Réalité numéro 90 du mercredi 31 mars 2004 |
|||
|
|||
Sommaire
|
Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 90 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
|
---|
Éditorial
TERRORISME DU FAIBLE
CONTRE TERRORISME DU PUISSANT
Deux dates rappellent à quel point l’Histoire semble avancer à reculons au Proche-Orient :
26 mars 1979 – signature, sous l’égide du Président démocrate Jimmy Carter, des accords de Camp David entre Anouar el-Sadate d’Egypte et Menahem Begin d’Israel ;
25 mars 2004 – devant le Conseil de sécurité de l’Onu, les Etats-Unis d’Amérique opposent leur veto à un projet de résolution condamnant l’Etat d’Israël pour son assassinat du cheik Ahmed Yassine, dirigeant du mouvement Hamas, au prétexte que la condamnation du terrorisme du Hamas n’y serait pas assez explicite.
Non, pas définition, ce n’est pas l’Histoire qui va à reculons : c’est la capacité des acteurs de l’Histoire à régler des problèmes qui peut aller s’amenuisant. Ce qui semble malheureusement être le cas au Proche-Orient car, à la radicalisation des positions des deux protagonistes s’ajoute aujourd’hui un affaiblissement du rôle des Américains, de moins en moins neutres.
Israël en premier lieu : il a beau avoir commencé comme terroriste à la tête de l’Irgoun (groupuscule extrémiste qui tuait les Arabes de Palestine pour leur prendre leurs terres), Menahem Begin avait à coup sûr une stature d’homme d’Etat, capable de brusquer les siens en signant avec l’ennemi irréductible une paix que peu croyaient possible . Force est de constater que Sharon n’a d’envergure que corporelle. Surtout, il ne conçoit d’entité palestinienne qu’enfermée dans un vaste camp de concentration (quelle ironie !) délimité par un mur et des barbelés électrifiés. Avec lui, même empêtré dans un scandale de corruption, les mots du représentant palestinien à l’Onu prennent tout leur sens : « Israël n’est pas un pays passif, pacifique, sujet à des attentats venus de l’extérieur. Israël est en lui-même un groupe terroriste ». Toutefois, même s’il faut bien admettre que la meilleure opposition à ce terrorisme d’Etat, c’est une importante partie de l’opinion publique israélienne elle-même, force est d’admettre que, depuis le règlement de la question de Timor-Est, l’Etat sioniste demeure pratiquement la seule puissance coloniale de la planète, quoi qu’il s’agisse d’un colonialisme de proximité fondé sur une idéologie de l’excellence religieuse.
Le second acteur de ce drame n’est guère mieux loti : son courage politique n’a certes rien à envier à celui de Sadate, comme en témoigne son Prix Nobel venu récompenser une paix historique signée à Oslo, mais Arafat ne contrôle pratiquement plus rien sur le terrain de la violence terroriste. La violation de cet accord par Israël l’a en quelque sorte décrédibilisé aux yeux de son opinion publique loin d’oublier les multiples boucheries de Sharon. Le bon sens et la modération n’ont aucune prise sur les consciences quand l’injustice et l’humiliation dépassent les limites de l’humainement supportable. Dans ce contexte, la récente pétition de soixante-dix personnalités palestiniennes liées au Fatah et appelant à démilitariser l’Intifada, a peu de chances d’être entendue. Et, sous la direction de groupes radicaux tels que le Hamas, les Palestiniens s’enferment dans une spirale de la violence qui, du fait de la disproportion entre les ressources mobilisables par les deux belligérants (dont le traumatisme des corps déchiquetés d’innocents civils, colons mis à part), ne peut que profiter aux extrémistes du Likoud et des partis religieux.
Les Etats-Unis enfin : leur incapacité à efficacement faire pression sur Israël (la feuille de route semble n’être qu’un simple effet de manche) durant l’actuelle administration républicaine, se double aujourd’hui d’un enjeu électoral : la lutte contre un terrorisme si magnifiquement incarné par le Hamas est un atout que le candidat à sa propre succession compte bien faire fructifier. Et la France dans tout cela ? Et bien la France a voté en faveur de ce projet de résolution : Renaud de la Sablière, son représentant au Conseil de sécurité estimant que le texte condamnait aussi bien les exécutions extrajudiciaires perpétrées par Israël, que les attentats contre les civils israéliens perpétrés par le Hamas. Est-ce à dire que la France serait complaisante avec ceux qui tuent d’innocents civils ? Le problème pour les Etats-Unis, c’est que même l’Espagne, peu suspecte d’une telle mansuétude ces temps-ci, avait voté en faveur de ce projet de résolution. S’il n’y a ni règles de bonne conduite entre belligérants, ni arbitre neutre pouvant leur imposer un règlement honorable, c’est à désespérer de la diplomatie. C’est de ce désespoir que s’alimentent la plupart des extrémismes.
|
|
Brèves nationales
Docteur honoris causa:
En insécurité alimentaire ?
