Réalité numéro 69 du mercredi 5 novembre 2003 |
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Sommaire
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Directeur de Publication :
ALI MAHAMADE HOUMED Codirecteur : MAHDI IBRAHIM A. GOD Dépôt légal n° : 69 Tirage : 500 exemplaires Tél : 25.09.19 BP : 1488. Djibouti Site : www.ard-djibouti.org Email : realite_djibouti@yahoo.fr
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Éditorial
L’ARD A UN AN : ET APRÈS ?
Notre fidèle lecteur s’est-il jamais demandé pourquoi, avec une telle régularité depuis sa création, notre journal n’a pas encore mis en place un service d’abonnement? En toute logique, par la fidélisation d’un lectorat disponible six mois ou un an à l’avance, une telle politique aurait certainement accru de façon significative la courbe de nos ventes. Si nous n’avons pas jugé utile ce service d’abonnement, c’est pour une raison simple qui tient au respect dû au lecteur : l’abonnement est un pari sur l’avenir que nous ne pouvons pas engager. Pas un pari de rentabilité économique, sans fausse modestie. Ce serait un pari politique, un gage de stabilité institutionnelle : prétendre, par l’abonnement, que nous serons en mesure de publier dans six mois, reviendrait à dire que ce régime de liberté contrôlée nous laissera travailler dans six mois. Ce qui reviendrait à faire croire que la démocratie djiboutienne est entrée dans les mœurs et les pratiques dirigeantes et que le pouvoir en place respecte le pluralisme de la presse. Bref, même le récent acharnement contre un représentant de la presse d’opposition est là pour démontrer qu’une politique d’abonnement donnerait à nos concitoyens une fausse illusion démocratique, qui serait l’antithèse du véritable combat pour les droits de l’Homme.
Alors que notre Parti, l’Alliance Républicaine pour le Développement a fêté le 6 octobre dernier le premier anniversaire de sa fondation, un tel paradoxe de l’action politique dans ce contexte despotique se devait d’être rappelé. Nul n’ignore que l’ARD est née d’une volonté pacifique : celle qui animait le FRUD-armé, signataire de deux accords de paix, en février 2000 et mai 2001. L’abandon de la lutte armée par nous impliquait certaines obligations pour le régime responsable de ce conflit : établir l’égalité entre les citoyens et garantir les bases institutionnelles d’une vie politique pacifiée. A ce chapitre, nul n’ignore que la distribution des cartes d’identité nationale à tous ceux qui en ont été illégalement privés, premier pas dans le respect de toutes et de tous, sans discrimination, tarde encore malgré les promesses récurrentes.
Par contre, la première confrontation du multipartisme intégral avec les réalités sociopolitiques nationales a amplement démontré qu’il y avait péril en la demeure et que, très majoritairement, les électeurs djiboutiens attendaient une relève capable d’arracher le pays aux griffes des rapaces en place. A peine trois mois après leur fondation, l’ARD et les autres partis membres de l’UAD ont administré la preuve éclatante de leur légitimité : l’alternance est une aspiration profondément ancrée, suscitée par les abus et dérapages que citoyennes et citoyens ont décidé de ne plus cautionner par leur passivité. Seules les fraudes massives ont empêché un nouveau chapitre de notre destin collectif de s’écrire.
Et c’est là que réside le problème : si tout le monde est intimement persuadé que l’actuel régime aura toujours recours à l’illégalité pour se perpétuer, faut-il alors supposer que l’ARD, comme l’UAD, au prétexte de règles démocratiques qu’elle est la seule à respecter, s’est définitivement abonnée au rôle de simple caution légale, acceptant par avance de perdre des élections truquées par avance ? Si chacun a bien conscience de notre éclatante démonstration de force et de popularité au cours de l’année écoulée, de sérieuses questions subsistent légitimement dans l’esprit de nos concitoyens : quelle est la pertinence d’un jeu politique auquel les deux joueurs n’accordent manifestement pas la même crédibilité et dont ils ne respectent pas les mêmes règles ? Comment vaincre de façon pacifique et transparente un régime qui gouverne par la force et la fraude ? Dans quelles conditions notre pays cessera-t-il enfin d’être une simple « démocratie sur le papier » pour devenir à une réelle démocratie en action, respectueuse de sa pluralité ?
