Tribute to DINI
Par M.A.A. porte-parole de l’A.R.D.
Djibouti, le 12 septembre 2013
« Un croyant ne se laisse pas tromper deux fois de la même façon ». hadith authentifié du prophète de l’islam, rapporté par Boukhari et Moslem
Le 12 septembre 2004, la nation perdait l’un de ses plus illustres fils, et un des pères de son Indépendance. Il n’est pas question ici d’hagiographie. Là où il est, il n’en a pas besoin et ce n’est pas nôtre rôle. Mais à l’heure où son pays traverse sans lui une zone de turbulences, il nous semble utile de brièvement rappeler, pour nous en inspirer, une trajectoire politique à nulle autre pareille. Sous la colonisation comme après l’Indépendance, l’homme n’a que très brièvement exercé le pouvoir. Il s’est par contre brillamment distingué et en bien, de ses pairs, par une inlassable lutte jusqu’à son dernier souffle pour les droits de ses compatriotes : droits syndicaux d’abord, puis politiques pour une autonomie interne et enfin pour l’Indépendance. Président de l’assemblée nationale en 1977, il ne se doute pas un instant, quand du haut de son perchoir il proclame l’Indépendance et la naissance de la République de Djibouti, que l’exercice du pouvoir le séparera à jamais de son vieux compagnon de lutte et père comme lui de nôtre indépendance : Hassan Goules Aptidon. En décembre 1977, à peine six mois après sa nomination, il démissionne de son poste de premier ministre pour protester contre les dérives du nouveau pouvoir. Avec quelques compagnons il crée le Parti Populaire Djiboutien (P.P.D.) pour entamer une lutte pour la Démocratie, le Multipartisme, la Liberté d’expression, l’Egalité et la Justice. Las ! En 1981, une Loi de Mobilisation Générale décrète que seul, le R.P.P. crée à Dikhil deux ans plus tôt en mars 1979, est légalement habilité à représenter les Djiboutiens. Jeté en prison avec ses compagnons, il est libéré quelques temps plus tard. S’ensuit une longue traversée du désert durant laquelle ni lui ni ses compagnons n’ont jugé utile de créer un front armé et prendre le maquis pour conquérir le pouvoir. En bon croyant il s’en remet à Dieu. Le seul qui donne et reprend le pouvoir à qui il veut comme l’indique explicitement le verset 25 du saint Coran dans la sourate Al Imraan. C’est donc un paisible citoyen et artisan (il crée une lapiderie et taille des géodes dans son atelier), qui est contraint, comme tous les habitants de la ville d’Obock, de quitter sa résidence et ses biens fin novembre 1991. Depuis son exil yéménite, il est nommé mandataire plénipotentiaire par le Frud et prend son bâton de pèlerin et entre en résistance comme on entre en religion, pour plaider dans les instances internationales la cause de la rébellion. Laquelle, empêtrée dans des querelles de chefaillons, le désigne et l’élit très vite et à l’unanimité à la présidence du Front. Près d’une décennie après il rentre avec tous les honneurs dans la capitale fin mars 2000 puis procède au mémorable « Bûcher de la Paix » en juin 2001.
Il a fallu pour y parvenir, quatre commissions bipartites qui ont planché durant treize mois sur les causes du conflit, le soin de ses conséquences et les remèdes à mettre en œuvre pour prévenir son renouvellement. Travaux conclus en grandes pompes le 12 mai 2001 par un Accord de Paix Définitive baptisé de « Réformes et de Concorde Civile ». Adopté tel quel par le conseil des ministres, cet Accord a été dès le surlendemain, violé et dénaturé par une irresponsable Assemblée Nationale et pour l’essentiel inappliqué par les gouvernements qui se sont succédé. Comme prévu par l’Accord, il prend à témoins la communauté internationale qui avait unanimement salué l’Accord, mais surtout le peuple Djiboutien en le conviant à arbitrer le différend lors des Législatives 2003. Lequel a massivement répondu présent en votant à l’écrasante majorité en faveur de la coalition de l’opposition dénommée U.A.D.Il a fallu qu’il use de tout le poids de son charisme et de sa sagesse pour éviter au pays de sombrer dans le chaos d’ une contestation anarchique et violente en invitant l’électorat et les dirigeants de l’UAD à faire preuve de patience et user de toutes les voies de recours légales pour faire aboutir cette légitime contestation après la scandaleuse spoliation dont elle a été victime.