Le régime djiboutien est réputé pour fomenter de fausses solutions à de vrais problèmes. Ainsi, on apprend cette semaine que le Croissant-Rouge est en pleine cogitation intellectuelle depuis samedi dernier. L’objet de ce remue-méninges : trouver au niveau régional les voies et moyens de mettre les populations à l’abri d’une insécurité alimentaire, en en identifiant les causes pour mieux en trouver les remèdes.
Que les pays producteurs de denrées alimentaires se concertent pour épargner à leurs populations respectives le spectre d’une famine consécutive à une sécheresse imprévue, quoi de plus normal ? Mais, qu’en est-il pour Djibouti ? Quand on sait que le régime n’a rien tenté pour assurer la sécurité alimentaire de ses concitoyens, il est légitime de s’interroger sur le sérieux de la participation à cet atelier régional.
En effet, le projet du PK 12 avait au moins le mérite d’exister : en soi, le projet visant à réduire la dépendance alimentaire des Djiboutiens en assurant une production locale, était louable. Aujourd’hui, les Djiboutiens sont réputés être mieux gouvernés, par des leaders « extraordinaires » qui actualisent le vieux mythe du roi-philosophe ou du despote éclairé !
Ici, cela prend la forme d’un Président de la République savant, promu Docteur honoris causa pour son inestimable contribution planétaire au développement agropastoral. Malheureusement pour lui, son régime n’a nullement contribué à étendre la superficie cultivée en République de Djibouti, donc à augmenter la production agricole nationale.
Ainsi, ceux qui seraient prioritairement concernés par cet atelier, ce seraient les semi-nomades pour lesquels sécheresse signifie réduction des pâturages et tarissement des points d’eau, donc baisse du cheptel à vendre en ville pour s’acheter d’autres denrées de base : riz, sucre, thé, farine, etc.
Quand un régime n’entame aucune action pour réduire un tant soit peu la dépendance de ses concitoyens à l’égard du khat importé à 100%, et quand la seule contribution du Chef de l’Etat docteur honoris causa en développement agropastoral consiste à implanter du khat et du café au Day, le Croissant-Rouge djiboutien devrait avoir la pudeur de ne pas prétendre à de telles hauteurs, réservées à ceux qui se préoccupent réellement des leurs et qui ne détournent aucune aide alimentaire.
Manifestation des femmes devant la Présidence :
Nagad centre de promotion de la femme ?
Dimanche dernier, plusieurs dizaines d’épouses de policiers démobilisés et handicapés ont bruyamment manifesté aux abords de la Présidence pour exiger l’amélioration de leurs conditions de vie. Rappelons que ces démobilisés handicapés ont servi de chair à canon pour le pouvoir dans les années 90.
Ironie de l’histoire les paisibles manifestantes ont été brutalement dispersées et certaines d’entre elles ont été arrêtées et transférées au centre de détention de Nagad, relevant… de la FNP. A l’heure où le ministère chargé de la Promotion de la Femme organise, sur financement américain, des ateliers sur « les droits des femmes et la bonne gouvernance », il est tout de même regrettable que le droit de nos concitoyennes à pacifiquement manifester les conduise si souvent aux sinistres geôles de Nagad. Avec ce régime de tous les abus, le droit des femmes se limite aux you-you : c’est peut-être une question de majuscule.
Des cheiks en prison :
Qui a peur des marabouts ?
Le 15 mars dernier, le cheik Abdokarim Ismael Abdo avait adressé au Chef de l’Etat, au nom de la confrérie Mohamédienne, une lettre ouverte manuscrite de sept pages, lui demandant , entre autres, d’intervenir pour que cessent les persécutions à l’encontre de la confrérie Mohamédienne dirigée par le cheik Artaoui. Des copies de cette lettre ont également été envoyées au Premier ministre, aux ministres et à tous les partis politiques.
La réaction du pouvoir ne s’est pas fait attendre : les deux ulémas cheik Abdokarim et cheik Artaoui furent arrêtés et écroués à Gabode.
Sans nous immiscer dans des querelles religieuses et mystiques, nous considérons que cette riposte disproportionnée traduit en réalité une frilosité excessive d’un pouvoir aux abois et en quête de bouc émissaire. En quoi ces hommes de religion menacent-ils la stabilité intérieure ? Ou est-ce tout simplement un blasphème que d’écrire une telle lettre ouverte au Chef de l’Etat.
Aux lecteurs d’en juger, à travers le petit extrait suivant: « Réaménagez votre planning dans la mesure du possible en consacrant du temps libre au Peuple dans le but de « lui » faciliter son accès à vous et « le » recevoir dans ses plaintes, ses réclamations les jours fériés. A vous d’en juger selon vos convenances… le « Peuple » à priori ne se résume pas à votre « basse-cour » mais à « l’étendue de la masse populaire ».
Que représente un « président » qui ne se soucie guère du Peuple qui l’a « élu » ? Qui n’est pas à son écoute ? Impossible pour la population d’entrer en liaison directe avec vous car vous ne lui accordez aucune entrevue, aucune audience privée par manque de contact pour vous soumettre ses doléances, si ce n’est par l’entremise des journaux édités par l’opposition du pays.
