Réalité numéro 130 du mercredi 16 mars 2005 |
|||
|
|||
Sommaire
|
Directeur de Publication : ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 130 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
|
Éditorial
IL FAUT ETRE FOU
POUR PARLER TOUT SEUL
Le peuple du Palais au Palais du Peuple : ainsi pourrait-on résumer le grand show auquel la haute administration djiboutienne a été convoquée par le candidat unique dimanche dernier. Devant quelques centaines de participants, pour la plupart des S.T.O réquisitionnés, son état-major de campagne a tenté de maladroitement défendre un bilan, condensé dans un livre-bilan, forcément et globalement positif, du sixtennat de l’imposture. De l’avis de nombreux participants, la plaidoirie de ces deux piètres avocats fut un flop. Mais que dit au juste ce livre-blanc de couleur verte, imprimé sur papier glacé, d’une centaine de pages, agrémenté de quelques photos et tableaux ? Que la République de Djibouti, après quelques années difficiles, est sur le chemin du développement, grâce au docteur honoris causette ! Le contraire aurait étonné, même si depuis 2000, le niveau de vie de nos concitoyens s’est tellement dégradé que la pauvreté extrême touchait 42% de la population en 2002.
La convocation de ces hauts fonctionnaires doit être rapprochée d’un travers du système, que nous avons dénoncé : la confidentialité des listes électorales. En effet, le seul examen des résultats par bureau de vote suffit à démontrer la nette progression de l’opposition dans cette catégorie socioprofessionnelle. Tout étant ici fiché par le SDS, il est facile d’imaginer la pression, que n’hésite pas à exercer à l’encontre des velléités de changement, un régime dans lequel même le recrutement d’une femme de ménage ou d’un gardien requiert la signature du chef du gouvernement.
Par ailleurs, l’événement se tenait dans la foulée d’une prestation télévisée au cours de laquelle il prétendait que l’opposition ne cherchait qu’à les remplacer, lui et elle. Lui : certainement ! Elle, l’administration dans son ensemble, n’étant que la victime de sa prédation. La présentation ex cathedra du bilan présidentiel, sous la forme d’un livre dont le principal attrait est d’ordre esthétique, renoue avec la vieille tradition du Roi-Savant.
Toutefois, cette posture protectrice, qui rappelle celle du seigneur féodal face à ses féaux, trahit à elle seule la véritable nature du régime. Le candidat est unique parce qu’il s’agit d’un système de parti unique médiatisé par la pensée unique. D’ailleurs, cette publicité rappelle celle d’une célèbre marque de chaussures bon marché : « il faut être fou pour dépenser plus ! ». Car, il y a au moins un domaine dans lequel ce régime fonctionne à l’économie : c’est celui du débat d’idées. Quand les idées sont aussi limitées que creuses, pourquoi les confronter publiquement à celles des autres ? Et quand le système n’a besoin que d’un seul candidat pour tourner dans le vide, pourquoi créer les conditions de transparence rendant possible une pluralité de candidatures, donc une avancée de la démocratie ?
C’est contre cette pathologie du monopole que l’UAD s’est désormais immunisée, par son boycott actif. Car, si l’opposition a peur d’une chose, c’est bien du vide et de l’errance que la fraude institutionnalisée tente d’imposer à nos concitoyens. Parce que la démocratie ne peut pas exister sans le Peuple dont elle est censée incarner la volonté librement exprimée.
Un jour, selon une fable locale, un poisson prétentieux se serait fâché contre la mer et l’aurait quittée en guise de défi. Il se rendit compte, mais un peu tard, que le sable doré de la plage n’irriguait pas ses branchies, pas plus qu’il ne lui fournissait de plancton. Rapporté au contexte local, il conviendrait plutôt de parler de cachalot tant ce régime, qui n’a que trop duré, s’est outrageusement engraissé aux dépens du Peuple.
Que le candidat solitaire devenu naturellement candidat soliloque trouve normal de n’entendre que l’écho de sa litanie montre bien que la situation est anormale : parler tout seul est le propre du fou. S’y complaire en politique relève du despotisme le plus rétrograde : qui cherche à imposer l’immobilisme et la permanence est toujours emporté par ce qu’il croyait avoir étouffé. Bien avant La Baule, Mitterrand l’avait énoncé à Caucun : « Aucun ordre, aussi répressif qu’il soit, ne peut résister au soulèvement de la vie. » L’omniprésence médiatique du candidat qui parle seul n’est donc qu’une vaine gesticulation.
Brèves nationales
Bilan du mandat présidentiel :
Livre blanc ou livre vert solitaire ?
La Palais du Peuple ne désemplit pas ces jours-ci. Ainsi, dimanche dernier, le candidat solitaire a convoqué toute la haute administration et la société civile embrigadée pour le lancement de son livre-bilan, consacré à l’éloge de son mandat présidentiel qu’il espère naïvement être le premier d’une longue série.
Ce qui nous choque, c’est qu’un chapitre entier soit consacré à la paix et à la réconciliation nationale. Ainsi, on peut lire dans ces quelques pages vides de sens et pleines de suffisance que: « le Président de la République a su trouver les mots justes pour obtenir un cessez-le-feu fin 2000. » Bizarre lorsque l’on se souvient que l’accord de réforme et de concorde civile a été signé dix mois plut tôt en février 2000 à Paris. Et de continuer en prétendant qu’il « reste à confirmer cette victoire par la réparation rapide des dommages de la guerre, la participation effective de tous à la vie publique et la réinsertion effective des anciens combattants. »
On remarquera que, contrairement à ce qui est écrit dans les successifs agendas présidentiels de la République de Djibouti depuis quelques années, ce document reconnaît que le conflit civil qui a déchiré notre pays a duré toute une décennie. La réalité est donc tardivement reconnue.
