Compte rendu de la conférence sur la situation à Djibouti
Samedi 22 juin 2013
Si la première conférence du 20 avril a permis de décrire l’impasse politique que traverse le pays et les limites des actions des partis, celle du 22 juin qui a duré de 15 à 19h a été l’occasion de débattre de la transition et de la refondation démocratique. Ce fut aussi l’occasion de dresser un constat des violations des droits humains (arrestations, tortures, dernière victime le 7 juin est Sahal Ali Youssouf mort sous la torture).
A la 1ère table ronde modérée par le chercheur franco-guinéen Sy- Savané Saliou, Moussa Mohamed Ainaché personnalité politique de l’opposition djiboutienne de longue date, a ouvert la discussion sur la manière de faire participer l’ensemble des forces politiques et associatives au processus d’un dialogue inclusif sur l’avenir de Djibouti. Il a estimé que la coordination des forces démocratiques est indispensable pour mettre un terme à la dictature. Il a plaidé pour une période de transition pour mettre en œuvre les réformes politiques, traiter les questions de la citoyenneté et de la sécurité ainsi que les refontes des listes électorales, préconisées aussi par la Coordination Nationale pour la démocratie à Djibouti (CNDD) crée en février 2012.
Jean-Loup Schaal, président de l’Association pour le Respect des Droits de l’Homme à Djibouti (ARDHD), pionnier dans la défense des droits humains, a attiré l’attention sur la continuité de la répression à Djibouti et a lancé un appel en faveur des réfugiés djiboutiens vivant dans des conditions dramatiques depuis 20 ans en Ethiopie et sur la nécessité de se mobiliser pour leur porter assistance. Il n’a pas manqué en tant qu’observateur de la vie politique de Djibouti, de pointer le déficit programmatique de l’opposition.
Ali Coubba, président d’UGUTA et coordinateur de CODED, a aussi émis des réserves sur le programme de l’union pour le salut national (USN) et a appelé à l’unité de l’opposition en s’inspirant des idées des grands hommes djiboutiens tels Mahmoud Harbi ou Ahmed Dini.
Les représentants des partis membres de l’USN, Maki Houmed Gaba (représentant de l’ARD en Europe), Hachin Loita Ahmed (représentant de l’UDJ en Europe) et Abdourahman Boreh, homme d’ affaires et délégué diplomatique de l’USN ont rappelé dans quelles conditions l’USN a mobilisé les Djiboutiens et remporté les élections législatives de février 2013. Ils ont rappelé le programme de gouvernement de l’USN.
Pour Maki Houmedgaba, trois temps de refondation démocratique ont marqué Djibouti depuis l’indépendance. Lutte armée à partir de 1991 ; boycott politique et dénonciation des pratiques du régime de 2003 à 2013 dans un contexte de terreur social; contestation populaire et stratégie proactive USN depuis 2013. La mobilisation en cours depuis février 2013 trouve un relais croissant auprès de la communauté internationale, a informé Maki Houmedgaba, ainsi qu’auprès de la diaspora djiboutienne. Abdourahman Boreh a ajouté que l’USN était prête à accueillir les autres forces politiques et a invité Ali Coubba à rejoindre l’USN.
Après une pause, une deuxième table ronde a pris place, animée par Acheik Ibn Oumar (ancien ministre des affaires étrangères du Tchad) qui a eu à animer un débat fort intéressant. Hassan Ahmed Mokbel (responsable des affaires extérieures du FRUD) et Hachin Loita Ahmed pour l’UDJ-USN ont présenté leurs visions politiques sur la refondation démocratique.
Hassan Mokbel a rappelé que le FRUD a œuvré pour l’unité de l’opposition depuis sa création en participant à plusieurs coordinations y compris à la CNDD ou en favorisant d’autres rassemblements comme l’USN.
Rappelant les limites des actions des partis politiques face à un pouvoir violent Hassan Mokbel a expliqué au nom du FRUD qu’en dernière analyse, paraphrasant un proverbe sud-africain qu’il était difficile de se défendre contre les attaques des bêtes sauvages les mains nues.
Hachi Loita Ahmed, engagé dans le processus électoral dans le cadre de l’USN, a exprimé sa préférence pour les actions pacifiques en cours. Il a rappelé à son tour que tous les soutiens étaient les bienvenus pour enrichir le débat sur le projet de société porté par l’USN.
Les deux présentations ont été suivies par une séance-débat. Plusieurs participants ont indiqué qu’il était indispensable de débattre des enjeux cruciaux pour l’avenir de ce pays au sein de chaque formation, de chaque coalition, et au sein même de chaque association afin de favoriser l’élaboration d’idées politiques novatrices. Certains dans la salle ont lancé un appel à la coalition USN, à la diaspora, à la résistance du FRUD pour instaurer un débat ouvert sur l’unité de l’opposition et pour préparer en toute sérénité l’après Guelleh.
Invitée à la conférence, la juriste internationale Isabelle Hirayama a assuré de son soutien l’oppostion djiboutienne et l’USN en particulier et a soulevé la question de la laïcité.
Cette conférence a permis de rompre avec les pratiques dominantes dans le paysage politique djiboutien y compris dans le milieu d’opposition, à savoir le refus de débat et le rejet de toutes les paroles dissidentes. Un orateur a même proposé la tenue des états généraux de l’opposition afin de bien préparer la transition vers la démocratie et d’échapper ainsi à une possible phase marquée par le désordre et le chaos ou encore par la confiscation de la démocratie et des libertés comme on le voit dans certains pays.
De nombreux djiboutiennes et djiboutiens ainsi que des démocrates africains et français ont assisté à cette conférence parmi lesquels on remarquait le vice sultan de Tadjourah (personnalité coutumière respectée), M Chehem Ahmed, le représentant du MLPS (Soudan) et du président de l’Amicale panafricaine.