En ce qui concerne les correspondances postaux, elles demeurent lettres mortes, sans suite de votre part.
D’autant que l’on ne peut vous faire parvenir à votre bureau aucun courrier non-officiel, face aux remparts d’hommes en armes et aux politicards véreux dont vous vous êtes entouré. Injoignable, inaccessible ! Comme un prisonnier enfermé dans une forteresse !
Du moment que vous n’êtes pas « là » pour Nous, de quel peuple, de quel Etat, de quel Pays dirigez-vous la destinée ?»
Pour notre part, nous osons demander une mesure de clémence pour les deux marabouts injustement incarcérés à Gabode. Une telle lettre ouverte mérite-t-elle vraiment emprisonnement de ses auteurs ? Ce serait de la superstition.
Ali-Sabieh :
La Jeunesse Assajog persiste et signe
Suite à la parution du n°8 de la « Tribune d’Ali-Sabieh », organe de presse de la Ligue de la Jeunesse Assajog et l’officialisation du divorce de cette dernière d’avec le pouvoir, trois membres de cette association s’étaient désolidarisés de cette démarche en condamnant leur Président dans les colonnes du journal gouvernemental « La Nation » daté du 22 mars 2004. Les trois signataires prétendaient même dans leur communiqué : « Nous affirmons que la rédaction et la publication de ce numéro n’ont été que l’initiative personnelle de Monsieur Abdoulkader Abdillahi Miguil, dont nous ignorons les motivations et les mains qui s’y trouvent derrière.
De ce fait, nous condamnons fermement la publication de ce numéro 8 et sa mise en vente. Conformément aux statuts et au règlement intérieur de la Ligue de la Jeunesse Assajog, il est demandé aux membres des différentes commissions de se réunir d’urgence le lundi 22 mars à 15 h 30 au siège central, afin de se prononcer sur la révocation pure et simple de ce Monsieur, auteur de cette bavure inadmissible ».
En réaction à ce communiqué certainement suscité par le régime, le Président légitime de la LJA, M. Abdoulkader Abdillahi Miguil, a convoqué une assemblée générale des adhérents à Ali-Sabieh pour le 26 mars 2004. Au cours de cette réunion, tenue en présence d’un huissier de justice, les membres de la LJA ont, à l’unanimité, renouvelé leur confiance à leur Président.
Dans la foulée, ils ont même procédé à l’exclusion des trois membres signataires du communiqué défaitiste paru dans « La Nation » du 22 mars 2004, comme en témoigne le procès verbal de séance établi par cet huissier.
NECROLOGIE
NOUS AVONS APPRIS AVEC TRISTESSE LE DECES SURVENU A DJIBOUTI LUNDI 29 MARS 2004, DE CHEIK OMAR MOHAMED ARBA. L’HOMME QUI VIENT DE DISPARAITRE A LA SUITE D’UNE COURTE MALADIE A L’AGE DE 55 ANS, ETAIT CONNU ET APPRECIE DE TOUS LES DJIBOUTIENS. APRES SES ETUDES THEOLOGIQUES AU CAIRE, CHEIK OMAR MOHAMED ARBA FUT NOMME ADJOINT AU CADI , PUIS CADI GENERAL DE LA CHARIA DE DJIBOUTI, AVANT DE FINALEMENT DEVENIR CONSEILLER TECHNIQUE DU MINISTRE DE LA JUSTICE.
L’ARD ET LA REDACTION DE REALITE ADRESSENT LEURS SINCERES CONDOLEANCES A LA FAMILLE DE CHEIK OMAR MOHAMED ARBA. QU’ALLAH L’ACCUEILLE EN SON PARADIS ETERNEL.AMIN
INNA LILLAH WA INNA ILAYHI RAAJI’UUN.
|
Rapport de la LDDH sur le syndicalisme (2)
SOCIAL
Voici la seconde et dernière partie du Rapport présenté par la Ligue Djiboutienne des Droits humains au Congrès de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, qui s’est tenu du 1er au 6 mars 2004 à Quito, en Equateur. Les recommandations pertinentes de cette organisation non gouvernementale nationale, à laquelle le ministère de la Justice, chargé des Droits de l’Homme nie paradoxalement toute réalité, sont annexées en fin de ce rapport.
IV. Analyse et perspectives
Une question légitime et récurrente est: « Pourquoi l’idée d’un syndicalisme indépendant est-elle aussi insupportable pour le pouvoir djiboutien ? »
La réponse à cette question est forcément complexe. Elle tient tout autant de la structure institutionnelle du pays, des pratiques traditionnelles dans l’exercice du pouvoir mais aussi un peu du contexte mondial.
a) De l’omnipotence présidentielle
Le président de la république est à la fois :
– Chef du gouvernement
– Chef suprême des armées
– Chef du conseil supérieur de la magistrature.
Bien que la Constitution confère des attributions substantielles à l’Assemblée Nationale celle-ci est loin de remplir son rôle. Elle est, et a toujours été, une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif. L’ensemble de ses membres appartient à la même mouvance présidentielle. Ils doivent, tous, leur place au chef de l’Etat, qui a de manière directe ou détournée, influencé leur sélection pour la candidature à des élections dont l’issue a toujours été connue d’avance. Sans ironie aucune, la population parle de députés « nommés » et non pas « d’élus ».
