel du Port: (SPP)) qui les représentent réellement. L’ancien dirigeant a alors été contraint de démissionner et le STP est en voie de se joindre au SPP. Il faut noter que cette situation est encourageante. Elle s’explique par le fait que ces travailleurs jouissent de marges de manœuvres exceptionnelles le port étant les poumons économiques du pays il est très sensible aux mouvements sociaux. Il est aussi sous la responsabilité d’un acteur étranger (port authority of Dubaï). Cette réussite syndicale reste donc marginale dans le pays. A suivre.
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Commentaire sur le rapport du bureau américain pour les Droits de l’Homme
Nous avions intégralement reproduit sur plusieurs numéros, le rapport du Département d’Etat américain brossant le tableau des droits de l’homme à Djibouti durant l’année 2003, et ceci sur la base de critères d’appréciation qui s’appliquent uniformément à chaque cas étudié. Après le texte officiel, voici quelques commentaires qu’il nous inspire.
En présentation de ce rapport, nous avions souligné la nécessité d’appréhender le réalités djiboutiennes autrement que sous l’angle obligé et censuré du discours officiel. S’agissant spécifiquement du chapitre des droits de l’homme, nous avions invité le lecteur à se référer aux documents publiés par des organismes indépendants. Il est bien évident, pour quiconque visite le site www.state.gov (la version originale, que nous n’avons que traduit en français, y est disponible ainsi que pour les années précédentes) que le Bureau pour la Démocratie, les Droits de l’Homme et le Travail (anciennement Bureau pour les Droits de l’Homme et des Affaires humanitaires) n’est pas à proprement parler indépendant puisqu’il travaille sous l’entière responsabilité du Département d’État américain. En l’espèce, indépendant signifie ici que l’appréciation sur la réalité d’un régime se proclamant démocratique n’est pas totalement subordonnée à des impératifs supérieurs et géostratégiques, ceux qu’implique par exemple une présence militaire, même temporaire. Donc, le rapport de ce Bureau, dont nous avons clos la publication la semaine dernière, est un document tout ce qu’il y a d’officiel.
D’ailleurs, la méthodologie de sa réalisation est précisée dans la préface du Rapport général du Département d’État sur les droits de l’homme dans le monde. On y apprend ainsi que ce sont les sections 116 (d) et 504 de la Loi sur l’Aide à l’Étranger (Foreign Assistance Act) qui font obligation au Département d’État de produire annuellement ces rapports. Loin d’être confidentiels, ces rapports établis sous la responsabilité du Département d’État (équivalent du ministère des Affaires Étrangères) sont ensuite communiqués au Congrès pour orienter la politique extérieure américaine. Car une loi oblige relations extérieures et politique commerciale américaines à étroitement tenir compte, dans leurs rapports internationaux, de la situation des droits de l’homme, ainsi que des protections réellement accordées aux travailleurs.
En principe, et sans entrer en contradiction avec d’autres principes, ces rapports servent lors de l’élaboration de la politique étrangère mises en œuvre par le Département d’Etat et de l’aide au développement mises en pratique par l’USAID. Ainsi, on voit bien combien le retour de cet organisme d’attribution de l’aide publique américaine au développement n’est nullement dû à une quelconque amélioration de la situation des droits de l’Homme en République de Djibouti. Seulement, il est bien évident que la lutte internationale contre le terrorisme est indissociablement une lutte pour la démocratie, qui passe par l’amélioration des conditions d’existence des citoyens de pays prenant part à ce nouveau défi planétaire. En clair, il est impensable de rechercher des terroristes avec le soutien de régimes despotiques, dont la mauvaise gouvernance maintient les peuple dans un intolérable état de sous-développement politique, économique et social, lui-même terreau des réseaux extrémistes.
La pertinence de ces rapports est officiellement définie ainsi : « Les droits de l’homme universels cherchent à incorporer le respect de la dignité humaine aux processus gouvernementaux et légaux. Tout peuple a le droit inaliénable de changer son gouvernement grâce à des moyens pacifiques et de jouir des libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, d’association, d’assemblée, de mouvement et de religion, sans faire l’objet de discrimination fondée sur la race, la religion, l’origine nationale ou le sexe. Le droit de devenir membre d’un syndicat indépendant de travailleurs est une condition indispensable d’une société et d’une économie libres. Les rapports évaluent donc les principaux droits des travailleurs reconnus au plan international, notamment le droit d’association, de se syndiquer et de négocier des conventions collectives».
Concrètement, ce sont les ambassades américaines qui transmettent à leur administration centrale les rapports annuels sur la situation des droits de l’homme dans chaque pays où il ont une représentation diplomatique. Pour se faire, les diplomates en poste suivent attentivement tout ce qui se passe et cherchent surtout à diversifier leurs sources d’information pour avoir la vision la plus complète qui soit.
Ainsi, lorsque tel rapport du Bureau pour la Démocratie, les Droits de l’Homme et le Travail estime, par exemple, qu’à Djibouti « La Justice n’est pas indépendante de l’Exécutif », que « La discrimination selon des critères d’affiliation ethnique ou clanique limitent le rôle des membres de groupes et clans minoritaires dans le gouvernement et la politique » ou encore qu’ « Une grande part des richesses nationales est concentrée entre les mains d’une petite élite. Les progrès gouvernementaux en matière des droits de l’homme restent limités et le pouvoir continue à commettre des violations dans ce domaine. Le pouvoir entrave les droits des citoyens à l’alternance. », seuls les dirigeants et leur cour médiatique oseront prétendre le contraire.