Telles sont quelques unes des questions auxquelles la Nation djiboutienne devra trouver les bonnes réponses, à brève échéance : il est hors de question, pour l’ARD de cautionner par son existence, des pratiques gouvernementales totalement improductives et contraires aux aspirations populaires. Incarner l’Espoir : oui ! Entretenir l’Illusion : non !
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Brèves nationales
Campagne du RPP dans les zones rurales :
D’Obock à Yoboki, en passant par khat chemin
Avec pour seul argument le khat nourricier distribué à une échelle industrielle, le parti présidentiel à l’image de son leader nomade à l’échelle intercontinentale, bat inlassablement la brousse djiboutienne, du Nord au Sud. Dans le Sud-Ouest ( Gorabous, Yoboki, Hanlé), les missi dominici du pouvoir s’échinent à contenir la fulgurante progression de notre parti. Ainsi, la quantité de khat distribuée a presque doublé après la récente tournée de l’ARD, au grand étonnement des innombrables chômeurs de cette région, qui auraient préféré voir venir du travail, mais pas mécontents de cette générosité n’ayant rien à voir avec le Ramadan. Parmi les destinataires de la précieuse plante, beaucoup de militants de l’opposition des localités desservies mâchouillent gratis, tout en sensibilisant les populations aux idées de changement de l’ARD.
Dans le district d’Obock, c’est le même scénario de bakchich et de promesses mensongères qui reste employé. Depuis plusieurs semaines, une Toyota Pick-up immatriculée C de l’ONED serait chargée d’approvisionner en khat les populations rurales du Nord d’Obock. Dans cette région où sévit une soif endémique due à la sécheresse et à la défaillance des forages publics, quasiment sous embargo alimentaire du fait de son enclavement (alors que le financement de la route Tadjourah-Obock est disponible depuis trois ans) la mauvaise gouvernance considère-t-elle que le khat est plus précieux que l’eau et la nourriture ?
Réhabilitation de la piste Randa-Day :
Les riverains à l’œuvre comme ils peuvent
Aide-toi, le ciel t’aidera ! Après avoir attendu en vain l’aide de la fameuse « Armée de Développement » et ses engins de génie civil, les riverains de la piste Randa-Day se sont courageusement mis au travail avec leurs pelles et pioches, pour réhabiliter la voie reliant les deux villages de Goda. Les pluies diluviennes du mois d’août dernier avaient rendu impraticable cette piste de 17 kilomètres, creusant par endroits des fossés larges de 10 mètres. Pour accéder d’un village à l’autre, les usagers étaient obligés d’effectuer un large détour par la piste de Garenlé, soit plus de 80 kilomètres. L’Armée de Développement, occupée à soigner son image par des déclarations fantaisistes dans la presse gouvernementale, ou en éditant de luxueuses brochures, aura raté là une occasion de vraiment servir les populations rurales.
Rappelons par ailleurs que le village de Randa, particulièrement courtisé l’été dernier, a renoué avec l’obscurité. Depuis plus de deux mois en effet, l’électricité y a disparu, provoquant l’ire des habitants contre la mauvaise gouvernance irresponsable et incapable.
Pôle Universitaire de Djibouti :
Entre suffisance et insuffisances
Cette semaine, le Ministre de l’Éducation Nationale a signé un accord de partenariat entre le Pôle Universitaire de Djibouti et l’université française d’Amiens. A cette occasion, le Ministre s’est fendu d’un discours vantant les efforts déjà entrepris dans le domaine de l’Éducation en rappelant que cet accord « vient de compléter un ensemble d’actions menées dans le cadre des États généraux de l’Éducation, avec l’appui de fonds de solidarité déjà menées dans le cadre des États généraux de l’Éducation… ». Comprenne qui pourra : comme qui dirait, le disque semble rayé.