Trop tard pour assurer la reconduction d’un violeur patenté de tous les accords de paix et principal saboteur de la réconciliation nationale.
Cette tardive invocation de l’accord de paix du 12 mai 2001, violation que nous n’avons cessé de dénoncer, n’est pas sans rappeler un épisode relaté dans le Saint Coran dans la Sourate Yuunus Versets 90 et 91. Submergé par les flots alors qu’ils poursuivait les Hébreux avec ses troupes, Pharaon aurait finalement reconnu la suprématie du Dieu vénéré par ses anciens esclaves.
Ce à quoi Allah lui a répondu : « Maintenant ? Alors qu’auparavant tu as désobéi et que tu as été du nombre des corrupteurs. » Il est trop tard pour que le candidat solitaire reconnaisse la nécessité d’appliquer l’accord de paix du 12 mai 2001 : qu’est-ce qui l’en a empêché jusqu’à présent ? Ce n’est pas pour quelques strapontins dans son gouvernement impopulaire que nous avons combattu. Notre Peuple attend un véritable changement profitable à tous, et surtout inscrit dans la durée, au service du développement et de la réconciliation nationale.
*
Soliloque du solitaire :
Quand l’orgueil vide son trop-plein
Invité de l’émission « Gros Plan » la semaine dernière, le candidat solitaire connu pour sa suffisance, s’est montré vraiment insuffisant et même passablement vide. C’est un homme blessé, meurtri et déstabilisé qui s’est prêté au jeu des questions-réponses pourtant largement préparé en avance. Passons sur le style redondant et faussement intellectuel qui a amplement démontré qu’un honoris causa n’est pas nécessairement docteur de quoi que ce soit, si ce n’est peut-être, comme le disait un ancien, de « foukrologie ».
Arrêtons-nous sur un débatteur bafouillant et usant des le, la, heu, ha, en un mot complètement à côté de la plaque : on se serait crû au cours de solfège d’un professeur bègue. La sérénité était plus affichée que réelle. Le langage du corps ne plaidait pas pour lui. Outre son regard vide, son discours complètement hors sujet et son inspiration brisée servie par une voix dont l’intonation furieuse rappelait celle d’un vaincu, ont fini d’achever son mythe.
Citons copieusement quelques-unes des perles ayant émaillé son pathétique soliloque :
« Je respecte la Constitution, je respecte les lois, c’est pour cela que je me présente devant le peuple. Je suis candidat seul ou avec d’autres. Je n’ai pas le droit de me dérober, de refuser le combat. J’aborde ce mandat avec sérénité. L’opposition a peur de perdre. Elle le sait bien. Le peuple est satisfait de moi. Je suis candidat avec le soutien total de mon peuple. Voter est un droit et un devoir. C’est un crime de priver le peuple du droit de vote. L’opposition cherche à mettre de côté le gouvernement et l’administration pour les remplacer.»
Plaidoirie ou délire d’un imposteur laissé seul face à son despotisme. Si le Peuple était satisfait de lui, il n’aurait pas mené campagne sous haute surveillance dans des casernes, au Palais du Peuple ou au siège de l’UNFD. Qu’il ose donc se présenter devant ce Peuple sur le terrain, à cheval ou à pied comme bon lui semble, dans les quartiers, sans imposer sa pléthorique garde rapprochée composée de centaines d’hommes lourdement armés et équipés de véhicules blindés et d’automitrailleuses.
Oui, l’opposition a peur, mais pas d’un verdict libre et transparent. Elle a peur des fraudes généralisée et non du frileux candidat coupé de la réalité. Le boycott est effectivement la seule arme qui nous reste et si crime il y a, c’est un crime de lèse-majesté pour démystifier l’imposture de quelqu’un qui se prend pour le Roi-Soleil.
Que le candidat unique accepte nos conditions pour la transparence et nous sommes prêts à lui administrer une raclée électorale historique.
Qu’il fasse la preuve que son budget de campagne ne provient pas des deniers publics détournés, qu’il fasse la preuve que la Justice restera impartiale, que le Conseil constitutionnel est véritablement indépendant et que la CENI est constituée de membres au-dessus de tout soupçon.
Le véritable peureux est celui qui refuse la transparence.
*
Convoi humanitaire pour badauds itinérants :
L’autre façon de faire la politique
Vendredi dernier, le tout nouveau parti politique dénommé Union des Partisans pour la Réforme (UPR) célèbre pour son slogan « l’autre façon de faire la politique », était dans la Ville-Blanche. Il s’agissait officiellement, pour ces admirateurs du candidat solitaire et dissidents du FRUD, d’organiser la cérémonie d’inauguration d’une annexe à Tadjourah. Comble de malheur ou de présomption pour lui, cet événement coïncidait avec le meeting de l’ARD, que cette nouvelle formation devait contrecarrer selon les vœux du régime. Pour ce faire, ce nouveau club de dissidents du FRUD avait convoyé sur place des badauds réquisitionnés depuis la Capitale à bord de minibus, et de la brousse à bord d’une Toyota pick-up.
Libre à nos lecteurs d’imaginer dans quelle mesure la marée humaine se dirigeant vers l’annexe de l’ARD a submergé cette rachitique démonstration en faveur du candidat solitaire sur des bases inavouables. La cérémonie s’est déroulée en présence de quelques invités venus de la Capitale et de badauds: un auditoire ne dépassant pas la cinquantaine, qui a tôt fait de massivement grossir les rangs de la foule massée devant notre annexe.
Le problème n’est pas là. Le drame qui s’est joué ce jour-là pour les badauds itinérants, c’est que la défaite fut telle que la Direction de l’UPR a quitté Tadjourah si précipitamment dans l’après-midi qu’elle en oublia d’organiser leur retour, qui dans la Capitale, qui en brousse. C’est ainsi que, selon des informations recueillies sur place, ce serait le Commissaire de ce district qui aurait, à titre humanitaire bien sûr, assuré la logistique pour permettre à ses déracinés d’un jour de regagner leur domicile.
