Morts : 28. Blessés : 52. Disparus : 34. Prisonniers : 13. La liste nominative établie par la Ligue djiboutienne des droits de l’homme (LDDH) fait froid dans le dos. Toujours provisoire, elle jette une lumière crue sur l’effroyable massacre perpétré le 21 décembre dernier par le régime djiboutien.
Ce jour-là, la police, puis la garde présidentielle et l’armée tiraient à balles réelles sur la foule rassemblée pour une cérémonie traditionnelle à Bouldhouqo, dans le faubourg de Balbala. Pour tenter de justifier ce carnage, le ministre des Affaires étrangères, Mahamoud Ali Youssouf, évoque la présence de personnes « armées de couteaux, de machettes » et même de « kalachnikovs ».
Mensonges, rétorque l’Union pour le salut national (USN), une coalition de sept partis d’opposition, qui décrit une attaque arbitraire et délibérée contre des civils. Quelques heures après la tuerie, alors que l’USN tenait une réunion de crise, les barbouzes du régime conduisaient « un véritable raid » contre les opposants, cibles, à leur tour, de tirs à balles réelles. L’assaut a causé de graves blessures au président de l’USN, Ahmed Youssouf Houmed, victime de fractures du col du fémur, à l’ancien ministre de la Justice Hamoud Abdi Souldan, roué de coups, et au député Saïd Houssein Robleh, atteint par deux balles dans le cou. Tous ont été transportés à l’hôpital militaire français Bouffard, dont les policiers, munis d’un mandat d’amener, font, depuis, le siège.
Des populations civiles sont régulièrement prises pour cibles
Ce déchaînement de violences s’inscrit dans une logique répressive qui connaît depuis un an un dangereux crescendo. Des populations civiles sont régulièrement prises pour cibles, privées d’accès aux points d’eau pour complicité présumée avec le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud), un mouvement politico-militaire prônant « l’État de droit, la démocratie et la justice sociale ».
En octobre, 53 personnes étaient arrêtées et torturées à cause de leurs liens de parenté avec des membres du Frud, 25 d’entre elles sont toujours incarcérées à la prison de Gabode et privées des soins qu’exige leur état de santé. Et depuis l’instauration de l’état d’urgence, le 25 novembre, plus d’une centaine de militants ou sympathisants de l’USN ont été arrêtés. Autant de symptômes de la fébrilité du dictateur Ismaïl Omar Guelleh, candidat à un quatrième mandat en avril 2016, après la révision constitutionnelle contestée de 2010.
Sur ce confetti d’empire entre mer Rouge et golfe d’Aden, Guelleh fait régner la terreur depuis 1999. Longtemps, ce satrape a bénéficié de la complice passivité de la France et des États-Unis, qui disposent à Djibouti de bases militaires stratégiques. Mais ses fidèles alliés semblent prêts à le lâcher. Après ce sanglant épisode répressif, le pire depuis le massacre d’Arhiba qui avait fait 59 morts et 88 blessés dans les rangs de l’opposition le 18 décembre 1991, Washington condamne « les violences » du 21 décembre et appelle à « la libération immédiate des dirigeants de l’opposition détenus ».
Si docile depuis son accession au pouvoir, Guelleh voit désormais « la main de l’étranger » dans les demandes démocratiques de l’opposition. Prêt à tout pour garder le pouvoir, il recherche des appuis du côté de Pékin, qui devrait disposer d’une base navale sur les rives du détroit de Bab al-Mandab « d’ici fin 2017 ». « Guelleh sait que le peuple ne prête plus attention à ses promesses et ses mensonges, résume l’écrivain Abdourahman Waberi. Il a recours à son arme secrète : la stratégie du chaos. »
Source : l’Humanité