L’opinion nationale est habituée au fait que les décisions gouvernementales, aussi aberrantes soient-elles, ont été entérinées par l’assemblée nationale quand celle-ci n’est pas purement et simplement ignorée. La cession de la gestion du port et de l’aéroport de Djibouti à un opérateur privé est éloquente. Le transfert s’est effectué dans l’opacité la plus totale sans qu’aucun texte législatif ne soit voté. Il en est de même pour la vente du Sheraton Hôtel pourtant construit avec les fonds des travailleurs puisés dans la caisse de solidarité
A l’échelle du citoyen, la centralisation du pouvoir est matérialisée par le fait que l’embauche d’un agent de l’administration centrale, aussi subalterne soit-il, est subordonnée à la signature d’une décision présidentielle. Jusqu’à un an auparavant , les magistrats étaient des fonctionnaires sans protection particulière et n’ont certainement pas oublié qu’une simple note ministérielle a suffit pour licencier un de leur collègue (le juge Zakaria Abdillahi, aujourd’hui exilé en France) et démettre 2 autres de leur fonction. Beaucoup d’entre eux ont alors choisi de voguer allègrement dans le sens du courant. C’est-à-dire la soumission et la corruption.
Parmi les nombreuses décisions de justice pour le moins surprenantes on peut citer la condamnation à 3 mois de prison fermes et une amende avoisinant 54.000 euros. Elle a été prononcée à l’encontre de Daher Ahmed, journaliste et opposant politique accusé de délit de presse en diffamation à l’égard d’un général de l’Armée djiboutienne, à propos d’une affaire de mineurs.
La toute puissance présidentielle est parachevée par un large réseau d’agents d’information, attaché directement à la présidence et géré par le SDS ( Service de la Documentation et de la Sécurité), agence dépourvue de tout statut juridique.
La volonté d’un être aussi puissant est donc forcément déterminante dans l’orientation politique et sociale d’un pays. Or, après avoir tenté bien de médiations »et appelé au dialogue direct, nous sommes résolus, par dépit, à l’idée que le chef de l’Etat abhorre les syndicats. Ce sentiment semble alors diffuser en cascade au sein des différentes strates de la hiérarchie étatique. Ce blocage de la situation syndicale est sans doute une conséquence directe de cette réalité.
b) De l’usage du pouvoir
La vie politique à Djibouti est bâtie autour d’un communautarisme tribale lui servant de pilier central. La répartition des postes ministériels, des sièges des députés et même des fonctions de la haute administration, est régie par des considérations tribales, selon des proportions quasi immuables depuis l’indépendance.
C’est une alchimie politique que l’ancien président de la république, Hassan Gouled, n’a pas hésité à qualifier (sans rire) sur les ondes internationales « de sciences mathématiques de haut niveau ». Les personnes investies des différents pouvoirs le sont au nom de leurs tribus respectives qu’ils sont sensés représenter . Dans le fait, le choix de ces personnes s’effectue sur l’allégeance, la fidélité envers le vrai détenteur du pouvoir ainsi qu’à leur capacité à jouer le rôle de « rabatteur » au sein de leur communauté.
Elles ne jouissent donc, d’aucune légitimité en tant que représentantes communautaires. Elles usent de tous les moyens pour soumettre à leur volonté ces membres dont elles sont censées défendre les intérêts, tout en se servant de leur statut à leur bénéfice strictement personnel.
c) Du danger d’un syndicalisme naissant
Le mouvement syndical, dans sa globalité, échappe complètement à cette logique. Les travailleurs regroupés par secteur d’activité s’attachent davantage à la défense de leurs intérêts matériels et moraux sur des bases vérifiables et non sur des considérations affectives.
Corporatiste et démocratique, le syndicalisme secoue un édifice politique quasi trentenaire. Il véhicule des idéaux jugés trop avant-gardistes et perçu comme un véritable danger et un défi aux dirigeants politiques. Il est un obstacle à une gestion mafieuse du pays basée sur :
– Le gangstérisme économique à travers la confiscation du patrimoine nationale et le racket des entreprises privées ;
– Le verrouillage politique de toutes les instances
– Par l’appauvrissement de la masse rendue, à dessein, vulnérable et corruptible.
Un syndicalisme libre, indépendant et opérant est forcement un organe de dénonciation et de protestation. Il constitue un contre-pouvoir embarrassant et même peut être une alternative sociale aux pratiques moyenâgeuses d’une politique désuète.