Quand on plane si haut en politique, il est somme toute normal de ne pas penser à certaines contingences matérielles. Les badauds mobiles sauront retenir la leçon : après la figuration, plus rien n’est assuré. Pas plus que pour les troupes artistiques qui attendent des mois avant d’être payées pour leur prestation d’un jour.
*
Campagne présidentielle à la Place du 27 juin :
Le District ferme certains commerces
La Place du 27 juin abrite quelques populaires restaurants particulièrement fréquentés, surtout en cette période électorale. Depuis l’officialisation du boycott actif de l’UAD, les citoyens affluent dans ce genre d’établissements pour s’informer et échanger des points de vue.
Cette mobilisation trop visible ne semble pas du goût des autorités qui ont, par une décision en date du 13 mars 2005, décidé de fermer deux d’entre eux, situés entre le Café de Paris et l’Office du Tourisme. La mesure, signée par le Commissaire chef du District de Djibouti, est libellée comme suit :
« Pour des questions de sécurité publique, j’ai l’honneur de vous faire connaître que votre établissement fait l’objet d’une fermeture administrative pour compter du 15 mars au 15 avril 2005. Durant cette période, vous êtes tenus de rester fermer et à respecter scrupuleusement la présente décision. Faute de quoi, la décision de fermeture infligée à l’encontre de votre établissement sera étalée sur une période d’une année voir aboutir à une fermeture définitive.»
Qu’un régime soit obligé de restreindre la liberté de commerce et les libertés individuelles en période électorale suffit à montrer que la comédie a peur. Que ces restrictions frappent sélectivement certains n’en est que plus révélateur.
*
Djibouti cimetière des banques :
la BCI prochaine victime ?
L’environnement politique djiboutien semble avoir un effet néfaste sur le développement du secteur bancaire. Car, contrairement à la propagande officielle, la liberté d’entreprendre se heurte aux injonctions du népotisme et aux peaux de banane de la corruption généralisée. Ce sont ainsi pas moins de sept banques qui ont ici été obligées de fermer, pour diverses raisons tenant souvent à leurs raisons d’être : Banque Éthiopienne, Banque Somalienne, British Bank, BDMO, BCCI, Gulf Trust Bank et Al Baraka.
Parce que l’État djiboutien détient 33% de son capital, on pensait que la BCI-MR serait à l’abri des caprices gouvernementaux. Surtout que, dans les moments difficiles, cette institution financière n’avait pas hésité à venir au secours du régime, en payant par exemple les traitements des fonctionnaires et agents de l’État, que mauvaise gouvernance et effort de guerre condamnaient à des fins de mois difficiles.
Rien n’y fait. La BCI-MR est depuis quelque temps dans la ligne de mire des autorités djiboutiennes. Après les attaques aussi ciblées qu’incitées d’une prétendue association de consommateurs, l’origine des tirs sont aujourd’hui clairement identifiées. Son Directeur général en est la première victime, qui vient de perdre son poste et le plaisir de vivre à Djibouti.
Motif ? Il se murmure dans les milieux informés que le régime voulait ouvrir un compte bancaire pour financer la campagne électorale. Évidemment sans indiquer l’origine des fonds colossaux mobilisés. Selon toute vraisemblance, il s’agissait de deniers publics détournés de toute nécessité publique. Malheureusement, depuis un certain 11 septembre, une telle traçabilité est devenue obligatoire, pour lutter contre le terrorisme international et l’argent sale qui le finance. Le siège parisien aurait opposé un refus ferme et définitif à cette opacité locale. Sanction immédiate. En attendant que d’autres têtes tombent ? Et qu’à terme, la BCI-MR ferme ?
*
L’opposition s’active à l’extérieur :
La diaspora se mobilise pour le boycott
Le représentant de l’ARD en France a rendu une visite aux Djiboutiennes et aux Djiboutiens dans les villes de Poitiers, Lyon et Bruxelles du 1er au 10 mars 2005. Un dialogue constructif avec les Djiboutiens rencontrés a pu s’établir après un échange vif sur les attentes nombreuses placées dans l’opposition nationale et singulièrement dans la représentation de l’opposition en France. L’occasion permit de célébrer la naissance de l’ARD-Poitiers, et la visite éclair à Lyon permit de nouer les premiers contacts avec des Djiboutiens également décidés à ancrer dans l’espace lyonnais la lutte pour la démocratie djiboutienne.
La rencontre du mercredi 9 mars à Bruxelles a été l’occasion de manifester aux côtés des militants du Mouvement pour le Renouveau et la Démocratie (MRD)-Comité de Belgique, du Forum pour la Démocratie et la Paix (FDP), et du FRUD, pour dire non à la mascarade électorale et au viol de l’État de droit. La foule de manifestants étirée le long du Boulevard Régent était déployée face aux ambassades française et étasunienne de 14 h à 17 h.
Reçus trois quatre d’heure dans l’ambassade de France en Belgique, nous avons délivré un message clair sur l’utilisation néfaste de l’aide accordée à Djibouti et remis un mémorandum paraphé de l’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD), sur la situation qui y prévaut.
Enfin, Djiboutiens de France et de Belgique ont accueilli avec enthousiasme la « Pétition nationale pour boycotter la mascarade électorale du 8 avril 2005 à Djibouti », parrainée par des célébrités dont l’artiste Mohamed Habib Boko dit Père Robert et l’écrivain Abdourahman A. Waberi.
