Réalité numéro 103 du mercredi 30 juin 2004 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 103 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
DECENTRALISATION :
TRAHISON AVEC PREMEDITATION
Ce qui est pathétique dans le triste spectacle politique que ce régime inflige à ses concitoyens, c’est que les gesticulations des figurants qu’il envoie en première ligne en leur imposant les plus douloureuses contorsions, cherchent à vainement masquer une usurpation fondamentale. Le droit de dire tout et son contraire, n’importe quoi tout en faisant son contraire, presque simultanément, n’est possible que pour le privilégié qui n’a aucun compte à rendre, et d’abord à sa propre personne. Posture carpe diem heureusement en voie de disparition partout ailleurs dans le monde, mais qui a malheureusement cours ici, comme l’illustre de façon caricaturale la dernière intervention du Premier ministre à l’Assemblée Nationale lors d’une séance impromptue sur les difficultés à instaurer la décentralisation en République de Djibouti.
Par une volte-face qui n’étonnera que les plus candides, celui qui n’a pas absolument aucun compte à rendre à un pouvoir législatif, devant lequel il n’est constitutionnellement pas responsable, a annoncé que son gouvernement, subitement plein de sagesse, et de respect pour ses concitoyens comme pour les partis politiques d’opposition, estimait trop lourd pour ses maigres épaules le fardeau de la décentralisation. Nous apprenant incidemment l’énorme priorité que son chef de gouvernement y accorderait, croyant savoir que les partis politiques de l’opposition y auraient montré leur attachement et étant donné l’importance que le peuple djiboutien attacherait à sa concrétisation, il s’engage à prochainement provoquer un vaste débat national sur la question. A la bonne heure ! Tirer d’abord, discuter ensuite : telle semble la philosophie sauvagement western en vigueur, qui nous oblige à rappeler quelques malversations, commises par l’autre partie signataire, contre une décentralisation qui devait être l’un des acquis majeurs de l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Après en avoir complètement, illégalement et unilatéralement dénaturé la portée, vouloir aujourd’hui nous associer à un prétendu constat d’échec ou d’impossibilité de cette avancée démocratique est donc la dernière trouvaille de ces dirigeants dont le sérieux n’est manifestement pas la qualité première. Il nous est difficile d’oublier que l’Assemblée Nationale, certainement sur instruction du chef de l’Etat, a estimé utile de remanier le projet de loi s’y rapportant, tel qu’adopté par les négociateurs et annexé à l’Accord, en abrogeant purement et simplement l’article instituant une Commission Nationale de Décentralisation chargée de veiller à la mise en place des régions décentralisées. De composition mixte, c’est elle qui devait normalement piloter tout le processus et en évaluer les difficultés, le cas échéant. Dire que cette nouvelle manœuvre bassement politicienne, visant à impliquer l’opposition dans une posture de constant sabotage risque fort de rencontrer une fin de non-recevoir, c’est encore rester courtois, par respect pour nos concitoyens et lecteurs. Car, en considérant l’ensemble du contentieux qui nous oppose au régime, tant en ce qui concerne la violation des principales dispositions de l’Accord de Paix que pour ce qui est de la participation de l’UAD aux dernières législatives, nous associer à une instance de concertation prétextée par le gouvernement équivaudrait à faire fructifier le produit d’un vol.
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Brèves nationales
Célébration de l’Indépendance :
Un 27ème anniversaire des plus moroses
De l’avis général, les festivités marquant la célébration de la fête de l’Indépendance étaient empreintes cette année d’une grande morosité. Pourtant, le régime en campagne n’avait pas lésiné sur la propagande et les artifices. Rien n’y fit : tant dans la Capitale que dans les districts de l’Intérieur, les réjouissances populaires n’avaient rien de la spontanéité et de l’éclat d’antan. Plus préoccupés par leurs conditions de vie quotidienne qui se dégradent, nos compatriotes ne cachaient par leur ras-le-bol à l’encontre des dirigeants qui ont échoué et leurs sempiternels mensonges.
En effet, la réalité vécue au quotidien contredit durement les promesses de lendemains qui chantent, sans cesse ressassées par ce régime d’affairistes.
Comment oublier que depuis le début de ce mois, les coupures d’eau et d’électricité, qui sont redevenues quotidiennes dans plusieurs quartiers de la Capitale, sont les pires enregistrées depuis 1999 ?
A cela s’ajoute l’exaspération des populations rurales victimes de la sécheresse, de la soif et du manque d’électricité dans les rares localités électrifiées des districts de l’Intérieur.
Par ailleurs, l’aggravation du chômage des jeunes malgré l’émergence d’un miraculeux secteur privé, a fait comprendre à tous qu’avec ce régime prédateur, l’intérêt personnel passe avant l’intérêt général.
Au chapitre des déclarations officielles, inutile de commenter la langue de bois et l’autosatisfaction de circonstance ; tout juste avons-nous relevé que cette année, le chef de l’Etat a cité parmi ses inaugurations la pose de la première pierre à Balbala d’un orphelinat entièrement financé par la générosité extérieure.