A nos yeux, la lutte antisyndicale sévissant en république de Djibouti ne relève en rien d’un phénomène épidermique et passager. Elle dure depuis presque 10 ans. Au contraire elle est mûrement réfléchie et s’inscrit dans un processus, plus large, de conservation du pouvoir. C’est à cause des valeurs qu’il véhicule que le syndicalisme est combattu avec autant de vigueur et de détermination. Il est un obstacle à la politique de l’aliénation pure et simple du citoyen et de la citoyenneté dans ce pays.
d) Les effets du contexte mondial
Le gouvernement djiboutien continue à braver le monde et à se moquer des engagements pris même au devant des organismes aussi respectables que l’OlT. C’est ainsi que le 8 juillet 2002 un accord triparti est signé entre un représentant du gouvernement M. Djibril Omar Houffaneh (directeur du travail et des relations avec les partenaires sociaux), un représentant de l’OlT (M. Ndaye Momar) et 3 (trois)représentants syndicaux.. Cet accord stipule que le gouvernement accepte de réintégrer collectivement les syndicalistes licenciés. A ce jour, aucune mesure en ce sens n a été entreprise.
Il est possible que dans les pays développés la société civile soit empêtrée dans la lutte contre les effets sociaux négatifs de la mondialisation. Cette course effrénée imposée par les milieux économiques à ces pays et à leurs gouvernements occulte les manquements aux droits humains fondamentaux en général et à plus fortes raisons sous les dictatures des pays du tiers monde. Cette baisse de vigilance de l’opinion internationale profite au gouvernement qui peut continuer ses pratiques liberticides sans craindre la pression étrangère.
Pourtant Djibouti est un tout petit pays très dépendant de l’aide étrangère. Cependant sa position géographique lui confère un avantage stratégique très convoité. Plusieurs pays occidentaux sont présents militairement sur le sol djiboutien. Il semble que malheureusement ces pays soient peu regardant sur les pratiques politiques d’un régime qu’ils financent sans se soucier de l’usage des fonds alloués. De toute évidence Djibouti ne fera pas l’économie d’un bouleversement social et politique. Il y va de son avenir et peut-être même de son existence.
Or il est peu probable que la gouvernance locale d’elle-même s’améliore sans les pressions conjuguées des citoyens et des puissances étrangères. Le rôle des pays donateurs est capital car l’aide au développement peut nuire, précisément, à ce développement. Tout dépend de l’usage qu’en fait le pouvoir en place. Dans les conditions actuelles d’octroi à Djibouti, cette aide sert surtout à la promotion de la corruption, au culte de la personnalité, à l’incitation à la facilité, à la banalisation de la mendicité. Bref nous sommes bien loin des objectifs si généreusement visés par les uns et si hypocritement affichés par les autres.
RECOMMANDATIONS
La Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) demande aux membres de la FIDH de condamner le Gouvernement de la République de Djibouti pour :
– ses violations constantes des Conventions internationales, notamment celles de l’OIT ;
– son refus répété d’appliquer les différents accords signés avec le BIT, entre autres celui de procéder à la réintégration professionnelle, avec tous les droits pertinents, de tous les syndicalistes sanctionnés durant et pour leurs activités et leurs actions syndicales.
|
D’Abidjan à Djibouti
GUERRES CIVILES, ACCORDS DE PAIX ET FOURBERIES POLITICIENNES
Dans deux éditions différentes, nous avions relevé les similitudes des crises politiques que traversent la Côte d’Ivoire et notre pays. Si, en Afrique, ces deux pays n’ont pas le monopole des maux récurrents et endémiques sur notre continent que sont la corruption, les fraudes électorales, le népotisme et la prétention pathologique à régner et à perdurer par la force, pour ne citer que ces maux-là ils se singularisent par la violation unilatérale et la non-application systématique par les pouvoirs en place d’Accords de paix ayant mis fin à de sanglantes guerres civiles.
Le tragique rebondissement de la crise politique qu’a connu le 26 mars au matin, la Capitale ivoirienne, devrait inspirer les dirigeants djiboutiens sur les risques réels que fait courir à notre pays la non-application des Accords de paix. Suite aux Accords de Marcoussis, l’opposition armée ivoirienne accepte de participer au gouvernement. L’attentisme et les incessantes volte-face du Président ivoirien avaient mis en péril la fragile paix péniblement acquise, provoquant la suspension de la participation au gouvernement des « Forces Nouvelles » qui n’ont toujours pas désarmé leurs troupes. D’efficaces pressions internationales (ONU, UA, France,…) avaient fini par les convaincre de revenir sur leur décision.
Afin d’accélérer le processus de paix, tous les partis politiques de l’opposition ivoirienne ont appelé leurs militants et sympathisants à manifester de façon unitaire le 26 mars 2004 dans les rues de la Capitale, entendant ainsi faire la démonstration que l’ensemble de la population ivoirienne souhaite l’application immédiate et intégrale des Accords de Marcoussis pour sortir de la crise politique et mettre la Côte d’Ivoire sur les rails de la réconciliation et du développement. Côté pouvoir, on s’accroche.
Simone Gbagbo, épouse de qui de droit et présidente du groupe FPI à l’Assemblée Nationale, ainsi que Charles Blé-Goudé, chef de file des Jeunes Patriotes, mobilisent leurs troupes fanatisées. Sous leur pression, Laurent Gbagbo interdit la manifestation, violant ainsi un droit garanti par la Constitution, et prend bien soin d’en interdire également la couverture à tous les journalistes indépendants, nationaux comme étrangers.