Mais le seul monopole illégal sur les médias publics dont tout point de vue indépendant est interdit (ne parlons même pas des partis d’opposition) est à lui seul révélateur du caractère despotique du régime djiboutien. Cela, peu de nos concitoyens l’ignorent.
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Gaza 2004 : un tournant infernal
L’assassinat de Cheik Yassin
Que le sionisme empoisonne les relations internationales depuis la seconde Guerre Mondiale, c’est un constat banal, surtout avec la fin de la guerre froide. Pourtant, pour avoir minimisé ce danger, les Etats-Unis ont payé un lourd et injuste tribut pour leur soutien inconditionnel à Israël : le terrorisme aveugle qui les frappe se justifie souvent du terrorisme israélien et, à ce sujet, il est tout autant révélateur que dramatique de voir les populations opprimées des Territoires Occupés fêter le 11 septembre. Même si, officiellement, ils s’en défendent par la voix d’un porte-parole, il est invraisemblable qu’Israël n’ait pas tenu les Etats-Unis au courant de l’assassinat perpétré lundi dernier contre un vieillard paraplégique cloué sur une chaise roulante : Cheik Yassin, leader charismatique du Hamas.
« Nous venons d’exécuter le Ben Laden de la région» affirmait martial le ministre de la Défense quelques heures après ce lâche attentat. Rappelons qu’il y a peu, c’était le Président de l’Autorité Palestinienne qui était affublé du même épithète (ce patronyme étant devenu un adjectif synonyme de danger public : wanted plutôt dead qu’ alive).
N’eût été la levée de boucliers sur le plan mondial, Sharon aurait certainement banni ou exécuté le Président Arafat. Davantage que la réprobation internationale, ce sont les arguments persuasifs de l’administration Bush qui ne souhaitait pas en pleine campagne irakienne, ouvrir un autre front dans la région, qui ont été décisifs pour dissuader l’Etat sioniste de recourir à de tels méthodes. Une autre campagne, électorale celle-là fait que, comme par hasard, au moins deux autres fronts se rouvrent concomitamment à la frontière pakistanaiso-afghane et au Proche-Orient. Ben Laden s’est attaque à ce qu’il a considère être le maillon faible des allies du sionisme : les Etats-Unis. L’Espagne. au prix d innocentes victimes, a également payé sa part du tribut pour sa participation à l’invasion de l’Irak. Il faut donc logiquement s’attendre à ce que les intérêts britanniques et italiens à travers le monde soient tôt ou tard et d’une manière ou d’une autre pris pour cibles ….
Le 22 mars a Gaza , à la sortie de la principale mosquée, après la prière du fajr, le cheikh Ahmed Yacin ainsi que six de ses compagnons sont foudroyés par trois roquettes lancées par un hélicoptère de combat ! En assassinant lâchement ce vieillard, l’Etat sioniste a déclenché une guerre qui prendra probablement la forme d’une vague mondiale d’attentats car, en le martyrisant ainsi , il fera de l’au-delà davantage de victimes que vivant.
D’autant que figurent sur la liste des personnalités éminentes et officielles de l’Autorité Palestinienne. Année après année, une portion de leur terre est colonisée par des immigrants venus des terres les plus éloignées Leur Etat, dont l’édification a été financée par le monde entier à hauteur de centaines de millions de dollars, est aujourd’hui anéanti. Israël avec l’aval, du moins l’indifférence du reste du monde, a parfaitement pesé et mûri sa décision d’assassiner le vieil homme handicapé. Il n’échappera à la lucidité d’aucun observateur sensé que la réaction d’un peuple qui a tout perdu risque d’être aveugle.
Ce faisant, l’Etat sioniste a sommé le reste du monde de clarifier sa position sur cet épineux dossier, car c’est désormais la Paix et la stabilité des Etats du monde entier qui sont menacés et en jeu. Notre position est claire : combattre et isoler ces groupes qui tuent des innocents avec pour objectif de bâtir une impossible Nation Islamique : oui !
Et le meilleur moyen d’y parvenir c’est une solution politique et équitable aux profondes injustices qui constituent leur terreau fertile sur toute la planète. Exproprier de leurs droits inaliénables le Peuple Palestinien ou Tchétchène, pour ne citer que ceux-là, au nom d’un concept fourre-tout : non !
Israël est né dans le sang : d’abord celui des millions de Juifs exterminés par la folie nazie, puis celui des dizaines de milliers de Palestiniens assassinés par les groupements terroristes sionistes, Haganah ou Irgoun. Israël continue, surtout depuis 2000, à se nourrir du sang des Palestiniens, rêvant d’un paradis artificiel entouré de barbelés électrifiés pour les séparer de ceux dont il a volé la terre.
Tant que le Likoud ne changera pas de politique ou tant que les Israéliens ne se débarrasseront pas du Likoud, il est malheureusement fort à craindre qu’Israël aura encore besoin de sang, des Palestiniens comme des siens : le terrorisme du pauvre qui se tue en tuant, c’est un excellent filon pour culpabiliser l’Occident.
Le terrorisme d’Etat, plus soft quant à lui (assassinat ciblé) peut alors déployer son bras criminel. En vain !
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