Pour en finir avec l’esbroufe présidentielle, rappelons que l’an dernier à la même époque, le citoyen-président discourait à n’en plus finir sur les miraculeuses retombées attendues du projet d’eau minérale d’Ali-Sabieh…
On connaît la suite.
Qui attend qui ?
Comédie présidentielle sur fond musical
Après avoir débité un insipide discours en français, contrairement aux fêtes de l’Aïd où notre polyglotte s’exprime en langue maternelle et en arabe, le chef de l’Etat s’est fendu d’un discret et complice aparté avec la troupe du 4 mars: «M’attendez-vous ou est-ce moi qui vous attend ?». Et, d’une façon dont la spontanéité aurait fait pâlir de jalousie tous les despotismes de la planète, laquelle troupe partisane d’entonner aussitôt un retentissant «Mudanoow Ismaciil, magacaagu dheera». Ce qui aurait boosté notre tribun national, se fendant aussitôt d’un discours terne à faire bailler ceux qui avaient la chance de le comprendre dans le texte.
L’homme qui a érigé le culte de la personnalité en méthode de gouvernement est tout sauf modeste.
Ministre de la Maison du Roi :
A quoi servent les Affaires Présidentielles ?
Comme quoi les grandes confidences se font souvent dans les langues nationales. Ainsi, dans son discours prononcé en langue somali à l’occasion du 27ème anniversaire de l’indépendance, le chef de l’Etat a implicitement reconnu la prédation financière sévissant en haut lieu.
Oubliant au passage que cette dernière est essentiellement due à l’impunité assurée par son régime à ses prédateurs, le chef de l’Etat aurait déclaré vouloir protéger les investisseurs et quil serait malade à chaque fois qu’il apprenait qu’un commerçant aurait été dépossédé de ses papiers et délesté de son argent. Est-il besoin de lui rappeler que tous ces investissements à vocation productive passent obligatoirement par son ministère chargé des Affaires Présidentielles et de l’investissement ? D’ailleurs, il devrait commencer par donner lui-même l’exemple sur certains aspects de l’Accord de paix du 12 mai où il est loin de se prévaloir d’un quelconque respect pour le salaire d’autrui.
Sous Louis XIV, il existait un Ministre de la Maison du Roi, spécialement chargé de surveiller la perpétuation et l’acquisition des titres de noblesse.
A Djibouti, le ministère des Affaires Présidentielles semble donc s’occuper des investissements personnels du chef de l’Etat ou de ceux qu’il sponsorise, dans l’intérêt supérieur de l’économie djiboutienne bien entendu : honni soit qui mal y pense.. Si ce dernier s’est vraiment repenti depuis son dernier pèlerinage à la Mecque, tant mieux pour notre développement national. Il ne faut donc jamais désespérer de la nature humaine.
Mais, comme l’aurait affirmé la souris entendant que son ennemi le chat serait devenu Hadj, «Tonton chat a toujours le même regard », prédateur bien sûr. Et, ayant anticipé sur le bond gourmand du chat qui voulait la dévorer, elle se serait exclamée : « c’est parce que nous le savions que nous avons creusé un trou ».
Il y a donc malheureusement fort à parier que ce cri de détresse présidentiel ne rencontrera aucun écho allant dans le sens de la bonne gouvernance et de la protection des investissements privés : on imagine mal son Ministre des Affaires Présidentielles sabotant les investissements privés sans une quelconque immunité accordée par son patron direct. On raconte même que l’usine de production de briques argileuses, appartenant à un proche parent par alliance du chef de l’État aurait en fait été spoliée et son bien confisqué à son propriétaire légitime.
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L’Awaday avant le Day
CAPRICE PRÉSIDENTIEL ?
Chantre du développement agropastoral, notre illustre agronome exploite quelques hectares à Damerjog, Ambouli et au Day. C’est dans ce dernier village, autrefois célèbre pour sa forêt primaire et la douceur de son climat, et aujourd’hui connu pour son jardin présidentiel, que le chef de l’Etat serait actuellement en train de bâtir une nouvelle résidence secondaire.
Des ouvriers venus de la Capitale seraient d’ores et déjà à l’œuvre sur ce chantier, non sans susciter une légitime frustration parmi les nombreux jeunes chômeurs de ce village, dont une quinzaine devait être embauchée sur ce chantier et qui attend toujours d’être convoquée.
Au chapitre de la soif, la population du Day se plaint de la pénurie d’eau causée, dit-on, par le faible débit du forage de Garenlé pendant l’été. De plus, en raison de la sécheresse, les points d’eau traditionnels seraient pratiquement tous taris.
Outre ces facteurs climatiques, le manque d’eau constaté cet été par les nombreux vacanciers installés dans cette station d’altitude serait principalement dû à la priorité d’approvisionnement dont bénéficieraient le jardin présidentiel et les militaires affectés à la garde de la propriété présidentielle, à quelques dizaines de mètres de son jardin d’acclimatation.
Selon plusieurs sources indépendantes, la fontaine publique du Day, au service de la population, ne fonctionnerait que deux jours par semaine, les autres jours, l’eau serait réservée aux militaires et aux milliers de plants de khat Awaday et de café appartenant au docteur honoris causa.