Appeler les Djiboutiens à boycotter la mascarade d’avril, c’est souvent enfoncer une porte ouverte. Car depuis belle lurette déjà, nos compatriotes ignorent superbement le cirque que le dictateur organise pour s’auto-légitimer.
Le mémorandum remis par l’UAD à l’Union Européenne est reproduit aux pages 6 et 7 de ce numéro de « Réalité ».
L’ARD en tournée dans le Nord
Un ARDent boycott de l’imposture
Poursuivant sa tournée d’explication et de mobilisation, une importante délégation de notre parti, conduite par le Président Ahmed Youssouf, s’est rendue le week-end dernier à Tadjourah et Obock. Lassée de l’imposture du candidat solitaire, spécialiste de promesses non tenues, la population de ces deux districts a manifesté son soutien total au boycott actif de l’UAD. Récit de deux jours qui ébranlèrent un régime qui touche à sa fin.
Après celui de Dikhil, c’était au tout des districts de Tadjourah et d’Obock d’accueillir la délégation de l’ARD et tournée d’explication et de conscientisation face à la démarche prônée par l’ensemble de l’UAD dans le cadre de la prochaine présidentielle qui ne devra pas avoir lieu.
Tadjourah :
L’apothéose dans la rue
« Vous avez certainement remarqué à l’entrée de notre ville le grand portrait d’Ismaël Omar, peint par un artiste d’ici. Mais savez-vous pourquoi ce tableau géant n’a pas été détruit malgré tout l’écœurement que le chef de l’État nous inspire? Premièrement, c’est pour montrer que nous aimons les Arts, même si certains artistes sont pour le moment strictement alimentaires. Deuxièmement, c’est pour démontrer notre tolérance et notre attachement à la démocratie. Troisièmement, c’est surtout pour laisser intacte la preuve que si Ismaël Omar adore à ce point le culte de sa personnalité, c’est parce qu’il est un dictateur inguérissable. »
Le jeune de Tadjourah qui tient ces propos est un chômeur, militant actif de l’ARD, venu accueillir à l’entrée de sa ville la délégation de l’ARD arrivée vendredi matin aux alentours de 9 heures 30. Chaleureusement ovationnée par une foule très nombreuse massée devant notre siège central, la délégation de l’ARD escortée par des militants à dos de chameau, est montée sur le podium sous les vivats. Ils étaient plusieurs milliers, hommes, femmes, jeunes et vieux, à scander à tue-tête « UAD 100% ! A bas l’UMP ! » D’autres criaient également : « Non au candidat solitaire ! Vive le boycott actif ! »
De leur côté, les jeunes filles entonnaient un chant militant dédié à l’opposition et traduisant le ras le bol populaire contre le régime du candidat unique.
C’est donc dans une ambiance de fête et de grande ferveur citoyenne que le meeting a débuté peu avant 10 heures. Tadjourah étant un bastion confirmé de l’opposition, les différents orateurs de l’ARD qui se sont succédé au micro ont tous rappelé l’éclatante victoire de l’UAD lors des dernières législatives dans ce district et le hold-up électoral du 10 janvier 2003. La population de la Ville-Blanche n’a toujours pas digéré cette amère spoliation et a tenu à le manifester massivement en acclamant le mot d’ordre de boycott actif lancé par l’UAD contre cette mascarade.
D’ailleurs, les murs de cette ville étaient couverts de graffitis rappelant le hold-up du 10 janvier 2003, la violation de l’accord de paix du 12 mai 2001 et l’absence de transparence électorale pour la prochaine présidentielle, appelant par conséquent au boycott actif. les jeunes ont été particulièrement sensibles aux arguments de l’ARD en ce qui concerne le chômage que ce régime leur propose en guise d’avenir, lui qui a décrété que, désormais, il n’y aurait plus d’emploi pour les plus de 30 ans!
Les agents de la Police politique présents sur les lieux ne cachaient ni leur nervosité ni leur déception face à la démonstration de force de l’opposition. Nervosité car leurs gesticulations ne font plus peur à personne et déception d’avoir à reconnaître la déroute du candidat solitaire dans cette ville emblématique.
La nouveauté, c’est que certains anciens admirateurs locaux du despote nous ont spontanément félicités après le meeting, suivi d’une grande parade de la jeunesse dans les artères de Tadjourah.
En effet, pour la première fois, cette jeunesse survoltée et déterminée a tenu à manifester son soutien total à l’UAD en traversant la ville au pas de charge, sur plusieurs centaines de mètres, entraînant et escortant le cortège des véhicules de l’ARD.
Du jamais vu, de mémoire de Tadjourien, on n’avait pas assisté à une telle démonstration depuis les heures glorieuses de la lutte pour l’Indépendance. Il a fallu que les dirigeants de l’ARD demandent expressément à ces centaines de jeunes de se disperser pour que la manifestation prenne fin peu avant midi.
Après la grande prière du vendredi, la Direction de l’ARD a été invitée à partager un copieux déjeuner avec les Sages de cette ville. Festin organisé par Fato Omar, figure féminine emblématique de l’ARD à Tadjourah. Cette militante dévouée et influente donne tout son sens à ce que doit être le véritable engagement politique de la femme djiboutienne libre et intègre : tout sauf alimentaire.
Dans l’après-midi, la délégation de l’ARD a fait cap sur Obock, deuxième étape de sa tournée, où elle est arrivée au crépuscule après deux heures passées sur la méchante piste reliant Tadjourah à cette ville, que le candidat solitaire a refusé de bitumer alors qu’un financement avait été obtenu dès 2001.
Obock :
Haro sur les fraudeurs !
Notre délégation est donc arrivée à Obock vendredi soir vers 18h 30. Elle y a été accueillie devant la résidence du Commissaire chef du district par une centaine de jeunes garçons et filles qui chantaient et dansaient en l’honneur de notre parti. Dans la soirée, la Direction de l’ARD s’est réunie à l’annexe situé au centre-ville avec une cinquantaine de militants de cette ville.