La réalité quotidienne dans cet établissement universitaire est malheureusement tout autre : la grogne estudiantine contre les mauvaises conditions d’étude a conduit ceux inscrits en BTS IG ( Informatique et Gestion) à déclencher une grève du 25 au 29 octobre derniers. Bénéficiaires de la formation à distance SISCO du Canada via Internet, les BTS IG ont protesté contre la suppression annoncée de cet enseignement sur le Web, suite aux exigences salariales de l’enseignant chargé de ce cours. Lequel aurait menacé d’émigrer au Canada si son salaire n’était pas revalorisé.
A la suite de cette grève, les autorités avaient promis de maintenir ce cours sur Internet, mais rien n’est encore définitivement acquis. Ainsi, lundi dernier, les étudiants se sont de nouveau mis en grève, mais cette fois-ci pour protester contre la caution de 10.000 FD exigée pour accéder à la bibliothèque. Comment des étudiants ne percevant aucune bourse, peuvent-ils débourser une telle somme, qui plus est pour un service normalement gratuit ? Comment suivre des études dans des conditions décentes, sans bénéficier des connaissances complémentaires procurées par une bibliothèque universitaire ? Entre la suffisance affichée par les responsables de l’Education Nationale, et la réalité des intolérables insuffisances dont les étudiants sont victimes, le Pôle n’est plus magnétique et notre élite de demain s’inquiète sérieusement pour son avenir.
Le Ministre de l’Intérieur
visite l’Intérieur:
Information ou propagande électorale ?
Le Ministre de l’Intérieur se faisait discret depuis sa prestation télévisée de fin septembre relative à la lutte contre l’immigration clandestine. Et pour cause : cette lutte menée tambour battant depuis l’été dernier s’essouffle peu à peu, à tel point que l’on observe un important reflux de « clandestins » vers notre Capitale. Mécontent de ce coup d’épée dans l’eau, bien sûr indépendant de sa volonté, notre Ministre de l’Intérieur s’en est donc allé dans les districts de l’Intérieur où cette lutte a réellement porté ses fruits, même si les populations rurales ont d’autres urgences à formuler.
Ainsi, le Ministre était également porteur d’une bonne nouvelle à ces populations rurales se plaignant régulièrement de la non-distribution persistante des pièces d’identité nationale. A en croire ce haut responsable, les opérations de délivrance des cartes d’identité débuteront après le Ramadan et s’étaleront sur une longue période… allant jusqu’à la présidentielle de 2005, aurait-il dû préciser pour mieux appâter les nombreuses victimes de cette discrimination. En effet, les citoyens lésés se comptent par dizaines de milliers et c’est en vertu d’une disposition contenue dans l’Accord de Paix du 12 mai 2001 que le régime a finalement accepté de les restaurer dans leur citoyenneté. En attendant ce jour, qu’en est-il des révisions effectives des listes électorales, puisque l’ombre de la prochaine consultation plane déjà sur cette tournée, comme sur les autres aspects de l’action gouvernementale ?
Port pétrolier de Doraleh :
Pourquoi le retard des travaux ?
Les travaux du futur gigantesque complexe pétrolier, dont le lancement a été inauguré l’été dernier à Doraleh, ne semblent pas démarrer comme prévu, malgré la propagande officielle sur les retombées économiques escomptées, sans préjudice bien sûr de la mauvaise gouvernance prédatrice. Pour l’heure, seuls quelques engins de travaux publics s’agitent sur les collines surplombant la mer, et les ouvriers affectés à ce projet ne sont pas aussi nombreux que l’exigerait un chantier de développement digne de ce nom. Qu’est-ce qui cloche donc dans ce projet du millénaire ?