Certes, le charme bucolique de ce village et son climat vivifiant ont toujours attiré de nombreux visiteurs, le tourisme a un avenir certain dans cette région. Mais, aujourd’hui, force est de déplorer que le projet d’alimentation en eau du Day n’ait pas tenu toutes ses promesses, malgré des investissements conséquents.
L’on s’en souvient, le jour de l’inauguration de cette fontaine publique, la plus haute du pays, les médias gouvernementaux claironnaient en chœur que l’arrivée de l’eau courante allait favoriser le développement touristique de ce village. Malheureusement, l’unique centre touristique, pourtant bien fréquenté, voit son développement limité à cause justement de cette pénurie d’eau.
Par ailleurs, les touristes sont systématiquement interceptés par des militaires de la garde présidentielle postés dans l’enceinte de la propriété présidentielle, se permettant même de refouler les touristes étrangers non munis d’un document supposé être délivré par l’Office de Tourisme. Ce document existe-t-il vraiment?
Toujours est-il qu’un tel comportement de ces militaires zélés constitue une entrave inadmissible au développement du tourisme au Day où cette activité fait vivre des familles. Les sages du village se plaignent d’ailleurs de cette intolérable situation : après le sabotage gouvernemental des programmes de réhabilitation dont le Day aurait normalement dû bénéficier en tant que zone affectée par le conflit civil, cette présence armée et nerveuse empêche de nombreux touristes de profiter des potentialités naturelles qu’offre leur cadre de vie. Car la présence de ces hommes armés embusqués, sans aucun point de contrôle visible, contribue à donner au paisible village du Day des allures d’une cité interdite.
Rappelons qu’autrefois l’Etat exploitait dans ce village un centre d’estivage réputé, Faute de réhabilitation, ce complexe est aujourd’hui en ruine et hors service.
Le développement agropastoral version chef de l’Etat se résume pour le moment à une militarisation rampante d’une des plus belles régions touristiques de notre pays.
A NOS LECTEURS
La Rédaction informe ses aimables lecteurs qu’en raison de la préparation du congrès de l’ARD, qui doit se tenir en septembre prochain, Réalité cessera de paraître à compter de cette semaine. Le numéro 104 sera disponible en kiosque le mercredi 8 septembre 2004.
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M. Kadamy s’exprime dans LNA (fin)
M. Guelleh qui semble s’intéresser à la question somalienne, n’a tiré aucune leçon de l’expérience de ce pays. Il emprunte le même chemin que l’ancien président de la Somalie, Ziad Barré, qui a laissé derrière lui les ruines que l’on sait. Mohamed Kadamy
C’est donc à désespérer d’une certaine nature humaine parce que « chassez le naturel, il revient au galop » : dans la première partie de son interview accordée aux Nouvelles d’Addis, M. Kadamy avait démontré en quoi une structure mentale façonnée par son expérience ne pouvait prédisposer le chef de l’Etat à miraculeusement se transformer en un démocrate inguérissable. Violations systématiques des accords de paix et mépris accordé aux aspirations populaires découleraient donc d’une trajectoire répressive considérant qu’un dirigeant doit plus inspirer la crainte que le respect. Les murs récemment badigeonnés par des chômeurs en colère lui ont pourtant prouvé que cette peur avait des limites : celles dressées par l’irrépressible droit à la vie. Après ce profil psychologique, voici la seconde et dernière partie de son interview : il analyse en quoi ce régime est irrémédiablement condamné et quelles sont les conditions de la construction d’une véritable identité djiboutienne, ancrée dans les respect des règles démocratiques et respectueuse de sa diversité.
LNA : Depuis l’indépendance, les parties nord et sud-ouest de Djibouti habitées par les Afars ont été marginalisées. Avec l’accord de 2001, la situation devait évoluer. Qu’en est-il ?
MK : Le régime de Djibouti est réputé pour le non-respect des traités qu’il considère comme des bouts de papier sans importance. Il fut contraint de signer deux accords de paix en six ans avec deux factions du Frud. Ces deux accords qui portent l’empreinte d’Ismaël Omar Guelleh et reflètent son intransigeance, ont radicalisé le système et marginalisé encore plus la communauté afar.
L’accord signé en mai 2001 a déçu par son contenu partiel, entraînant son rejet par une partie du Frud. Il était voué à l’échec parce qu’il ne répondait pas à l’aspiration du peuple et ne contenait pas les réformes démocratiques ; M. Ahmed Dini s’est ralliée à cette idée et dénonce les violations du traité par le pouvoir. Même la reconstruction et la réhabilitation des zones affectées durant la guerre, dont le financement a été accepté par la communauté internationale, n’ont pas reçu l’aval du pouvoir.
Le volet décentralisation a été détourné de ses objectif ; par un nouveau découpage administratif, le régime essaie d’introduire les germes de division communautaires ( exemple : le district d’Arta). Sur ce mal ethnique qui ronge notre pays par son instrumentalisation effrénée par le pouvoir, l’irresponsabilité a élu domicile au sommet de l’Etat. Traiter cette question comme le fait le chef de l’Etat relève au pire de folie inconsciente, au mieux de cécité politique.