Samedi matin, ce centre-ville était en effervescence. La principale artère de la ville, où trône le tableau de notre parti, était noire de monde. Dès 8 heures du matin, nos militants munis de mégaphones appelaient la population de cette ville martyr à se rassembler devant le siège de l’ARD.
Le meeting a débuté vers 9h 30 dans une ambiance électrique. Deux heures durant, plusieurs orateurs ont harangué une population lassée des fraudes, de la violation de l’accord de paix et de l’absence de toute réhabilitation. Les dirigeants de l’ARD ont particulièrement insisté sur le mépris officiel à l’endroit de cette ville et de sa population, caractérisé par la construction et l’attribution injuste de quelques dizaines de logements cages à poule.
Alors que le candidat solitaire vit dans une résidence ayant coûté plus cher que les 240 habitations devant être construites à Obock sur financement européen. Résidence de Haramous estimé à 500 millions de nos francs, soit 2 millions d’euros, soit enfin 10 ans du budget de chaque région !
En expliquant par le détail les raisons du boycott actif de l’UAD, l’ARD a lancé une fatwa politique contre les hauts fonctionnaires zélés et corrompus, qui abrutissent la population par des distributions de khat financé sur deniers publics, tout en cherchant à la diviser sur des bases claniques.
Des centaines d’Obockois survoltés ont alors publiquement crié : « A ceux-là, nous leur ferons la peau ! A bas le RPP ! A bas les fraudeurs ! ».
Obock attend fermement le mot d’ordre définitif de l’opposition pour passer pacifiquement à l’action. Ce sera pour très bientôt.
Sur le chemin de retour, après avoir quitté Obock peu avant midi, la Direction de l’ARD a fait une courte halte au petit village d’Orobor.
Orobor :
Non à l’amnésie !
Situé à une vingtaine de kilomètres d’Obock, sur la piste menant à Médého, ce village est abandonné depuis l’indépendance : la fermeture de son école dès 1977 avait sonné le glas de son développement.
Dès sa prise de pouvoir, l’actuel chef de l’État avait été saisi au sujet des civils froidement assassinés par les troupes gouvernementales. Ni lui ni son gouvernement n’ont donné suite aux plaintes déposées.
La vie quotidienne d’Orobor n’est guère enviable. Voulant se faire pardonner de ce déni de justice, le régime a construit une nouvelle école sur les lieux. Mais la blancheur de cette bâtisse cache une véritable misère. L’école dispose de deux classes, CI et CP, respectivement d’un effectif de 22 et 18 enfants et occupe trois enseignants et un gardien.
Les enfants d’abord : leur âge oscille entre 6 et huit ans. Ces bambins font au minimum 1 heure de marche par jour pour se rendre à l’école le matin et le même temps le soir, les classes fermant à 17 heures. Contraints donc de se nourrir sur place le midi, ces écoliers ruraux présentent des signes évidents de malnutrition. Sous-alimentés, l’aide alimentaire fournie par le PAM ne contribue guère à l’amélioration de leur condition d’existence. Cette généreuse contribution mondiale n’est composée que de cartons de pâtes et de bidon d’huile, aucun produit laitier. Le stock actuellement détenu sera épuisé dans les dix jours à venir. Pour la sieste de l’après-midi, ils se partagent à quarante trois matelas mousse posés à même le sol en dur dans le magasin de stockage.
Le personnel enseignant ne dispose d’aucun logement et passe la nuit dans les salles de classe. Il partage les repas avec les enfants. Gravement affectée par le problème de l’eau, la population d’Orobor est alimentée par le seul camion citerne de la région d’Obock, une fois par mois pour remplir un réservoir mitoyen au bâtiment de l’école d’une contenance de 6 m3. Le village souffre de la soif, le camion mettant parfois un peu plus d’un mois avant de repasser.
Rappelons qu’aux législatives de janvier 2003, le régime avait conditionné la distribution de l’aide alimentaire au vote en sa faveur. Cette fois-ci, la population martyre est déterminée à ne plus subir l’imposture et attend les fraudeurs de pied ferme. Et, pour bien marquer son soutien au boycott actif de l’UAD, elle installera elle-même une annexe de l’ARD dans son village.
En remerciant l’ARD d’être sensible aux problèmes des ruraux méprisés par le régime du candidat solitaire, la population du secteur d’Orobor, notables en tête, a réaffirmé son engagement total à nos côtés. On le voit, la tournée de l’ARD dans le Nord a durablement réveillé les consciences et déraciné l’imposture. Bientôt, c’est toute l’UAD qui ira en ordre serré à la bataille finale contre les forces de la régression coalisées au sein de l’UMP et soutenant l’imposture.
Prochaine étape de cette mobilisation : le district d’Ali-Sabieh, bastion de l’opposition dans le Sud.
Mémorandum de l’UAD à l’Union Européenne
A l’attention de l’Union Européenne
(Document des partis légalisés d’opposition coalisés sous l’appellation d’Union pour l’Alternance Démocratique -UAD)
PETIT PAYS
MAIS GRANDE VALEUR STRATEGIQUE
La République de Djibouti est un petit pays de la Corne d’Afrique entre l’Érythrée, l’Éthiopie et la Somalie. Cette ancienne colonie française indépendante depuis le 27 juin 1977 couvre 23 000 km2 et compte une population d’environ sept cent mille habitants composée d’Afars, de Somalis et d’Arabes. Sa situation géographique privilégiée la place au carrefour de l’Arabie et de l’Afrique, sur les rives de la Mer Rouge, et lui confère une position de verrou de cette ligne maritime si importante pour la vie économique internationale. Elle en tire une réelle valeur stratégique et géopolitique qui explique qu’elle accueille plusieurs milliers de soldats occidentaux dont deux bases. Les Français y disposent de leur plus importante base d’Outre-mer (près de trois mille hommes) depuis l’Indépendance du pays; et, au titre de la lutte anti-terroriste, les États-Unis d’Amérique y ont installé l’autre base occidentale avec pas moins de 1500 hommes depuis 2002, tandis que Allemands et Espagnols y entretiennent quelques centaines de soldats. Elle en tire une rente conséquente (la France à elle seule lui verse 30 millions d’euros par an et les Américains quelque 15 millions de dollars) à laquelle s’ajoutent les dépenses induites. Sans parler de l’explosion de ses activités portuaires commerciales depuis la guerre entre l’Éthiopie enclavée et l’Érythrée de 1998. Sans parler du reste de son économie de services et de l’aide extérieure.