Certaines sources se disant informées affirment pour leur part que le financement annoncé ferait encore défaut. Si le retard actuellement observé se confirmait dans les mois à venir, nul doute que le Port de Doraleh connaîtra le même sort que la raffinerie de 1991, sur le même site. Toujours est-il que pour le moment, ce port dont les travaux de construction devaient se terminer dans deux ans, semble n’être qu’un port sec…
A ce chapitre de l’esbroufe de ce régime, il n’est peut-être pas inutile d’établir un parallèle avec le destin réservé au Port de Tadjourah : inauguré en grande pompe fin 2000, et censé orienter ses activités vers l’Éthiopie via la route Tadjourah-Bouya et qui n’a pas pu obtenir de l’État les moyens décentralisés de son ambition. Il n’est plus désormais qu’un quai à boutre sur lequel, contre toute logique de développement et malgré sa faible activité, l’État prétend prélever des taxes.
Ainsi va la mauvaise gouvernance avide, cherchant à moissonner plus que ne le permettent ses maigres semailles.
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Riz made in Zone Franche
Aide internationale et contrebande présidentielle
C’est parce que nous le pensons réellement que nous le répétons s ans cesse : le régime RPP n’est pas de nature tribaliste. Certes, pour des raisons électoralistes, il cherche à provoquer une illusion de compétition entre les différentes composantes de la communauté nationale : alors que des sacs de khat sont quotidiennement distribuées aux habitants de certaines régions, c’est la promesse d’une eau minérale miraculeuse qui est faite à d’autres. Mais ceci n’est qu’apparence. En fait, tous les citoyens djiboutiens, sans aucune distinction, se retrouvent victimes des agissements frauduleux, contraires aux intérêts nationaux, des affairistes au pouvoir. C’est à l’un de ces agissements que nous nous intéressons dans ce numéro : il s’agit du détournement de l’aide internationale perpétré par la Présidence de la République.
Même la rareté de nos ressources naturelles ne peut masquer l’explication principale de la quasi inexistence d’un tissu productif djiboutien : incapable d’assurer les conditions économiques et institutionnelles d’un développement endogène, le régime djiboutien pousse l’irresponsabilité jusqu’à détourner de ses fins premières les fruits de sa mendicité internationale. En fait, l’aide extérieure n’est malheureusement pas le seul domaine dans lequel sévissent corruption, concussion et détournement. La vie politique nationale bruisse de ces rumeurs d’enrichissement miraculeux de certains responsables politiques ou administratifs.
Notre journal n’a jamais fait état de telles rumeurs : non seulement nous n’aurions rien appris à personne (certains mabrazes proches des centres de décision seraient même mieux informés) mais surtout, dans une administration ayant pratiquement perdu le sens de l’écrit, de la règle de droit et dans laquelle l’opacité s’installe de plus en plus depuis quelques années, il aurait été à peu près impossible de fournir les preuves concrètes de malversations défrayant pourtant la chronique quotidienne. C’est pourtant l’une d’elles, impliquant le sommet de l’État, que notre journal est en mesure de vous révéler aujourd’hui : elle porte sur la contrebande illicite d’un don de riz en provenance de l’Inde, comme l’atteste le document reproduit en page 5.
Pour mieux saisir la manœuvre, il faut rappeler le chemin institutionnel que prenait autrefois toute aide internationale sous forme de denrées alimentaires. Il existait un organisme d’État, l’Office Nationale d’Approvisionnement et de commercialisation (ONAC) chargé de réceptionner cette aide et de la commercialiser sur place pour le compte de l’État djiboutien. Les recettes en étaient gérées conformément aux règles en vigueur et affectées selon les nécessités budgétaires.
Or, depuis environ 1994, le fonctionnement de l’ONAC a été beaucoup plus assujetti aux fluctuations des enjeux politiciens, plus particulièrement à une nouvelle façon de faire la politique avec une nouvelle classe politique se servant autant qu’elle servait ses courtisans. Suite à cette perversion, l’ONAC a complètement disparu à l’orée des années 2000 : officiellement, il n’existe plus aucun organisme d’État spécialement chargé de gérer l’aide alimentaire extérieure. Voici pour le cadre institutionnel, ou plutôt son absence, rendant possible le gigantesque détournement que nous allons à présent relater.