M. Guelleh qui semble s’intéresser à la question somalienne, n’a tiré aucune leçon de l’expérience de ce pays. Il emprunte le même chemin que l’ancien président de la Somalie, Ziad Barré, qui a laissé derrière lui les ruines que l’on sait. Les Afars n’ont jamais été autant marginalisés dans ce pays, à telle enseigne qu’une partie de cette communauté se sent exclue et accuse l’Etat d’être un instrument de domination et de marginalisation de son entité.
La population des zones rurales de Tadjourah et d’Obock est toujours harcelée par l’armée, accusée de soutenir et d’héberger les combattants du Frud, les maisons des habitants sont toujours occupées par les familles des militaires qui ont des droits exclusifs pour exercer le commerce. Aussi, nous demandons au gouvernement éthiopien de ne pas expulser les réfugiés djiboutiens vivant déjà dans des conditions difficiles en Ethiopie, comme le réclame Djibouti.
LNA : Au plan économique et social, quelle est la situation à Djibouti ?
MK : Il y a une légère embellie économique, par les retombées financières des présences militaires. Les fonctionnaires sont payés régulièrement depuis six mois, même s’il reste toujours quatre mois d’arriérés de salaires. L’Etat n’arrive toujours pas à honorer ses dettes intérieures qui ne cessent d’augmenter. La France a certes accru son aide directe, portée à 30 millions d’euros sous la pression de la présidence de Djibouti, mais au détriment de son aide à la Santé et à l’Education qui a diminué considérablement. Les aides américaines alimentent en grande partie les caisses des dirigeants. Le chef de l’Etat, qui porte la corruption en bandoulière, n’a pas hésité à transférer les caisses du Trésor public dans son palais officieux de Haramous.
Donc, cette manne financière ne profite pas à la population. La pauvreté progresse ; la misère et les maladies sont visibles et en nette augmentation ; des cas de pré-famine sont signalées dans certaines zones du pays. Nous assistons à la paupérisation d’une certaine classe sociale salariée ; employés, instituteurs, professeurs. Plus de la moitié des enseignants a déjà émigré en Europe et au Canada.
LNA : Le Président Guelleh a évoqué la possibilité de réduire la dépendance économique liée à la présence militaire étrangère à Djibouti. Est-ce envisageable ?
MK : C’est envisageable et c’est souhaitable. Depuis l’indépendance, notre pays est de plus en plus dépendant économiquement de la présence militaire étrangère ; cette tendance s’est accentuée depuis que Djibouti est devenu porte-avion multinational (après le 11 septembre 2001), et ce bien qu’il soit le seul débouché maritime de l’Ethiopie (pays de 70 millions d’habitants). Mais il n’y a aucune volonté de la part du régime d’inverser cette tendance en dépit des grands secours. Quand bien même viendrait cette volonté, elle se heurterait à deux obstacles majeurs. On ne peut pas créer les infrastructures indispensables au développement d’un pays en considérant les deux-tiers de sa superficie comme territoire ennemi, interdit d’investissement économique. Deux exemples édifiants : l’usine d’eau de Tadjourah a été détruite par l’armée et on vient d’inaugurer une usine de traitement de l’eau à Ali-Sabieh, en février 2004 ; de la même manière, l’armée a détruit la pêcherie d’Obock et on a construit une nouvelle pêcherie à Djibouti.
Deuxième handicap au développement de Djibouti, seuls les membres du lignage du Président et quelques personnes liées à la sécurité peuvent entreprendre des activités économiques, faire du commerce, bénéficier des crédits bancaires ou créer des associations. C’est un non-sens économique, dans la mesure où on prive le pays de ses meilleures ressources territoriales et humaines. Dernière anecdote en date : le chef de l’Etat a menacé de fermer la Banque de Commerce et d’Industrie Mer Rouge (BCI-MR) qui refusait d’embaucher son frère…
LNA : Comment expliquer le soutien des Etats-Unis et de la France au régime ?
MK : Nous sommes peut-être prisonniers de la géographie. Ce qui semble intéresser les puissances présentes à Djibouti, c’est le site géostratégique, le basalte, le sable, comme s’il s’agissait d’une terra nulla. Sinon, comment comprendre qu’à quelques centaines de mètres des troupes américaines, la population du nord souffre de la soif ? Il est de notre devoir de rappeler qu’il existe une population djiboutienne (certes de dimension modeste) qui souffre dans sa chair d’une dictature. Nous disons aux Français, aux Allemands et aux Américains, militairement présents sur notre sol, de mettre en concordance leur profession de foi démocratique et leurs pratiques à Djibouti qui renforcent le pouvoir de Guelleh qui est une vraie calamité pour sa population.
Si Guelleh obtient un deuxième mandat en 2005, ce sera une véritable catastrophe pour le pays et un danger pour la région.
Djibouti est un champ idéal pour les entraînements militaires, aujourd’hui essayons d’en faire un espace pour des expériences démocratiques. C’est aux Français, aux Allemands et aux Américains de prouver que les présences militaires étrangères ne sont pas toujours antinomiques avec l’instauration de la démocratie dans un pays.