Cette dernière interdiction et la suite des événements accréditent la thèse vraisemblable d’un massacre prémédité, programmé ! A huis-clos. Refusant de se laisser intimider et sûrs de leur bon droit, les partis de l’opposition politique ivoirienne maintiennent leur mot d’ordre de manifestation pacifique.
Des dizaines de milliers d’Abidjanais bravent alors l’interdiction et convergent vers le lieu du rassemblement. Les forces de police, qui en ont manifestement reçu l’ordre, dispersent alors la foule compacte, tirant à balles réelles sur des manifestants à mains nues. La manifestation ainsi dispersée, c’est l’engrenage infernal. Des escadrons de la mort entrent en action, procèdent à des rafles sélectivement massives, puis à des exécutions sommaires et religieusement ciblées (depuis le silence complice ou gêné dont bénéficie Israël, c’est devenu une mode politiquement presque correcte). Bilan officiel : une quarantaine de morts, dix fois plus selon l’opposition et Amnesty International, 300 au bas mot selon des sources étrangères bien informées. Résultat : les positions se radicalisent, toute l’opposition suspend sa participation au gouvernement et a appelle pour le 29 mars à une grande manifestation nationale (aussitôt interdite par le régime), déterminée à marcher et obliger Gbagbo (époux) à la démission ou l’application immédiate des Accords de Marcoussis, internationalement salués.
Encore traumatisés par les violences policières, les militants de l’opposition ont ignoré cet appel à manifester. Arrogant, Gbagbo claironne : « le départ de Jean-Bertrand Aristide donne des idées à certains Ivoiriens, ils oublient simplement que la Côte d’Ivoiren’est pas Haiti et que le Président Gbagbo n’est pas Jean-Bertrand Aristide. » et accuse les ex-rebelles d’être à l’origine des troubles parce qu’ils refusent de désarmer. Depuis quand une pacifique manifestation constitue-t-elle un trouble à l’ordre public ? Au vu du sort réservé à des manifestants aux mains nues, les réticences des Forces Nouvelles à désarmer sont parfaitement compréhensibles.
A la veille du 10ème anniversaire du génocide au Rwanda, les troupes françaises déployées dans le cadre du dispositif « Licorne » restent calfeutrées dans leurs casernements, considérant ces exactions ciblées comme des opérations de maintien de l’ordre.
Par la voix de son porte-parole, le Quai d’Orsay s’est quant à lui courageusement contenté de « déplorer les violences qui ont secoué Abidjan », affirmant « sa profonde inquiétude quant à l’évolution du processus de paix »…Espérons que l’indifférence française ne « donnera pas des idées » à d’autres parvenus par la force et la fraude.
A Djibouti, force est de constater que tous les ingrédients d’un tel scénario sont d’ores et déjà réunis, la fraude électorale massive en supplément , et dans la perspective des élections régionales : un climat social explosif comme l’attestent les grèves à répétition (Education Nationale, épouses FNP ou autres revendications corporatistes) et la récente insubordination d’une Armée Nationale lassée des traitements de faveurs antirépublicains, impasse politique consécutive à la non-application de l’essentiel des accords de paix.
Une fronde généralisée ; une Garde Présidentielle choyée et suréquipée qui jure en public et sur le Coran sa fidélité au grand chef ; une opposition déterminée à ne pas s’en laisser conter et demandant l’application immédiate et intégrale de l’Accord de paix du 12 mai 2001 tel que convenu d’accords parties… en plus d’un climat d’insécurité préoccupant.
Nous l’avions dit et le répétons encore, tant à l’attention du gouvernement que de nos partenaires au développement, témoins dudit Accord, qu’il n’y a pas trois solutions pour sortir de l’actuelle impasse : soit et c’est notre souhait, l’Accord du 12 mai 2001 est immédiatement et intégralement appliqué tel quel et tout le monde en sortira gagnant et grandi ; soit l’une des parties imposera sa solution par la force, avec les incalculables conséquences que n’assumeront que les fourbes et les fraudeurs.
Quand on connaît la détermination de l’opposition et qu’on garde en mémoire l’indélicate façon dont la Garde Présidentielle a dispersé une pacifique manifestation d’handicapés de guerre… le pire est à craindre.
Qu’à Allah ne plaise !
|
Mise au point d’Ismaël Guedi Hared
Dans son édition n° 105 en date du 20 mars 2004, « Le Progrès », organe de presse du RPP, a publié les propos d’un anonyme (comme toujours), se présentant sous les initiales O.T, qui tente de semer le trouble dans les esprits des Djiboutiens. En effet, dans un encadré intitulé « Qui rédigeait le bulletin du PMP ? », il donne une version erronée de l’Histoire anticoloniale. Je tiens donc à apporter ici les précisions suivantes, afin de dissiper tout malentendu.
