L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.
Nouvelles informations :
L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire de M. Omar Ali Ewado, membre fondateur de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH).
Selon les informations reçues, le 10 janvier 2016, M. Omar Ali Ewado a comparu devant le Tribunal correctionnel de Djibouti. Il est poursuivi pour « diffamation publique » (article 425 du Code pénal) et « tentative d’entrave à l’exercice de la justice » (article 420 du Code pénal) pour avoir publié une liste de victimes et de disparus lors d’un massacre perpétré par les forces de l’ordre le 21 décembre 2015 à Balbala[1].
Au cours de cette audience, M. Omar Ali Ewado a réfuté les charges portées à son encontre. L’avocat général a quant à lui requis 12 mois d’emprisonnement ferme contre M. Ewado. Alors que le procès aurait dû être ouvert au public, aucun proche de M. Ewado n’a pu accéder à la salle d’audience.
La chambre correctionnelle a renvoyé l’affaire au dimanche 17 janvier 2016.
L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation quant à la détention arbitraire de M. Omar Ali Ewado et les poursuites judiciaires manifestement abusives à son encontre, en ce qu’elles ne semblent viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme. L’Observatoire appelle les autorités djiboutiennes à libérer M. Omar Ali Ewado de manière immédiate et inconditionnelle, et à mettre un terme à toute forme de harcèlement à son encontre.
Rappel des faits :
- Omar Ali Ewado a été arrêté le 29 décembre 2015 en début d’après-midi près de l’hôpital militaire français Bouffard, où il était venu rencontrer un jeune député de l’opposition hospitalisé. Peu après son arrestation, M. Ewado a été embarqué à bord d’un véhicule de la Gendarmerie nationale et conduit à la Section de recherche et de documentation (SRD) de la Gendarmerie.
Le 30 décembre au matin, M. Ewado a été conduit par des gendarmes armés à son domicile, où se situe également son bureau, dans le cadre d’une perquisition. Des documents et l’unité centrale de l’ordinateur de M. Ewado ont été saisis.
Le 31 décembre, il a finalement été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Gabode. Au 4 janvier 2016, sa famille n’aurait toujours pas été autorisée à lui rendre visite.
Le 3 janvier 2016, M. Omar Ali Ewado a comparu devant la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Djibouti. Ce jour-là, l’affaire a été renvoyée au 10 janvier.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie d’intervenir auprès des autorités de Djibouti et de leur demander de:
- Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Omar Ali Ewado, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme djiboutiens ;
- Libérer M. Omar Ali Ewado de manière immédiate et inconditionnelle en ce que sa détention ne semble viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;
- Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Omar Ali Ewado, ainsi qu’à celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti, afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;
- Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à :
– son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
– son article 6(b), qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances su tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales” ;
– son article 12.2, qui dispose que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la […] Déclaration” ;
5. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.
Adresses :
- Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 21 35 50 49 / 00 253 21 35 02 01.
- Monsieur Ali Farah Assoweh, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 21 35 54 20
- M. Maki Omar Abdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 21 35 69 90, Email :likmik@caramail.com
- S.E. Mohamed Siad Doualeh, Ambassadeur, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Tel : +41 22 749 10 90, Fax : + 41 22 749 10 91, Email : mission.djibouti@djibouti.ch
- Mr. Omar Abdi Said, Ambassadeur de Djibouti auprès des Pays du Benelux et de l’Union Européenne, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : +32 2 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : ambdjib@yahoo.be
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos pays respectifs.
[1] Le 21 décembre 2015, des civils ont été victimes d’une répression sanglante par la police et l’armée djiboutiennes lors d’une célébration religieuse à Buldhuqo dans le quartier de Balbala, en périphérie de Djibouti-ville. Au moins 27 personnes ont été tuées et 150 blessées. Le même jour, sept hauts représentants de l’Union pour le salut national (USN, coalition de partis d’opposition) ont été attaqués par un raid de policiers.
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Date: 11 janvier 2016
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