LES STIGMATES
DU SOUS-DEVELOPPEMENT
Il n’en reste pas moins que la République de Djibouti connaît un sous-développement criant. Le chômage frappe plus de la moitié de la population active, les systèmes de santé et éducatif sont sinistrés, les infrastructures routières délabrées, la distribution d’eau et d’électricité plus qu’aléatoire. La jeunesse est livrée au désœuvrement et à la détresse, le SIDA fait des ravages (11, 7% en 2000 selon l’ONUSIDA) et la fuite hors du pays est un phénomène désormais réel.
Selon le rapport du PNUD du 14 juillet 2004, les taux de pauvreté ont pratiquement doublé à Djibouti entre 1996 et 2002 où environ 75% de la population perçoit moins de 3 US$ par jour contre 45% en 1996. La pauvreté, l’ignorance, la maladie et la faim persistent. La pauvreté extrême (moins de 1,8 US$ par jour) est passée de 9,6% à 42,2% en 2002.. !
De même, la démocratie comme les libertés publiques qu’elle garantit n’ont pas droit de cité et le respect des droits de l’Homme n’est point enviable.
DES RESSOURCES ACCAPAREES
PAR LE POUVOIR
C’est que le pays est livré à la mal-gouvernance d’une autocratie prédatrice. L’essentiel de l’économie nationale est entre les mains du pouvoir et de ses quelques fidèles. Tous domaines confondus. Tandis que le chef de l’État contrôle le secteur privé via des amis et des membres de sa famille, le Trésor public comme les établissements et sociétés d’État, fonctionnent comme ses véritables caisses privées. Citons, à titre d’exemple, le port et l’aéroport de Djibouti qui forment le poumon de notre économie. Ils ont été confiés pour «gestion», à une équipe dite de Dubaï Ports International (DPI) dans le cadre d’un contrat dont seuls le chef de l’État et un homme d’affaires (ainsi que ses amis signataires de Dubaï) connaissent la teneur. Or, il s’agit d’éléments du patrimoine national constitutionnellement soumis au contrôle public.
SYSTEME
DE PARTI UNIQUE
Il faut dire que Djibouti est dirigé depuis son accession à l’Indépendance en juin 1977 par le même parti, le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP). Le chef de ce parti est actuellement Monsieur Ismaël Omar Guelleh, ancien chef de Cabinet de la présidence chargé de la sécurité sous son prédécesseur Hassan Gouled Aptidon dont il est le neveu et qui l’a coopté en 1999. Depuis, il est le président de la République, chef de l’État, du gouvernement, de l’administration, de la police, des forces armées, de la sécurité politique, de la justice, des sociétés et autres établissements publics, etc.
L’assemblée nationale a toujours été monocolore à 100 % en ce sens que Djibouti est le seul pays où n’existent que deux élections :
– la présidentielle tous les six ans ;
– et les législatives tous les cinq ans.
Pour ces dernières, le scrutin en vigueur est le scrutin majoritaire à un seul tour ! C’est ainsi que depuis 1977, l’Assemblée nationale djiboutienne comprend toujours soixante cinq députés du seul parti au pouvoir : le RPP (Rassemblement Populaire pour le Progrès). Aux dernières élections législatives du 10 janvier 2003, l’UAD a été crédité de plus de 40% alors qu’en réalité l’opposition dirigée par le regretté Ahmed Dini Ahmed avait largement gagné les suffrages du peuple que le régime s’est encore arrogés. A cet effet, en mars 2004, lors de la visite à Djibouti d’une délégation de l’Assemblée Européenne, l’UAD (Union pour l’Alternance Démocratique) lui avait, à cette occasion, soumis son rapport sur cette consultation de 2003.
A Djibouti, point de décentralisation, c’est-à-dire de collectivités locales, quoique promise depuis l’Indépendance et prescrite par la Constitution du 12 septembre 1992 (qui est au reste la première Loi fondamentale post-coloniale du pays !) et les accords de paix signés avec le FRUD-armé (Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie) le 12 mai 2001. A preuve, la promesse officielle du chef de l’Etat pour la tenue au 3 décembre 2004 des élections régionales est restée vaine, sans explication aucune.
Aussi, point non plus d’élections libres et démocratiques, et Ismaël Omar Guelleh entend encore s’auto-reconduire en avril 2005 prochain au mépris de la volonté populaire et des règles élémentaires de la démocratie. Tous les accords d’ouverture démocratique signés par le pouvoir avec l’opposition à travers son aile armée, le FRUD, sont restés lettre morte. Le pouvoir les a tout simplement ignorés. Le dernier en date est l’accord de paix et de concorde civile conclu le 12 mai 2001 entre le régime et le FRUD-armé du regretté Ahmed Dini Ahmed. Malgré l’engagement solennel à le respecter pris devant le peuple djiboutien et la communauté internationale (Union européenne, France, Etats-Unis, etc.), monsieur Ismaël Omar Guelleh y a, en dehors d’un multipartisme entaché d’entraves, tourné le dos et maintient de plus belle son joug.