Mais les solutions restent endogènes. C’est aux Djiboutiens de tirer un trait sur ce régime qui n’a que trop duré, de se rassembler d’une façon large, au-delà des forces de l’opposition, autour d’un nouveau consensus, d’une nouvelle orientation, en rupture avec les préférences lignagères et les pratiques mafieuses, pour faire émerger une entité nationale et démocratique.
COMMENTAIRES
Quoi que nous approuvions entièrement les analyses de M. Kadamy selon lesquelles ce régime constitue, par ses pratiques mafieuses, un frein au développement économique du pays et par sa nature despotique, un obstacle à son émancipation politique, il est de notre devoir de nous démarquer d’une assertion que nous ne pouvons cautionner.
En effet, prétendre que l’accord de paix du 12 mai 2001 « était voué à l’échec parce qu’il ne répondait pas à l’aspiration du peuple et ne contenait pas les réformes démocratiques » est un peu vite aller en besogne. D’ailleurs, l’importance de ses dispositions est clairement soulignée par le régime lui-même : on ne s’acharne pas à violer aussi systématiquement ce qui n’a aucune portée significative ! La violation d’un traité de paix est donc la meilleure preuve de sa pertinence : même l’accord de paix d’Aba’a, dont nous nous étions en son temps désolidarisés, contient des chapitres essentiels qui n’ont jusqu’à présent trouvé aucun début d’application. A une différence près, et elle est significative : si les salaires des cadres du FRUD-armé ont été détournés par le régime, (en une sorte d’hommage rendu par l’impuissance du bourreau à la détermination de ses victimes), c’est parce que l’espace de liberté conquis en 2001 sape les fondements d’un régime pour qui droit au travail rime avec reptation partisane.
Quant aux réformes démocratiques dont M. Kadamy regrette l’absence, elles sont en fait si présentes que, dans le cadre d’une compétition électorale sincère et transparente, même l’ancien parti unique avait ses chances. Mais, comme il le dit si bien lui-même, « Le régime de Djibouti est réputé pour le non-respect des traités qu’il considère comme des bouts de papier sans importance» : donc le violeur n’est qu’un vulgaire voleur contre lequel il faut défendre notre patrimoine commun.
C’est pour cela que nul n’a le droit d’avancer que l’accord de paix du 12 mai 2001 « ne répondait pas aux aspirations populaires » : c’est justement pour se réapproprier le désir de paix et de réconciliation de ses compatriotes que le chef de l’Etat s’était donné ce jour-là en spectacle au Palais du Peuple, jurant qu’il veillerait personnellement à la stricte et honnête application de toutes ses dispositions. Si, après cela, des volets quasiment humanitaires comme la réhabilitation des zones affectées par le conflit et l’indemnisation des biens civils détruits ou pillés par certains éléments des troupes gouvernementales, sont sabotés au plus haut niveau de l’Etat, il s’agit uniquement d’un reniement qui aurait normalement dû dissuader l’actuel locataire de Haramous de briguer un second mandat !
Cela étant, M. Kadamy est tout à fait fondé à inviter toutes les forces nationales éprises de paix et de libertés, de conjuguer leurs efforts pour chasser ce régime de prédation et de division. Quand on voit à quel point le système politique djiboutien est bloqué, toute possibilité de transition démocratique étant rendue impossible par la fraude institutionnalisée, une question vitale pour tous les partis d’opposition devra trouver réponse : un poisson peut-il vivre hors de l’eau ? A moins d’être bien sûr amphibie, c’est-à-dire d’accepter toutes les compromissions, ce qui ne sera jamais notre cas.
A n’en pas douter, cette question des limites d’une action politique dans ce système bloqué sera sérieusement débattue lors du prochain congrès de notre parti.
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L’ARD tient congrès
Pas de parti efficace sans citoyen respecté
Comme nous l’annoncions la semaine dernière, conformément aux dispositions statutaires et au regard de la situation politique nationale, notre parti tiendra son congrès en septembre prochain. Un peu moins de deux ans après sa création, ce sera l’occasion historique d’évaluer la place de l’ARD dans le champ politique djiboutien en général et au sein de l’opposition regroupée sous le sigle UAD en particulier. Mais il sera surtout question de mesurer sans complaisance la portée réelle du multipartisme intégral institué à partir de septembre 2002 (au regard des fraudes électorales institutionnalisées) tout comme la pertinence d’une paix qui s’est traduite par si peu d’améliorations dans la vie quotidienne de nos concitoyens, permettant surtout à quelques oisifs, parasites et sectaires de paître et de s’engraisser au détriment du développement économique et de la réconciliation nationale.
« Un poisson peut-il vivre hors de l’eau ? » : telle est la question centrale à laquelle les congressistes devront répondre septembre prochain lorsqu’un congrès de l’ARD les réunira. En d’autres termes, il s’agira d’évaluer quelle est la raison d’être d’un parti politique que l’environnement institutionnel empêche de pleinement s’exprimer, du fait de la coupure, légalisée par un Conseil Constitutionnel que le ridicule ne tuera pas, entre l’action partisane et la volonté du citoyen.