Chacun s’en souvient, à son retour d’Inde, la presse gouvernementale avait largement salué une performance présidentielle ahurissante : grâce à sa persuasion, l’Inde avait accepté de fournir à notre pays une importante aide alimentaire sous forme de riz indien. Du fait que l’ONAC a disparu (c’était peut-être l’intention) ce don a été réceptionné par la Présidence de la République Djiboutienne, plus exactement par son Directeur de Cabinet, comme le montre ce document. Ce qui, en soi, ne serait pas illégal. L’illégalité réside dans le parcours qu’indique le document :
Port d’embarquement : Kandla
Port de débarquement : Djibouti
Destination finale : Éthiopie
Là réside la preuve qu’il y a bel et bien manœuvre frauduleuse, car de trois choses l’une. Soit il s’agit d’une transaction commerciale entre un vendeur privé indien et un acheteur privé éthiopien, auquel cas rien ne justifie que la Présidence djiboutienne joue les intermédiaires (dallaal, en arabe) entre deux opérateurs privés. Soit il s’agit effectivement d’un don à l’Éthiopie, auquel cas l’on ne comprend toujours pas comment le sommet de l’État djiboutien se retrouve en position d’intermédiaire. Soit il s’agit d’un don à la République de Djibouti, auquel cas rien n’explique légalement que la destination finale de ce don soit le marché intérieur éthiopien.
Or c’est bien de cela qu’il est question : les tonnes de riz dont l’Inde a gracieusement fait don à la République de Djibouti sont frauduleusement écoulées sur le marché éthiopien : même si le Programme Alimentaire Mondial ne chôme pas en matière d’acheminement de denrées alimentaires vers notre voisin sévèrement touché par la sécheresse et la famine, nul n’a entendu parler, surtout en cette période de Ramadan, d’une aide alimentaire djiboutienne au profit du Peuple frère d’Éthiopie. Tout au contraire, la suite de notre enquête, menée sur le terrain, dans les hangars de la Zone Franche portuaire qui furent le théâtre de ce détournement montre clairement qu’il y a eu malversation (suite page 6) au plus haut niveau de l’État.
Dans ces hangars, notre équipe a trouvé, et photographié, des montagnes de sacs vides de 50 KG sur lesquels l’on peut lire : « CADEAU DE L’INDE A DJIBOUTI. GIFT FROM INDIA TO DJIBOUTI ». Dizaines de milliers de sacs qui, à leur débarquement au Port de Djibouti, contenaient les milliers de tonnes de riz indien à 20% de brisures. Riz que de nombreux employés écoeurés transvasaient machinalement dans de nouveaux sacs de 50 KG, tout aussi photographiés par nos soins, où l’on peut lire : « PETRAM PRIVATE Ltd Co. FROM DJIBOUTI TO INDIA ». Sacs d’origine spontanée, comme telle richesse miraculeuse de certains détenteurs ou proches du pouvoir. Sacs dont l’incontestable matérialité est censée représenter ou justifier une opération ordinaire de commerce privé, et subitement contenir un riz pakistanais long grain à seulement 10% de brisures. Cette opération de substitution a porté, pour le seul lot en présence duquel nous avons été mis, sur 13.000 sacs représentant 650 tonnes de riz. Sur le marché djiboutien, cette transaction aurait à peu près représenté la coquette somme d’environ 60 millions de nos francs.
D’autre part, selon nos investigations, la société « Diamond Shipping Service sarl » est une société de transit de droit djiboutien, dont un des propriétaires a de solides entrées dans les coulisses du pouvoir djiboutien. De plus, sous la référence floue de « destination finale : Éthiopie » se cache un important négociant éthiopien d’origine hadaré (région de Diré-Dawa) auquel est dévolue la lourde tâche de tromper les autorités douanières éthiopiennes en écoulant ce riz détourné. Lesquelles autorités éthiopiennes, qui ont engagé une lutte sans merci contre la contrebande, auront certainement à cœur de vérifier le sérieux de nos sources et la crédibilité de nos affirmations en procédant aux contrôles d’usage.