UNE OPPOSITION
MUSELEE
L’opposition est victime des persécutions constantes du régime et ses membres régulièrement jetés en prison. Pas un mouvement dont des membres n’aient connu la sinistre prison centrale de Gabode, dans des conditions de détention qu’un rapport conjoint de la FIDH et de l’Observatoire international des prisons a dénoncé de manière accablante en 1999.
Il n’est pas rare qu’un parti d’opposition, pourtant régulièrement légalisé, se voit purement et simplement décrété illégal et que ses nom, attributs et reconnaissance aillent à quelques agents du pouvoir. Le PRD (Parti du Renouveau Démocratique) en a été victime en 1997, qui a dû changer de nom et se faire re-légaliser sous l’appellation de MRD en 2002 à l’occasion de l’entrée en vigueur du multipartisme intégral. Le PND (Parti National Démocratique) de Monsieur Aden Robleh Awaleh, aujourd’hui rallié au pouvoir, a lui aussi connu cette sorte d’élimination.
NI SYNDICATS LIBRES
NI PRESSE INDEPENDANTE
Comme évoqué plus haut, les libertés publiques n’existent guère, en dehors des textes. Le mouvement syndical libre a été tout simplement éliminé à l’instar des partis d’opposition. Aucune des deux centrales syndicales (Union Djiboutienne du Travail et Union Générale des Travailleurs Djiboutiens), ni aucun syndicat individuel indépendant, n’on été épargnés par le retrait arbitraire de la reconnaissance au profit de structures non représentatives et affidées au gouvernement.
La situation syndicale de Djibouti, avec notamment sa négation de la liberté syndicale et ses persécutions des syndicalistes (licenciements, détentions arbitraires, etc. ), est bien connue de la communauté internationale du travail (O.I.T, B.I.T, Confédération internationale des Syndicats Libres, Internationale de l’Éducation, etc.).
De même, les associations ne sont reconnues que si elles appartiennent à ce que le régime appelle «Réseau national des associations djiboutiennes» qui est son instrument de contrôle du mouvement associatif.
Non plus, la liberté d’expression n’est pas mieux lotie. Pas de radio, ni de télévision libres, et les médias d’État sont bien entendu la voix du maître. La presse indépendante se résume à deux bulletins de l’opposition (Le Renouveau du MRD et Réalité de l’ARD) qui sont constamment harcelés. Le Renouveau est, par exemple, souvent victime d’emprisonnements de son directeur (Daher Ahmed Farah qui préside également le MRD), de suspensions, de saisies, d’amendes et autres dommages et intérêts.
RISQUES
D’EXPLOSION SOCIALE
Cette situation conduit naturellement à bien de frustrations populaires et réunit les conditions d’une réaction désespérée et dangereuse. La résistance, jusqu’ici pacifique, peut tourner à la violence.
Le cas du FRUD (celui-ci n’est d’ailleurs pas sans présence au maquis), qui a éclaté fin 1991, témoigne de la tournure que peuvent prendre les choses.
Avec, cette fois, l’adhésion de la majorité de toutes les composantes nationales. . .
ET POURTANT…
Et pourtant, Djibouti a tous les atouts pour être une vitrine de démocratie et de développement harmonieux pour la région. Sa petite taille, une population gérable liée par de multiples affinités, une culture pastorale qui prédispose au dialogue et au compromis démocratique, une unité nationale retrouvée grâce à la prise de conscience du néfaste «diviser pour régner» cher au pouvoir et grâce à l’unité de l’opposition, des femmes et hommes formés qui ne demandent qu’à être valorisés et servir leur pays, un potentiel économique certain… sont autant de facteurs positifs à même d’en faire un pays qui marche.
Voilà pourquoi nous nous tournons vers le monde démocratique, en particulier vers l’Union Européenne dont nous partageons les valeurs démocratiques et humanistes. Que ce soit à travers son aide à Djibouti, ou par l’intermédiaire de ses pays membres telle que la France qui a de l’influence sur le régime de monsieur Ismaël Omar Guelleh, l’Union Européenne pourrait significativement contribuer à un déblocage de la situation et à la nécessaire ouverture démocratique.
EXIGER L’APPLICATION DE L’ACCORD DE PAIX ET DE CONCORDE CIVILE
DU 12 MAI 2001
Ce que nous souhaitons de la part de l’Union Européenne, c’est d’exiger du régime l’application de l’accord de paix et de concorde civile qu’il a signé le 12 mai 2001 avec le FRUD du regretté Ahmed Dini Ahmed, accord où le pouvoir s’engage solennellement à un certain nombre de réformes démocratiques, notamment:
1 – L’entrée en vigueur du multipartisme intégral (c’est la seule réforme appliquée mais non sans entraves politico-administratives) ;
2 – La décentralisation des régions autre que Djibouti-ville, la capitale (elle fait l’objet d’une loi organique joint à l’accord qui jaunit dans les tiroirs du pouvoir) ;
3 – Une justice indépendante et la réactivation du Tribunal du Contentieux administratif tombé en désuétude, à dessein, depuis 1996 ;
4 – L’élaboration conjointe (Opposition/Gouvernement) du nouveau Statut de la capitale. A présent, Djibouti-ville, qui rassemble près de 80% de la population de la République, est dirigée par un Commissaire et des Adjoints nommés par le gouvernement !