En premier lieu, il convient d’admettre que la légitimité de tout parti politique digne de ce nom est quelque peu discrédité quand l’accès à la citoyenneté (aux pièces d’identité nationale) est interdit à une frange importante de ses concitoyens. Des titulaires des Kaar-Dameer, normalement temporaires aux innombrables citoyens du nord et du sud-ouest, en passant même par certains éléments de l’ex-FLCS (Front de Libération de la Côte des Somalis) jusqu’à présent traités comme des éléments étrangers, déçus dans leur légitime espoir sont tous ceux qui espéraient que la Commission de la Nationalité, prévue par l’Accord de Paix du 12 mai 2001, les restaurerait enfin dans leurs droits les plus inaliénables. La violation de cette disposition essentielle est la plus grave qui soit, car elle perpétue une inégalité fondamentale obérant gravement toute réelle tentative de construire une identité djiboutienne : quelle unité alors pour une Nation aux contours si partialement et si dangereusement définis ?
Comble de l’intolérable, certains de nos congressistes, à l’instar de tel notable pourtant appointé par l’Etat, risquent fort d’être des apatrides sur leur propre sol, le régime les ayant privés de la carte d’identité nationale et leurs enfants oubliés des registres d’état civil !
D’autant plus que sans pièces d’identité nationale, l’obtention de la carte d’électeur devient injustement conditionnée par l’engagement formel (donnant par exemple droit à une ration d’une aide alimentaire internationale censée être garantie à tous les nécessiteux) de voter pour les candidats cooptés du parti au pouvoir. L’inacceptable taux d’abstention enregistré lors des législatives de janvier 2003 s’explique essentiellement par cette rétention volontaire et sectaire des cartes d’électeur : le chantage à la citoyenneté comme préalable à une sélection despotique de ceux habilités à exprimer leurs choix partisans.
Mais même les titulaires d’une carte d’électeur ayant normalement voté ont vu leurs préférences souveraines, certainement diverses et variées, détournées au profit de l’ancien parti unique, s’octroyant la part du lion, souvent au désavantage de ses propres alliés de circonstance. Car ce n’est un secret pour personne : ce sont les listes unitaires de l’opposition regroupée au sein de l’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD) qui auraient normalement dû être déclarées victorieuses et leurs membres majoritairement siéger sur les bancs de l’Assemblée Nationale issue de ce scrutin, si et seulement si le régime respectait l’expression de la volonté populaire.
Dans ces conditions, pourquoi donc participer à toute future consultation électorale quand la fraude se profile déjà à l’horizon ? En d’autres termes, est-il pour le moment de la vocation des partis politiques d’opposition d’accepter de se cantonner dans un rôle de putching-ball servant uniquement de faire-valoir masochiste et de caution démocratique à un régime réfractaire à tout respect de ses concitoyens ?
En définissant la place de leur parti dans l’espace politique national, nos concitoyens seront surtout invités à définir leur propre rôle en tant que militants, citoyens et électeurs. Car, en définitive, plus que l’Accord de Paix du 12 mai 2001 et la pleine participation des partis politiques d’opposition au débat national, c’est le droit inaliénable des électeurs à librement choisir l’alternance démocratique que ce régime bafoue si impunément, tout simplement parce que partis d’opposition et électeurs conscients de la nécessité du changement, sont les seuls à respecter la légalité républicaine.
Mais, en entérinant le fait que l’ARD prenne acte de l’impossibilité de toute vie politique pacifiée, respectueuse du choix de chacune et de chacun, nos congressistes auront enfin à répondre à une autre question, fondamentale : par quelle autre option remplacer cette politique de la chaise vide ? Choix cruciaux donc pour l’avenir du pays.
=======================================================================================Entre oubli djiboutien et spoliation française : le bataillon somali (fin)
Quelle que soit la portée historique de la libération de la France par les forces alliées, soixante ans après, la situation du Bataillon Somali est des plus précaires comme celle de leurs frères d’armes du continent par rapport à ceux issus des pays du Nord. Même, les anciens combattants de l’ex bloc de l’Est ne vivent pas dans une telle condition de précarité. Depuis les indépendances, laissés pour compte, ces combattants de second rang sont injustement lésés.
S’agissant comme nous l’avions écrit dans nos précédentes colonnes d’une ingratitude, réelle de la France, sa politique a en tout temps fluctué en ce qui concerne la situation sociale et sanitaire des bataillons africains en fonction d’une part, du passé historique du chef de l’Etat Français, chef des Armées et, d’autre part de l’idéologie politique. Plus clairement, de Gaulle, Mitterrand et dans une moindre mesure Pompidou portaient une attention particulière à la situation des libérateurs de la France par rapport aux autres présidents de la cinquième République, malgré la présence dans leur entourage de vétérans de la résistance, tels que Chaban Delmas, Messmer, Juillet, Foccart.
Ce qui explique l’importance et le rang que revêtait, selon l’époque, l’organe responsable de cette catégorie sociale que sont les anciens combattants de la dernière guerre mondiale. Tantôt Ministre des anciens combattants, tantôt Ministre Délégué aux anciens combattants, enfin Secrétaire d’Etat aux anciens combattants. Toutefois, il y a toujours eu une politique relativement constante de la France dans le traitement de la situation des anciens combattants des anciens colonisés depuis les indépendances.