En conclusion, il s’agit donc bien d’un don initialement destiné au Peuple Djiboutien ( dont de larges couches sont devenues nécessiteuses à cause de la politique économique et sociale improductive du régime), mais que d’autres consommateurs, éthiopiens eux, devront acheter, qui plus est selon un étiquetage relevant de la supercherie puisque le riz frauduleusement vendu par la Présidence et acquis par le commerçant éthiopien usurpe une qualité qui n’est pas réellement le sien : il est indien et non pakistanais, il comporte 20% de brisures et non 10% comme prétendu.
La malversation étant établie sans aucune contestation possible, et l’appât du gain n’étant pas une disposition rare chez les responsables et les proches du régime, il s’agit enfin de savoir pourquoi une telle malversation s’est déroulée pratiquement au vu et au su de tout le monde. Parce que ce régime méprise le Peuple au point qu’il l’estime trop anesthésié pour pouvoir s’indigner d’une telle contrebande d’État ? Certainement : il est évident qu’un régime qui confisque la volonté populaire en assurant sa réélection par la fraude électorale n’a aucune raison particulière de respecter ses concitoyens en d’autres circonstances : pour lui, la Nation n’est qu’un prétexte pour confisquer le pouvoir.
Parce que ce régime sous-estime la seule presse digne de ce nom : la presse d’opposition qu’il croit trop frileuse pour oser relater de tels scandales ? Alors, cet article est bien la preuve qu’il se trompe lourdement : chaque fois que nous aurons sérieusement établi les faits en recoupant plusieurs sources d’information, notre journal n’hésitera pas à informer les citoyens djiboutiens comme la communauté internationale, des manœuvres irresponsables et bassement mercantiles de ceux qui se servent sur le dos du Peuple en prétendant servir l’intérêt national, à quelque niveau qu’ils soient de la hiérarchie du pouvoir.
Voici donc le document attestant de façon irréfutable que la Présidence de la République s’est constituée cliente d’une société de transit pour acheminer du riz au profit d’une société privée éthiopienne. Si cette activité lucrative n’étonne personne, la seule question qui se pose est de savoir si la Présidence dispose d’une patente commerciale et si elle s’acquitte de l’impôt sur les sociétés.
Affaire à suivre..
Preuve supplémentaire de cette malversation, voici un document, de la même origine, portant sur un autre lot, toujours destiné au Directeur de Cabinet du Président de la République de Djibouti. Il s’agit toujours d’acheminement de riz indien mais, cette fois-ci, la destination finale n’est plus l’Ethiopie, mais… Djibouti.
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Courrier des lecteurs
La prostitution juvénile doit être sévèrement combattue
Notre article consacré à la prostitution des mineures, paru dans le n° 65 de Réalité a réveillé les consciences. Pour preuve, nous publions cette semaine le courrier de lecteur que nous a adressé un citoyen révolté contre les atteintes aux bonnes mœurs ayant cours dans notre société musulmane.
C’est malheureux ! Je ne pensais pas que de telles choses puissent se passer à quelques centaines de mètres de mon domicile. Pire, il est inimaginable que de telles atrocités soient perpétrées sur des mineures dans mon pays, et cela en toute impunité depuis de longues années. J’ai souvent crû sans trop réfléchir aux ragots de certaines mauvaises langues qui véhiculaient des idées erronées sur la nature et le contenu du journal « Réalité ».
J’ai toujours été un simple observateur passif de la dégradation constante de l’état du pays, des malversations financières de certains responsables, de l’appauvrissement sans fin de la population, des projets insensés et irréalisables que l’on nous promet depuis trop longtemps.
Mais je me sens profondément choqué cette fois-ci, sur la nature de la prostitution enfantine, apparemment tolérée par la Justice et les politiciens de mon pays, et paradoxalement dénoncée par « Le Canard Enchaîné », un journal étranger qui semble défendre nos fillettes et que le journal « Le Progrès » du RPP insulte étrangement.