Je confirme ce que j’ai écrit il y a près de six mois dans le 67ème numéro de Réalité, le sérieux hebdomadaire de l’Alliance Républicaine pour le Développement, au grand dam de tous ceux qui ont toujours été dérangés par la vérité ! Ma mise au point d’octobre 2003 ne faisait que rétablir la vérité que feignaient d’ignorer les courtisans du RPP, spécialistes de la falsification, non seulement à des fins de propagande, mais aussi pour nuire aux honnêtes patriotes en les éclaboussant de mensonges.
J’ai suivi les graves événements du 26 août 1966 depuis Paris. Il est vrai que l’administration coloniale, prise au dépourvu car toujours sûre d’elle-même et allergique au mot indépendance, a fait abondamment couler le sang des manifestants dont le seul tort était de simplement aspirer à la Liberté. Le Général de Gaulle, de retour de Phnom Penh, paraissant lui-même affecté par l’ampleur des manifestants a annoncé, dans sa conférence de presse tenue à Paris, l’organisation d’un référendum en Côte Française des Somalis. C’est à partir de cette conférence que nous avons décidé, le regretté Ibrahim Harbi Farah, Aden Robleh Awaleh et moi-même, d’interrompre nos études et de regagner notre pays, où la situation politique devenait jour après jour plus explosive.
Nous avons débarqué à Djibouti au mois de décembre 1966. la répression, les exactions et les séquelles de la journée du 26 août étaient quasi permanentes. Sans perdre de temps, j’ai commencé à activement participer à la rédaction du bulletin du PMP (Parti du Mouvement Populaire), avant de rapidement devenir le principal rédacteur de cet organe de presse indépendantiste. Révolté par la violence dont l’administration coloniale a fait preuve dans la répression, mon objectif était de dénoncer les emprisonnements, les exactions et les tortures qui étaient monnaie courante.
J’ai bien écrit après mon retour de Paris : je n’ai jamais prétendu avoir de tout temps été rédacteur du bulletin du PMP. Mon travail a donc continué jusqu’à la fin du mois de mars 1967, date à laquelle l’administration coloniale a décidé d’ interdire purement et simplement le Parti du Mouvement Populaire. Ce fut, certes, une courte période, mais une période délicate, difficile, voire même très dangereuse car l’administration coloniale veillait au grain. Les arrestations et les interventions de toutes sortes sur les nationalistes étaient de plus en plus cruelles.
Voilà la réalité, voilà la vérité qui doit être lue par tous les Djiboutiens, sans prêter attention ni accorder crédit aux bruits et aux écrits tendancieux émanant des éléments RPP en service commandé d’intoxication et de diffamation.
Au cas où ma présente mise au point ne les convaincrait pas totalement, je tiens à la disposition de ces diffamateurs une lettre de la main d’un des plus illustres combattants pour l’Indépendance, un de ces héros de la lutte pour la libération de notre pays : Monsieur Moussa Ahmed Idriss, Président du Parti du Mouvement Populaire à l’époque. Il confirme de façon claire et précise mon rôle et ma contribution durant cette période cruciale.
Ne pas oublier les victimes de la répression, c’est bien. Mais il ne faut pas oublier non plus qu’il y a d’autres victimes, actuelles : celles de la dictature et des fraudes massives.
Où sont les héros tels que Moussa Ahmed Idriss et Ahmed Dini Ahmed, qui furent au premier rang de la lutte pour la libération nationale et aujourd’hui privés de leur victoire respective par les fraudes massives, lors de la présidentielle de 1999 et des législatives de 2003 ?
Je tiens à rappeler que les enfants des victimes, ceux des anciens combattants sont eux-aussi à leur tour victimes de la dictature en place, du déficit démocratique, du non-respect des Droits de l’Homme. Bref, ils sont victimes de la mauvaise gouvernance qui les enferme dans la misère, le chômage, la faim et l’ignorance.
|
Terrorisme : Djibouti fait peur
Deux événements, à peu près concomitants, sont venus brutalement rappeler qu’en matière de terrorisme et de lutte antiterroriste, la position de Djibouti, ou à tout le moins de son actuel régime, mérite d’être clarifiée pour prétendre à une quelconque crédibilité sur la scène internationale, comme pour notre opinion publique. N’insistons même pas sur le fait que pratiquement aucun acte terroriste perpétré à Djibouti depuis 1977 n’a été élucidé (si l’on ne prend pas en compte celui de l’Historil en 1987, dont l’auteur a pourtant bénéficié d’une grâce présidentielle, inexplicable au regard de la mémoire de ses victimes). Les conditions, peu glorieuses pour le régime djiboutien, dans lesquelles la visite du Président allemand à ses troupes stationnées en République de Djibouti a été annulée, ainsi que l’arrestation d’un paisible citoyen djiboutien accusé de s’être pratiquement dénoncé par anticipation frimeuse, ou illuminée (normal dira-t-on, pour un islamiste) donnent une dimension pour le moins spectaculaire à une autre affaire : celle du juge Borrel, récemment relancée par la levée du secret-défense.