Au cours des deux septennats de François Mitterrand, sans réellement améliorer le sort du Bataillon Somali, les organisations de gauche de Djibouti bénéficiant du soutien des FFDJ, principalement le 5 RIAOM, avaient réussi à obtenir quelques avantages en faveur de cette catégorie de djiboutiens et de leurs veuves comme par exemple les soins gratuits (externes et hospitalisations) au sein des structures médicales françaises de Djibouti, les facilités pour le visa en cas de soins en France, etc… D’ailleurs un protocole d’accord avait été signé en ce sens par le Chef d’Etat-Major des FFDJ et l’ADFE.
Aujourd’hui, la culpabilité de la France à l’égard de ses libérateurs colonisés qui ont donné de leur sang pour la Liberté et la Vie est prouvée. En effet, si d’autres communautés victimes des dérapages de l’absolutisme politique ont été indemnisées, les communautés africaines portent encore en elles les séquelles du colonialisme. Le traitement discriminatoire de la France dans cette affaire entre des Combattants de ses ex-colonies et ceux de l’Hexagone et du monde riche constitue un élément de plus sur le peu de crédit que l’on peut lui accorder.
Tout a commencé par l’arrêt d’Amadou Diop qui dénonçait simplement la discrimination de la France entre combattants des guerres mondiales et coloniales sur la seule base de la nationalité. Cet arrêt exigeait tout simplement un traitement égal pour tous, tant sur le nombre d’années de service sous le drapeau que le même taux d’invalidité. Foulant au pied l’ensemble des procédures judiciaires gagnées par Diop, et bien entendu tous les Anciens Combattants des pays antérieurement sous domination française, le gouvernement français a décidé de passer outre la décision de son Conseil d’Etat de novembre 2001 en décrétant que les anciens combattants étrangers ne peuvent percevoir le même traitement que leurs frères d’armes français. Par cette décision discriminatoire il invente une méthode de calcul lui permettant de supporter seulement 150 millions d’euros sur un règlement des arriérés d’anciens combattants originaires de vingt-trois pays de ses ex-colonies estimés à 1,5 milliard d’euros.
En effet, un coefficient établi sur la parité du pouvoir d’achat du pays dont est issu l’ancien combattant par rapport à la parité du pouvoir d’achat par la France, sur la base des données du revenu national brut par habitant et par pays de la Banque Mondiale, exprimées en dollar US. Or, c’est là une escroquerie honteuse, tout un chacun sait qu’à Djibouti, outre les incidences économiques et financières de la contribution française sur le budget national, la présence de ses troupes et de leurs familles faussent totalement le pouvoir d’achat des djiboutiens. Le coût de la vie à Djibouti est rendu tellement cher par la propension à consommer de cette catégorie sociale, que les données de la Banque Mondiale restent erronées dans ce pays dont le dernier rapport des instances internationales établit la pauvreté à près de 70%.
Quant aux coefficients de parité des pays joints au décret n°2003-1004 du 3 novembre 2003, il ressort de sa lecture que l’Allemagne par exemple affiche en 2002 un coefficient 1, tandis que Djibouti qui a consenti plus de sacrifice dans cette guerre ne pointe qu’à 0,08. En ce sens qu’un décodage sérieux de ce document démontre une réelle discrimination dans le traitement des droits des combattants selon leur origine et le coût de la vie dans leur pays respectif. Même la Lituanie faisant mieux que Djibouti, pas le Sénégal, le droit annuel du Bataillon Somali, qui compte aujourd’hui moins de 100 rescapés, oscille entre 300 et 900 mille fd.
Cette spoliation n’aurait pas été la conséquence de l’indépendance des ex-colonies françaises, si les pouvoirs nationaux ayant succédé à l’administration française défendaient les intérêts de leurs ressortissants, comme l’ont fait récemment les Présidents du Sénégal et de l’Algérie face au Président Chirac et à son Secrétaire d’Etat chargé des Anciens Combattants. Nous souhaitons que d’une part les Associations formées par les fils et les filles de ces héros nationaux comme le 5 RIAOM, oeuvrent de concert pour le rétablissement des droits de cette catégorie sociale et pour la pérennisation de leur Histoire qui est celle de notre pays. L’absolutisme des pouvoirs n’est pas seulement d’ordre répressif, il est aussi forcément psychologique et économique.
NECROLOGIE
Nous avons appris avec tristesse le décès survenu à Djibouti dans la nuit du 28 au 29 juin 2004 de M. Houssein Omar Djama dit Masri. L’homme qui vient de nous quitter à l’âge de 50 ans était connu et apprécié pour son amabilité, sa générosité et son patriotisme. Il laisse une veuve et deux enfants.
======================================================================================Souveraineté pour l’Irak
LETTRE DU PREMIER MINISTRE DU GOUVERNEMENT INTÉRIMAIRE
AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
Venant d’être nommé Premier Ministre du Gouvernement intérimaire irakien, j’ai l’honneur de vous assurer de la volonté du peuple irakien de mener à son terme le processus de transition politique afin d’établir un Irak libre et démocratique et celle de participer à la lutte contre le terrorisme et à sa prévention. Au moment où l’Irak entre dans une nouvelle phase critique, qu’il retrouve sa pleine souveraineté et qu’il s’achemine vers des élections, il a besoin de l’aide de la communauté internationale.