J’ai en effet suivi ces deux dernières semaines la réaction de nos autorités face à cette information relative à l’existence d’un bordel d’enfants mineures, bordel territorialement contigu à un camp militaire français.
Aujourd’hui, même si je suis parfaitement conscient que toute l’armée française ne peut être tenue pour responsable, c’est blessé dans ma chair, attenté par l’existence à peine cachée d’un marché de détournement de mineures en République de Djibouti, au su et au vu des autorités en place, que je prends la plume pour crier mon dégoût et ma honte face à cette humiliante situation. Je me sens sincèrement affecté par cette affaire de prostitution de mineures, révélée par « Le Canard » et reprise par votre journal. Ce qui me révolte le plus, c’est surtout la passivité de nos dirigeants politiques et la stupide polémique engagée au sujet de votre article, alors qu’ils devraient accorder la plus extrême attention à cette exploitation sexuelle des mineures, quelle que soit leur nationalité. C’est donc ça qui m’amène aujourd’hui à définitivement condamner ce régime perverti à tous points de vue, politiquement, culturellement, religieusement, etc.
Je me dois d’avouer qu’avant cette triste affaire, pour diverses raisons, je n’avais pas beaucoup d’admiration pour le journal « Réalité ». Mais ce détournement d’enfants de onze ans par les militaires d’un pays censé représenter l’avant-garde du respect de la dignité humaine a vraiment de quoi choquer.
C’est effectivement une raison assez forte qui me pousse aujourd’hui à rejoindre définitivement votre camp, celui du refus de la démagogie politique. Et je m’engage personnellement à appeler tous nos concitoyens à faire preuve de courage et d’humilité, pour dénoncer ces dérives que tolèrent nos dirigeants politiques et autres garants de la loi. Il faut que toute la lumière soit faite sur ce commerce de mineures, sexuellement exploitées au profit d’une armée étrangère, dont les éléments les plus pervertis ne se permettraient jamais ces conduites chez eux, où la Justice est implacable avec ce genre de délits.
J’invite enfin par cette occasion tous les parents à exiger auprès des autorités concernées toute la vérité sur cette affaire salement inhumaine et immorale afin que le châtiment le plus exemplaire soit retenu contre les profiteurs de la misère et ceux qui assassinent l’innocence de l’enfance.
Je m’associerai à une éventuelle pétition nationale pour que justice soit rendue à ces malheureuses enfants mineures.
DHR
Commentaire
Merci pour votre courrier, qui en dit long sur les ressources citoyennes de notre pays. L’affairisme qui gangrène notre société pousse certains de nos compatriotes à se livrer à un commerce honteux et antipatriotique. Réalité poursuit son enquête et fera tout ce qui est possible pour aider à la dénonciation et au démantèlement des réseaux mafieux de la prostitution, a fortiori juvénile, dans notre pays.
LA RÉDACTION
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Uniforme ou déguisement ?
Le régime harcèle les incorporés du FRUD-armé
Discrédité aux niveaux national autant qu’international à cause de son refus persistant d’appliquer l’Accord de Paix qui le lie au FRUD-armé, et qui l’engage devant le Peuple Djiboutien, le régime invente éperdument des subterfuges pour tenter de justifier l’injustifiable. Après avoir vainement nié la réalité de sa mauvaise volonté, et après une longue période de mutisme sur l’actualité de l’Accord de Paix du 12 mai 2001, il revient aujourd’hui, peut-être parce qu’il est déjà en campagne pour la présidentielle de 2005, sur un argumentaire qui n’avait convaincu aucun observateur l’été 2001 : il serait impossible d’appliquer cet Accord car le FRUD-armé aurait caché des armes.