5 – Le réexamen du Conseil constitutionnel dans son statut comme dans sa composition (il est, comme le reste de l’appareil d’État, totalement inféodé au régime) parce que entièrement nommé par le régime;
6 – La mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante en charge de l’ensemble du processus électoral depuis la confection des listes jusqu’à la proclamation des résultats et composée à parité de représentants de l’opposition et du régime sous la présidence d’une personnalité indépendante acceptée par les deux parties (c’est la condition sine qua non de la transparence électorale) ;
7 – Le respect des libertés fondamentales (syndicale, d’expression, de presse, etc.) et des Droits de l’Homme ;
8 – L’accès libre et équitable des partis politiques aux médias publiques (radio, TV, journaux, etc.).
Le peuple djiboutien serait très reconnaissant à l’Union Européenne de son soutien.
Fait à Djibouti,
le Vingt sept février deux mille cinq
Syndicat de la Poste contre syndic d’Etat
Salaires impayés, conditions de travail déplorables, absence de consultation paritaire : les postiers ont beaucoup de raisons de se plaindre de leur Direction. Et appellent à la grève pour défendre des acquis sociaux hérités de la période coloniale. A considérer leurs difficultés à négocier, on comprend pourquoi tant de hauts fonctionnaires ont été convoqués au Palais du Peuple : ils sont au service d’un régime qui exige d’eux la plus entière soumission. Sous peine de perdre leur emploi.
Loin d’être une exception, les ingérences sous toutes ses formes dans les affaires syndicales constituent la règle en République de Djibouti. Ce que la centrale UDT (Union Djiboutienne du Travail) n’a de cesse de dénoncer et de condamner avec la plus grande vigueur depuis plus d’une décennie, soutenue en cela par les travailleuses et les travailleurs djiboutiens ; mais aussi par une opinion publique nationale plus éclairée aujourd’hui qu’hier sur la situation sociale du pays.
A cela s’ajoute le fait que le gouvernement, sourd aux appels réitérés à la raison des organisations et institutions internationales comme la CISL ( Confédération Internationale des Syndicats Libres) et l’OIT (Organisation Internationale du Travail) et tant d’autres, a estimé plus judicieux de renforcer son joug pour étouffer les libertés et droits syndicaux pourtant garantis par la Constitution de septembre 1992.
Sur le plan social, il en résulte un véritable désastre qui en alimente un autre : celui d’une pauvreté structurelle, qui s’enracine dans la durée en République de Djibouti. C’est ce que démontrent les rapports des Nations Unies constatant une généralisation de la pauvreté dans notre pays.
Ses exemples quotidiens d’abus et d’ingérences confinent parfois au tragi-comique, dans le contexte suffisamment dramatique d’un pays où 73% des habitants vivent au-dessous du seuil acceptable de la pauvreté et où 4 citoyens sur 5 en âge de travailler sont condamnés à l’inactivité professionnelle, au chômage.
Ainsi, à la Direction générale de la Poste, qui est en situation de faillite administrative, financière et sociale, on est visiblement en manque d’idées et en panne de plan de sauvetage pour remettre l’entreprise à flots. Excédé par l’état plus que piteux de la Poste, et désespéré de ne voir aucune chance d’alternative au naufrage programmé de cette entreprise en dépit de tous les recours intentés tant auprès de sa Direction que de son ministère, de la Primature et même de la Présidence de la République, le syndicat des Postiers de Djibouti (SPD), par une note d’information en date du 2 mars 2005, a menacé de recourir à l’option de la grève générale illimitée si ses doléances et ses réclamations ne sont pas prises en considération. Les neuf points énumérés dans cette note sont :
1) le paiement des cotisations de l’OPS et de la CNR,
2) le paiement des transports et des heures supplémentaires des gardiens,
3) le paiement des sous-caisses des agents des guichets,
4) l’arrêt de la retenue discriminatoire de salaire pour absence,
5) l’arrêt de la prescription arbitraire des cumuls de congés,
6) la consultation du syndicat pour toute réforme sociale ou touchant de près les travailleurs,
7) la constitution des moyens de transport pour les travailleurs,
8) le respect de la législation du travail et l’arrêt des harcèlements,
9) la restitution du siège du syndicat.
Face à la léthargie prononcée de la Direction de la Poste, le SPD a par ailleurs appelé l’Etat à se pencher sur les difficultés de cette entreprise.
Malheureusement, au lieu d’engager l’indispensable dialogue social, base de toute réelle démocratie, la Direction de la Poste a préféré la fuite en avant qui caractérise ce régime dans tant d’autres domaines.
Par un appel solennel aux « Postiers et Postières de la République de Djibouti » en date du 8 mars 2005, le Directeur général de la Poste a contre-attaqué en dénonçant « ce geste stérile que quelques jeunes éléments inconséquents pensent avoir fièrement perpétré à l’encontre du Personnel postal historique dont j’ai la charge publique de la dignité professionnelle et du progrès individuel. » Comprenne qui pourra.
Et il en profite pour mettre ledit personnel au pied du mur, sommé de choisir par une consultation interne entre son Maqam du « personnel historique» dont il est l’officiant en chef et le légalement constitué Syndicat des Postiers de Djibouti.
Mais peu importe. Le Directeur qui se prend un peu pour tous, sauf pour ce qu’il est vraiment de par ses fonctions, sommé par sa hiérarchie de briser un mouvement revendicatif qui pourrait s’étendre à d’autres services, croit faire l’économie d’un conflit social que la situation de la Poste rend inévitable. Cette précipitation qui confine à la confusion illustre le désarroi d’une administration de plus en plus vidée de sa substance et pratiquement astreinte à la dévotion d’un seul homme, d’un seul système de mauvaise gouvernance.
Faire preuve de sang-froid, vouloir démontrer son sens de rationalité ou appeler au bon sens peut constituer une forme d’apostasie passible d’excommunication.
Il ne reste le plus souvent aux hauts responsables de l’administration que de faire appel aux bons remèdes du docteur Coué ou d’imiter Gribouille qui, voyant la pluie arriver, se jette à l’eau.
* * *