Le Gouvernement intérimaire irakien n’épargnera aucun effort pour s’assurer que ces élections seront libres, régulières et pleinement démocratiques. La sécurité et la stabilité demeurent des conditions du succès de notre transition politique. Il reste cependant en Irak des forces qui sont opposées à l’avènement de la paix, de la démocratie et de la sécurité, et parmi ces forces figurent des éléments étrangers. Le Gouvernement est déterminé à en venir à bout et à mettre en place des forces de sécurité capables d’assurer au peuple irakien un niveau adéquat de sécurité. Jusqu’à ce que nous puissions assurer nous-mêmes notre sécurité, et en particulier la défense de l’espace terrestre, maritime et aérien de l’Irak, nous sollicitions l’aide du Conseil de sécurité et de la communauté internationale. Nous demandons au Conseil de sécurité d’adopter une nouvelle résolution portant sur le mandat de la force multinationale pour contribuer à assurer la sécurité en Irak, notamment par les tâches et selon les dispositions énoncées dans la lettre du Secrétaire d’Etat, M. Colin Powell, au Président du Conseil de sécurité. Le Gouvernement irakien prie le Conseil de sécurité d’examiner à nouveau le mandat de la force multinationale quand le Gouvernement transitoire irakien en fera la demande ou dans un délai de 12 mois après l’adoption de la résolution.
Pour que le Gouvernement irakien s’acquitte de la responsabilité d’assurer la sécurité, j’ai l’intention d’établir des structures appropriées qui permettront à mon gouvernement et aux forces de sécurité irakiennes d’assumer progressivement cette tâche. L’une de ces structures est le Comité ministériel pour la sécurité nationale, présidé par moi-même et composé du Premier Ministre adjoint et des ministres de la défense, de l’intérieur, des affaires étrangères, de la justice et des finances. Le Conseiller pour la sécurité nationale, et le Directeur du service national irakien du renseignement seront des membres consultatifs permanents de ce Comité. Cette instance définira les grandes lignes de la politique irakienne en matière de sécurité. J’ai l’intention d’inviter, selon le cas, le commandant de la force multinationale, son adjoint ou son représentant, ainsi que toutes autres personnalités appropriées à participer aux travaux de ce Comité pour examiner les mécanismes de coopération et de coordination avec la force multinationale. Les forces armées irakiennes (la police, la police des frontières et le service de la protection civile) relèveront du Ministre de l’Intérieur ou d’autres ministres.
En outre, les ministres compétents et moi-même mettrons en place d’autres mécanismes de coordination avec la force multinationale. J’ai l’intention de créer, avec cette force, des organes de coordination aux niveaux national, régional et local ; ils comprendront les commandants des forces de sécurité irakiennes et des dirigeants civils ; ils s’assureront que ces forces agiront en coordination avec la force multinationale sur toutes les questions portant sur la politique et les opérations en matière de sécurité, afin d’assurer l’unité de commandement des opérations militaires dans lesquelles les forces irakiennes seraient engagées aux côtés de la force multinationale. En outre, la force multinationale et les dirigeants irakiens se tiendront mutuellement informés de leurs activités, se consulteront régulièrement pour assurer une allocation et une utilisation efficaces du personnel, des ressources et des équipements, échangeront des renseignements et feront remonter les problèmes par leurs filières respectives de commandement selon les besoins. Les forces de sécurité irakiennes assumeront progressivement les responsabilités plus grandes à mesure que les capacités irakiennes augmenteront.
Les structures que j’ai décrites dans cette lettre seront les instances dans lesquelles la force multinationale et le Gouvernement irakien se mettront d’accord sur l’ensemble des questions fondamentales relatives à la sécurité, et notamment la politique à suivre sur des opérations offensives délicates, et assureront une pleine coopération entre forces irakiennes et force multinationale à la faveur d’une coordination et d’une consultation étroites. Comme ce sont là des questions sensibles pour un certain nombre de gouvernements souverains, notamment l’Irak et les Etats-Unis, elles devront être résolues dans le cadre d’un accord mutuel sur notre partenariat stratégique. Nous travaillerons étroitement, durant les semaines qui viennent, avec les dirigeants de la force multinationale pour nous assurer que nous disposerons d’un tel cadre stratégique convenu.
Nous sommes prêts à assumer pleinement la souveraineté de l’Irak au 30 juin. Nous n’ignorons pas les difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises, non plus que nos responsabilités devant le peuple irakien. Les enjeux sont élevés et nous avons besoin pour réussir de l’aide de la communauté internationale. Nous demandons donc au Conseil de sécurité de nous aider en adoptant dès maintenant une résolution nous apportant le soutien nécessaire.
Je crois comprendre que les auteurs du projet de résolution se proposent d’annexer le texte de la présente lettre au projet de résolution à l’étude. Dans l’intervalle, je vous prie de bien vouloir communiquer le texte de la présente lettre aux membres du Conseil dès que possible.
Ayad ALLAWI