Lors d’une de ses innombrables apparitions télévisées, le Chef de l’État, du haut de sa suffisance, avait demandé au journaliste hébété qui l’interviewait : « Savez-vous où se trouve Alaylé sur la carte de notre pays ? » Au journaliste sidéré devant une telle connaissance encyclopédique, le Chef de l’Etat cachait comment lui connaissait ce lieu ne comprenant que quelques daboïtas : les éléments de sa Sécurité y avaient justement terrorisé d’innocents civils au prétexte que des caches d’armes se trouvaient dans les environs. Pour l’occasion ; d’anciens combattants du FRUD-armé nouvellement incorporés au sein de l’Armée Nationale Djiboutienne et en entraînement à Hol-Hol, avaient été conduits de force sur les lieux des fouilles : ils parleraient mieux, pensaient les stratèges de la Sécurité présidentielle, en présence de leurs familles terrorisés. Mais en vain : après de longues fouilles, les experts en intimidation de civils sont rentrés bredouilles. D’ailleurs, pour s’être fait l’écho de ces magouilles visant uniquement à justifier par avance la violation programmée de l’Accord de paix, notre confrère « Le Renouveau Démocratique » avait encouru les foudres du régime en et été 2001.
Voilà que la même comédie recommence aujourd’hui, avec les mêmes méthodes : des civils arbitrairement arrêtés en brousse brutalement interrogés avec des incorporés du FRUD-armé. Incorporés est un bien grand mot : le régime se refusant encore à régulariser leur situation ; certains d’entre eux étant même officiellement classés dans la catégorie des « mobilisés » qu’aucune situation de guerre ne justifie plus aujourd’hui. Ainsi, à Obock comme à Djibouti ; nos incorporés sont aux arrêts de rigueur et brutalement interrogés par les « spécialistes » du SDS. Inutile de dire que cette thèse de caches d’armes est absolument fantaisiste : qui peut croire sans rire que le Président Dini, véritable initiateur de cette paix que la Peuple dans son ensemble attendait, se préparait en fait à reprendre le maquis, escomptant selon eux un appui grâce à ses accointances islamistes ?
Il s’agit donc bien évidemment d’une nouvelle manœuvre dilatoire que nous condamnons ave la plus extrême vigueur : comme nos concitoyens, nous y voyons plutôt une raison supplémentaire de débarrasser notre pays d’une classe politique aussi irresponsable et n’hésitant pas, dans le seul but de rester au pouvoir, à mettre en danger une paix si durement acquise.
Nous n’aurions pas évoqué outre mesure de tels subterfuges si d’innocents civils n’étaient à ce point terrorisés et si la dignité de nos incorporés n’était sans cesse bafoué par un régime sans respect pour l’uniforme qu’il assimile à un déguisement : ses soldats ne seraient que des miliciens privés tandis que nos incorporés ne seraient que des guérilleros en embuscade. Car, si le pouvoir respectait à la fois le caractère normalement républicain des forces de défense et de sécurité, et le statut régulier de nos incorporés, nous ne nous sentirions pas obligés de prendre la défense de nos anciens compagnons de lutte. Par cet acharnement, le régime semble surtout souhaiter que nos incorporés restituent leurs uniformes : il suffisait de le demander. Comme cela, l’actualité caduque de l’Accord de paix en vertu duquel ils ont été incorporés deviendra effectif et chaque partie signataire n’aura plus qu’à assumer ses responsabilités. En tout état de cause, nos instances dirigeantes se réuniront très bientôt pour statuer sur ce point.
Après le refus présidentiel d’indemniser les civils dont les biens ont été détruits ou pillés par les troupes gouvernementales, de dédommager les anciens militaires, gendarmes et policiers, d’intégrer nos cadres dans l’administration et après la mesquinerie présidentielle de suspendre illégalement le salaire des rares « réintégrés » du FRUD-armé dans la fonction publique, cette énième provocation prouve bien que le régime cherche à consolider le mensonge comme mode de gouvernement. Ce qui ne peut évidemment pas nous laisser indifférents, au même titre que le sort de nos démobilisés, retenus prisonniers à Djibouti, dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine, alors qu’ils sont titulaires d’une carte de démobilisé délivrée par le PRAC.
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