Il s’est éteint en paix le 12 septembre 2001 sans voir les fruits de ses efforts mais avec la conviction du croyant qu’elle aboutira tôt ou tard ! A ce grand homme, partisans et disciples comme détracteurs reconnaissent une qualité plutôt rare dans la faune politique Djiboutienne accoutumée aux impudents retournements de veste, à une transhumance résignée ou la tentation de la violence politique : une foi inébranlable et une combativité à toutes épreuves !
C’est peu de dire qu’il manque à une opposition et à un peuple dont il serait certainement fier aujourd’hui au regard de la constance, de la détermination et de la maturité dont ils font preuve dans leur combat.
Ce bref rappel d’une trajectoire politique exceptionnelle et ces quelques lignes d’un hommage dont il n’a pas besoin sont surtout pour nous l’occasion de clarifier nôtre position.
Après dix années de boycott parfaitement justifié et après avoir épuisé toutes les voies de recours légales de contestation et inlassablement, légalement et pacifiquement affaibli une dictature dont il ne subsiste plus aujourd’hui que l’apparat du pouvoir : boycotts fructueux en 2005, 2006 et 2008, un 18 février épique qui a ébranlé les assises du pouvoir et qui a conduit à une défaite reconnue aux Régionales de 2012 en achevant de discréditer le pouvoir, il nous fallait porter uni, un coup de boutoir légal au règne malfaisant de trois décennies du R.P.P. et ses affidés. Ce que l’U.S.N., et nous en détenons les preuves, a fait dans les règles de l’exercice. En appelant sans candeur nos concitoyens aux urnes malgré la spoliation de 2003, nous avons bien pris soin de préciser que nôtre démarche visait à offrir à nôtre peuple et à la Légalité une ultime occasion de s’exprimer.
A l’heure où, pris à son propre piège et en flagrant délit de fraudes et contraint par une double pression nationale et internationale, le pouvoir cherche une porte de sortie à une impasse dont il est le seul responsable , nous tenons à réaffirmer haut et fort que l’A.R.D. rejette catégoriquement les résultats officiels proclamés par le Conseil Constitutionnel sans instruction de nôtre requête en annulation et sans publication des résultats par bureau de vote comme l’exige la Loi, comme cela a toujours été le cas lors de toutes les précédentes consultations et comme ne cessent à juste titre de le réclamer l’Union Européenne ainsi que les Etats-Unis.
Connaissant parfaitement ses méthodes et manœuvres et convaincus que cette main tendue du pouvoir n’était qu’une entourloupe de plus, mais soucieux de laisser au pouvoir discrédité une porte de sortie honorable, nous avons accepté l’offre de dialogue.
La déclaration du porte-parole du gouvernement ce mardi 10 septembre annonçant en mentant effrontément, que la délégation de l’U.S.N. a accepté le principe de siéger à l’assemblée en contrepartie de la libération des prisonniers politiques , nous oblige à sortir de nôtre réserve (et non d’une posture attentiste comme le distillaient avec malveillance certains milieux officieux pour semer le doute et la suspicion dans les rangs de l’opposition), pour lancer un mot d’ordre, une sommation et une mise en garde.
–Mot d’ordre de Mobilisation générale au grand peuple de nôtre petit pays le conviant à se tenir prêt à une gigantesque démonstration de force dans les jours à venir en un lieu et à une date qui lui seront incessamment communiqués…pour pacifiquement déposer l’imposture !
-Sommation à l’imposture de libérer sans conditions et sans délais les prisonniers politiques dont la liste lui a été fourni par la délégation de l’USN, à ne pas faire usage du monopole de la violence légitime contre de pacifiques manifestants exerçant un droit garanti par la constitution.
-Une mise en garde enfin à la communauté internationale ainsi qu’aux pays amis et forces internationales présentes sur nôtre sol, que dorénavant tout silence de leur part sera interprété par nôtre peuple comme un soutien à l’imposture.
M.A.A.