« Djibouti exprime son étonnement » : ainsi s’exprimaient à l’unisson le journal gouvernemental « La Nation » et le ministère djiboutien des Affaires Etrangères, à propos de l’annulation in extremis et sans concertation préalable, de la visite que le Président de la République Fédérale d’Allemagne devait effectuer à Djibouti mercredi dernier. Effectivement, seuls quelques déphasés ignorent que « Djibouti, en tant que pays membre actif de la coalition internationale de lutte antiterroriste offre aux forces engagées dans l’opération « Liberté Immuable » depuis janvier 2002, des bases d’appui logistiques sûres et un environnement serein où les préoccupations sécuritaires éventuelles sont endiguées par l’excellent travail de coordination des services de sécurité ».
En clair, les risques de menace ne « peuvent être pris au sérieux ». Mais alors, pourquoi un paisible citoyen djiboutien vient-il de faire l’objet d’une arrestation par la Police, puis d’une mise sous dépôt à Gabode, au prétexte qu’il aurait menacé les forces allemandes stationnées à Djibouti et qu’il comptait attenter à la vie de leur Président ? Etonnons-nous alors : ajoutés aux plus récents attentats commis ces dernières semaines sur la voie ferrée djibouto-éthiopienne, alors que le dispositif sécuritaire a été sensiblement renforcé en moyens humains, techniques et financiers avec l’opération « Liberté Immuable », l’annulation de la visite que le Président allemand devait effectuer à Djibouti et le rebondissement dans l’affaire Borrel, où le secret-défense vient d’être levé sur une partie des dossiers, montrent bien que la confiance placée dans le régime djiboutien s’effrite aussi rapidement que son usurpation était colossale.
M. Ahmed Aden Omar n’est pas tout à fait inconnu des Djiboutiens, et pour cause : c’est un tranquille père de famille, que le régime n’a pourtant pas hésité à durement réprimer, uniquement du fait de sa modeste proximité avec l’opposition pacifique, dans les années 90. C’est un ancien officier de l’Armée Nationale Djiboutienne, travaillant à l’époque au service comptabilité. Mal en point depuis et psychologiquement déstabilisé par la perte de son emploi, il vivait paisiblement parmi les siens et survivait grâce à la solidarité familiale.
Jusqu’au jour où les agents de la Brigade Criminelle viennent l’arrêter à son domicile : c’était jeudi 29 mars 2004 aux alentours de 21 heures. Motif officiel fourni aux siens médusés : il aurait été aperçu à plusieurs reprises aux alentours de deux hôtels où sont logés les militaires Allemands et il comptait assassiner leur Président, M. Johannes Rau. Où a-t-on vu un terroriste aller s’exhiber aussi imprudemment devant ses futures victimes ? Est-il crédible que les forces allemandes stationnées à Djibouti aient pu le laisser repartir, sans remarquer que leurs faits et gestes sont surveillés par un prétendu terroriste ? Condamnant par ce silence les autorités djiboutiennes à l’ignorance de ce danger imminent et au ridicule d’un communiqué aussi déphasé que discourtois ?
Est-il plausible que les forces internationales engagées dans la lutte antiterroriste n’aient pas daigné fournir aux services djiboutiens une information aussi importante ? Toutes questions auxquelles réponses devront être rapidement fournies, en tout cas légitimes car la mésaventure de M. Ahmed Aden Omar n’est pas sans réveiller les traumatismes causés par la répression, à caractère tribal, consécutive à l’attentat du Café de Paris en septembre 1990 : le meurtrier du petit Olivier court toujours, alors que des centaines d’innocents citoyens djiboutiens ont été arrêtés et sauvagement torturés. Ce n’est peut-être pas un hasard si les milieux djiboutiens proches du pouvoir accusent M. Ahmed Aden Omar d’être un agent patenté des services secrets… français !
Tout cela, comme par hasard, au moment où rebondit de manière spectaculaire l’affaire Borrel, à travers une procédure à elle seule lourde de sens et de conséquence : la levée du secret-défense qui empêchait jusqu’à présent la partie civile d’avoir accès à certaines informations importantes et officielles de ce dossier. Il est inutile, prématuré et prétentieux de vouloir se prononcer sur le fond de cette affaire, c’est pourquoi nous n’avons jamais outrepassé cette règle cardinale : plus que la personne, et pour déshonorante que soit l’accusation, unique au monde contre un Chef d’Etat en fonction, il est de notre devoir de rappeler que la présomption d’innocence doit prévaloir.
Cela étant, que la procédure du secret-défense ait été imposée aux douze documents en rapport avec la mort du juge français, implique qu’étaient menacés les intérêts soit de la France, soit de Djibouti, soit des deux Etats : la thèse du suicide est donc ipso facto contredite. Il est grandement temps que toute la lumière soit faite sur cette malheureuse affaire, pour la veuve et les enfants, comme pour la France et Djibouti. En attendant, un citoyen djiboutien croupit dans les geôles de Gabode : dans les circonstances actuelles, et vu que le poids de certaines factions islamistes dans les environs de Mogadiscio, dont Djibouti sponsorise le régime, il est impossible de ne pas relier les deux dossiers. Il serait dangereux que le régime ravive des blessures pour se disculper.
|
* * *